CHAPITRE 21.
Aldebert gagnait à être vu de près. Son sourire bienveillant apportait une bonhomie rassurante à toute sa personne. Gisela m’avait dit de le rejoindre, en cette fin d'après-midi, sur le banc du jardin proche de l'entrée.
- Il veut s’excuser pour la conduite de Ernest et Jarvis. Sois respectueuse !
Aldebert affirma qu’il avait recommandé à ses compagnons plus de réserve et se dit désolé de leurs actions.
- Mais vous devez réaliser, ajouta-t-il, vous êtes différente de ces dames. Cela attire l’œil de jeunes hommes, ils souhaitent mieux vous connaître.
Je traduisis sans difficulté ses paroles. Mon accoutrement - et les déclarations de Gisela, probablement - le démontraient : je ne devais ma place qu'à la pitié de la jeune femme. Je n’avais pas de parents et personne ne se plaindrait si j'étais maltraitée, voire si je disparaissais, avec ou sans traces. Seule Gisela pourrait protester, et je n’avais probablement rien à espérer de son côté.
Dans l’obscurité naissante, un mouvement attira mon regard. Un homme d’armes se tenait près d’un arbre, attentif et calme. Je reconnus celui qui avait si opportunément surgi lorsque Ernest s’était approché de moi.
Aldebert prit ma main, se pencha vers moi.
- Gisela dit que vous avez été élevée dans un couvent. Voulez-vous m’en dire plus ?
Touchée par sa gentillesse - personne ne m’avait posé une telle question depuis mon arrivée - je bredouillai quelques phrases. Il hocha la tête.
- Auriez-vous aimé devenir nonne ?
- Oui, Monsieur, mais je ne pouvais pas… je n’avais pas de dot.
- Aldebert. Appelez-moi Aldebert. Voulez-vous que je parle de vous à notre Révérend ? Il est très respecté. Il a autorité sur bien des couvents et pourrait vous aider. Je suis sûr qu’il apprécierait d'être consulté pour une aussi belle raison. Les négociations sur la dot de Gisela sont épineuses…
Sa proposition était généreuse. Mais était-elle sincère ? Je restai silencieuse un moment. De son pouce, il effleurait le dos de ma main, puis s’aventura sur ma paume, une caresse dont je pris soudain conscience.
- Ce serait très gentil à vous, dis-je finalement.
- Je ne peux m'empêcher de me demander… reprit-il avec grande douceur. Avez-vous bien réfléchi à tout ce que vous seriez amené à abandonner ? La chaleur d’une famille, la tendresse d’un mari…
Je ne répondis pas. Après un moment de silence, il ajouta, toujours effleurant du pouce les reliefs de ma paume :
- Peut-être… peut-être serait-il bénéfique que vous acceptiez d’explorer ces domaines avant de prendre une décision ?
Je me redressai.
- Mais qui accepterait de m’assister dans cette exploration, dis-je en le regardant avec un sourire.
Il eut un rire un peu embarrassé et baissa la tête, lâchant ma main.
- Oui, ma suggestion n’était pas dépourvue d'arrière-pensées. Moi aussi, je suis sous votre charme. Réfléchissez, Xaver. Et pardonnez, je vous en prie, mes jeunes amis.
Il se leva, me salua et rentra dans la maison. Emilie s’assit à sa place. Voir ma petite Sainte me fit grand plaisir.
- Alors, tu as compris ? demanda-t-elle.
- Tous les trois me poursuivent, c’est une sorte de jeu entre eux ?
- Oui… Quand ils ont su que tu étais une innocente tout juste sortie d’un couvent, ils ont parié, chacun, qu’il serait le premier à te déniaiser.
- Même le petit Jarvis ?
- Oui, même lui. Il est terrifié, remarque.
2.
Les regards se fixèrent sur moi à mon retour dans la chambre de Gisela. Les unes et les autres se préparaient pour le dîner - un rituel devenu intense avec la présence des invités - mais toutes se turent et interrompirent leur geste en me voyant. Gisela m'interrogea d'un mouvement de menton. A sa question muette, je répondis :
- Il était charmant.
Elle rayonna de contentement. Je poursuivis :
- Visiblement, vous avez parié sur lui.
Le sourire de Gisela disparut. Elle regarda le petit groupe d’un air furieux.
- Qui lui a dit ?
J’imaginai un instant prétendre que Ute avait parlé, juste pour le plaisir de la mettre dans l’embarras, ou pourquoi pas, que Aldebert m’avait tout révélé en sanglotant… J'écartai cette tentation. Je repris, regardant ma maîtresse :
- Vous ! Je n'étais sûre de rien, mais vous m’avez éclairée à l’instant !
Gisela me considéra en silence, comme si elle me voyait pour la première fois. Elle eut un geste de la main vers ses amies.
- Dehors, tout le monde ! Je veux parler seule avec Xaver.
En quelques instants, nous étions seules. Gisela m’invita à m’asseoir à ses côtés.
- Je t’ai sous-estimée, Xaver. Tu es intelligente ! Plus intelligente que ces bécasses qui m’entourent. Tant mieux, c’est plus amusant comme ça. Alors écoute-moi. Tu vas choisir Aldebert. Il va t’approcher, et tu ne le repousseras pas. Et je te le promets : tu ne regretteras pas de m’avoir obligée. Je sais être reconnaissante.
Je doutais fort que Gisela sache être reconnaissante. Mais quelles étaient mes options ? J’allais obéir - ma place de servante ne me laissait guère de choix. De plus, toute cette situation devenait pesante, ébranlant la force que j’avais acquise ces dernières années. Aldebert se révélait moins déplaisant qu’au premier abord. Mais une autre part en moi, imprévisible, était faite de colère, de rage noire. Et si je laissais cette rage se déchaîner, tout pouvait arriver.
Le lendemain matin, alors que nous étions dans la grande salle près de la cheminée, Gisela se tourna vers moi et me demanda d’aller chercher un peigne en nacre qu’elle avait oublié dans la chambre. Nous échangeâmes un regard, et je lui obéis.
3.
Ainsi, Gisela voulait que cela se passe dans sa chambre ? Drôle d'idée… Mais après tout, c’était un lieu sur lequel elle avait tout contrôle…
J’entrai dans la grande pièce, habituellement si pleine de mouvements et de paroles, à présent silencieuse. Je m'étais résignée, j’avais fait la paix en moi sur cet épisode qu’il fallait conclure au plus vite. Aldebert était le plus courtois… Il serait sans doute rapide, autant en finir.
Je regardai distraitement par la fenêtre, bordée par une petite rambarde en ferronnerie. La beauté du jardin, sous ce soleil d’automne matinal, me saisit et je sentis une vague de tristesse me parcourir. Sur les chemins qui menaient aux murs d’enceinte, je discernai la silhouette du Mongol, vêtu cette fois d’une tunique de soie rouge. Il revenait de sa promenade.
Je quittai la fenêtre, revint dans la pièce, fermai les yeux. En finir.
J’entendis la porte de la chambre s’ouvrir, puis se refermer. Le bruit d’une clef que l’on tourne. J’ouvris les yeux. Aldebert glissa la clef dans sa poche avec un petit sourire complice.
- Toute cette situation est un peu ridicule… dit-il, pour dissiper l’embarras du moment.
Il s'avança vers moi, ouvrant les bras, avec son bon sourire.
- Je regrette le contexte de ces retrouvailles… mais cela peut être un très beau moment, si nous le décidons.
Quelque chose en moi se noua. Tous mes intérieurs devinrent froids comme glace. Je ne pouvais pas. Je pensais m’être convaincue. Mais à chaque pas qu’il faisait vers moi, je reculai d’un pas, pour que la distance entre nous ne diminue pas. Je tremblais.
