C’était la tradition pour les élèves de dernière année. Avant la longue période de révisions qui les séparaient de leurs examens de fin d’étude, ils se retrouvaient pour la dernière soirée. Celle-ci se devait d’être mémorable.
Seuls les terminales de la promotion actuelle y étaient conviés. C’était l’évènement que tous les élèves attendaient avec impatience. Elle avait pour réputation d’être la plus festive de leur scolarité.
Elle avait lieu chaque année dans le parc, aux abords de la forêt de la ville, loin des premiers quartiers résidentiels afin d’éviter tout désagrément pour le voisinage. Un grand feu était allumé au centre de ce campement improvisé. On y faisait griller toutes sortes de viandes et de chamallows. Certains élèves pensaient à ramener une guitare pour contribuer à cette ambiance chaleureuse et détendue. Un peu plus loin, une piste de danse était installée devant une cabine de DJ. Les élèves pouvaient s’y déhancher jusqu’au petit matin au son des derniers hits de l’année.
Cette fête était organisée par l’association d’élèves sous le contrôle de l’administration de leur école. La présence d’une tente de secours était obligatoire pour parer à toute dérive. Des secouristes volontaires restaient sur place toute la nuit pour aider les élèves qui auraient mal évalué leurs propres limites. C’était la condition pour que la fête se passe bien. On se félicitait qu’aucun incident majeur n’ait été révélé au cours des éditions précédentes.
Chacun apportait à boire, à manger et devait prévoir ce qu’il fallait pour dormir sur place. Certains, déjà majeurs et ayant le permis, dormaient dans leurs voitures. D’autres, prévoyaient duvets, matelas, et même des petites tentes. Les derniers prévoyaient tout simplement de ne pas dormir pendant les prochaines 24 heures.
Les élèves étaient sensibilisés les jours précédents par les dérives d’une trop forte consommation d’alcool. Leurs professeurs essayaient de leur faire passer le message qu’ils n’étaient pas obligés de boire à outrance pour passer une bonne soirée. De façon générale, la présence des secouristes aidait bien à réguler la consommation des étudiants et si la fête pouvait avoir lieu une fois de plus c’était bien qu'aucun débordement n’avait été recensé les années précédentes.
Cette année, les lycéens avaient beaucoup de chance. Les températures chaudes de la journée permettaient une soirée très douce propice à la fête. Ils avaient tous répondus présent pour profiter, l’espace d’une soirée, avant d’entamer leurs révisions.
Cela faisait trois ans qu’Arinna attendait avec impatience de participer elle aussi à cette grande fête. Elle venait tout juste d’avoir 18 ans et, comme pour la plupart de ses camarades, ce serait la première fois qu’elle participerait à une fête de cette ampleur.
Sa mère, très protectrice, ne lui avait laissé que très peu de marge pour se rendre aux diverses soirées auxquelles elle avait pu être invitée au cours de cette dernière année. Elle lui avait refusé la quasi-totalité des fêtes de camarades de promos sous prétexte qu’ils ne faisaient pas partis des amis de confiance qu’Arinna avait pu présenter à sa mère. Pour ainsi dire la liste des gens de confiance selon sa mère se limitait à son ami d’enfance, fils du médecin du quartier.
La jeune adolescente n’avait pas eu le choix que de se plier aux restrictions de sa mère. Cela ne l’empêchait pas d’éprouver une certaine amertume les lundis matins lorsque ses camarades lui racontaient les détails des fêtes qu’elle avait encore raté.
A l’annonce de l’événement, Cybèle Chevalier, la mère d’Arinna, lui avait répondu d’un non qui semblait ferme et catégorique, pour le plus grand désespoir de sa fille. Mais si la demoiselle était d’ordinaire d’un tempérament docile, elle s’était découvert une nature têtue quand il s’agissait de se rendre à cette soirée. Elle en avait rêvé, elle l’avait espéré et ne comptait pas y renoncer sans s’être battue jusqu’au bout. Et puis elle se disait qu’elle était une jeune fille calme et sans problèmes. Elle avait toujours apporté des bulletins satisfaisants à la maison et n’avait jamais été source d’ennuis pour sa mère. Avec sa sœur jumelle, Iris, elles étaient deux filles rêvées qui comblaient leur mère. Alors Arinna estimait mériter la confiance de sa mère et avoir le droit, pour une fois, de sortir s’amuser avec ses camarades de classe. Mais Cybèle ne parvenait qu’avec beaucoup de difficulté à laisser ses deux filles prendre leurs envols et n’avait cédé à aucun argument d'Arinna.
