Chapitre 2

Par Elka

La famille Mäkinen est au regret de vous annoncer la mort d’Anton, à l’âge de 38 ans.

 

Liv avait épluché d’autres avis de décès sur le site Internet avant d’en revenir à celui-ci. La sobriété paraissait de mise, dans cet exercice. Manifestement, cela ne servait qu’à indiquer la date et le lieu de l’enterrement.

Il lui avait fallu utiliser Google map pour repérer la petite ville d’à côté où, dans huit jours, on enterrerait Anton Mäkinen. Elle avait même vérifié comment s’y rendre avant de renoncer en se mordant la lèvre inférieure. Quand même pas.

Elle sursauta quand son téléphone vibra dans sa main, et soupira quand la musique du réveil s’enclencha. Elle s’était réveillée avec les poules, après être tombée d’épuisement vers une heure indécente. Ses yeux la piquaient déjà de fatigue mais son cerveau se révélait beaucoup trop alerte et à fleur de peau pour qu’elle envisage de sécher la fac un jour de plus.

Parce qu’il fallait bien reprendre.

Reprendre la fac.

Reprendre son traitement.

— Un traitement qui sert à rien, marmonna-t-elle sombrement en fixant le plafond.

En témoignait son avant-bras, que décoraient désormais deux traits de marqueur noir.

Dans les couloirs, c’était la cavalcade. La seule idée de s’y mêler révulsait Liv, mais rester là à ruminer ses souvenirs de la veille se révéla vite bien pire. Les vers dans son assiette. Les clémentines pourries. Elle avait l’impression de sentir encore le parfum piquant des agrumes.

— Mes médocs, se morigéna-t-elle.

Pour l’heure, qu’importait s’ils n’avaient pas chassé définitivement les Yeux Noirs, ils l’empêcheraient au moins de virer paranoïaque. Un problème sanitaire au RU, la belle affaire ! Elle pourrait trouver, en deux clics, au moins quarante histoires semblables ! Quant à des fruits périmés, c’était pas surprenant sans frigo.

Son rispéridol ne se trouvait pas sur la table de chevet, et elle se souvint avoir froissé la boîte, puis de l’avoir jeté… quelque part. Dans son état de la veille elle avait dû shooter dans le paquet sans y prêter attention.

Oui, voilà, sous le lit. Elle se mit à plat ventre pour l’attraper et, les doigts autour du carton, se figea.

Son cœur cognait et sa peau rougissait de la certitude qu’on l’observait. Elle, à poil sur le sol de sa chambre, le bras sous le pieu, tétanisée de honte. Elle tourna doucement le visage, puis se remis à genoux, les bras croisés sur ses seins.

Personne.

Bien sûr. Bien sûr bien sûr bien sûr.

Elle goba son comprimé sans eau et se fit la promesse de ne plus manquer un jour de traitement.

 

Elle n’avait pas été assidue au point d’arriver à l’heure à la fac. Mais finalement, même en attendant que la salle de bain soit vide pour se laver et en faisant un détour pour se prendre un muffin à la boulangerie, elle ne manqua qu’un cours. Même si elle pénétra dans l’amphi du suivant au tout dernier moment. Elle prit place au premier rang, comme d’habitude pour ne pas avoir trop de visages en ligne de mire, et reçut un SMS au bout d’une minute. Hugo.

 

« On a essayé de te faire signe. On est en haut. Tu nous attends à la sortie ? »

« OK » répondit-elle d’un index.

 

Pourquoi était-elle venue en cours ? Elle se sentait pas bien. Trop de gens. Elle se frotta nerveusement l’avant-bras, renonça à ses notes et cacha le téléphone derrière sa trousse.

 

« Comment tu vas ? »

« Bien. »

 

Elle tapa tout de même un autre message. Elle ne voulait pas qu’ils la pensent fâchée contre eux.

 

« J’ai mal dormi, mais ça va. Vivement la fin du cours. »

« Conseil d’ami : se mettre au fond, c’est vachement pratique pour rattraper ses heures de sommeil. »

 

Elle sourit et retourna sur le Facebook d’Anton Mäkinen. Le dernier message posté lui arracha un battement de cœur.

 

« On t’a attendu toute la nuit, Anton. Même quand on a appris ta mort. On t’a attendu. Les soirées ne seront plus jamais les mêmes sans toi. »

 

Elle revit l’article, lu la veille sur le lieu de l’accident. Elle revit les mots disant qu’Anton Mäkinen se rendait chez des amis. Cet ami, possiblement. Elle cliqua sur le nom (Jérémy K.) mais n’appris rien d’intéressant sur sa page. Même la photo de profil (une perruche) ne pouvait rien révéler.