- Monsieur, je vous en prie. Je voulais vous céder, je voulais obéir, mais je ne peux pas.
- Bon…
Il s’immobilisa.
- Xaver, nous sommes seuls ici. Pas de témoins. Juste vous et moi. Je ne veux pas vous forcer, vous faire de mal.
Il eut un petit rire et poursuivit :
- Je n’ai pas pour coutume de contraindre une femme qui ne veut pas de moi! Voici ce que nous allons faire. Nous allons attendre un petit moment ensemble, en bavardant. Et ensuite, nous rejoindrons les autres et nous prétendrons que… la chose est faite ! Et nous en aurons fini. Tout le monde sera content ! Qu’en pensez-vous ?
Le soulagement fut tel que je crus un instant flotter au-dessus du sol. J’allais remercier Aldebert pour son idée généreuse lorsque d’un bond, il fut sur moi. Il immobilisa mes deux poignets d’une main, saisissant mon visage de l’autre. Sa bonhomie envolée, son expression devint hideuse de joie cruelle.
- La vérité, petit singe, c’est que j’aime contraindre les femmes rebelles, siffla-t-il.
La rage, soudain devenue créature dotée de vie propre, hurla en moi. Je n'étais plus que dents et ongles. J’eus l’avantage de la surprise - il venait de me voir tremblante et suppliante. Je dégageai mon visage et devenue dragon, je mordis sa main de toutes mes forces. Le sang gicla. Il cria tant de surprise que de douleur, fit un pas en arrière, je pus libérer mes mains. Je griffai son visage. Mes ongles étaient coupés courts mais j’avais un but : ses yeux. Mes doigts allèrent droit au but. Des images traversèrent mon esprit. J’allais mordre son œil à peine sorti de son orbite, le dévorer à pleines dents. Avec Veronika, j’allais lui ouvrir le ventre, comme j’avais ouvert tant d’animaux dans les cuisines, sortir ses entrailles. J’allais l'étrangler avec ses intestins.
- Ne le tue pas ! s’exclama Emilie. Ne le tue pas ! Reprends tes esprits !
Aldebert, la main et le visage ensanglantés, était furieux. Il envoya son poing dans ma direction, effleura mon oreille. Je décochai un coup de pied, le touchai moins haut que je ne l’avais escompté - c’est son genou qui reçut le coup - mais la chaussure d’homme produisit quand même un effet et il émit un bruit sourd. Haletant, il resta à distance pendant un instant.
- Sorcière ! grinça-t-il. Tu vas voir tout ce que tu vas subir pour oser me défier, pour ta violence ! Tu vas repartir avec nous, on va t’inclure dans la dot ! Je te ramènerai à Markus et c’est lui qui t'achèvera après t’avoir fait traverser les enfers !
- Les enfers, j’en viens, m’entendis-je répondre d’une voix basse, en palpant ma manche pour en tirer Veronika.
Emilie se glissa entre nous.
- Si tu l’approches à nouveau, tu vas le tuer ! cria-t-elle. Quitte la pièce, je t’en supplie ! Saute par la fenêtre ! La porte est fermée à clef ! Saute par la fenêtre !
Coupant court à mes envies de meurtre, en un instant, je lui obéis. J’enjambai la rambarde, me laissai glisser et attrapai la ferronnerie de mes deux mains, diminuant ainsi la distance qui me séparait du sol, puis lâchai tout.
4.
J'atterris sans trop de mal. J’avais perdu une de mes chaussures et je secouai le pied pour me débarrasser de l’autre. Ma cheville était douloureuse, mon genou aussi, je boitais mais mes jambes me portaient sans faillir. Je songeai à courir aux écuries pour m’emparer d’un cheval, peut-être fuir dans une galopade si le portail n’était pas fermé ? Je levai les yeux, je vis un instant le visage en furie d’Aldebert à la fenêtre - il disparut aussitôt, il se précipitait sans doute dans les escaliers.
Tournant la tête, je vis le Mongol, comme une flamme rouge en mouvement, marchant aussi vite qu’il le pouvait dans ma direction. Il avait dû voir ma chute. Un espoir nouveau me donna l'énergie de courir de toutes mes forces. Le Mongol avait l’autorité de s’interposer, s’il le voulait. Je me précipitai, courut vers lui, arrivai à sa hauteur et m’effondrai.
Des syllabes inarticulées jaillirent de ma bouche pleine de sang. Le sang de mon assaillant. Le Mongol poussa un cri de surprise alarmée et m’aida à me relever.
Aldebert et ses amis déboulèrent dans le jardin à cet instant-là. A leur vue, mes jambes refusèrent de me porter et je retombai à genoux.
- Protégez-moi Seigneur… soufflai-je, sans trop savoir si je parlais à Dieu ou au Mongol ni si j’avais été entendue de l’un ou de l’autre.
Dans un geste que resta gravé dans ma mémoire pour les siècles à venir, le Mongol fit trois enjambées et se plaça entre moi, à terre, et les jeunes hommes, à une vingtaine de mètres de là, figés par la surprise. Il leva sa canne et frappa le sol. Après quelques instants, il se tourna vers moi.
- Ils ont quitté le jardin, m’apprit-il. Ils sont rentrés dans la maison.
Il poussa une sorte de gloussement réjoui.
- Ils n’ont pas l’air fiers !
Je n’avais plus de force. Des taches noires dansaient devant mes yeux. Dans un étrange tourbillon d’images et de sensation, le vieil homme m'entraînait et j'avançais à vive allure sans être sûre de marcher, puis nous nous trouvâmes à l'intérieur de la maison, des couloirs que je ne reconnaissais pas, jusqu'à une porte que le Mongol ouvrit avec une large clef.
Nous entrâmes dans une pièce faite pour le travail de l’esprit - un bureau, des parchemins, des plumes, un encrier, quelques sièges. Une porte ouvrait sur une autre pièce, plus large qui donnait sur le jardin. Un lit, une table, des sièges, une cheminée.
Le Mongol m’assit sur un fauteuil dans la chambre, disparut un instant et j’entendis qu’il manipulait une cruche d’eau. Il revint avec un linge dont un coin était mouillé et m’aida à essuyer le sang de mon visage.
- Je ne suis pas blessée, dis-je encore haletante. C’est le sang de cet homme. Je l’ai mordu…
- Tu as bien fait, Xavier, dit-il.
Cet homme, à qui je n’avais jamais parlé, dont je n’avais d’ailleurs jamais entendu la voix avant ce jour-là, connaissait mon nom, qu’il prononçait à la française.
- Tu as froid, dit-il. Tu trembles.
Il alla vers le lit, y prit une couverture de laine épaisse qu’il déplia et dont il me couvrit. Puis il disparut de mon champ de vision un instant, et j’entendis qu’il appelait quelqu’un dans le couloir et donnait des ordres.
Il revint vers moi, et prenant le linge humide avec lequel il avait essuyé ma bouche, il s’assit sur un tabouret en face de moi, un bol d’eau à proximité, et entreprit de laver les petites blessures de mes pieds occasionnées lors de la chute et de ma course folle jusqu'à lui. Devant l'étrangeté de la scène, je clignai des yeux, me demandant si j'étais encore consciente.
- Alors, Xavier, dit-il tout en poursuivant sa tâche, j’ai besoin de savoir quelque chose. Celui que tu as mordu, c’est le rouquin qui saignait, ou il y en a un autre ?
- Non, c’est lui. Il n’y en a pas d’autres.
