En arrivant à la gare Montparnasse, Marlène fut assaillie par une nuée de journalistes, leurs micros et caméras braqués sur elle comme des armes.
- Mademoiselle Norris, pourquoi avoir fui l’école du Mistral ? Est-ce une reconnaissance de culpabilité ?
- Avez-vous été expulsée après un scandale ?
- Que comptez-vous faire pour redorer votre réputation ?
- Êtes-vous en contact avec Lycronus Stoffer ? Certains disent que vous le couvrez.
- Combien devez-vous au Mistral ? En combien de temps estimez-vous pouvoir rembourser vos études ?
- Pourquoi avoir quitté l’école juste avant un événement aussi important que le match de PBM inter-écoles ? Que cachez-vous ?
- Confirmez-vous être liée au voleur de magie ? Est-il votre complice ou votre mentor ?
- Avez-vous eu un conflit avec maître Gilain ? Vous accuse-t-il de fraude ?
Chaque question, plus intrusive que la précédente, s’écrasait sur elle comme des vagues, laissant peu de place à une réponse. Les visages des journalistes étaient tendus, avides de la moindre réaction, prêts à la transformer en une manchette explosive.
Marlène n’avait aucune envie de répondre. Les accusations des journalistes, acerbes et incessantes, lui vrillaient l’esprit. Chaque question était un coup, chaque flash un rappel cruel de son exposition. Ils brisaient sa bulle d’intimité avec leurs micros et leur insistance, sans aucun égard pour sa détresse. Elle ne savait pas quoi faire. Comment répondre ? Comment s’en débarrasser ? Comment reprendre le contrôle de cette situation qui lui échappait ?
Un homme en uniforme fendit la foule, suivi de deux autres. D’un geste autoritaire, ils dispersèrent les journalistes comme on chasse des oiseaux trop bruyants.
- Capitaine Barnier, bureau français du CIM, se présenta l’homme d’un ton neutre mais ferme. Nous avons supposé que vous apprécieriez notre intervention. Avons-nous vu juste ?
- Oui, souffla Marlène, encore sonnée. Je vous remercie.
Elle se sentait vulnérable, réduite à une gamine incapable de tenir tête aux rapaces médiatiques. Ce matin encore, elle rêvait de gloire, d’une reconnaissance universelle. Maintenant qu’elle y goûtait, elle se découvrait incapable de supporter la pression. Dégoûtée par sa faiblesse, elle secoua la tête en silence.
Les trois officiers ne la quittèrent plus, la conduisant jusqu’à la maison de ses parents. Ils la saluèrent d’un geste militaire avant de disparaître dans une téléportation précise et élégante, une technique que Marlène, néomage, ne maîtrisait toujours pas.
Henriette, sa mère, ouvrit la porte.
- Marlène ? Que fais-tu là ? Maître Gilain ne t’a pas téléportée dans le salon, comme d’habitude ?
- Henriette ! s’exclama Didier depuis une autre pièce. Ils disent que Marlène a quitté le Mistral !
Henriette dévisagea sa fille avec une intensité étrange, comme si elle cherchait une explication dans son apparence même.
- J’ai quitté le Mistral, confirma Marlène d’un ton posé. Je peux rentrer ?
- Oui, évidemment ! lança Henriette en s’écartant pour laisser entrer sa fille.
Marlène posa sa valise et rejoignit son père dans le salon. Didier la fixait, ses yeux écarquillés oscillant entre la surprise et l’inquiétude. Il ouvrit la bouche, hésita, la referma, incertain de l’accueil à lui réserver.
- Je suis encore mineure, déclara Marlène pour couper court à son indécision, élevant une bulle magique autour de la maison pour repousser d’éventuels journalistes indiscrets. Pas pour longtemps, mais assez pour avoir besoin de votre accord.
- Pour ? demanda Didier, méfiant.
- Intégrer l’équipe de France de PBM.
- Oui ! hurla Henriette, un sourire éclatant illuminant son visage.
Didier fronça les sourcils et grimaça. Avant, Marlène aurait hurlé pour imposer sa volonté. Elle aurait ordonné. Avant…
- Papa, je ne passerai pas ma vie à jouer au PBM, promit Marlène d’un ton sincère. Laisse-moi y aller s’il te plaît ! Je veux que la France remporte la coupe du monde cette année.
