Chapitre 23 : la chanson

Par Makara
Notes de l’auteur : Chers lecteurices, je suis très contente de vous livrer ce chapitre !
Il est riche émotionnellement pour Cesare ;)
J'espère qu'il va vous plaire <3
Merci encore pour vos commentaires qui me motivent à écrire la suite !

Cesare

— C’est tout ce que t’a inspiré le sanctuaire ? 
Mon père examine mes esquisses dans l’atelier. Son regard se porte successivement sur mes croquis : un frisson me parcourt. J’ai l'impression d’être un débutant à ses côtés.  
— Oui, je n’ai pas été sensible à ce lieu.
J’ai envie de rajouter que le lac était d’une obscurité sans pareil, que cette tour avait tout d’une canine prête à me transpercer et que je n’y ai vu nulle part la beauté que l’on m’a promise. 
— Pourtant ce miroir, cette architecture, ces montagnes ! C’est un paysage divin ! 
— Oui, j’imagine. 
— Tu imagines ? 
Ses yeux perçants se plissent. 
— Ton état d’esprit devait être bien sombre pour ne pas percevoir la beauté de ce havre. 
Je fixe le plancher. Je regrette tellement d’avoir repoussé Salvatore. Si seulement, le concours n’avait pas lieu. Si seulement, mon père n’était pas toujours sur mon dos! Si seulement… Non, cela ne sert à rien d’imaginer un futur qui n’est pas. 
— Tu en es à combien de dessins préparatoires ?
— Pour le projet à rendre ce mois-ci ? 
— Oui. 
J’essuie mes mains moites contre mon pourpoint et j’avoue avec un peu de honte :
— Une dizaine. 
— Mmm. 
Mon père s’empare de quelques esquisses, soupire et les jette au sol avec une moue dédaigneuse. 
— C’est très obscur. Il n’y a aucune émotion. 
Mon corps se tend. Je ne suis pas d’accord. Oui, ces ombres sont partout. Dire qu’il n’y a aucune émotion est un mensonge. Le noir, c’est la profondeur de l’âme humaine. Je trouve parfois une œuvre plus puissante quand elle est réalisée au fusain. Pour moi, même le vide sur une toile a du sens.  
Je bafouille :
— Ce ne sont que des ébauches. 
— Tu es dans la mauvaise direction. Tes esquisses sont parasitées. Concentre-toi un peu. 
Mes boyaux se tordent. 
— Oui.
— Si tu veux gagner Cesare, il te faut peindre le mystère. Le visiteur doit se demander : qui est cet homme ? Qui est cette femme ? Pourquoi cette expression ? Qu’était cette personne pour l’artiste ? Qu’a-t-il voulu dire ? Pour devenir un véritable artiste, il faut représenter ce qui t’échappe. Il faut peindre l’indicible. Détache-toi de la réalité. Si tu reproduis l’existant, tu ne fais que copier. 
— Au risque qu’on ne comprenne pas ce que je représente ? 
— L’artiste est le capitaine de son bateau. Tu donnes le cap, tu vires de bord, les tempêtes doivent te nourrir, non te vaincre. Celui qui regarde n’est que le marin qui obéit à tes ordres. 
J'acquiesce. Il a raison, comme d’habitude. 
— Quelle est ton idée ? Que veux-tu dire ? 
— J’aimerais réaliser une allégorie de l’artiste en utilisant le sanctuaire en toile de fond. 
Mon père examine l’une de mes peintures et la place sur le chevalet. 
— Dans ce cas de figure, il te faut revoir le placement de l’artiste dans ton travail. Pourquoi est-il si petit par rapport au reste du paysage ? Il ne peut pas être seulement une silhouette sur le côté ! Un artiste est au centre, un artiste est grand !
— Oui, c’est vrai.
— Apporte-moi les pigments. 
Je m’exécute. Mes gestes sont fébriles et quand je lui tends la boîte, ses doigts m’effleurent et me brûlent. Une fois qu’il a mélangé les pigments, il se fige, la paume tendue sur le côté. 
— Pinceau. 
Je me précipite vers un meuble où le matériel de peinture est entassé et je lui en apporte un en poils d'écureil. 
Il l’examine un instant avant de le plonger dans l’enduit puis dans l’eau. Avec des gestes rapides, presque furtifs, il passe une couche de peinture beige sur mon travail, invisibilisant les formes, les silhouettes et les ombres : tout disparaît. 
Je baisse les yeux. Il trouve ça si médiocre qu’il ne prend pas la peine de prendre une toile vierge, il efface la mienne. Même mon travail préparatoire n’a pas le droit d’exister. Je me sens rabaissé, affaibli, avili. 
Il me jette un regard. 
— Cesare. Tu sais que c’est nécessaire. Tu ne peux pas laisser derrière toi une telle œuvre. Un artiste construit sa légende au quotidien. 
J’acquiesce. 
Mon père se saisit de la toile et la porte jusqu’à la fenêtre où le soleil pénètre comme un voleur dans l’atelier. Il attend que la couche de tempéra sèche. 
Le temps passe. Je le regarde en silence. Je suis le témoin de ma propre œuvre. 
— À quelle heure es-tu arrivé au sanctuaire ? 
— À la tombée de la nuit. 
— Alors, représente un coucher de soleil. Tu sais bien les mettre en relief. 
— C’est une bonne idée. 
Une fois la toile sèche, il la replace sur le chevalet et s’empare d’une de mes esquisses. L’une d'entre elles représente Salvatore assis sur la souche avec sa lyre. 
Mon père se lance à la pierre noire et trace les contours et la perspective ainsi que les formes. Il s’arrête, son bras droit se fige et recule d’un pas. 
— Voilà. Je t’ai mâché le travail. Tu n’as plus qu’à terminer et à ajouter la peinture. 
Il doit noter mon expression fermée, car il ajoute :  
— C’est pour te faire gagner du temps et mieux te placer dans le concours. Je t’assure que je n’interviendrai pas dans ton œuvre finale. 
J'acquiesce. Je n’en crois pas un mot. 
Il range ses affaires, s’empare de sa veste et se dirige vers la porte. 
— Bon travail, déclare-t-il en passant le seuil. 
Je demeure immobile un long moment à fixer l’entrée puis mon regard erre dans l’atelier. 
Il faut que je reprenne la main sur mes productions. Je dois abandonner la peinture pour la sculpture.