- Donc tu n’as tué personne ?
- Non, Monsieur.
- Bon ! Voilà une bonne nouvelle. Ça va faciliter les choses.
Il me sourit, ce qui occasionna à des petites fossettes d'apparaître sur son visage rebondi qui paraissait s’enfoncer directement dans son cou.
Sa voix grave n’avait rien d'étrange, il parlait sans aucun accent. C’était presque surprenant compte tenu de ses yeux si “plissés” comme avait dit Liselotte, presque jusqu'à ses tempes et l’aspect étrange de son crâne et de sa demi-chevelure.
- Alors le rouquin et ses deux acolytes, qu’est-ce qu’ils te voulaient ? On a bien vu, Gontran et moi, qu’il se passait quelque chose… comme une espèce de… (il fit un geste de la main) de secrets communs entre eux, cette peste de Gisela et sa clique.
Son visage se crispa un instant quand il prononça son nom. Elle avait raison, il ne l’aimait pas. Il poursuivit :
- Et de soir en soir, depuis leur arrivée, tu avais l’air de plus en plus sombre. Tu ne mangeais quasiment plus! Ils étaient là, comme des loups autour de toi, riant sous cape, se demandant par quel côté te dévorer plus commodément.
Il eut un soupir excédé à ce souvenir puis vit mon regard stupéfait. Il rit soudain.
- Bien sûr, je remarque ce genre de choses, Xavier ! Ça fait aussi partie de mon travail de comprendre ce qui se passe dans cette maison. Et de m’assurer que personne n’est en danger au Manoir. Burke, à ma requête, était toujours à proximité quand tu te trouvais près d’un de ces imbéciles.
- Et… et comment saviez-vous… ?
- Une des jeunes femmes proches de Gisela – je ne te dirai pas qui – se confie auprès de quelqu’un d’autre dans la maison, et cette personne a la gentillesse de m’informer régulièrement. Ça permet de prévenir certains risques, pas tous, évidemment. Je ne savais pas pour ce matin. C’est dommage : il aurait suffi que Burke se tienne devant la chambre de Gisela, comme par hasard, avant l’arrivée de ce petit malin. Je suis à peu près sûr que ça aurait calmé ses ardeurs…
On frappa à la porte. Le Mongol répondit et je vis entrer une servante que je n’avais encore jamais vue, une dame vieillissante qui devait avoir au moins une quarantaine d'années, portant un plateau avec des victuailles, qu’elle posa sur la table. Elle me regarda avec curiosité un instant puis détourna le regard.
- Margot, il faut trouver des chaussures à Xavier. Et aussi, pendant que nous y sommes, une autre tenue.
Il tira sur la manche de ma robe grise avec agacement.
- Gisela se sera vraiment donné du mal pour te tourmenter. Quel démon. Le premier soir où tu as porté ça, j'étais furieux. J’ai eu envie d’aller au milieu de toutes ces stupides poules de basse-cour, de te prendre par la main et t’emmener, pour que tu me serves, moi ! Pourquoi n’aurais-je pas de dame de compagnie ! Au moins, je te donnerais des vêtements corrects !
Était-il sérieux, ou fou ? Ou voulait-il me faire rire ? Je vis que la servante s’amusait de ses paroles. Elle semblait bien le connaître.
- Volker a laissé des vêtements ici, je crois, dit-elle. La taille aurait besoin d'être ajustée mais Karine pourrait rapidement faire des ourlets.
- Bonne idée, approuva-t-il.
Après en avoir terminé avec mes pieds, il prit soin de les glisser sous la couverture qui m’enveloppait toujours. Ils étaient glacés. La servante sortit. Une fois la porte refermée, il reprit :
- Alors, ces trois maladroits en voulaient à ta vertu ?
En quelques mots, je lui expliquai le pari et les ordres de Gisela. Puis du retour dans la chambre, l'arrivée d’Aldebert, sa violence soudaine. Je rapportai ce qu’il avait dit à propos de la dot, et je crus soudain que j’allais vomir. A la place, j'éclatai en sanglots, à ma grande honte. Les servantes ne sont pas censées s’émouvoir. Le vocabulaire l’indique bien. Les dames pleurent ou versent des larmes. Quand on est une servante, on chiale ou on braie. On embarrasse tout le monde.
5.
Quelques gorgées de soupe chaude me firent du bien, comme si je redevenais moi-même. Je souris au Mongol qui m’observait, lui aussi un bol de soupe à la main. Il sourit en retour. Sa longue tresse noire suivait les mouvements de sa tête, apparaissant sur une épaule ou sur l’autre comme la queue d’un chat impatient. J'étais à nouveau capable de respirer sans hâte. Je me sentais en sécurité pour le moment, même si je n’avais aucune idée de ce qui allait m'advenir. Tout allait dépendre de lui, du Mongol…
- Monsieur, puis-je vous poser une question ?
- Oui, Xavier.
- Quel est… je veux dire, je réalise que je ne connais pas votre nom…
Il eut un petit rire silencieux puis articula :
- A ki ra i shi ka wa.
Il le répéta deux fois devant mon air interdit. Finalement, je lui demandai :
- Puis-je continuer à vous appeler Monsieur ?
Il rit. Soudain, on frappa à la porte de ses quartiers, des coups rapides. Je sursautai violemment.
- Ne t'inquiète pas, Xavier, dit le vieil homme. C’est Gontran.
Je le regardai sans comprendre.
- Monsieur. Le maître de maison. Repose-toi, surtout ne bouge pas d’ici.
Il se leva, ferma la porte derrière lui, et j’entendis la voix agitée, presque fiévreuse, de Monsieur, entrant dans son bureau. Il parlait bas et si vite que ses propos évoquaient un bourdonnement d’abeilles au milieu desquelles parfois des syllabes se détachaient, scandées avec indignation.
- POURQUOI, MAIS POURQUOI……. POURQUOI A-T-ELLE FAIT ÇA ? ….
Était-il possible qu’il parle de moi ? Je tendis l’oreille et perçus des bribes de phrases.
- MON INVITÉ ! Elle attaque mon invité ! ………….. Ils veulent l’emmener avec eux, s’ils veulent l’emmener avec eux, qu’ils la prennent ! ………. Je ne peux pas garder une INSENSÉE sous mon toit……………. C’est le problème des orphelins, on ne sait pas QUI sont les parents, les parents sont peut-être FOUS à lier !
Soudain, la voix du Mongol, dominant la sienne.
- J'étais un orphelin moi aussi, c’est ce que tu penses de moi, Gontran ?
Aussitôt, le ton de Monsieur changea.
- Non, Akira, non, bien sûr que non, vous le savez bien, vous, c’est différent. Mais cette petite…
La voix du Mongol augmenta encore d'intensité, comme pour avoir la force de briser le courant d’une rivière qui persisterait à couler dans une mauvaise direction. Lui, je n’avais aucun mal à l’entendre.
- Cette petite était… dans la chambre de votre fille ! Le saviez-vous ? Elle était dans la chambre de votre fille, à la demande de votre fille, et cet homme l’y a suivi. Qui a attaqué qui, à votre avis ?
Moment de silence, ou sans doute des murmures que je ne pouvais entendre.
- Oui, je suis sûr ! reprit le Mongol. Je l’ai vue, cette enfant, je l’ai vue sauter par la fenêtre de la chambre de votre fille ! Tellement en détresse de l’assaut qu’elle subissait qu’elle a préféré se fracasser sur les pavés de la cour ! Elle a juste eu la force de se traîner jusqu'à mes pieds ! Et lui l’a encore poursuivie, avec ses deux Jean-Foutre complices ! Tous les trois sont arrivés en courant, sous mes yeux, pour s’emparer d’elle, qu’auraient-ils fait si je ne m'étais pas trouvé là ?
