Chapitre 21 : Droit de visite

Notes de l’auteur : TW : violence explicite

Syola s’éveilla la première le lendemain matin. Le baume fonctionnait à merveille, faisant disparaître la douleur et aidant les chairs à se soigner, si bien qu’elle avait pu dormir correctement. Elle se trouva fort meurtrie d’ouvrir les yeux dans le boudoir, seule, loin de son amant.

Elle s’habilla puis se rendit à l’atelier, non sans faire son habituel détour vers la pouponnière. Deux gardes en flanquaient l’entrée. Depuis quand ? Son fils était-il en danger ? Certains tenteraient-ils de blesser un conseiller en s’en prenant à son enfant ? Syola frémit d’inquiétude.

Syola s’approcha. Un garde l’arrêta de la main à quelques pouces devant elle.

- Désolée, madame, vous ne pouvez pas entrer, indiqua-t-il.

- Pardon ? s’étrangla Syola.

- Je tiens mes ordres du conseiller Stylus en personne. Voyez cela avec lui.

Syola recula d’un pas, regardant à droite à gauche, respirant difficilement. Teflan l’empêchait de voir son fils. Pourquoi ? La mâchoire et les poings serrés, elle se rendit dans la chambre principale de leurs appartements. Teflan dégustait quelques fruits tout en lisant un parchemin. Les rideaux ouverts laissaient entrer le soleil levant. Cette luminosité le mettait en valeur, faisant étinceler ses cheveux blonds. Syola dut chasser ses envies pour se reconcentrer sur son fils. Elle s’avança, bien décidée à obtenir des explications.

Elle se campa devant Teflan, les poings sur les hanches. Teflan mâcha son fruit et ne daigna pas lui accorder un regard.

- Pourquoi ne puis-je pas aller voir notre fils ? gronda Syola.

- Il est entre de bonnes mains, rassure-toi. J’ai employé les meilleures nourrices au monde.

- Je n’en doute pas, répliqua Syola. Il reste mon fils et un enfant a besoin de sa mère.

C’était surtout elle qui avait besoin de lui, de son odeur, de ses gazouillis, de ses petits doigts saisissant les siens, de ses sourires, de ses grands yeux bleus.

- J’avoue ne pas saisir. Chaak ne veut pas que tu sois avec moi mais il accepte que tu te trouves en compagnie de Benjamin. Sois cohérente. Soit il accepte que tu aimes, soit il n’accepte pas.

C’est toi qu’il hait, pensa Syola qui choisit de garder cette réplique pour elle. Le dire n’aurait en rien apaisé la situation. Elle venait de perdre cette bataille. Ne trouvant rien à répondre, elle rejoignit son atelier et se mit au travail. Elle fut moins efficace que d’habitude, oubliant régulièrement ce qu’elle était venue chercher. Elle parvint tout de même à finir les produits dans les temps.

Teflan s’approcha d’elle une fois propre. Syola le repoussa. Elle tenta de se défendre mais il était simplement trop fort. Cette fois, son épaule droite fut prise pour cible.

- À qui appartiens-tu ? demanda-t-il.

Le dieu de la mort dut de nouveau lui ordonner de répondre.

- À Chaak, souffla Syola.

- Non, répéta Teflan. Tu es à moi et je suis à toi. Nous ne formons qu’un.

Il la viola. Le baume cicatrisant répandu par Teflan lui permit de ne pas trop sentir la douleur, lui promettant un dîner dans des conditions pas trop mauvaises.

- C’est étrange car mon sacrifice de ce matin n’a pas donné un résultat aussi bon qu’escompté, indiqua Vincent Cypher à table, dès l’entrée servie.

- Quels produits ? demanda Anthony Spot.

- Huile de millepertuis, répondit Vincent Cypher.

Syola écouta l’échange, les entrailles nouées. Vincent Cypher tendit le flacon au conseiller aux cheveux blancs. Il ouvrit le flacon et le sentit.

- Tu aurais pu t’épargner cette peine, annonça Anthony Spot. Cette huile n’a clairement pas macérée assez longtemps.

Syola blêmit. D’une main malhabile, elle se saisit du flacon tendu par le conseiller à la chevelure argent. Elle le sentit à son tour.

- Ce n’est pas le bon, admit-elle. J’ai dû me tromper. J’en ai à différents stades. J’ai dû me mélanger entre mes étagères. Je suis navrée. Vous en aurez une bonne, conseiller Cypher.

- J’espère bien, gronda ce dernier.

Syola subit le regard noir de Teflan pendant tout le repas. Vincent Cypher suivit le couple jusqu’à l’atelier où il reçut un nouveau flacon, de bonne qualité cette fois.