Au moins, mon père ne pourra pas faire disparaître mon œuvre ou la transformer. 

**


J’attends mon tour fébrilement. Les professeurs sont alignés en face de nous. Trois semaines se sont écoulées. J’ai passé une grande majorité de mon temps dans l’atelier à travailler sur l'œuvre à rendre aujourd’hui, mais aussi sur les prémices de mon futur chef-d'œuvre. 
Enfin, pour le moment, je ne fais que réclamer des blocs de marbre et les renvoyer. Aucun ne me convient vraiment. Soit, je m’aperçois que certaines rainures sont trop voyantes, soit que la pierre n’est pas d’assez bonne qualité. Jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé le marbre qui me donnerait envie de créer l’image que je souhaite. 
J’ai croisé plusieurs fois Salvatore lors des repas et je me suis rendu compte qu’il avait perdu l'ouïe. J’ignore pourquoi il a utilisé son prodige à ses pleines capacités, habituellement, il évite d’y avoir recours. J’espère que cela en valait la peine. Depuis le retour du sanctuaire, son regard n’est plus illuminé de la même manière, sa joie de vivre ne déborde plus et il ne fait qu’inscrire une liste de chiffres sur son carnet. J’ai le cœur brisé pour lui. Je ne peux imaginer un monde silencieux. Quoi que cela me permettrait peut-être de mieux me concentrer aujourd’hui ? 
Il faut dire que les gesticulations d’Andréa et les crissements de l’armure d’Isabella me tapent sur le système. 
Je remarque que Salvatore discute avec Taddeo, il a donc retrouvé l'ouïe.  L’un des professeurs se met à s’éclaircir la voix et invite Isabella à se lever.  Dans un froissement d’acier, elle se redresse et se place devant la ligne des professeurs. 
— Voici un bol réalisé avec un alliage de sept métaux. Je l’ai appelé le “bol chantant”. Lorsqu’on utilise le maillet, un son unique en découle. 
À peine a-t-elle terminé qu’elle entame un mouvement circulaire avec le maillet et une vibration limpide résonne dans la pièce. 
— Ce son me rappelle la brise que j’entendais au sanctuaire. 
Le jury chuchote et Isabella se tend. Je dois avouer que je suis surpris d’une œuvre d’une telle subtilité. J’ai l’habitude qu’elle présente des armes et non des objets pour faire de la musique. 
— Merci, jeune fille, vous pouvez aller vous asseoir. 
Sirani et Andréa sont ensuite appelés. Ils placent devant eux leur réalisation. Il s’agit d’un vase hexagonal de cinquante centimètres de haut, posé sur un plateau. L’ouvrage est composé entièrement d’or et rappelle la forme du sanctuaire. J’ai quelques notions en orfèvrerie et je sais que Sirani a utilisé plusieurs techniques dont celle du filigrane pour former des résilles au niveau des balcons, mais aussi la granulation pour donner du relief à l’ensemble. 
Andréa prend la parole.
— Nous avons décidé de repenser le sanctuaire. Les pierres précieuses rappellent le coucher de soleil que nous avons aperçu et le plateau fait référence au lac où la tour se reflète ainsi que nos silhouettes que j’ai peintes sur la surface. 
Il déplace l'œuvre pour que chaque professeur puisse correctement l’observer. 
Les sourires satisfaits du jury ne trompent personne : leur proposition est une réussite. Après quelques questions qui visent à éclaircir le processus de réalisation, Monsieur Luani leur demande de rejoindre leur place. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu’ils vont gagner beaucoup de points et que ce n’est pas bon pour moi. Ma main se porte à mon poignet et je commence à me gratter.
Salvatore est ensuite appelé. 
Il s’installe confortablement et pose son luth sur sa cuisse. Ses doigts, avec délicatesse, effleurent les cordes. Plusieurs notes s’élèvent, douces, apaisantes, aériennes. Des frissons m’enveloppent. Mon esprit se vide. Ma main se repose sur mon genou. 
Qu’est-ce que j’aime le contempler en pleine interprétation ! C’est comme regarder un oiseau majestueux en plein envol. Un oiseau bleu roi ourlé de perles !
Sa voix s’élève et mon cœur se brise : 