Murmures.
- La belle affaire ! Vous avez vu, nous avons vu tous les deux, comme elle était malmenée, moquée par ces méchantes pies qui entourent votre fille ! Si elle a vraiment giflé l’une d’elle, elle avait de bonnes raisons ! Qui vous dit qu’elle a attaqué cet homme pour autant ? Une adolescente attaque-t-elle un homme fait ? Une servante attaque-t-elle un Seigneur, à moins d’y être contrainte ?
Murmures.
- Bien sûr que je sais ! Elle est là, juste à côté, dans ma chambre, sous ma protection ! Vous voulez la voir ?
La porte qui séparait l'étude de la chambre s’ouvrit lentement. Monsieur me trouva, enveloppée dans la couverture et fraîchement ensanglantée. Avec un linge que je trempais dans le bol d’eau rougi, j’essuyais ma bouche pleine de sang, mes mains blessées ; mes pieds à nouveau meurtris étaient aussi visibles. Je tremblais et m’efforçais aussi d’essuyer maladroitement mes larmes.
Monsieur me regarda un instant. Je ne sentis pas de compassion de sa part, plutôt le fardeau que mon apparence, qui confortait le récit du Mongol, représentait pour lui. Bien sûr, j’avais utilisé Veronika pour ouvrir à nouveau mes blessures trop vite cicatrisées. Je voulais qu’il me voie comme le Mongol m’avait vue. Mes larmes n'étaient pas feintes. J'étais affolée qu’il considère si facilement, avec soulagement même, mon départ sous la garde de ces hommes.
- Xavier, voulez-vous répéter ce que cet homme vous a dit, à propos de Markus ?
Un instant me fut nécessaire avant que je puisse parler.
- Il était en colère, dis-je. … Il m’a dit que, pour me punir de m’être défendue, il exigerait de m’emmener avec lui, je ferais partie de la dot. Et il me donnerait à Markus. Et ce serait…
J’avais du mal à répéter ces mots, ma voix diminua d'intensité. Monsieur se pencha vers moi pour mieux entendre.
- Ce serait quoi ? Parle clairement, fille !
Son ton hostile, son insulte, me choquèrent. Je me redressai et terminai d’une voix forte :
- Il a dit que Markus me ferait subir mille tortures et m’achèverait lui-même.
Monsieur se tourne vers le Mongol.
- Il a dû dire ça sous l’effet de la colère ! On peut dire ça quand on est en colère…. S’il l’a vraiment dit !
Le Mongol répondit avec calme.
- Vous ne diriez pas ça, Gontran. Même sous le coup de la colère. A-t-il voulu faire peur à cette petite, c’est possible…
Dans une visible contrariété, Monsieur me tourna le dos et quitta la pièce sans un mot de plus. Le Mongol eut un geste apaisant de la main dans ma direction. Il semblait sûr de lui. De nouveau, la porte se ferma et les deux hommes parlèrent longuement sans que je puisse saisir leurs paroles, ou que je veuille même essayer.
6.
Si j’avais eu plus de force, j’aurais sans doute été tentée de fuir. L’attitude hostile de Monsieur me terrifiait. Fuir, courir sans plus jamais m'arrêter, tout plutôt que d'être emmenée captive.
De nouveau, le Mongol entra dans la chambre. Il perçut mes craintes dès que ses yeux se posèrent sur moi.
- N’aie pas peur, Xavier, dit-il en souriant largement. Je l’ai convaincu. Nous allons maintenant les rencontrer et, crois-moi, ce qui va se passer n’est pas ce qu’ils attendent…
J'étais bien trop loin dans la spirale de la panique pour que ses paroles m’atteignent vraiment. Il s’accroupit près de moi.
- Xavier, je l’ai convaincu. Il te croit à présent. Je dois l’accompagner. Tu vas rester ici. Tu es en sécurité dans mes quartiers, mais nulle part ailleurs. Si nous avons besoin de ta présence, je viendrai te chercher. Je viendrai personnellement. Si quelqu’un prétend venir de ma part, refuse de le suivre. Je vais aussi poster un ou deux gardes dans le couloir près de ma porte et dans le jardin, non loin des fenêtres. Juste pour être sûr. Tu me comprends ?
Je hochai lentement la tête, soudain consciente de ma vulnérabilité.
- Ma vie est entre vos mains, Monsieur.
Il prit mes deux mains, les serra un instant.
- Je le sais, dit-il gravement. Et ta vie te sera rendue intacte, dès ce soir, je crois. Essaie de dormir. Veux tu t’installer sur mon lit ? Il est confortable.
J’avais l’intention de refuser mais d'un seul mouvement, avec une aisance qui me surprit, le Mongol me porta sur son lit, étendit la couverture sur moi.
- Je t’en supplie, insista-t-il, ne quitte pas cette chambre.
Pouvais-je lui faire confiance ? Ou me précipitais-je aveuglément dans une souricière ? Si me céder à ces hommes permettait de conclure les négociations sur la dot, le Mongol se ferait-il une raison ?
- Pourquoi êtes-vous si bon pour moi ? demandai-je.
Ce que je voulais demander, mais comment sans l’insulter, c’était plutôt “Etes-vous vraiment bon pour moi ?” Il sourit et réfléchit un instant avant de répondre.
- C’est satisfaisant. Sauver une jeune fille en détresse, ça fait du bien à l'âme. Je ne te trahirai pas, Xavier. Repose-toi.
7.
Il me semblait que je n’avais jamais reposé sur lit plus moelleux. Mais j'étais si tendue que dormir était impensable. Pourtant, je perdis conscience de ce qui m’entourait et l’instant suivant, il faisait nuit.
Je me redressai le cœur battant dans l'obscurité. Que s’était-il passé pendant toutes ces heures ? La lumière filtrait sous la porte et j’entendais des bruits de voix dans le petit bureau voisin. Je me levai, toujours dans la robe grise et ouvrit doucement la porte.
Le Mongol était derrière son bureau et Monsieur dans un fauteuil en face de lui. Plusieurs chandeliers aux multiples bougies donnaient presque l’illusion du jour. Les deux hommes étaient détendus, souriants, allègres même. Ils me virent au même moment - je n’osai imaginer quelle devait être mon apparence, échevelée et les traits encore gorgés de mes larmes du matin.
Monsieur rit en me voyant, mais c’était un rire qui n’avait rien de moqueur.
- Voici notre bienfaitrice ! s’exclama-t-il.
Je vis alors qu’il tenait un gobelet de vin qu’il semblait lever à ma santé.
- Nous avons fait bon travail, confirma le Mongol. Ces pauvres jeunes gens, ils n’ont pas vu venir l’orage ! Et Monsieur le Curé…
Tous deux rirent à ce souvenir.
- J’ai rompu les fiançailles de Gisela et Markus, annonça Monsieur. Enfin, le projet de fiançailles.
Je ne m’attendais pas à ça. Il poursuivit :
- Ces négociations, je voyais bien que nous n’allions nul part. Ce curé était trop gourmand et inflexible.
- Et il menaçait de répandre toutes sortes de rumeurs sur notre “pauvreté” si nous résistions à ses demandes, continua le vieil Asiatique. Très mauvais pour les affaires, et il le savait!
- Alors que là, compte tenu de la conduite indigne de ce garçon, et ses mensonges, j’avais une bonne raison, très chrétienne, de briser les ponts ! Défendre la petite orpheline contre le méchant renard …
La tête m’en tournait.