Jérémy K. Jérémy K. Jérémy K.

Elle retourna le nom dans sa tête et sur sa langue. Elle était persuadée de l’avoir déjà entendu ou lu quelque part, mais impossible de retrouver où. Elle retourna sur l’avis de décès du journal en ligne, mais il n’y était pas mentionné. Elle éplucha de plus vieux messages de condoléances mais ne le trouva pas non plus. Elle chercha son profil sur les réseaux sociaux mais il avait rendu sa page privé, et elle ne put qu’apprendre qu’il habitait dans sa ville.

Elle coupa son téléphone et essaya de se concentrer sur le cours. Quelque chose à propos de Dante et son cinquième cercle de l’Enfer.

Jérémy K.

Elle nota quelques mots sur sa feuille, mais impossible de savoir réellement à quoi ils correspondaient. Elle n’avait rien écouté. Sa voisine l’appela d’un « psst » agacé pour lui demander d’arrêter de taper du pied.

C’était très certainement lui, l’ami qu’Anton Mäkinen devait retrouver avant de croiser fatalement sa route. Il n’habitait peut-être pas très loin. Mais à quoi bon ?

Une date s’ajouta sur sa copie double. Une date toute seule et toute nulle posée au milieu de rien. Sérieusement, pourquoi était-elle venue en cours ? Liv abandonna l’écrit en envisageant vaguement d’écouter à la place. Elle tressa plusieurs de ses mèches en tendant l’oreille, étudiant sans les voir les chaussures cirées de son prof.

— Quoi encore ? pesta-t-elle en se tournant vers sa voisine.

Elle ne faisait plus de bruit. Mais l’intéressée lui renvoya un regard interrogateur, sourcils froncés (visage normal) : elle n’avait rien dit.

Liv s’excusa (mais peut-être qu’elle bougea juste les lèvres) et se tourna vers sa gauche. Personne.

Une nouvelle dose de stress parcourut ses veines, au rythme de plus en plus rapide de son palpitant. Elle reprit son téléphone, retourna sur le profil de Jérémie K. et cliqua sur « envoyer un message ».

 

Liv sécha les deux dernières heures de sa journée pour retrouver Jérémy K. en centre-ville. Elle promit à Meyline et Hugo d’être prudente et de les contacter à la fin du rendez-vous. Elle leur passa même l’adresse, au cas où.

Ils avaient proposé de l’accompagner, mais elle avait refusé.

Toute la journée, à intervalles réguliers, la sensation d’être observée l’avait suivi. Au RU le midi. Aux chiottes. En amphi’. Elle n’en pouvait plus. Se retrouver seule pour ce trajet (cette mission, quasi) lui donna l’impression de respirer.

Ce qu’elle respira, c’était un air brouillardeux qui posait sur sa langue un goût de pièce humide et renfermée. Le gris du ciel s’était mis à tomber sur la ville, et elle marcha la tête basse, les cheveux gonflés par l’écharpe et répandu sur son col et ses épaules comme une méduse échouée. Il faisait froid. Elle marcha vite, à s’en faire chauffer les cuisses, plus habituées à la feignardise. Ses pieds battèrent la terre, l’herbe rase, puis le macadam jusqu’à un café dans une rue passante. Liv se colla au mur, mains dans les poches et nez au sol, rassemblant son courage pour hisser le menton.

Et si quelqu’un d’autre avait les yeux noirs ? Si ça recommençait ?

Et si elle s’en foutait, pour une fois ?

Elle leva le visage, l’air bravache mais la trouille au ventre. Heureusement, les gens à l’entour étaient parfaitement ordinaires, de même que l’homme qui s’approcha d’elle avec hésitation.

— Liv ? demanda-t-il après une seconde de gêne.

— Oui, c’est moi.

Ils se serrèrent maladroitement la main, et Jérémy K. l’invita à entrer.

Liv eut la sensation d’un lieu rond et douillet. Au comptoir, on pouvait commander des muffins, ou du carrot cake vêtu d’un beau glaçage brillant et appétissant. D’un côté, de hautes tables habillées de tabourets de bars – pris d’assauts par ceux qui avaient besoin de brancher leur ordinateur – et de l’autre, de petites tables cosy agrémentées de poufs pour certaines, de fauteuils en rotin pour d’autres.

— Anton venait ici très régulièrement, déclara Jérémy K. après une minute à jouer les plantes vertes sur le seuil. Va t’asseoir, je te prends quoi?

— C’est moi qui paye. Dis-moi plutôt ce que toi, tu prends.