Pour l'amour
J'en profite à toute heure
Toi mon double
Pour qui mon amour 
jamais ne s’étiole
Je bénis le jour où
j’ai choisi de te suivre
Et je veux chanter à chaque fois
Vive l'amour, vive l'amour
qui jamais ne s’étiole

Heureusement, j’ai de la chance
Deux sages lumières 
nous guide pour nous retrouver, 
Ô archer béni
montre-moi le chemin
Pour toi, j'apprécie chaque instant
Et je veux te retrouver
Et chanter à chaque fois
Vive l'amour, vive l'amour


Les frissons qui traversent mon corps se poursuivent jusqu’aux dernières notes. Je reprends ma respiration. Je crois que j’ai oublié où nous étions. 
Je pense que j’ai même oublié qui j’étais. 
Salvatore pose son luth au sol et s’exclame : 
— Le sanctuaire m’a inspiré cette chanson. J’espère que vous y verrez mon amour pour notre divinité protectrice. 
Les professeurs hochent la tête. Je dévisage le jury. Sont-ils aussi naïfs pour croire que cette chanson parle du Sérénissime ? 
Peu importe. 
Ce qu’ils pensent ne m’intéresse pas.
Salvatore se lève. Ses yeux croisent les miens et mon souffle se suspend. Je n’entends plus que mon cœur qui me fait mal, et mes oreilles qui bourdonnent. 
Si seulement, nous n’étions pas ici. Si seulement, nous étions dans notre chambre comme l’année dernière. Si seulement, ce concours n’avait pas lieu. 
Je n’ai jamais su résister à ses compositions et son interprétation. C’est comme s’il conversait directement avec mon âme. Il le sait. Il soutient mon regard avec insolence. Il veut que je cède. Je dois résister. J’ai les nerfs en pelote. Je suis totalement sorti de ma présentation. 
C’est au tour d’Artemisia et de Taddeo. 
Salvatore prend la place de Taddeo et se retrouve juste à côté de moi. J’ai l’impression que son corps irradie près du mien. Sa présence prend tout l’espace. C’est une torture de sentir ses doigts à quelques centimètres. J’ai seulement envie de les attraper et de les porter à ma bouche. Je veux lui avouer qu’à chaque fois qu’il joue, je me sens libre. 