- Qu’a dit Gisela ?
De nouveau, les deux hommes échangèrent un regard hilare.
- Monsieur a été magnifique, déclara le Mongol. Un lion à qui rien ne résiste.
Le maître de maison fit un geste de la main modeste, mais il était visiblement ravi du compliment.
- J’ai dit à Gisela…. “si tu dis un mot de plus, j’ordonne à ta petite cour, tes dames de compagnie, tes amies de vider les lieux dès demain. Qu’elles accompagnent donc le Révérend et son escorte si elles le veulent !” Oui, ils repartent demain.
- Elle a très bien compris que vous étiez sérieux !
- C’est vrai… Il était temps qu’elle sente mon autorité. Son insolence devenait palpable !
Monsieur se tourna vers moi à nouveau.
- Xaver, vous m’avez rendu un grand service. J’ai donné quelques ordres à Monsieur Akira pour vous remercier. Il vous dira…
Il se leva et, un peu ivre, quitta la pièce. Akira le suivit, s’assurant qu’un serviteur portant une torche guidait Monsieur et je l’entendis aussi donner un ordre à un homme d’arme – je reconnus le fidèle Burke - lui enjoignant de suivre et s’assurer que Monsieur parvienne jusqu'à son lit sans encombre.
8.
- Tu veux un autre pain de viande ?
Je ris en poussant un soupir exagérément bruyant.
- Non, ou je vais voler en éclats !
Monsieur Akira avait fait venir une copieuse collation des cuisines. Sans appétit, j’avais tout d’abord grignoté pour honorer sa bonté à mon endroit, puis je m'étais surprise à apprécier cette bonne chère. J'étais affamée !
Lui m’avait accompagnée dans la dégustation, tout en me racontant le face à face qui avait eu lieu plus tôt.
- Monsieur n’aime pas les affrontements, me dit-il à voix basse. Donc quand Aldebert l’a abordé, ce matin, la main bandée, montrant son œil au beurre noir et ses griffures…
- Un œil au beurre noir ?
- Oui ! Les griffures sont superficielles, on le voit, mais on a l’impression qu’il a reçu un coup de poing magistral dans l’œil droit.
Je restai songeuse un instant, terminant rapidement ma bouchée de pâte de campagne.
- Je ne lui ai pas donné de coup de poing… mais c’est vrai que je me suis attaquée à son œil. Je voulais le lui arracher.
Je vis la surprise sur le visage du Mongol.
- J'étais dans une grande détresse …. ajoutai-je à mi-voix, craignant soudain qu’il révise son opinion sur la demoiselle en danger qu’il avait sauvée.
- Gontran lui a promis de tirer cette histoire au clair, reprit-il, et de te retrouver. Ils espéraient donc des excuses et, pour compenser les blessures du pauvre jeune homme, une abdication de nos contre-propositions. Sans compter, cerise sur le gâteau, toi. Monsieur avait presque donné sa parole que tu repartirais avec eux.
Je frissonnai.
- A la place, ils ont vu arriver Monsieur rouge de colère, moi sur ses talons. Monsieur a accusé Aldebert d’avoir osé lui mentir, de s’être plaint alors qu’il était l’agresseur - saccageant même la chambre de la fille de la maison. Il a ajouté que Gisela avait engagé cette orpheline par charité, et que Aldebert ne pouvait l’ignorer. L’assaut montrait, outre une violation des règles d'hospitalité que tout jeune homme de son monde se devait d’observer, une absence totale de vertus chrétiennes de l'émissaire de Markus. En conséquence, il reprenait son consentement. Et c’était fini…
Le Mongol resta silencieux un instant avant de reprendre :
- Tu aurais vu ce petit sournois, il était rouge comme un coq en nous voyant arriver, sûr de lui… Soudain, il est devenu tout pâle. Il répétait : “Mais… vous ne pouvez pas faire ça… Ce n'est qu’une servante ! “ Il regardait désespérément le Révérend, espérant je ne sais pas… un tour de magie ?
- Comment a-t-il réagi, le curé ? demandai-je, buvant ses paroles.
- Il a tout de suite saisi que la décision était prise. L’assurance de Gontran montrait clairement que nous en avions fini. Il n’a pas insisté. La seule chose qu’il a obtenue, c’est de partir demain matin, et non sur le champ. J’aurais aimé pouvoir t’annoncer qu’ils n'étaient plus sous ce toit…
Il tendit la main pour saisir une tartelette au gingembre dans laquelle il mordit avec plaisir.
- Ensuite Gontran est allé trouver Gisela, qui était dans la grande salle aux cheminées avec ses chipies. Il l’a informée de ce qui s’était passé. Il y a eu des cris et des pleurs. Et tu sais, je suis fier de lui. Il a toujours été faible avec elle. Mais là, il a tenu bon. Alors qu’elle essayait de l’amener à revenir sur sa décision, il l’a prise par le bras, a marché avec elle jusqu'à la fenêtre, et il lui a dit à voix basse qu’il savait toute l’histoire, qu’il avait honte de sa conduite, et que si elle ne se calmait pas à l’instant, il renvoyait toutes ses dames de compagnie. Elle est allée bouder dans sa chambre avec ses amies, et ce soir, au dîner, elle était pâle et alanguie, se prétendant au bord de l'évanouissement.
La tartelette terminée, le vieil homme s’essaya les mains sur la longuière, la nappe prévue à cet effet qui avait été déployée sur la table à l'arrivée de la collation.
- Elle s’est un peu ranimée pour demander où tu étais, et dans quel état… Une question restée sans réponse. Les rumeurs à ton sujet sont très variées après ton saut par la fenêtre, selon certains tu es mourante et tu as été transportée à l'hôtel Dieu de la ville en grand secret… selon d’autres, tu es encore sous ce toit mais cassée de partout. Certains se doutent que tu es dans mes quartiers et on se demande… si je finirai par te croquer, puisqu’apparemment, c’est mon passe-temps.
Je baissai les yeux en souriant. Monsieur Akira reprit.
- Il vaut mieux que tu restes ici pour quelques jours, le temps que les émotions se calment. Ça ne t’ennuie pas ?
- Pas le moins du monde. J'espère surtout que ma présence ne va pas être un fardeau pour vous…
- Penses-tu ! Un peu de compagnie, c’est agréable. Je suis un vieux solitaire.
9.
Je rêvais que j'écoutais le cœur de la Terre. Accroupie près d’une souche d’arbre qui dissimulait une crevasse sans fond, il me semblait voir des étoiles dans cet abîme. Et j’entendais le cœur.
Le cœur de la Terre me disait que j'étais enracinée dans la vie. Je faisais partie de la nature, et tout comme elle, je vivais d’une saison à l’autre sous différentes apparences. Un ours s’approcha. Sans aucune peur, je m’assis près de lui, et, la tête sur sa poitrine, j'écoutai son cœur, qui suivait le rythme de la Terre. Il caressait mes cheveux avec bienveillance.
Je sortis du sommeil et je reconnus, dans la demi-obscurité de la fin de nuit, la chambre du Mongol. J'étais dans son lit. Il m’avait proposé de dormir sur des coussins, par terre, comme je le faisais dans la chambre de Gisela. Un petit monticule de polochons et couvertures avait même été apporté. Mais je pouvais aussi le rejoindre dans le lit dont j’avais pu apprécier le confort.
- Je suppose que tu sais que je ne présente pas de danger pour ta vertu ? je suis trop vieux… en plus, les femmes sont mes amies, pas mes amantes.