- Tu te rends compte qu’ils tuent des gens ? gronda Teflan dès que Vincent Cypher eut disparu au bout du couloir.

- Quoi ? bredouilla Syola.

- Lors de leurs sacrifices… Vincent ne s’est pas mis en colère parce qu’en fait, il s’en fout. Il va refaire son sacrifice et voilà. En attendant, par ta faute, une personne de plus va perdre la vie.

- C’est peut-être juste un animal… proposa Syola qui ne comprenait pas la remarque de Teflan.

Il semblait réellement touché par les actes de ses amis mais dans un sens négatif.

- C’est moins grave selon toi ? s’étouffa Teflan.

- Hé bien, euh…

- Je n’en reviens pas, Syola. Tu mets si peu de valeur sur des vies ?

Syola plissa le front. Cette conversation lui sembla tellement irréelle. Qu’elle l’ait avec Thomas, son premier mari, passe encore mais avec Teflan ?

- Plus que toi, accusa Syola.

Elle aurait giflé Teflan que l’effet aurait été le même. Syola crut entendre les hurlements des deux premières victimes du sacrifice ultime.

- Quelle valeur as-tu mis sur cette gamine que tu as noyée après l’avoir torturée toute une matinée ?

- Tais-toi, siffla Teflan.

- Quelle valeur as-tu mis sur cette gamine que tu as coupée en morceaux, morceaux que tu m’as jeté dessus ! rappela Syola.

- Ferme ta gueule ! hurla Teflan tandis que sa main trouvait son chemin vers le visage de Syola, qui s’écroula sur le sol.

Il la roua de coups puis la releva brutalement.

- Je t’interdis de me parler de cette façon.

Il la projeta contre un mur. Quelques serviteurs qui passaient par là rasèrent les murs, faisant mine de ne rien voir. Nul n’intervint.

- Ne t’avise plus jamais de fournir des produits de mauvaise qualité. C’est clair ?

Syola hocha misérablement la tête. Le corps en morceaux, terrifiée par cet homme qu’elle ne reconnaissait plus, elle se soumit, consciente de ne pas avoir le choix. Il la ramena jusqu’au boudoir puis ferma la porte. Syola se dévêtit difficilement, la douleur physique bien moins violente que celle mentale de se découvrir recouverte d’hématomes. Teflan lui avait fait ça. Pourquoi ? Parce qu’il ne supportait pas de savoir que ses collègues retiraient des vies. Il le faisait aussi ! Quel hypocrite, pensa Syola qui garda sa langue.

La lumière s’éteignit dans la chambre. Syola tenta de trouver le sommeil mais il se refusait à elle. Elle souffrait trop. Elle se leva et se rendit dans l’atelier pour réaliser deux produits. Elle avala l’anti-douleur et se passa un baume sur le corps. Peu importait l’odeur. Elle ne dormait de toute façon pas avec Teflan.

Elle prévint les serviteurs qui vinrent nettoyer puis, sentant la fatigue venir, se dirigea vers leurs appartements. En chemin, elle passa devant la pouponnière pour la constater non gardée. Syola était censée dormir. Inutile donc de protéger la pièce. Benjamin lui manquait tant ! Syola prit le risque.

Telle une petite souris, elle se glissa dans la pièce sombre. Deux nourrices dormaient paisiblement sur leurs nattes. Syola s’avança vers le berceau et admira son fils en plein rêve. Elle ne se lassait pas de l'observer. Elle caressa son front.

- Madame ? dit une nourrice en s’éveillant.

- Il est beau quand il dort, murmura Syola. Je voulais juste le voir. Inutile de prévenir Teflan.

La nourrice tira une cordelette.

- Ce n’était pas nécessaire, répéta Syola d’une voix éperdue.

- Je suis navrée, madame, mais j’ai mes ordres.

Syola sortit Benjamin du berceau et le prit dans ses bras. Qu’il sentait bon ! Le nourrisson grimaça, remua puis se mit à pleurer.

- Madame. Donnez-moi Benjamin, dit la nourrice en tendant les bras vers elle.

Syola recula en le gardant tout contre elle. La nourrice se tourna vers Teflan qui, vêtu de sa tunique de nuit, entrait dans la pouponnière. Il s’avança droit sur Syola.

- Donne-lui Benjamin, ordonna-t-il.

Syola obéit sans attendre. La nourrice prit l’enfant et recula de plusieurs pas. Teflan attrapa Syola par le bras pour la ramener brutalement dans la chambre.