J’entends vaguement la prestation de mes amis. Je perçois le souffle de Salvatore avec une telle acuité. Je ne dois pas le regarder.
Taddeo et Artemisia présentent des plans. Ils déroulent les parchemins devant les membres du jury. Je ne comprends pas un mot à ce qu’ils disent. Je repense aux paroles de la chanson de Salvatore.  Toi mon double, pour qui mon amour, jamais ne s’étiole.
Il veut que je devienne fou à m’avouer ces sentiments ainsi. Je lui jette un coup d'œil. Pile à ce moment-là, il passe une mèche de ses cheveux derrière son oreille et nos regards s’arriment. Je rougis jusqu’à la racine de mes cheveux. 
Je vais le tuer. Il me fait perdre tous mes moyens. Je suis sûre qu’il existe pour me tourmenter. 
— C’est à votre tour, Cesare. 
Je sursaute. Son genou effleure le mien et une décharge électrique me transperce le corps. 
— Cesare ? reprend Monsieur Luani. 
Je me redresse subitement. J’ai l’impression de parcourir un brouillard où la seule personne nette est Salvatore. Les mains tremblantes, j’interpelle un serviteur pour qu’il apporte mon travail. Celui-ci traverse la pièce et pose ma peinture devant l’audience. 
Je flotte. 
Trois visages me fixent. On dirait des fantômes. Ils attendent que je m’élance dans ma présentation. Mon esprit est blanc. Mon cœur bat si fort à mes oreilles que je n’entends plus rien. Je dois me concentrer. Mon père a raison. Salvatore est un fléau pour moi. Il me tire vers le bas. 
— Ch-chers pro-fess-eurs, comme… Comme… 
Je bégaie. On dirait un apprenti de première année. Je suis pathétique. Je fais un signe au jury pour leur demander un instant et je me retourne vers le mur.
Incapable ! Espèce d’incapable ! Ce n’est pas le moment de faire ton amoureux transi ! Imbécile ! Ressaisis-toi ! 
Je porte les mains en coupe à mon visage, ferme les yeux, me pince brutalement l’intérieur du bras et m’oblige à invoquer l’image de mon père.
Petit à petit, ma vision retrouve sa netteté et j’ai l’impression qu’un vent froid me traverse. 
Je me retourne et prends une grande inspiration. 
— Chers professeurs, comme vous le voyez, j’ai réalisé une allégorie de l’artiste. 
— Pourriez-vous expliquer votre dégradé de couleurs et la signification de votre œuvre ? demande Monsieur Luani. 
Je vrille mon regard dans le sien. 
— Ces couleurs sont liées à la perspective aérienne que j’ai choisie. Au premier plan, on peut voir l’artiste au centre, sa silhouette dorée est éclairée par le sanctuaire que j’ai voulu représenter comme un astre. Le sanctuaire se reflète dans le lac et attire l’artiste, en perpétuelle recherche de l’inspiration. 
Je m’arrête et fouille dans ma mémoire la suite de mon discours. Rien. Je ne me souviens de rien. Je croise le regard de mes enseignants et je n’y discerne aucune admiration.
J’ai tout raté. 
— Merci, Cesare. Vous pouvez aller vous asseoir. 
Je m’exécute et retourne à mon siège. Je demeure les mains posées sur mes genoux, à contempler le sol, le dos si droit que des élancements me traversent la colonne. 
Les professeurs discutent à voix basse. 
Soudain, le reste de mon exposé me revient en tête. 
Le rôle des proportions, ma volonté de montrer que l’artiste est insignifiant face au monde ou au Sérénissime, le mystère du lieu, les points de fuite que j’ai choisis pour mettre en évidence le sanctuaire. 

Quelle catastrophe. 
Quel imbécile.

Je jette un regard noir à Salvatore.
Se rend-il compte qu’il a saboté mon travail ? Non. Évidemment que non. Il ne pense qu’à lui. La colère frémit dans mes veines. 
Monsieur Luani se lève et prend la parole : 
— Nous sommes très satisfaits de vos productions. Cela montre que nous avons fait le bon choix de vous emmener au sanctuaire il y a trois semaines. Les compositions, toutes différentes, révèlent vos progrès. Taddeo et Artemisia, le jury vous accorde 40 points, Andréa et Sirani, 50 points, Isabella, 40 points, Salvatore, 30 points, Cesare, 40 points. Au terme de ces deux premiers mois du concours, Artemisia mène le concours avec 90 points, puis nous avons Andréa avec 85 points, Taddeo avec 75 points, Sirani avec 50 points, Cesare  et Isabella ont 40 points. Bravo à vous. Pour le prochain mois, les binômes seront annoncés en fin de semaine. Prenez le temps de vous reposer et de poursuivre votre travail sur votre chef-d'œuvre. 

Je suis avant-dernier. 