Je souris, un peu embarrassée. Dans un premier temps, j'avais opté pour les coussins. Mais à chaque fois que je m’assoupissais, j'étais aussitôt réveillée en sursaut par une vague de panique. J’entendis le Mongol m’appeler de son lit.
- Xavier… Tu me donnes le tournis ! Viens.
Je m'étais assise sur le bord du lit.
- Il y a de la place pour nous deux, dit-il.
Dans le fond, sa présence était rassurante. Si des ennemis surgissaient, je pouvais rester quasiment invisible sous les couvertures, près de sa masse imposante. Comme c’était la coutume à l'époque, il dormait presque assis, reposant sur de nombreux oreillers. J'écoutais sa respiration calme et tentais d’en imiter le rythme.
Quand j’ouvris les yeux, à ma surprise, j’étais étroitement serrée contre lui, glissée entre son côté et son bras, la tête sur sa poitrine. C’est son cœur que j’entendais dans mon rêve.
- Je ne voulais pas te réveiller, souffla Akira. Mais puisque tu as ouvert les yeux, viens ! … Je veux te montrer quelque chose…
10.
- Tu les vois ?
L’odeur intense de poussière aurait été incommodante si le Mongol, prévoyant, ne m’avait donné un mouchoir en fin tissu où enfouir mon visage avant d’en sortir un pour lui-même. Nous étions dans le grenier sous la charpente du toit, et une fenêtre ronde nous permettait de voir le chemin menant à la grille du manoir. Venant de la cour intérieure, je vis passer le carrosse sombre tiré par 4 chevaux bai, encadré par plusieurs hommes d’armes auprès desquels Jarvis et Ernest chevauchaient.
Je regardai le carrosse se mouvoir jusqu’à la grille puis disparaitre tandis que les grilles étaient refermées après leur passage.
Monsieur Akira me fit signe et nous quittâmes le grenier. Puis nous descendîmes lentement l'escalier étroit.
- Tu as vu ? chuchota-t-il. Aldebert était dans le carrosse avec le curé. Sans doute le moment de se faire tirer les oreilles…
Il s'arrêta brusquement, attendit que le serviteur qu'il venait d’entendre en contrebas passe sans nous voir.
- Merci de m’avoir permis de les voir partir, murmurai-je avant de reprendre notre descente.
- Oui ? J’ai pensé que ça te tranquilliserait…
11.
Vu de loin, le Mongol évoquait une force immobile, presque minérale, un peu comme une statue dotée de pouvoirs invisibles. Mais il était au contraire toujours en mouvement, heureux de parler, de partager, voulant en savoir plus sans être indiscret. Quand un silence s’instaurait entre nous, il faisait ce geste de la main vers moi et il disait : pose-moi des questions. Moi qui avais appris à être silencieuse et impassible, je me découvrais loquace, heureuse de ces conversations.
Vivre avec lui, d’une étrange façon, me rappelait la légèreté d’un passé lointain, mon enfance peut-être. Je retrouvais une gaieté, une insouciance dont je ne me souvenais pas mais qui me semblait toute naturelle.
J’aimais sa chambre, une grande pièce aux murs de pierre claire. Une tapisserie aux tons cramoisis était pendue au-dessus de la cheminée.
Akira m’apprit que Monsieur m’avait donné des pièces d’or, dédommagement pour ce que j’avais subi et expression de sa gratitude. Il offrait aussi de me garder à son service, si je le souhaitais, où que je veuille travailler, même auprès de sa fille si j’insistais - bien qu’il me déconseille un tel projet.
J’avais rêvé des cuisines, mais je me doutais que ce n’était plus possible. Le Mongol confirma mon intuition.
- Tu ne peux pas rester ici, Xavier. Dieu sait que ta compagnie est plaisante et je sais déjà que tu vas me manquer. Mais ta sécurité est compromise. Que tu travailles en cuisine ou ailleurs, tout le monde sait ce qui s’est passé. Tu attirerais des attentions indésirables. Et tu as maintenant Madame et Gisela contre toi. Elles se sont persuadées que la rupture avec Markus est de ta faute. Elles te chercheront des noises, d’une façon ou d’une autre.
Je n'étais pas surprise. Le Mongol reprit.
- La solution est simple. J’ai de nombreux amis et des correspondants de confiance, je vais écrire et leur demander de te trouver une position, quelque chose qui te plaise et dans une famille qui tient à cœur de traiter ses serviteurs avec bonté. Alors, combien de temps ça va prendre… je ne sais pas. Et en attendant…
Il fit une pause, et je me précipitai.
- Monsieur, je sais lire, écrire et compter !
- Oui ? C’est bien, Xavier…
Visiblement, il se demandait où je voulais en venir.
- Monsieur, dans le passé, vous avez eu un secrétaire. Pour le moment, personne n’occupe cette position. En attendant mon départ, peut-être pourrais-je être votre secrétaire ? J’ai une bonne mémoire et je suis précise.
Le vieil homme sourit lentement.
- Mais je n’avais pas pensé à ça, Xavier ! J’aimerais beaucoup que tu sois mon secrétaire !
A partir de là, les journées s'organisèrent tout naturellement. Le Mongol se réveillait tôt, et comme je dormais près de lui, je sortais du sommeil au même moment. Il avait fait aménager un coin de sa chambre, derrière un paravent, pour mon débarbouillage du matin. Une cruche, et une grande bassine m’y attendait, ainsi qu’un pot de chambre. Il avait une petite pièce pour lui-même à cet effet.
J’ai souvent entendu dire, à mon grand agacement, que les gens étaient sales au Moyen Age. Certes, la propreté est autant question de cultures et d’habitudes que de nettoyage. Les tenues dont nous nous vêtissions par-dessus nos chemises ne pouvaient pas être fourrées avec désinvolture dans une machine à laver le linge. Mais je me souviens d’avoir toujours trouvé moyen de me laver avec une fréquence raisonnable au fil des siècles, même si c’était souvent dans une rivière ou en utilisant une bassine.
Les vêtements de Volker, une fois la longueur des bras et jambes retouchées, m’allaient parfaitement. Je m'étais habituée à la mauvaise laine grise donc, par contraste, je me sentais enveloppée d’une douceur exquise. Par-dessus les braies, j’enfilais une chainse (tunique sans manche) sur laquelle, en cette fin d’automne, j’ajoutais un surcot dont les manches et la capuche me protégeaient du froid. Je le serrais avec une ceinture fine. La servante Margot m’avait trouvé de bonnes chaussures à ma taille et c’était là aussi un soulagement d’avoir les pied protégés et maintenus.
Une fois habillée, le Mongol m’inspectait. Cela l’amusait de parfaire mon accoutrement. Il rectifiait la tenue d’une manche, aplatissait ma poitrine d’une petite tape. C’était devenu une plaisanterie entre nous. Volker devait être un jeune homme râblé, ma poitrine modeste avait l’espace d’exister sans être contrainte. Avec un peu de charbon de bois qu’il tirait de la cheminée, Akira noircissait légèrement mes sourcils, qui sont clairs dans leur état naturel et se confondent avec mon teint mat. Cette simple touche changeait ma physionomie d’une façon qui me surprit. Examinant mon reflet dans une vitre, je me trouvai un air énergique, martial presque et c’était avec confiance que je marchais aux côtés de mon protecteur pour notre promenade du matin.
Monsieur Akira mettait souvent la main sur mon épaule pour l’aider dans sa marche, même si je le voyais souvent aller d’un endroit à un autre sans aucune gêne. Mais il faisait souvent allusion à son âge et à sa mort prochaine, ce qui me chagrinait d’avance.