Il ne protesta pas, ce qui était sommes toute parfaitement logique : c’était Liv qui avait demandé le rendez-vous. Elle lui assez reconnaissante d’avoir accepté pour lui offrir un thé.

— Je vais aussi prendre un muffin aux myrtilles, annonça-t-elle au serveur. Ils sont vraiment très bons.

— C’est gentil, je transmettrai aux cuisines.

Tandis qu’il mettait le muffin sur un plateau et lançait les boissons, Liv se repassa la courte discussion. Comment pouvait-elle savoir qu’ils étaient bons ? Elle n’y avait jamais goûté. Elle se retourna précautionneusement, étudiant le sol et écoutant la rumeur ambiante. Elle connaissait cet endroit. Elle connaissait ces fauteuils et ces tapis disparates et usés, elle connaissait la façon dont la lumière s’étalait sur le sol par les lampes et les vitres.

C’était le plus fort déjà-vu de sa vie.

— Et voilà.

Elle prit les consommations, un peu fébrile, et rejoignit son invité. Il avait choisi une table près de la vitre, la sortie et les serveurs en ligne de mire. Il remercia Liv quand elle posa le plateau, prit sa boisson sans la boire, et le silence s’installa.

C’était à Liv de parler, naturellement. C’était elle qui avait demandé à le voir. Elle qui l’avait contacté le matin même. Mais c’était aussi elle qui, la gorge nouée, se raccrochait à sa tasse comme un noyé à sa branche, le cou grippé, terrifiée à l’idée d’un contact visuel.

Mais il était normal.

Et elle en avait marre de se bloquer ainsi.

Marremarremarre.

Puisque ce foutu médoc ne marchait pas.

Elle se concentra alors sur les mains de Jérémy K. ; des ongles courts, des doigts épais et des traces de couleurs aux jointures. De la peinture ? Un artiste ? Elle suivit la ligne de ses bras (musclés, manches retroussées aux coudes), parcourut du regard sa chemise à carreaux en laine pour atteindre la barbe mal soignée qui grignotait ses joues, dépassa un nez busqué pour s’ancrer enfin aux prunelles brunes qui l’étudiaient fixement.

Liv entrouvrit les lèvres, mais dut déglutir avant de réussir à articuler :

— Je suis désolée pour votre ami.

La tristesse coula sur les traits de Jérémy K. comme une aquarelle laissée sous la pluie.

— Merci. Ça a dû être dur pour vous aussi. Je… je suis heureux que vous n’ayez rien. Anton doit être rassuré, là où il est.

Elle acquiesça distraitement, son esprit tournant et retournant ce prénom (Anton) dans la bouche d’un être aimé.

— Comment il était ?

Jérémy K. eut une seconde de surprise (sourcils remontant jusqu’à la frange, les poils de ses joues semblant se tendre à la question) puis se détendit, eut un fantôme de sourire et s’autorisa une gorgée avant de répondre :

— Anton était volontaire. Frondeur.

Il réfléchit une seconde, perdant son attention dans les poutres du plafond, un sourire absent à la commissure des lèvres.

— Il aimait les polars et les essais philosophiques, les films d’actions et le thé. Ce salon de thé (il eut un geste de la main pour désigner le cadre) était son préféré. Il venait souvent lire ici. Au moins une fois par semaine, si ce n’est deux. Il se mettait là-bas, je crois.

Son index désignait un point derrière Liv, qui se retourna. Un coin de fenêtre, une table ronde et une banquette recouverte d’un tissu. Lumière jaune, bois brun et linge écru. À la fois dans le café et à l’écart, une place que Liv aurait choisi aussi, si elle avait eu le courage de venir lire dans un lieu public.

Quand elle se retourna, Jérémy K. souriait franchement, un reflet humide dans les yeux.

— J’en suis sûr, en fait. C’était exactement là.

Elle regarda ailleurs quelques secondes, puis demanda du bout des lèvres :

— Est-ce que ça vous ennuie si vous demande d’autres choses sur lui ?

— Quel genre de choses ?

Il avait un talent certain pour paraître méfiant sans perdre de sa douceur polie. Son attention ne la quittait pas. Quand il se remit à boire son chaï latte, la lueur méfiante de son regard passa par-dessus le bord de sa tasse. Liv ne se sentait ni en droit de mentir, ni en droit de rétro-pédaler.

— N’importe quoi, avoua-t-elle en nouant les poings sur ses cuisses. J’aimerais le connaître. Je…

« Je m’en veux. » aurait-elle voulu dire. Puis pleurer. Puis s’excuser. Puis renifler. Puis espérer que Jérémy K. ait un geste pour la réconforter, la rassurer.

Nul. Nulnulnulnul.