Les larmes me montent aux yeux. Mes poings se ferment et mes ongles viennent s’enfoncer dans ma peau. Je suis médiocre. Tellement médiocre. J’aurais dû faire ce que m'avait dit mon père. Quand il va apprendre mes résultats, il va devenir fou. 
Je me lève précipitamment pour éviter que les autres héritiers ne voient mes larmes et je me rue dans le couloir. J’entends une personne qui m’emboîte le pas. 
Ne peut-on pas me laisser seul ? 
— CESARE !
C’est Salvatore. Je continue ma course jusqu’à être essoufflé. Il est toujours derrière moi. Je me retourne et je pointe un doigt accusateur vers lui.  
— TOI ! 
Il s’arrête à quelques mètres. La surprise puis la crainte se lisent sur ses traits. Je crois qu’il ne m’a jamais vu dans une telle colère. 
— Tu as ruiné mon travail ! 
Il me regarde sans comprendre. 
— Je suis désolé, ce n’était pas ce que je voulais. 
— Mais ! Mais comment tu imaginais que j’allais réagir en me composant une chanson et en la jouant devant tout le monde ? 
Salvatore est saisi d’un petit hoquet de surprise. Je lui lance un regard noir. Il mord ses lèvres et déclare. 
— Cesare. Tu n’étais pas le sujet de cette chanson…
Je cesse de respirer. J’ai l’impression d’avoir reçu un coup de poing dans le ventre. 
— Quoi ? 
M’a-t-il déjà remplacé ? Par qui ? Andréa ? Un de ses apprentis ? Je vais les tuer.
Je ne peux plus le regarder. J’ai envie de vomir. Il me répugne. 
Je fais volte-face et tente de mettre le plus de distance entre nous. 
Quelle enflure. 
Il y a encore trois semaines, il me demandait pourquoi je le repoussais. C’est sûr que je dois être facilement remplaçable. 
J’entends ses pas derrière moi. Il va me rattraper. Sa main s’agrippe à mon bras et m’oblige à m’arrêter et à me retourner. 
— Lâche-moi ! 
Je me débats sans succès. 
J’ai envie de l’insulter de tous les noms d’oiseaux : j’en suis incapable. Les mots ne franchissent pas mes lèvres. Son emprise sur mon bras ne faiblit pas. 
— Cesare. Regarde-moi. 
De sa main libre, il m’oblige à tourner la tête vers lui. 
— La chanson est pour mon père. 
Je me fige. J’ai la sensation de tomber dans le vide. Tout devient flou, formes et couleurs se mélangent. Mes jambes faiblissent et je suis à deux doigts de m’effondrer. 
Je murmure :
— C’est vrai ? 
Il acquiesce imperceptiblement. 
— Je suis tellement idiot. 
Il ne répond pas. Nous nous contemplons sans un mot. 
Je ne pensais pas qu’un silence puisse être aussi physique. 
Mon cœur est en miettes.
Je craque. 
J’agrippe son pourpoint et je l’attire vers moi. Nos lèvres se rencontrent. Je ferme les yeux, laissant les sensations m’envahir. Ses doigts glissent derrière mon oreille et m’attirent davantage pour approfondir notre baiser. J’ai tellement refoulé mes sentiments que j’ai l’impression que tout éclate, que tout s’infiltre et que ma peau se fissure sous le choc. 
Je le pousse contre le mur du couloir et le couvre de baisers. Je suis parcouru d’étincelles et cette sensation me fait tellement de bien que j’ai le sentiment de respirer de nouveau. Mes doigts se glissent sous ses vêtements. 
Soudain, il me repousse et me dévisage avec un air outré. 
— Ton manque de retenue me choque, Cesare. 
Je lui lance un regard outré.
— Très bien, alors je te laisse.
Je tourne les talons en remettant un peu d’ordre dans mes habits.
Il sourit et me rattrape. Sa main se glisse dans la mienne. 
— Je plaisantais. J’adore ça. 

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ANABarbouille
Posté le 04/11/2024
Je suis ravi si Cesare se met à la sculpture pour éviter le paternel, enfin un petit acte de rébellion :D + le baiser chaud patate avec Salvatore ça se lâche héhé
Petite coquille: Je suis sûre qu’il existe pour me tourmenter. --> sûr
Makara
Posté le 05/11/2024
Coucou ! Oui, il met en place un petit acte de rébellion :p
"le baiser chaud patate avec Salvatore ça se lâche héhé"=> hihihi :D, en effet ça se lâche !
Merci pour la coquille !
A bientôt pour la suite ! Tu vas bientôt être au même stade que mon écriture !
Mak'
Cléooo
Posté le 29/10/2024
Eeeet coucou !

