CHAPITRE 2

Par Smi

9 avril 1988

Martial avait passé une jeunesse heureuse dans ce petit village, entouré de ses parents et de sa sœur cadette, à quelques kilomètres seulement d’Aix-en-Provence et de Gardanne.

Ses parents tenaient le seul commerce alimentaire du village, installé sur la place centrale, entre l’église et la mairie, face au café du commerce. Ils étaient connus et reconnus pour leur simplicité, leur sympathie à l’égard de tous  et le sérieux de leur petite affaire. Martial avait grandi au milieu des rayons alimentaires, toujours disposé à prêter main forte aux livreurs, à ses parents ou à la clientèle.

Tel un roman de Pagnol, « le temps passait et faisait tourner la roue de la vie comme l’eau celle des moulins » (Marcel Pagnol  Le Château de ma mère), dans un désert de garrigue, paysage de rêve aux senteurs de lavande. Comme l’auteur, cinéaste et producteur né à Aubagne, Martial vivait tout simplement son enfance en créant du souvenir, le « Temps des Secrets », le « Temps des Amours ».

Elève plutôt studieux, Martial n’avait qu’une  passion en dehors de sa scolarité, les sports mécaniques et plus particulièrement le deux roues tout terrain.

Pour satisfaire cette passion, il  avait acheté  avec son ami d’enfance une ancienne bécane, comme ils disaient à l’époque, tout à fait  hors d’usage .

Ils avaient transformé la moto « collector » en machine de compétition digne de pouvoir réaliser les plus belles course d’endurance.

Ils avaient aménagé leur propre atelier dans un coin du garage parental et se rendaient régulièrement sur le marché aux puces à Gardanne, pour y acquérir à moindre frais quelques outillages.

Ils avaient même déniché pour quelques francs seulement la revue technique de l’engin, documentation on ne peut plus indispensable pour des amateurs en mécanique comme eux.

Apres de longues après midi passées les mains dans le cambouis, chacun rentrait chez soi, les vêtements et les mains noircis, les cheveux gras parfumés à l’huile de vidange, repus mais heureux.

Fiers de leurs exploits techniques, les deux amis sillonnaient les garrigues environnantes, tantôt l’un tantôt l’autre au guidon de leur machine unique, poussant leurs escapades jusqu’à la montagne Sainte-Victoire, le célèbre mont Venturi en provençal.

Là,  sur ce massif calcaire à plus de mille mètre d’altitude, rendu célèbre par les peintures de Cézanne, ils pouvaient avoir une vue féérique sur toute la région Aixoise. Comme ils se plaisaient à le dire, ils étaient dans la carte postale.

Les plus beaux espoirs naissaient alors dans l’esprit des deux garçons, allant jusqu’à s’imaginer au départ d’une course mythique telle que le Paris-Dakar. Photos, posters et autres autocollants décoraient le garage transformé en paddock.

L’édition 1987 du célèbre rallye auto moto avait  à jamais marqué les esprits. La course avait était intense entre les prétendants au titre. Au plus près de la victoire, Hubert Auriol avait été victime d'une terrible chute et se brisait les deux chevilles. Contraint à l'abandon, il laissait Cyril Neveu l'emporter pour la 5ème fois dans la catégorie motos. Mais c’était bien la photo du perdant, de leur idole du moment qui s’imposait avec fierté dans leur antre.

Les deux jeunes gens rivalisaient d’ingéniosités pour améliorer leurs performances tant physiques que mécaniques. A force de passages répétés dans les garrigues,  ils avaient fini par incruster leurs traces de roues sur le sol aride de leur Provence natale et réalisé le tracé d’un circuit idéal, leur circuit.

Martial et Damien étaient devenus les meilleurs amis du monde, aussi complices dans leurs vies personnelles que sentimentales et envisageaient déjà un univers professionnel commun.

Martial  avait déjà un goût prononcé pour les monuments ou les constructions anciennes et plus particulièrement pour l’aménagement de l’espace, la gestion des volumes.

Damien, quant à lui, était plus attiré par la décoration des espaces citadins contemporains. Il se sentait une âme d’artiste, de créateur des temps modernes.

Leurs complémentarités poussaient les deux amis à s’imaginer déjà associés dans ce qui deviendrait le plus grand cabinet d’architecte de Provence. Mais avant de mériter cette réussite, il leur  fallait réussir le baccalauréat et entrer à l’école d’architecture, ce dont ils ne doutaient pas une seule seconde compte tenu de leur motivation.

Mais l’heure des révisions du bac avait déjà sonné.

Les deux lycéens profitaient même des heures de mécaniques pour  développer et échanger leurs réflexions sur les sujets probables des épreuves à venir.

Ils étaient restés intarissables sur le dernier sujet de philosophie : « Suis-je ce que mon passé à fait de moi ? »

Puis à tour de rôle chacun enfourchait l’engin de compétition pour une virée dans les chemins poussiéreux de ce printemps méditerranéen.

Ce samedi matin du mois d’avril 1988, Martial avait décidé de changer son parcours habituel et de s’aventurer dans des sentiers moins pratiqués, ce qu’il aurait lui-même qualifié de hors piste. Au sortir d’une zone aride qui offrait une large visibilité, il s’engagea à vive allure dans une pinède ou le chemin s’élargissait.

L’ombre des arbres offrait un tel contraste de luminosité par rapport  au parcours à découvert que sa vue n’eut pas le temps de s’adapter. Il ne vit pas le fil de clôture qui traversait de part en part sa trajectoire, à hauteur d’homme et solidement amarré aux deux poteaux placés de part et d’autre du chemin privé.

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Ysaé
Posté le 03/07/2020
J'aime beaucoup ton style, et ces desciption du sud m'ont dépaysé ! Tu sembles bien connaître les environs et l'amour de ces lieux transparait au fil des mots.

Pas grand chose à redire, une petite répétition de "ils", lorsque que tu commences à parler des deux amis.
Je me demande d'ailleurs ce qu'il est advenu de Damien, surtout que ce n'est pas lui qui a l'accident. Quel rôle va t-il jouer dans la suite de cette histoire... mystère mystère
Smi
Posté le 10/07/2020
Bonjour Ysaé. Merci pour ton commentaire. Je ne cache pas que Google m'a vraiment aidé pour la reconnaissance des lieux ! Comme tu le suppose, Damien ne va pas disparaître...à suivre !
_HP_
Posté le 11/05/2020
Coucou !

Mais... Mais non... faut pas arrêter maintenant !!
Nan, en vrai, ça c'est les plaintes d'une lectrice frustrée, mais c'est très bien joué, et on a qu'une envie : appuyer sur le bouton Suivant qui parait nous tendre les bras :p
C'est très intéressant de connaitre le cadre de vie dans lequel a grandi Martial.
Je me répète mais ta plume est très belle ^^

Des pitites choses ^^

• "digne de pouvoir réaliser les plus belles course d’endurance" → courses
• "La course avait était intense entre les prétendants au titre" → avait été
• "Les deux jeunes gens rivalisaient d’ingéniosités pour améliorer" → ingéniosité
• "il s’engagea à vive allure dans une pinède ou le chemin s’élargissait" → où le chemin
Smi
Posté le 20/05/2020
Hello. Ton commentaire sur le style est encourageant. Bien vu pour toutes ces petites .
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