Elle n’était pas là pour qu’un ami en deuil la supporte dans son malheur. Ce scénario-là, cette Liv lâche et plutôt égoïste, ne lui plaisait pas.

— Je voudrais en savoir plus sur lui, répéta-t-elle avec plus d’assurance.

Elle glissa une tresse derrière son oreille, peignant au passage ses cheveux gonflés par l’humidité. Jérémy K. se massa la nuque.

— Par où commencer ? s’interrogea-t-il à mi-voix.

Le cœur de Liv fit un bond.

— Il travaillait ?

— Oui. Il s’est installé ici il y a quatre ans parce qu’il avait été embauché par une banque. Il n’était pas sûr de faire ça toute sa vie, mais ça lui plaisait.

— Vous vous êtes rencontrés là ?

— Pas directement. Mon ex était sa collègue à l’époque, on a fait connaissance à un repas de Noël. Il avait pris sur lui pour participer à l’évènement, pour assurer son intégration m’a-t-il dit, mais il était pas à l’aise. On a fini la soirée juste tous les deux, dans un bar pas loin. On est devenu proches assez vite.

Liv picorait son muffin en écoutant attentivement. Elle pouvait presque les voir, deux adultes bien habillés (soirée de banquiers, quand même !) penchés l’un vers l’autre pour s’entendre malgré le bruit, une pinte à la main. Elle se les esquissait en coups de pinceaux brumeux, des silhouettes attablées, l’une aux cheveux blonds en bataille, l’autre la tignasse brune et bouclée.

— Il avait quelqu’un ? s’entendit-elle demander.

Son interlocuteur hésita une seconde.

— Non. Il sortait d’une relation difficile, d’où le changement de poste, il avait besoin de neuf : nouvelle ville, nouveau boulot. Je lui ai connu personne jusqu’ici.

Et comme s’il prenait soudain conscience que ce « ici » était le point final de la vie de cet ami, comme si le vertige des mois, des années à venir sans lui, le happait brusquement dans ce petit salon de thé, il se leva un peu trop vivement et s’excusa pour se rendre aux toilettes.

Un banquier. Célibataire. Bon ami. Mal à l’aise aux fêtes d’équipes, peut-être. Une vie, une histoire, avant cette ville. Le vertige allait la saisir à son tour si elle n’y prenait pas garde. Liv grignota compulsivement la deuxième moitié de sa pâtisserie. À un moment, il lui sembla qu’on l’observait, mais il n’y avait que l’ancienne table d’Anton Mäkinen dans son dos.

Elle s’en détournait quand, plus loin, la porte des WC se rouvrit pour laisser place à Jérémy K.

« Il va me dire qu’il doit partir, qu’il a un truc à faire. » grommela-t-elle en-dedans.

— Désolé, dit-il sans se rasseoir, mais je dois y aller. J’ai rendez-vous avec quelqu’un.

Liv n’aimait pas les déjà-vu, ça la mettait mal à l’aise. Elle le regarda enfiler son manteau et tâter ses poches pour vérifier qu’il avait toutes ses affaires (elle ne les aurait pas volées). Il allait lui dire au revoir, gauchement, d’un geste à la fois distant et amical (elle avait peut-être gagné quelques points de sympathie malgré la situation) mais elle le coupa :

— Encore une chose.

— Quoi ?

Là, elle l’agaçait. Ses yeux rougies cherchaient à la fuir.

— Sa famille. Il a… il a des frères et sœurs, c’est ça ?

— Oui, c’est plutôt une grande meute, cette famille.

Un sourire refit une apparition fugace sur ses traits lavés de chagrin, son timbre reprit sa douceur du début.

— Il a – avait – une grande sœur et deux petits-frères. Anne voyage régulièrement, Erik vit en Argentine avec sa femme, Lorens est à Paris je crois. Leurs parents vivent pas loin d’ici. Désolé mais je dois vraiment y aller.

— Merci pour tout, dit-elle en bondissant sur ses pieds. J’espère que je ne vous ai pas dérangé.

— Ne vous en faites pas. Et essayez de ne plus trop y penser.

Elle hocha la tête et saluait toujours vaguement de la main après qu’il eut passé la porte.

Ne pas trop y penser ? Elle ne voyait pas comment faire autrement. Ça allait même au-delà de la culpabilité du survivant.

Liv sentait la pensée d’Anton Mäkinen s’accrocher à sa matière grise, prégnante, prenante. Elle termina son thé tiède d’une lampée et décampa vite fait, brutalement oppressée par tant d’étrangers.