- "Il faut que je reprenne la main sur mes productions. Je dois abandonner la peinture pour la sculpture." -> Ah ? Évolution intéressante. Peut-être un peu abrupte, mais appréciable. Abrupte parce que je ne me souviens pas (mais j'ai peut-être oublié) qu'il s'est intéressé à la sculpture jusque là. Appréciable parce que je trouve que c'est une bonne idée qu'il s'éloigne de ce que produit son père.

- "Mais comment tu imaginais que j’allais réagir en me composant une chanson et en la jouant devant tout le monde ? "
puis
"M’a-t-il déjà remplacé ? Par qui ? Andréa ? Un de ses apprentis ? Je vais les tuer."
-> ça m'a fait rire. Pas que la situation soit comique en soi, mais en fait il est juste jamais content xD Pas content si c'est pour lui, pas content que ça soit pas pour lui. Un brin capricieux le garçon !

Bon, je suis ravie du craquage finale, si ça lui permet enfin de relâcher un peu la pression. C'est horrible parce qu'il encaisse il encaisse, il fait de plus en plus de faux pas... Alors que ça pourrait être quand même beaucoup plus simple, juste s'il acceptait de relâcher ce qu'il peut relâcher. D'autant que Salvatore est pas rancunier...

Au global, le chapitre est intéressant.
Pour la première partie, j'ai été surprise du côté "pédagogue" du paternel, qui bien qu'il reste assez condescendant, montrait une démarche inhabituelle.
Est-ce qu'il se rend compte à un certain niveau que son fils débloque et s'est dit soudainement qu'il fallait peut-être lui donner un coup de main? Bon, il ne le fait pas de la bonne manière, mais je m'interroge sur l'intention. Parce qu'il fait un peu tout et son contraire, cet homme-là. Aider Cesare, le menacer aussi (par exemple en emmenant Andrea...). Je ne suis pas certaine, depuis le début de l'histoire, qu'il veut réellement, à 100%, que ça soit Cesare qui remporte le concours.

Côté forme :
"Soudain, il me repousse et me dévisage avec un air outré.
(...)
Je lui lance un regard outré."
-> outré outré !

À bientôt pour la suite :)
Makara
Posté le 31/10/2024
Hello Cleo ! En effet, Cesare a plus travaillé sur la peinture que la sculpture, je pense que, lors de la réécriture, je pourrais mentionner qu’il en fait souvent aussi.

«  ça m'a fait rire. Pas que la situation soit comique en soi, mais en fait il est juste jamais content « => exactement XD. Moi, il m’épuise 😂. Mais on est d’accord que ça lui fait du bien de relâcher la pression :)
C’est marrant comment tu lis le passage avec le père. Moi, je le trouve pas du tout pédagogue 😅. Il dénigre son travail et va même jusqu’à invisibiliser son œuvre pour lui montrer comment faire. C’est plus subtil comme comportement mais pas moins glauque…

« Je lui lance un regard outré."
-> outré outré => en effet, quelle belle répétition !

Merci de ta lecture <3
À bientôt !
Mak’
Cléooo
Posté le 31/10/2024
Je l'ai mis entre guillemets, pédagogue xD Mais j'ai trouvé l'approche intéressante, dans le sens où, même s'il dénigre, il surveille de près son travail et lui donne des conseils !

À bientôt ^^
Phémie
Posté le 19/10/2024
Ah ben quand même, Cesare laisse un peu parler ses émotions et ses envie, autant d'un point de vue amoureux qu'artistique, en cherchant à fuir l'emprise paternelle. Ça fait vraiment du bien de lire ça !

Bon, après, je ne vend pas la peau de l'ours... vu le tempérament de Cesare, je me prépare à ce que la redescente puisse être difficile (non mais en fait j'ai glissé, j'y voyais mal, c'est pas ce que tu crois... grrrrr). Mais je me dit qu'il y a aussi un monde où la qualité de ses oeuvres et ses points remontent quand il est auprès de celui qu'il aime ! Donc je ne perd pas espoir (optimiste, toujours!)

Sinon je trouve que le point de vue de Salvatore permet de porter un oeil nouveau sur l'art de Cesare à côté de celui de son père, et on en a une très belle illustration ici avec la place de l'artiste dans l'oeuvre, j'ai beaucoup aimé ce passage.