Cybèle avait élevé seule ses deux filles suite au décès de leur père survenu avant leur naissance et avait formé un cocon protecteur autour d'elles. La peur qu’il puisse leur arriver quelque chose prenait souvent le pas sur tout le reste. Les deux jeunes filles comprenaient bien les angoisses de leur mère et elles acceptaient souvent de s’y plier. Mais arrivées à l’adolescence, leur besoin de liberté entrait en contradiction avec ces directives parfois trop strictes. Les deux filles cherchaient alors à faire des compromis. Il leur fallait rassurer leur mère, lui garantir que rien ne leur arriverait, pour espérer commencer à vivre leur vie. C’était plus facile quand elles étaient à deux pour faire agir de concert. Mais la fête de fin d’étude ne concernait qu'Arinna. En effet, les deux jeunes filles n’avaient jamais fréquenté le même établissement scolaire. Leur mère avait toujours voulu qu’elles soient indépendantes l’une de l’autre et qu’elles puissent construire leur identité séparément. Iris n’était donc pas conviée à cet évènement et cela n’aidait pas les affaires d'Arinna. Leur mère s’imaginait une soirée de débauche qui aurait raison de la sagesse de sa fille. Pendant des mois Arinna avait travaillé sa mère au corps. Jusqu'alors elle n’essayait pas de négocier lorsqu’une soirée lui était interdite. Elle acceptait docilement de rester dans sa prison dorée, espérant qu’elle pourrait en ouvrir les barreaux le seul temps de cette soirée. Bien sûr que pour sa mère, ce n’était pas cela qui allait la faire changer d’avis, bien au contraire.
Elle était maintenant à trois jours de la date fatidique et le temps commençait à manquer pour convaincre sa mère de la laisser y aller. Elle voyait sa dernière opportunité de faire changer d’avis sa mère au cours d’un dîner auquel les plus proches amis de la famille étaient invités. Il s’agissait d’Ambroise Fanon, médecin de la ville, et de ses deux fils, Siméon et Alexander.
Le docteur Fanon était un ami de longue date de Cybèle. Suite à la naissance des jumelles, Cybèle avait déménagé afin de commencer une nouvelle vie et de laisser les traumatismes de la mort du père d’Iris et Arinna derrière elle. A son arrivée ici, dans cette petite ville, elle avait choisi ce docteur comme médecin de famille. Il avait un cabinet proche de l’appartement des Chevaliers et avait très bonne réputation dans le voisinage.
Lorsqu’il avait a son tour perdu sa femme quelques années après, une amitié entre lui et Cybèle s’était profilée par cette blessure qu’ils partageaient. Ainsi, les Fanon avaient toujours été très présents dans la vie des jumelles et de leur mère. Les deux filles considérant presque les fils Fanon comme des frères sur qui elles pouvaient toujours compter. Alexander et Siméon étaient tous deux inscrits dans l’école d'Arinna. Alexander, dit Xander, avait le même âge que Arinna et très vite les deux étaient devenus de très bons amis. Siméon avait quelques années de plus mais n’en restait pas moins un bon camarade de jeux lorsque les Fanon venaient à la maison. Longtemps, les enfants avaient espéré un remariage entre leurs parents respectifs, s’imaginant devenir une belle famille recomposée. Mais rien ne s’était jamais fait. Leurs parents n’affichaient qu’une parfaite amitié au plus grand désespoir des quatre enfants.