A notre retour dans sa chambre, Margot et ses assistantes avaient fait un rapide ménage dans les lieux et apporté une collation, une bouillie de grains concassés ou une soupe chaude.
Nous mangions puis le Mongol allait rejoindre Monsieur pour la journée. Il me laissait avec des tâches à accomplir, le plus souvent des documents qu’il me demandait de copier. Je m’installais sur son bureau, concentrée à dessiner des lettres aussi parfaites que possible. Le bonheur, ça peut être aussi simple qu’une majuscule gracieuse qui sent encore bon l’encre fraîche sur un parchemin vierge.
Le soir, avant de se coucher, Monsieur Akira me demandait de masser ses pieds. Il m’avait appris exactement comment faire pression sur différents points de la plante de ses pieds pour soulager des douleurs qu’il ressentait dans tout son corps. Ensuite, j'éteignais les dernières bougies, rabattais les drapages du baldaquin et me glissais dans le lit.
Il m’y attendait, étendant son bras pour que j’aie la place de me glisser contre lui. Nous bavardions souvent dans le noir. Parfois, il caressait parfois mes cheveux et dessinait distraitement des arabesques le long de mes côtes. Il s’endormait toujours avant moi. Sa respiration calme, les battements réguliers de son cœur m’emplissaient de quiétude. Je pouvais dormir sans crainte tant que j'étais près de lui, protégée par sa seule existence.
12.
Une semaine était passée et il était temps, estimait Monsieur Akira, que je redevienne visible. Je l'accompagnais désormais, m’asseyant à ses côtés pendant ses moments de travail avec Monsieur. Lorsque nous croisions qui que ce soit dans les couloirs, je notais les regards soudain attentifs tournés vers moi.
- Tu es différente habillée en homme, commenta le Mongol en riant. Ils ne sont pas surs que c’est toi !
Je savais que quelques grammes de charbon de bois sur mon visage ajoutaient au mystère. Et nombreux étaient ceux, de toutes façons, qui ne m’avaient jamais vues.
- Tu es sûre que ça ne t’ennuie pas ? demanda mon protecteur à plusieurs reprises.
Je répondis sans mentir. Ces vêtements me plaisaient et me réconfortaient tout à la fois. Je voyais aussi que Akira aimait me voir ainsi vêtue. Parfois il m’appelait “mon garçon”. Ça ne me troublait pas. Il m’avait fait la surprise de me faire confectionner une canne comme la sienne, avec un pommeau argenté, mais à ma taille.
- Tu as vite guéri de tes blessures, mais si on te voit cheminer avec un peu de peine, aidée d’une canne, ce n’est pas plus mal.
J’avais attendu avec une certaine appréhension le moment de me retrouver dans la grande salle aux cheminées, cette fois assise avec Monsieur et le Mongol.
Le soir où je réapparus pour la première fois, j’entendis Gisela et sa cour arriver et s’installer près de l’autre cheminée. Il aurait fallu que je me tourne à moitié pour les voir et je n’y tenais pas. Je restai immobile. J’aurais aimé être invisible. Akira bougea sa jambe imperceptiblement pour créer un contact avec la mienne, une façon discrète de me rappeler que je n'étais pas seule. Je souris sans le regarder, me concentrant sur Monsieur qui parlait des obstacles récents dus au mauvais temps sur les routes provenant des mines de sel.
- Comment agir pour aller au-devant de ces inconvénients ? disait-il, inquiet que les négociants qu’il fournissait se retrouvent démunis.
Gisela soudain était devant nous, en robe sombre. Elle me regarda avec insistance puis se tourna vers son père.
- Puis-je m’entretenir avec Xaver ?
Monsieur regarda le Mongol, aussi se tourna-t-elle vers lui.
- C’est à Xavier que vous devez poser cette question, dit celui-ci simplement. Elle fait ce qu’elle veut.
Gisela me dévisagea à nouveau.
- Viens, j’ai à te parler.
Je la regardai sans bouger. Après un moment, je lui souris et dis :
- Je ne suis plus à votre service, Madame. Mais si vous me demandez un moment pour me parler, j’y répondrai volontiers.
Je ne voulais pas l’offenser. Surtout pas. Gisela était très jeune, je ne voulais pas m’en faire une ennemie a vie. Mais, sans lui faire perdre la face, il était important qu’elle sache qu'il existait désormais une limite à son pouvoir me concernant.
- Bon ! soupira Gisela d’un ton excédé. Puis-je, s'il vous plaît, m’entretenir avec vous, Xaver ? S’il vous plaît ?
- Bien sûr.
Je me levai et passant devant le Mongol, je sentis qu’il poussait vers moi la petite canne. Je pris l’objet et m’appuyai dessus, boitant bas. Dès que je fus devant elle, Gisela dit :
- On va dans ma chambre. Je ne veux pas qu’on soit entendues.
- Non. Je ne tiens pas à aller dans votre chambre.
La stupéfaction de la jeune femme gagnait à être vue. Sans me tourner vers eux, je devinai que Monsieur et le Mongol se réjouissaient de notre dialogue. Je ne cherchais pourtant pas à contrarier Gisela. J'étais résolue à ne pas remettre les pieds dans son antre.
- Mais alors… quoi ? comment veux-tu que…
Je l’interrompis.
- Je vais m’asseoir près de la fenêtre, là-bas. Rejoignez-moi si vous voulez parler.
Sans attendre sa réponse, je me dirigeai vers l’endroit que je venais d’indiquer, une fenêtre un peu isolée qui donnait sur le jardin et devant laquelle une banquette avait ete posee. Peut-être la fenêtre près de laquelle Monsieur avait morigéné sa fille.
Je m’assis sur la banquette. Gisela m’avait suivie et s’assit à son tour. Elle était sombre et troublée.
- Tu boites à cause de ta chute ? demanda-t-elle.
- Oui.
- J’ai entendu dire que tu étais mourante ! Que tu étais brisée… et ne marcherais plus jamais. Tu aurais dû me faire passer un message me donnant de tes nouvelles ! J'étais inquiète… Et tu as dû savoir que mes fiançailles n’auront pas lieu. Je suis désespérée… Pourquoi me faire ça ? Pourquoi veux-tu me nuire ? Quelqu’un t’a-t-il payé ? La famille de Hans, peut-être ?
L'idée était si saugrenue que je réprimai un sourire. Je notai cependant que Gisela était pâle et semblait défaite. Son désarroi était sincère. Je me penchai vers la jeune femme.
- Personne ne m’a, bien sûr, payé, Madame. Au contraire, j’ai fait de mon mieux pour vous obéir. Je suis retournée dans votre chambre. Aldebert m’a rejointe. Mais soudain, c’est comme s’il était devenu un autre homme. Sa gentillesse a disparu et il a sauté sur moi comme un fauve. Il m’a traité de singe et m’a dit qu’il aimait qu’une femme se débatte, qu’il aimait contraindre les femmes.
Gisela me regarda, stupéfaite.
- Mais pourquoi aurait-il fait ça ?
Je fis un geste d’ignorance, prétendant ne pas remarquer son conditionnel et poursuivis :
- Je me suis débattue, j'étais désorientée, j’avais si peur. J’ai pensé qu’il allait me tuer.
- Je ne l’aurais pas laissé te tuer !
- Mais vous n'étiez pas dans la pièce, Madame. Il avait fermé la porte à clef, c’est pour ça que je me suis échappée par la seule issue, la fenêtre.
Gisela resta silencieuse un moment, sans me regarder. Puis elle reprit avec une note de colère dans la voix.
- Tu l’as frappé, tu l’as blessé, et il n’a pas riposté pour ne pas risquer de te faire mal.