Bonne écriture !
Makara
Posté le 20/10/2024
Hello Phémie ! Oh, je ne m'attendais pas à te voir déjà à la fin des chapitres publiés ! :)
Alors quel personnage préfères-tu à ce stade ?
Est-ce la lecture s'enchaîne bien ? As-tu des remarques sur la structure d'ensemble pour le moment (rythme, révélations...).

"Cesare laisse un peu parler ses émotions et ses envie, autant d'un point de vue amoureux qu'artistique, en cherchant à fuir l'emprise paternelle. Ça fait vraiment du bien de lire ça !"=> Oui, il est nécessaire qu'il évolue un peu :p

"Bon, après, je ne vend pas la peau de l'ours... vu le tempérament de Cesare, je me prépare à ce que la redescente puisse être difficile (non mais en fait j'ai glissé, j'y voyais mal, c'est pas ce que tu crois... grrrrr)."=> exactement !! Tu l'as bien cerné !

"Sinon je trouve que le point de vue de Salvatore permet de porter un oeil nouveau sur l'art de Cesare à côté de celui de son père, et on en a une très belle illustration ici avec la place de l'artiste dans l'oeuvre, j'ai beaucoup aimé ce passage."=> super ! Je vais peut-être rajouter un chapitre sur Isabella aussi qui est, à ce stade, la moins travaillée de mes persos.

Merci encore pour ta lecture <3
A bientôt :)
Mak'
Phémie
Posté le 20/10/2024
Ah oui, en effet j'avoue que je me suis complètement laissée emportée par l'histoire, et que j'étais frustrée de rattraper ta plume, je me voyais bien dévorer le livre entier en une nuit !
Je pense que c'est plutôt bon signe en terme de rythme.

Au niveau des révélations je trouve également qu'elles sont bien emmenée, on garde du mystère tout en trouvant progressivement des réponses et des indices. Parfois le fait qu'il y ait beaucoup de changements de point de vue peut entraîner certaines frustration du fait qu'on n'a pas la réaction des personnages principaux face à certains évènements ou autre (par exemple, qu'a ressenti Andrea en apprenant qu'il y avait quelque chose entre Cesare et Salvatore?).

Alors au niveau des personnages je me suis surtout attachée aux jumeaux. Le personnage de la mère d'Andrea me touche également beaucoup, et même son père me plaît énormément en tant que personnage négatif, les scènes avec lui sont toutes très fortes.

En ce qui concerne les autres héritiers, j'apprends à mieux les connaître petit à petit, et c'est très plaisant. Ils sont bien différents, soit intéressants (comme Artémisia) soit attachants (comme Taddeo). La seule qui ne m'a vraiment pas inspiré confiance et qui n'a peut-être pas produit sur moi l'effet recherché est Sirani. Même si Andréa semble l'apprécier, ce n'est pas du tout mon cas : je ne lui ai pas pardonné sa réaction quand il lui dit qu'il a perdu sa main lors de la mission qu'elle lui a confié. La scène où on est dans sa peau aide un peu à la comprendre, mais je l'avais déjà trop jugée (manipulatrice/dissimulatrice/j'ai-pas-confiance)

A bientôt !
Makara
Posté le 21/10/2024
Hello Phémie ! Merci pour tes éclaircissements ! Tes ressentis sont très précieux :)
J'espère que la suite va te plaire :D
Gabhany
Posté le 10/10/2024
Coucou Maka ! Oh oui, enfin un bisou !!! XD
En effet un chapitre intense pour Cesare, je suis contente pour lui, petit chou il me fait de la peine. J'ai trouvé que la réaction de Cesare à la chanson, sa fuite, son affrontement (ENFIN !) avec Sexy Salva étaient bien amenés et crédibles, voir Cesare accepter enfin ses sentiments c'est chouette.
TU rends très bien la dualité de la relation entre Cesare et son père, pour l'un comme pour l'autre c'est nuancé, là par exemple voir le père aider le fils c'est une bonne chose, mais on sent bien que c'est fait pour de mauvaises raisons, donc bravo.
Ah et la phrase "je ne pensais pas qu'un silence pourrait être aussi physique" m'a bien fait rire, la suite logique de la pensée de Cesare c'est "Oh oui Salvatore, sois physique avec moi s'il te plait" XD
À bientôt pour la suite !
Makara
Posté le 12/10/2024
Coucou Gabh !
Oui, un bisou <3
"J'ai trouvé que la réaction de Cesare à la chanson, sa fuite, son affrontement (ENFIN !) avec Sexy Salva étaient bien amenés et crédibles, voir Cesare accepter enfin ses sentiments c'est chouette."=> ouf ça me rassure car j'avais peur que ce soit un peu trop !
Pareil pour la relation avec le père, c'est très important pour la suite, et il faut que cette relation soit nuancée.
"Ah et la phrase "je ne pensais pas qu'un silence pourrait être aussi physique" m'a bien fait rire, la suite logique de la pensée de Cesare c'est "Oh oui Salvatore, sois physique avec moi s'il te plait" XD"=> hihi oui, exactement !
En tout cas, merci pour ton commentaire, il a refait ma semaine <3
A bientôt pour la suite <3
Ayunna
Posté le 03/10/2024
Coucou Makara !