Arinna savait que sa mère accordait beaucoup d’importance au jugement de Ambroise. S’ils n’étaient pas ensemble, il semblait parfois prendre une figure paternelle dans leur foyer et peut-être que ce serait sur ce terrain là qu’elle pourrait s’engouffrer. Xander comptait lui aussi se rendre à cette fête de fin d’année et Arinna voyait là sa dernière carte à jouer. Il n’avait pas eu de mal à obtenir l’autorisation de son père qui avait déjà laissé son frère aîné s’y rendre quelques années plus tôt.
Alors entre deux pommes de terre, Arinna s’était risqué à aborder à nouveau ce sujet qui lui tenait tant à cœur.
— Arinna, tu ne te rends pas compte. Une soirée étudiante ? C’est boire à s’en faire vomir, fumer n’importe quoi…
Arinna n’en croyait pas ses oreilles. A croire que sa mère n’avait jamais vécu de jeunesse. Elle n'avait pas une grande expérience mais elle savait bien que les propos de sa mère étaient exagérés. Elle tacha de se maîtriser et se retint de lever les yeux aux ciel face à ces propos démesurés. Elle jeta un coup d'œil vers Xander, cherchant du soutien chez son ami.
— J’y serais moi aussi, dit-il avec un sourire qui se voulait rassurant, il n’arrivera rien à Arinna, nous resterons bien ensemble. Je ne la quitterai pas d’une semelle si ça peut vous rassurer !
— Alexander, je sais que tu es plein de bonne volonté mais tu ne te rends pas compte de ce que c’est, repris Cybèle, ça va boire, ça va fumer, ça va vouloir se frotter de partout, ça va se…
Arinna faillit s’étrangler en entendant ces propos et dut cette fois-ci se retenir de ne pas rire face à l’absurdité des arguments de sa mère. Les convives à table partagèrent l’amusement de la demoiselle et Ambroise ne put réprimer un petit rire amusé.
— Voyons Cybèle, ce ne sont pas des bêtes en chaleur, tenta-t-il de la raisonner.
— Non, ce sont des adolescents, et je ne suis pas sûre que ce soit mieux !
— Et si je t’envoyais un message toutes les heures, en plus de rester accrochée à Xander, ça te rassurerait ?
Arinna regarda sa mère de ses grands yeux verts implorants. Elle arrivait au bout de ses arguments. Un court silence s’installa. Dans les yeux de sa mère, Arinna vit qu’une brèche se dessinait, mais elle était à court d’idées pour espérer la creuser encore.
— J’y serais moi aussi, intervient Siméon après quelques secondes, je me suis inscrit comme secouriste volontaire. A la caserne, on nous a proposé d’aller encadrer la soirée. Je pouvais pas dire non en sachant que le p’tit frère y serait. Il faut bien quelqu’un pour te chaperonner Xander !
Les yeux d'Arinna s’illuminèrent d’espoir. Elle ne pourrait pas trouver mieux, mais est-ce que ce serait suffisant pour faire céder sa mère. Avant qu’il ne réplique quoi que ce soit à son frère, Iris donna un coup dans les côtes d’Alexander pour le faire taire. Non, ce n’était pas le moment de se chamailler. Il ne fallait plus rien ajouter sous peine de tout faire échouer.
Les quatre adolescents retenaient leurs souffles, suspendus aux lèvres de Cybèle. Ambroise, lui, continuait de manger tranquillement ses pommes de terre. Il ne semblait pas percevoir l’importance de l’instant pour leurs enfants assis autour de cette table.
— Pas d’une semelle ?
— Vous pouvez en être sûre madame ! répondit Xander, presque au garde à vous.
— Alors c’est d’accord, finit-elle par céder, Mais si tu as le moindre problème, tu trouves Siméon et tu rentres tout de suite à la maison, est-ce que c’est clair ?
La jeune adolescente exultait. Elle irait à cette fête, elle ne serait pas encore une fois en marge de tous ces camarades, à les voir se construire des souvenirs qu’elle ne partagerait pas. La jeune fille sauta au cou de sa mère et la serra fort dans ses bras.
— Tu me connais maman, je serai prudente !