Cette affirmation me choqua tant que je ne sus que dire. Je haussai les épaules imperceptiblement, voulant montrer que je n’avais aucun pouvoir sur sa version des faits. Je me préparai à me lever.
- Avez-vous d’autres questions, Madame ? Sinon, je vais rejoindre…
- Attends, attends… Où as-tu appris à te battre ainsi ? Qu’il se soit défendu ou pas, tu lui as porté des coups ! Ce n’est pas au couvent… Les religieuses ne t’ont pas appris à frapper les hommes, quand même ?
Je soupirai.
- Madame, quand on n’a pas de père qui vous protège, de maison qui vous abrite, de gens d’armes prêts à vous défendre, vous savez vous battre un peu, sinon vous êtes morte !
- Mais le couvent…
- Une fois sortie du couvent, et avant d’arriver ici, j’ai vécu dans un monde où on s’amuse à tourmenter les gens comme moi.
De nouveau, elle resta silencieuse, le regard au loin. Puis elle me détailla.
- Mais… il t’habille en homme ! Je comprends maintenant ! Le Mongol s’est emparé de toi, il se sert de toi contre moi ! Et il te transforme en homme pour son plaisir ! Ne le vois-tu pas ? C’est affreux, pauvre Xaver… Et une fois qu’il en aura terminé avec toi, et ce sera bientôt, il te fera disparaitre comme il l’a fait avec Volker ! Réagis, Xaver ! Tu es en danger ! Reviens avec moi, avec nous ! Tout sera oublié, je te pardonnerai tout !
Je sentis la colère monter en moi. Comment osait-elle parler ainsi de mon bienfaiteur ? Celui qui avait bataillé avec Monsieur pendant des heures pour le convaincre de ne pas m’abandonner à mon sort, celui qui me permettait de m'asseoir à son bureau et d'utiliser ses plumes… et elle, en contraste, qui me croyait pucelle, et qui m’ordonnait de coucher avec le premier venu pour gagner un pari….
- Ne vous inquiétez pas, Madame, dis-je froidement. Je n’ai rien à craindre de Monsieur Akira. Contrairement à vous, il ne me demandera jamais de faire la pute pour lui.
Gisela se leva d’un bond, horrifiée.
- Qu’as-tu dit ?
- La simple vérité. Pour un peu d’argent, le prix d’un pari, vous avez encouragé cet homme à s’amuser avec “le singe”… vous m’avez transformée en putain.
- Mais comment OSES-tu ? Ce n’est pas… ce n’est pas du tout….
Elle tourna sur elle-même, se demandant comment réagir à l’insulte que je venais de lui lancer au visage. Elle fit deux pas en direction de son père, se ravisa, fit un pas vers ses amies, changea d’avis et revint vers moi.
- Après tout ce que j’ai fait pour toi, comment oses-tu me parler ainsi, avec ces mots orduriers… siffla-t-elle entre ses dents. Tu es une fille des rues ! Une trainée, jetée dehors par un couvent ! Pas étonnant que tu sois devenue la créature du Mongol !
Et dire que je ne voulais pas lui faire perdre la face… Ma petite Sainte devait se tordre les mains devant mon imprudence.
Gisela me fixa sans plus rien dire, les yeux plein de larmes. Je voyais sa poitrine bouger au rythme de ses respirations saccadées. La colère disparaissant, je réalisai l’ampleur de l’offense que je venais de commettre. Curieusement, ce qui me rasséréna en cet instant, ce fut le souvenir de la façon dont elle m’avait pincée.
Elle finit par me tourner le dos et retourna auprès de son petit groupe, qui, la voyant bouleversée, l'entoura aussitôt. Elle agita les bras pour les chasser, puis se leva et quitta la pièce, leur donnant l’ordre de ne pas la suivre. Je retournai m'asseoir près du Mongol, suivie par cinq paires d’yeux indignés. J’imaginai que Gisela était allée trouver sa mère, et à cet instant même, réfléchissais avec elle a la meilleure façon de me faire payer mon insolence. Je me mordis les lèvres tandis que Monsieur et Akira me regardaient.
- Je n’ai pas été très gentille… murmurai-je.
Ils ne me posèrent aucune question.
Top, top, top ! Excellente révélation et très bien amenée ! Je ne m'attendais clairement pas à ce que le Mongol soit Akira, c'est super intéressant ! Quand on se rend compte que deux personnages secondaires n'en forment qu'un, c'est souvent très satisfaisant. Même après qu'il ait épelé son nom je n'ai pas capté, le "ah ouiiiii" n'est venu que deux lignes plus loin xD
C'est hyper cool d'approfondir autant le personnage et la façon dont il aide Max ! Pour la dernière scène, c'était assez satisfaisant et réaliste. Gisela n'est pas le genre de personne à venir s'excuser, c'est bien de privilégier le "réalisme" .
J'espère malgré tout que sa relation avec sa père va repartir sur de bonnes bases et qu'elle deviendra une jeune femme intéressante. C'est assez triste de voir ce genre de personnes mal tournées à cause d'une éducation trop permissive.
Mes remarques :
"Les dames pleurent ou versent des larmes. Quand on est une servante, on chiale ou on braie. On embarrasse tout le monde." j'adore !!
"qui ne m’avaient jamais vues." -> vue ?
Un plaisir,
A bientôt !
Gisela va en effet evoluer apres cette confrontation, sans vraiment changer au fond... tu verras !
Merci de ton commentaire !
J’ai bien aimé ce chapitre dans le passé. Le personnage d’Akira est bien présenté, petit à petit. On se doute bien depuis le début qu’il ne mange personne, en attendant qu’il joue son rôle. Bien amené.
Il y a un vrai suspens dans le passage dans la chambre, avec cette indécision de Xaver (se laisser faire ou se rebeller) et c’est haletant.
Je crois que je supprimerais la conversation aux chandelles avec Monsieur, Akira et Xavier. Que le Monsieur se confie autant sur le déroulement auprès d’une servante qui, malgré tout, reste une servante, m’a paru étrange, un peu trop rapide. Et surtout, Akira raconte ensuite l’histoire en détail. À mon avis, tu pourrais à ce moment-là laisser encore un peu de suspens sur ce qu’il s’est passé en attendant l’explication d’Akira.
Quelques suggestions d’écriture/orthographe :
- Il me sourit, ce qui occasionna à des petites fossettes d'apparaître sur son visage rebondi qui paraissait s’enfoncer directement dans son cou : je pense que tu peux reformuler plus simplement en supprimant « ce qui occasionna »
- Vous voulez la voir ?: vu le niveau de langage, j’aurais écrit « voulez-vous »
- Si j’avais eu plus de force, j’aurais sans doute été tentée de fuir : si + tentée… « j’aurais tenté de fuir », directement ?
- Sans appétit, (…). J'étais affamée ! : je comprends ce que tu veux dire, mais cette opposition choque un peu tout de même. « L’estomac noué, (…). J'étais affamée ! » ?
- Je regardai le carrosse se mouvoir jusqu’à la grille puis disparaitre tandis que les grilles étaient refermées après leur passage. : 2 fois "grille" dans la même phrase (portail / grille ?)
- d’avoir les pied protégés et maintenus : les piedS
- Parfois, il caressait parfois : répétition de parfois
- qui ne m’avaient jamais vues. : vue (singulier)
- Je voyais aussi que Akira : qu’Akira
- qu’on soit entendues : j’aurais écrit « entendu » pour le « on »
- une banquette avait ete posee : mettre les accents
- Quelqu’un t’a-t-il payé/ Personne ne m’a, bien sûr, payé : payéE