- Je t’avais interdit d’aller le voir, siffla Teflan.

La gifle la projeta au sol. Le coup de pied lui coupa de souffle.

- Cesse de défier mon autorité, dit-il en l’attrapant par les cheveux pour la jeter dans le boudoir.

Il referma la porte et Syola entendit un cliquetis reconnaissable entre mille. Teflan venait de l’enfermer. Syola resta au sol où elle sanglota. De terribles cauchemars l’éveillèrent. Dans ses songes, elle tombait de nouveau enceinte et Teflan la privait de ses enfants, les uns après les autres, la laissant éperdue de douleur, ricanant de sa souffrance. Elle ne supporterait pas qu’il la prive d’un autre enfant. Elle devait agir.

Syola se réveilla tôt. Elle s’habilla, fit ses besoins dans le pot de chambre prévu à cet effet mais ne put rejoindre l’atelier, devant attendre que Teflan lui ouvre la porte pour vaquer à ses occupations.

Une fois devant lui, elle fut surprise de l’entendre lui demander :

- Ton fils te manque ?

Syola ne put hocher la tête.

- Moi, c’est ta bouche autour de mon sexe qui me manque, indiqua Teflan. Peut-être peut-on trouver un arrangement qui nous contenterait tous les deux ?

Syola en resta muette de stupéfaction. Venait-il vraiment proposer d’échanger une fellation contre le droit de visiter son enfant ? Syola n’en revint pas. Il la considérait ni plus ni moins que comme une prostituée.

- Le temps que tu passeras avec ton fils dépendra de la qualité de ta prestation, précisa Teflan. Les termes de cet accord te conviennent-ils ?

Non, pensa Syola. Personne ne devrait devoir offrir du sexe pour avoir le droit de voir son enfant.

- Oui, murmura Syola, ne voyant aucune autre porte de sortie.

- Parfait, s’exclama Teflan d’une voix forte.

Il défit sa ceinture. Son sexe à moitié dur apparut. Nauséeuse, Syola s’agenouilla devant Teflan qui arbora en retour un sourire carnassier. Elle savait ce que son amant aimait et s’appliqua à le contenter.

- Moyen, très moyen, annonça Teflan en se rhabillant.

Sans envie, le résultat ne pouvait pas franchement être meilleur. Astrid se serait moquée d’elle si Syola avait osé prononcer cette phrase devant elle. Les prostituées faisaient bien mieux sans ressentir la moindre envie. Syola ne put s’empêcher de pleurer. Teflan l’humiliait et Syola ne pouvait que subir.

Il la mena lui-même à la pouponnière où il supervisa son temps avec Benjamin. Syola trouva le temps plus que convenable. Il l’escorta jusqu’à l’atelier où deux gardes le saluèrent solennellement.

- À ce soir, Syola, lança Teflan.

L’herboriste entra dans l’atelier, attrapa la liste, la compulsa, jugea le temps nécessaire et se mit au travail malgré la douleur dans tout son corps. Le produit supplémentaire qu’elle devait réaliser nécessitait du doigté. Elle allait devoir le réaliser sans que personne ne s’en aperçoive. Cela lui sembla plus que possible.

Syola minuta chaque instant, se concentrant, faisant abstraction de ses douleurs. Le soleil venait de passer au zénith que la porte s’ouvrit. Jamais Teflan ne venait la voir en plein milieu de la journée. Que se passait-il ?

La porte s’ouvrant dévoila le conseiller Vincent Cypher. Syola se figea pour le découvrir seul. Il referma derrière lui. Syola ne comprenait pas.

- J’ai ordonné aux gardes de ne rien dire de ma présence à Teflan, précisa Vincent Cypher.

Syola lui lança un regard incertain.

- Ils m’obéiront. Je suis au-dessus de Teflan, assura Vincent Cypher.

Cela, Syola voulait rien le croire. Le conseiller Cypher commandait le groupe, sans aucun doute. Il s’approcha d’elle et lui tendit un pot en argile. Syola s’en saisit sans comprendre.

- La texture n’est pas la même que d’habitude, précisa Vincent Cypher.

Syola ouvrit le pot et constata les dégâts par elle-même.

- J’ai oublié la seconde cuisson, maugréa-t-elle, dégoûtée.

- Vous en auriez un correct ? demanda Vincent Cypher d’une voix douce.

- Non, dit Syola. En revanche, la seconde cuisson est rapide et le feu est prêt. Si vous voulez bien attendre un instant, vous aurez votre produit.

- Bien sûr, Syola.

Elle se rendit devant l’âtre et répara son erreur. La préparation prit la consistance voulue. Elle la rendit au conseiller Cypher.