Cybèle sourit à sa fille mais ses inquiétudes ne l'avaient pas quittées pour autant. Elle chercha le regard de Ambroise qui lui sourit. Ils en avaient parlé tous les deux avant ce dîner et il était d’avis qu’elle ne pourrait pas toujours garder ses filles sous cloche. Elle devait leur laisser explorer le monde. Et puis, cela lui offrirait l’occasion de passer une soirée seule avec Iris, ce qui n'était encore jamais arrivé. Une belle occasion de partager un moment privilégié mère-fille.
Arinna se tourna vers son ami et lui adressa un joli sourire éclatant. Elle avait beaucoup de chance d’avoir un ami comme lui. Ce n’est qu’après le décès de la mère de Xander qu’ils avaient appris à se connaître.
Ils avaient alors douze ans et avaient la chance d’être dans la même classe. A cette époque, Arinna n’avait que très peu d’amis. La présence de ce jeune garçon dans son quotidien lui avait apporté beaucoup de soutien. Dès lors, il avait toujours été là pour elle. Ils avaient traversé ces années de collège ensemble.
Xander était un garçon à l’esprit vif. Ses cheveux roux formaient des bouclettes rebelles qu’il ne parvenait jamais à ordonner comme il aurait aimé. Il n’était pas de ceux qui passaient des heures le matin devant une glace. Ses yeux couleur pistache étaient une vraie gourmandise et paraissaient toujours animés d’un petit air rieur accentué par deux délicieuses fossettes qui ornaient chacun de ses sourires. Il était beaucoup plus fin et agile que son aîné. Siméon, à l’opposé de son frère, était bien plus calme mais tout autant vif d’esprit. Il était également plus grand et costaud que son cadet. Après la fin de ses études, il avait décidé de devenir pompier, illustrant par cette vocation tout son altruisme et sa volonté d’aider son prochain. Ce n’était pas étonnant que Cybèle soit rassurée de savoir ces deux garçons aux côtés de sa fille.
Lorsqu’ils arrivèrent sur place, la fête battait déjà son plein. Arinna se sentait toute petite dans cette ambiance où chacun semblait être à son aise. Pour ainsi dire, elle n’avait fait qu’une seule autre fête avant : les 18 ans de Xander. Mais ce soir-là, Arinna comptait bien en profiter pour rattraper tout son retard. Pas d’excès en vue, uniquement l’envie de passer la meilleure soirée possible en compagnie de ses meilleurs amis.
Accompagnée de Xander, ils se rendirent à l’espace campement pour y planter une petite tente. Ils allaient la partager avec Danaé, celle qui venait compléter ce trio inséparable. Elle les rejoignit alors qu’ils étaient en train de terminer de gonfler le matelas qui les accueillerait quand ils seraient trop fatigués pour continuer à danser.
— Je n’en reviens pas de te voir ici Arinna ! C’est tellement rare de te voir sortir de ta tour ! s’exclama Danaé en prenant son amie dans ses bras pour la saluer.
— J’ai peur de voir ma mère débarquer à tout instant pour m’y reconduire tu sais, répondit Arinna en riant.
— J’ai toujours du mal à y croire, elle n’avait même pas voulu que tu viennes lorsqu’on avait fêté mon propre anniversaire.
— C’est la faute de Xander ça, répondit Arinna en donnant un petit coup sur l’épaule de son meilleur ami, s’il n’était pas tombé malade deux jours avant et qu’il était venu, je suis sûre que ma mère n’y aurait pas vu de problème !
Xander lança un sourire désolé à Arinna. Oui, il y avait de très fortes chances pour que ce soit vrai. Cybèle semblait se détendre lorsqu’un des fils Fanon était présent aux côtés de ses filles. Il n’y avait qu’en eux qu’elle semblait avoir confiance.
Xander passa une main sur la tête rousse d'Arinna et lui ébouriffa un peu ses longs cheveux.
— Allez, arrête de te plaindre Raiponce, allons profiter de la fête !
Les trois amis quittèrent leur petite tente bien installée, et rejoignirent ensemble les abords de la piste de danse. Xander sortit trois bières de son sac et en donna une à ses amies. Après les avoir décapsulées, ils trinquèrent ensemble.