 

Liv dîna de pain, pommes et fromages soigneusement emballés. Elle mangea dans sa chambre, au bureau, regardant parfois la série télé lancé sur son ordinateur en fond sonore, mais surtout l’extérieur submergé par la nuit. Les lampadaires y faisaient des trouées de lumière froide sur lesquelles des branches grimaçantes jouaient aux ombres chinoises.

Rien de pourri, ce soir. Liv examinait chaque pomme, qu’elle coupait en huit pour se tranquilliser, chaque tranche de Comté, mâchait son pain plus que de raison comme si elle pouvait y dénicher un coin de mie séchée.

Peut-être que la paranoïa était terminée ?

Elle avait rangé la pièce, lavé ses draps qui séchaient sur son rebord de fenêtre, reposé soigneusement son rispéridol sur sa table de chevet. Seul point noir sur ce tableau, les deux traits sur son avant-bras, auxquels elle jetait des coups d’œil réguliers.

Elle avait jeté son marqueur.

Elle trouvait que ça faisait réflexe de folle. Mais elle l’avait fait. Jeté. Jeté dans la poubelle du hall de la résidence. Loin d’elle. Loin de sa peau.

Le générique de fin la tira de ses pensées. Elle inspira, ramassa les miettes et les déchets qu’elle jeta dans un sac plastique, se leva et coupa la vidéo. Expiration. Elle se massa la nuque et avisa l’heure : c’était le bon moment pour se doucher. Inspiration. Il n’y avait rien de pire que de faire la queue aux chiottes et aux cabines de douche. Expiration. Ça demandait juste de vaincre la flemme pour quitter le cocon de sa chambre. Inspiration.

Liv se figea. Expiration.

Elle était plantée debout, près de son bureau, une main serrés autour de sa poubelle de fortune, l’autre recroquevillée sur sa poitrine. Elle se mit en apnée.

Inspiration. Expiration. Inspiration. Expiration.

Paniquée, elle scruta chaque ombre, chaque coin, chaque fragment de cette pièce où elle avait pu se sentir rassurée après avoir quitté sa maison.

Inspire, expire, inspire, expire.

Un souffle froid contre son cou.

Elle se décala d’un coup brusque, faillit tomber mais se rattrapa au matelas et tangua à moitié pliée en deux.

Sa chambre était de nouveau silencieuse.

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Pandasama
Posté le 01/11/2020
Bonjour !

J’aime ta façon de retranscrire le mal être générale de Liv. Et cette façon d’écrire certains mots sans espace (genre « Nulnulnulnul ») c’est super simple comme idée, mais très efficace. On a l’impression qu’elle s’autoflagelle avec ces mots-là. J’aime bien aussi le fait que l’ami soit appelé « Jérémy K ». On dirait que Liv met une distance entre elle et ce personnage en lui refusant de l’humaniser. Il reste tout le long de l’extrait un profil FB.
Elka
Posté le 11/11/2020
J'ai une passion pour les mots répétés sans espaces. J'essaye de ne pas en abuser, mais ça me parait toujours le mieux retranscrire les états de panique envahissante.
Merci beaucoup pour ta lecture ! Désolée d'avoir tardé à répondre ♥
Olek
Posté le 23/10/2020
Yes ! Je l'attendais celui-là !
Tout d'abord, j'ai adoré la manière dont tu installes l'ambiance, et fais s'immiscer le doute chez le lecteur. J’aime beaucoup la manière dont tu utilises le champ lexical de la peinture.
Trois petites remarques :
Le délai de l'enterrement est trop long. Je crois t'avoir déjà détaillé ça dans un commentaire de "Demain sera grandiose" (Je viens de le retrouver et voilà : "Pour ce qui est du délai de l'enterrement, en France il doit avoir lieu au maximum six jours ouvrés après le décès." Du coup je ne suis pas sûre que ça passe l"enterrement dans huit jours alors qu'on est déjà le lendemain du décès... A vérifier, peut-être qu'en cas d'accident et de médecine légale, il peut y avoir un délai supplémentaire.
Ses pieds battèrent la terre => battirent
Elle lui assez reconnaissante d’avoir accepté pour lui offrir un thé. => Manque le verbe

Voilà ! Hâte de lire la suite !
Elka
Posté le 23/10/2020
Salut Olek, merci pour ton retour ! ♥
Je suis presque certaine que j'avais vérifié le délais d'enterrement cette fois-ci ! Tu peux demander un report de quelques jours si des gens viennent de loin (ce qui est le cas ici). Pas d'un mois, on est d'accord, mais décaler de 2 jours est possible si circonstances exceptionnelles.

L'horrible faute de "battèrent" "xD Je crois que je l'ai vu dans mon document après, en plus...

Merci encore !
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