- Merci, Syola, dit-il.

- Merci à vous, conseiller.

Ils échangèrent un regard entendu. Syola ne parvint pas à terminer le produit supplémentaire mais ce n’était pas grave. La commande avait été honorée, l’essentiel était là. Syola n’eut pas le droit de voir Benjamin – seulement le matin et à condition que la prestation soit de bonne qualité, avait indiqué Teflan.

Après le bain, Teflan s'acharna sur l’épaule gauche de Syola en réponse à l’habituel échange. Syola s’en trouva anéantie. Elle ne portait désormais plus aucune marque de Chaak. Teflan les avait massacrées.

Syola fut encore plus muette au dîner que d’habitude. Il se termina sans que le conseiller Cypher ne dise rien de l’incident de la journée. Teflan ne la rouant pas de coups, Syola en conclut que les gardes avaient tenu leur langue. Enfin un peu de compassion dans cet enfer. Le baume anti-douleur et cicatrisant permit à Syola de dormir correctement cette nuit-là.

Le lendemain en milieu de matinée, l’herboriste termina la vipère argent. Elle en avala une dose et dissimula les cinq autres dans le jardin. De quoi tenir quelques lunes sans grossesse. Un poids de moins sur les épaules. Elle réalisa les produits l’esprit plus léger.

Le bain la délassa. Teflan tenta encore une approche qu’elle repoussa. Il l’attrapa et la rattacha au mur. Il n’y avait pourtant plus rien à faire disparaître. Syola le regarda, terrifiée, attraper le nerf de bœuf.

- Non ! Je t’en supplie ! Teflan ! Assez ! Je t’en prie !

- Remarquable, ton baume. Ta fesse droite est presque soignée et tu as raison, le travail n’est pas parfait, on devine encore la marque de Chaak ici.

Ce disant, il caressa la peau sensible.

- Je vais arranger ça, promit-il.

- Non ! hurla Syola.

La suite ne fut que des cris non articulés. Syola n’en pouvait plus. Elle ne pouvait pas non plus offrir à Teflan ce qu’il voulait. Elle appartenait à Chaak. Lorsqu’il estima son œuvre achevée, il se pencha sur Syola.

- À qui appartiens-tu ? murmura-t-il à son oreille.

- Réponds-lui, ordonna le dieu de la mort.

- À Chaak, chuchota Syola.

- Non. Tu es moi et je suis à toi. Nous ne formons qu’un.

Il la saisit par les cheveux, tirant sa tête en arrière puis se jeta sur sa bouche, la forçant de sa langue. Il se recula, cessant tout attouchement, se léchant les lèvres en fronçant les sourcils.

- Qu’y a-t-il ? demanda Syola.

- C’est du vipère argent ! s’exclama-t-il.

Syola en resta bouche bée. Elle blêmit. Comment pouvait-il le savoir ? Jamais Syola n’aurait imaginé Teflan capable de reconnaître un poison à son goût !

- Est-ce… d’un de mes enfants que tu cherches à te débarrasser ? siffla Teflan.

Le silence de Syola fut une réponse en soi. Teflan la lâcha puis recula d’un pas. Le cou dévissé, elle le regarda trembler puis sa bouche forma un rictus de haine.

- Teflan, je t’en prie… murmura-t-elle, comprenant qu’il ne laisserait pas passer.

Elle le vit se saisir d'un fouet à longue lanière. Si elle s'était saisi de cet instrument, nul doute qu'elle se serait surtout fait mal à elle-même. Il fallait s'entraîner pour maîtriser son usage.

- Enlever ses marques ne suffit pas, annonça Teflan d'une voix pleine de tristesse. Je vais devoir apposer les miennes pour que tu comprennes enfin que tu m'appartiens.

- Teflan, murmura Syola, anéantie par la déception dans le regard de son amant.

Il semblait souffrir de devoir lui imposer cela. Syola se sentit démunie. Elle crevait d'envie de contenter son amant. Elle ne rêvait que de le combler. Le savoir malheureux la dévastait. Elle ne pouvait rien faire. Chaak refusait leur proximité et elle ne supporterait pas d'être privée d'un autre enfant. Syola se mit à trembler de partout puis hurla sous les coups de fouet cinglant son dos, entre ses fesses et ses épaules déchiquetées.

Sur le chemin du dîner, Teflan fit un détour par l'atelier et Syola lui donna les autres doses de vipère argent qu'elle avait dissimulées. Elle vécut les lunes suivantes dans une crainte permanente d’une grossesse qui ne se déclara pas malgré les viols quotidiens.

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