— À la meilleure soirée de l’année ! dirent-ils à l’unisson.
Arinna bu une gorgée de ce liquide pétillant et rafraîchissant. Elle regarda avec délice ses camarades qui profitaient eux aussi de cette soirée, balayant la foule d’élèves qui buvait, trinquait, riait, dansait. Un large sourire éclairait le visage de la jeune fille tant elle était ravie de se trouver ici. Elle surpris quelques regards étonnés se posant sur elle. Son absence aux autres événements avait été largement remarquée. Comme cela lui faisait du bien d’être parmi ses camarades, pour une fois.
Elle aperçut Siméon proche du poste de secours. Il parlait avec d’autres bénévoles en surveillant régulièrement les lycéens. Elle le surprit même à poser quelques regards discrets mais appuyés sur une autre des secouristes. Elle comprit alors que chaperonner Alexander n’était pas la raison principale de sa présence à cette soirée.
La main de Xander se posant sur son épaule la sortie de ses pensées.
— Finis ta bière Arinna, on va danser !
— Oui j’arrive, laisse moi un instant, répondit-elle en buvant une gorgée.
— Ok, tu nous rejoins alors, on est juste là !
Arinna acquiesça d’un grand sourire et regarda ses deux amis s’éloigner de quelques mètres alors qu’elle continuait de boire sa bière. Xander et Danaé restèrent en vue et s’agitèrent au rythme des basses de cette musique entraînante. Arinna ne put se retenir de se déhancher légèrement elle aussi en regardant ses deux camarades profiter de la soirée. N’oubliant pas la promesse qu’il avait faite à sa mère, Xander surveillait toujours du coin de l'œil son amie, s'assurant que tout allait pour le mieux.
L’adolescente se fit accoster par deux autres filles de sa classe avec qui elle s’entendait très bien, Roxanna et Chloe. Deux camarades, un peu plus petites que la Chevalier. Elles étaient toujours fourrées ensemble, à l’image d'Arinna et Xander. C’était de bonnes copines avec qui il leur arrivait de passer du temps.
— Il faut que tu fasses attention à ne pas trop boire Arinna, ton corps n’a pas l’habitude, ça va vite te monter au cerveau tout ça ! lança Roxanna pour la taquiner.
— Oh arrête, on croirait entendre ma mère ! s’exclama Arinna en riant.
— C’est ta première soirée non ? demanda l’autre.
Arinna allait lui répondre quand un jeune homme se joignit à leur conversation. Il aborda les trois amies en leur adressant à chacune un très grand sourire avant de poser son attention sur Arinna.
— Première soirée, en fin de terminale, j’ai du mal à y croire…, dit-il en souriant de plus belle.
La jeune demoiselle se sentit un instant mal à l’aise. Ce garçon ne lui disait rien. Il ne lui semblait pas l’avoir déjà rencontré au cours de sa scolarité. Elle voulut interroger du regard ses deux amies mais toutes deux avaient les yeux rivés sur ce garçon. Son sourire resta figé un instant, comme s’il attendait une validation. Son regard, anormalement fixe, revint se poser sur Arinna.
— Et bien, ma mère ne me laisse pas beaucoup sortir… alors c’est vrai que c’est dans mes premières soirées…
— Puisse-t-elle être mémorable alors ! répondit-il en venant toquer son propre gobelet à la bouteille de bière d'Arinna.
Arinna but une gorgée sans quitter des yeux ce jeune garçon. Elle profita que lui même buvait pour le détailler un instant. Il était tout ce qu’il y a de plus banal. Cheveux bruns, yeux marrons, teint légèrement halé, vêtu d’un tee-shirt noir et d’un jean bleu. Il n’avait aucun signe particulier. Peut-être alors n’était-ce pas étonnant qu’elle ne le reconnaisse pas. Après tout, ils étaient dans un grand lycée, elle ne pouvait pas retenir tous les visages. Tout du moins, Arinna essayait de s’en convaincre pour se rassurer. Et puis ce garçon avait vraiment un visage banal, pas le genre à marquer l’esprit.