Me revoilà pour la suite :)

J’ai beaucoup aimé ce passage :
« Je dois abandonner la peinture pour la sculpture.
Au moins, mon père ne pourra pas faire disparaître mon œuvre ou la transformer. »
Cesare est à la fois soumis lorsque son père est face à lui, et dès qu’il est enfin seul, il souhaite reprendre son indépendance, sa vie en main. Je trouve ça très bien retranscrit : )

Je me doutais que Salvatore chantait pour une autre personne que Cesare, et que cela créerait un quiproquo
Bon, au moins ils se réconcilient à la fin du chapitre, ça c’est cool ! Enfin un peu de positif.

Par contre tu fais vraiment durer le suspens sur ce qui s’est passé dans la tour !! Les reflets alors ? Les chiffres ? On aurait dit qu’ils étaient vraiment en danger et là c’est comme si rien ne s’était passé. Hâte de savoir pourquoi … ont-ils eu la mémoire effacée par le Sérénissime de ce qui s’est passé dans la tour ? Ou… ? : )

Juste pour vérifier si cela peut t’aider, est-ce que c’est sciemment fait ici que Salvatore ne soit pas mentionné, alors que tous les autres si ?
« Au terme de ces deux premiers mois du concours, Artemisia mène le concours avec 90 points, puis nous avons Andréa avec 85 points, Taddeo avec 75 points, Sirani avec 50 points, Cesare et Isabella ont 40 points. »

Pour la relecture :
« Si seulement, le concours n’avait pas lieu. Si seulement, mon père n’était pas toujours sur mon dos! »
Dans ces deux phrases, enlever la virgule ; )
Dans le poème :
« Deux sages lumières
nous guide pour nous retrouver, » (lumières au pluriel ) donc « nous guident » plutôt ?

Un chapitre fort pour Cesare, en effet ! Le pauvre ^^ ballotté dans tous les sens :)
Makara
Posté le 06/10/2024
Hello Ayunna ! Merci de ton retour rapide !

"Cesare est à la fois soumis lorsque son père est face à lui, et dès qu’il est enfin seul, il souhaite reprendre son indépendance, sa vie en main. Je trouve ça très bien retranscrit : )"=> Merci, c'est important que la relation soit crédible !

"Bon, au moins ils se réconcilient à la fin du chapitre, ça c’est cool ! Enfin un peu de positif."=> Oui, il faut un peu de positif tout de même :p

"Par contre tu fais vraiment durer le suspens sur ce qui s’est passé dans la tour !! Les reflets alors ? Les chiffres ? On aurait dit qu’ils étaient vraiment en danger et là c’est comme si rien ne s’était passé. Hâte de savoir pourquoi … ont-ils eu la mémoire effacée par le Sérénissime de ce qui s’est passé dans la tour ? Ou… ? : )"=> Alors, ici, on est dans le point de vue de Cesare qui n'a pas assisté aux reflets qui prennent vie et qui n'a pas entendu la suite de chiffres donc on ne peut pas encore avoir ces infos (et on ne les aura qu'au moment où ils vont présenter leur chef-d'oeuvre). A voir s'il ne faut pas que je donne quelques réponses plut tôt, je vais réfléchir.

"Juste pour vérifier si cela peut t’aider, est-ce que c’est sciemment fait ici que Salvatore ne soit pas mentionné, alors que tous les autres si ?"=> Non ! Je l'ai oublié -_- ! Merci de me l'avoir fait remonter.

Merci pour la ponctuation !
"Un chapitre fort pour Cesare, en effet ! Le pauvre ^^ ballotté dans tous les sens :)"=> exactement !

Merci encore pour ta lecture attentive comme toujours <3
A bientôt !!
Mak'
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