— Oh, je viens de voir un petit stand de brochettes qui s’improvise près du feu, on y va ? fit Chloe, On se voit plus tard Arinna, passe une bonne soirée !
Arinna regarda les deux filles s’éloigner la laissant seule, avec cet inconnu.
— Au risque de te paraître impoli, ton visage ne me dit rien du tout, commença-t-il, tu es dans quelle section ?
— Je suis dans la classe 7, répondit Arinna sur la défensive.
— Et bien j’ai l’impression de ne t’avoir jamais vue…
Il scruta alors ses yeux, semblant chercher à la reconnaître. Cela mit Arinna encore plus mal à l’aise et elle préféra détourner le regard.
— L’impression est partagée, répondit Arinna.
— Il n’est pas trop tard pour se présenter ! Je m’appelle Morgan, et toi tu es ?
— Arinna.
— Enchanté Arinna, je ne pensais pas rencontrer de nouvelle personne ce soir, on est pas à l'abri de surprises, dit-il avec un grand sourire, Est-ce que tu danses ?
— Non, je suis avec mes amis…
Arinna tourna la tête pour désigner Xander et Danaé mais elle constata qu’ils n’étaient plus là. Elle les chercha du regard et fut forcée de constater qu’ils n’étaient introuvables.
— Tu cherches quelqu’un ? demanda Morgan.
— Oui, mes amis, ils étaient là il y a un instant…
Arinna tourna un peu sur elle-même, se hissant sur la pointe de ses pieds pour tenter de les retrouver dans cette foule.
— Ils ont dû aller chercher quelque chose à boire, finit-elle par dire plus pour elle-même.
— Certainement, tu veux que je t’aide à les trouver ?
— Non, merci, je vais me débrouiller, répondit Arinna en s’éloignant déjà.
Arinna fit quelques pas, vraiment surprise de ne pas les trouver. Et très étonnée de constater qu’ils étaient partis sans prendre la peine de la prévenir. Un sentiment d’agacement monta en elle. Elle n’était pas en danger mais Xander avait promis de rester à ses côtés. Alors oui, elle n’était pas une poupée de porcelaine, mais tout de même, il aurait pu venir lui dire où il allait avant de filer. Force est de constater qu’il ne s’était pas tenu à son engagement. Et en même temps, pouvait-elle vraiment lui en vouloir ? Il avait dû voir qu’elle était en pleine conversation et n’avait pas dû juger utile de la prévenir alors qu’il allait certainement revenir d’une minute à l’autre. La jeune fille porta la main à sa poche pour y chercher son téléphone portable. Elle fut alors prise au dépourvu quand elle constata qu’il n’y était plus. Il avait dû glisser lorsqu’ils avaient aménagé la tente.
Morgan fit un pas vers Arinna et frôla son bras du bout de ses doigts.
— Alors, tu danses ?
Arinna se mordit la lèvre, agacée de constater qu’elle n’était pas du tout à l’aise. Voilà qu’elle se laissait envahir par les doutes et les craintes de sa mère. Elle ne risquait rien là, à danser avec ce garçon qu’elle ne connaissait pas. Il ne lui voulait rien de mal, il y avait beaucoup de monde autour d’eux, des camarades de promos qu’elle connaissait bien et qu’elle pouvait interpeller au besoin.
Autour d’eux, la foule s’agitait sans prêter attention. Aucun visage ne lui semblait familier. Une gêne insidieuse s’immisça.
Il y avait bien Siméon aussi qui n’était pas loin. Elle pourrait aller le trouver si jamais elle sentait que les choses lui échappaient. Arinna lança un regard en direction du poste de secours et constata alors que Siméon n’y était plus. C’était bien sa veine. Dans ses oreilles, la musique devenait incompréhensible, comme un vieux vinyle qui ralentit.
Un pic d’anxiété monta en elle. Elle en voulait à sa mère de l’avoir contaminée avec ses nombreuses craintes démesurées.
Où est passé Xander ? Qu’est-ce que je dois faire ? Je dois l’attendre ici ?
Alors que le doute l’assailli, qu’elle se demandait ce qu’elle devait faire perdue dans son manque d’expérience des soirées, elle entendit une voix, comme un chuchotement dans sa tête.
Fuis
Arinna regarda un instant autour d’elle. En dehors du garçon, il n’y avait personne d’aussi proche qui aurait pu lui dire ça. Prenant cela comme une manifestation de son for intérieur, elle se résigna à retrouver quelqu’un. Si ce n’était pas Xander, alors ce serait Siméon.
— Il faut que je retrouve mes amis.
Et sans lui laisser le temps d’insister, elle se fraya un chemin dans la foule pour rejoindre le poste de secours. Peut-être était-ce une mauvaise idée, peut-être que dans quelques secondes, Alexander et Danaé allaient revenir et la chercher partout. Tant pis, elle était décidée à rejoindre un visage familier et Siméon ne devait pas être loin du poste de secours. En traversant la foule, elle prit le temps de regarder ses camarades qui dansaient autour d’elle et fut inquiète de n’en reconnaître aucun. Comment cela était-il possible ? Où étaient-ils tous passés ? Et qui étaient tous ces gens ? Arinna voulait bien croire qu’un visage pouvait lui être inconnu mais autant que cela, c’était impossible.
Arrivée au poste de secours, elle s’approcha d’un bénévole.
— Excusez-moi, je cherche Siméon Fanon, savez-vous où il est ?
Le bénévole baissa les yeux vers Arinna et la détailla un instant, l’air absent, avant de lui répondre.
— Oui, il est parti dans cette direction, dit-il en désignant un endroit plus à l’écart où des étudiants étaient assis et discutaient entre eux.
— Merci ! fit Arinna avant de s'éloigner, soulagée.
Elle marcha d’un pas rapide, voulant vite trouver quelqu’un qu’elle connaissait. Mais quelque chose d’étrange se produisit. A chaque pas qu’elle faisait, elle avait l’impression de ne pas se rapprocher de sa destination. Elle les voyait ces adolescents qui étaient assis, parlaient fort, jouaient de la guitare, ils n’étaient qu’à une dizaine de mètres d’elle… mais aucun de ses pas ne semblait la rapprocher d’eux. Elle essayait alors de courir mais rien n’y faisait. Arinna s’arrêta alors et se retourna, pensant voir le poste de secours juste derrière elle mais il n’en était rien. Derrière elle s’étendait une épaisse forêt noire. Elle voulu refaire face à ses camarades de promos qu’elle essayait désespérément de rejoindre l’instant d’avant mais ils n’étaient plus là. Que de la forêt dense et sombre à la place. Tout à coup, le silence s’était fait autour d’elle. La jeune fille tourna sur elle-même, toute la fête avait disparu. Elle n’en percevait plus qu’un brouhaha lointain mais était incapable de savoir d’où le bruit venait. Elle ferma les yeux et les rouvrit, pensant qu’elle hallucinait mais rien ne changea, toujours cette forêt.
La panique conquit le cœur d'Arinna. Que se passait-il, comment s’était-elle retrouvée ici ? Sa respiration s’accéléra en même temps que les battements de son cœur. Elle tenta alors de revenir sur ses pas, mais rien ne changeait autour d’elle. Toujours cette même forêt à perte de vue. Elle se mit alors à crier pour appeler à l’aide, espérant que quelqu’un l’entende. Xander allait bien voir qu’elle avait disparu, il allait la chercher, il fallait qu’elle crie pour qu’il l’entende, il fallait qu’il puisse la trouver…
— Personne ne t’entendra.
Arinna poussa un cri de terreur. Elle se retourna tout de suite pour voir qui venait de lui parler de ce ton si calme et sûr de lui.
Dans l'obscurité, elle ne vit qu’une ombre semblant être celle d’un homme de bonne carrure. Arinna voulut reculer mais tous ses muscles étaient tétanisés par la peur. L’ombre se rapprochait doucement d’elle, savourant l’angoisse qui montait dans sa proie.
— Ne t’en fais pas, ce sera rapide, siffla l’ombre.
Arinna rassembla toutes ses forces, elle ne devait pas rester là. Mais son corps ne lui répondait plus, il n’y avait rien à faire. Elle détourna le regard, cherchant une quelconque issue.
Soudain une forme gigantesque sauta au-dessus de sa tête et vint s’écraser sur l’ombre menaçante. Ce fut le déclic pour Arinna, la porte de sortie.
Elle réussit à redevenir maître de son corps pour s’éloigner en courant. Un coup d'œil en arrière l’informa que l’on se battait. La forme qui avait surgi ressemblait à une énorme bête sauvage, comme un loup se dit-elle. Mais elle ne prit pas le temps d’en savoir plus, n’ayant aucunement l’envie d’être dans les parages pour constater de l’issue du combat.
Elle courut du plus vite qu’elle le pouvait se sentant portée par l’adrénaline. Elle sentait les branches de la forêt fouetter ses joues laissant une multitude de petites entailles. Et soudain, son pied s’accrocha à une racine protubérante mettant ainsi fin à sa course. Arinna s’écrasa au sol, s’écorchant le menton au passage. Elle resta un instant immobile aux aguets du moindre bruit. La panique remontait en elle, craignant que l’une des ombres ne la retrouve. Arinna chercha à se relever mais sa cheville était à présent trop douloureuse pour la porter.
Dans un gémissement de douleur, toujours allongée face contre terre, elle ramena sa jambe près de son buste et constata qu’elle était ensanglantée.
Arinna se sentit alors défaillir, submergée par la terreur qui l’assaillait. Elle s’imaginait morte, déchiquetée par le loup sauvage. Et si ce n’était pas le loup, ce serait cet homme, un tueur, cela ne faisait aucun doute pour elle. Elle sentait ses forces la quitter quand elle entendit des bruits de pas à proximité.
S’en était fini d’elle, plus jamais elle ne reverrait ni sa sœur, ni sa mère. Oh, comme elle avait eu raison sa mère de se méfier de cette soirée. Une seule erreur. Cette fête. Elle n’aurait jamais dû venir. Elle aurait dû se fier au mauvais pressentiment de sa mère et rester auprès d’elle, en sécurité. Elle pensa aussi à Xander et Danaé qui allaient certainement la chercher. Elle espéra alors que ce ne serait pas eux qui découvriraient son corps. Si seulement le destin pouvait leur épargner cette vision.
Les pas se rapprochaient mais Arinna avait déjà fermé les yeux, épuisée par la douleur qu’elle ressentait dans toute sa jambe. Elle sentit une présence, à côté d’elle. Quelqu’un ou quelque chose se tenait là et la regardait. Dans un dernier espoir, la jeune fille retint son souffle et s’immobilisa. Peut-être que si on la croyait déjà morte, on la laisserait en paix.
Des mains vinrent se glisser dans son dos et sous ses jambes. Elle se sentit alors délicatement soulevée, comme si elle ne pesait plus rien. La peau fraîche des bras d’une personne entra en contact avec la sienne dans son dos laissé nu par son haut d’été. Son sang se glaça instantanément et elle eut la désagréable sensation d’être dépossédée de ses pensées, de son corps, de son âme. On s’infiltrait dans son for intérieur, lisant toute chose qui lui traversait l’esprit. Sa peur en fut décuplée. Mais très vite elle ressenti une étrange colère sourde mêlée à un profond agacement. Arinna fut prise au dépourvu. Dans sa situation chaotique, elle prit un instant pour s’interroger sur ces étranges sentiments qui l'assaillaient. Pourquoi était-elle soudainement en colère ? Elle n’eut pas le temps de trouver de réponse qu’elle fut submergée par un grand étonnement démesuré. Assaillie par la douleur et avant d’en savoir plus, Arinna sombra dans l’inconscience.
J'e foisonne encore , un cauchemar se qu'elle a vecu , ne plus reconnaitre personne au tour d'elle !
Et cette ombre et se "loup" !
La pauvre elle c'est battu avec sa mère pour cette soirée et sa finie en filme d'horreur ! !
hâte de lire la suite =)
Surtout savoir qui la pris dans c'est bras héhé