- La France ? Remporter la coupe du monde ? ricana Henriette, son enthousiasme se ternissant. Nous ne gagnons même pas le premier match.
Marlène ne releva même pas ce « nous » qui l’insupportait tant avant, d’autant qu’Henriette, non magicienne, ne pouvait même pas suivre les matchs.
- Avec moi, ça changera, affirma Marlène.
Didier chercha le regard de son épouse. Celle-ci trépignait d’excitation.
- Laisse-la essayer, souffla Henriette.
Didier resta de marbre un moment avant de finalement hocher la tête.
- Merci, papa, murmura-t-elle à son père.
Henriette explosa de joie, serrant sa fille dans ses bras. Marlène imprima le document d’inscription aux Tuniques Rouges et le fit signer à ses parents.
- Tu pars quand ? demanda Henriette.
- Demain, annonça Marlène, déjà épuisée par cette journée.
Toute la soirée, la télévision cracha son nom, à chaque fois associé à celui de Lycronus Stoffer. Tous se demandaient pourquoi elle avait quitté le Mistral si tôt. Certains l’accusaient de complicité avec le voleur de magie, d’autres d’avoir trahi Gilain. Le directeur du Mistral ne donna aucune conférence de presse.
Marlène passa tout son temps à augmenter ses réserves d’énergie. La veille du recrutement, elle rendit visite à ses vers énergétiques dont elle améliora le rendement. Sa nuit fut stressante.
Le soleil se leva, insouciant de cette journée angoissante pour la néomage. Marlène sortit dans la rue. Une meute de journalistes se jeta sur elle comme des prédateurs flairant une proie blessée. Les micros se tendirent. Les caméras se braquèrent. Les questions fusèrent, acérées, sans aucune retenue.
- Mademoiselle Norris, croyez-vous sérieusement qu’une débutante sans expérience au PBM ait une chance d’intégrer l’équipe de France ?
- Vos années d’études au Mistral ont-elles été financées par des arrangements douteux avec maître Gilain ?
- Vous fuyez votre dette, c’est ça ? Comment espérez-vous jouer tout en remboursant votre scolarité ?
- Le voleur de magie, Lycronus Stoffer : il vous a contactée, n’est-ce pas ? Où est-il en ce moment ?
Les flashs éclataient autour d’elle comme des coups de tonnerre, chaque lumière l’aveuglant un peu plus, chaque question venant heurter sa carapace déjà fissurée. Les journalistes n’attendaient même pas de réponses : leurs voix se chevauchaient, leur avidité éclipsant toute trace de décence.
Marlène serra les dents et avança, ignorant les assauts verbaux, ses pas lourds mais déterminés. Elle se fraya un chemin à travers cette foule oppressante, comme si elle fendait une mer de requins affamés.
Elle monta dans un bus sans regarder en arrière, puis prit un train, et enfin marcha, son sac sur l’épaule, jusqu’aux arènes de PBM.
Là-bas, des vigiles montaient la garde, formant une barrière infranchissable contre la meute de journalistes.
- Pas un pas de plus ! lança l’un des vigiles, repoussant les intrus avec une autorité froide.
Marlène les remercia d’un geste silencieux avant de franchir les portes qui se refermèrent derrière elle, étouffant le vacarme extérieur. À l’intérieur, tout semblait plus calme, presque irréel. Les éclats de voix et les flashs semblaient appartenir à une autre vie.
Un des vigiles, un homme massif au visage fermé, l’accompagna à l’intérieur.
- Je suis… tenta Marlène.
- Je sais qui vous êtes, la coupa le vigile d’une voix grave. Je vais vous mener auprès de monsieur Balia.
Patrick Balia, l’entraîneur des Tuniques Rouges. Rien que ce nom suffisait à raviver une étincelle d’appréhension mêlée d’impatience dans le cœur de Marlène. Elle suivit le vigile à travers un enchevêtrement de couloirs immaculés, l’odeur discrète du désinfectant se mêlant à celle, plus musquée, de l’effort physique.
Arrivés devant une porte portant une plaque en cuivre gravée au nom de l’entraîneur, le vigile frappa avant de s’éclipser. Marlène resta immobile, son sac glissant de son épaule, jusqu’à ce que la porte s’ouvre, révélant Patrick Balia en personne.
Il était grand, d’une quarantaine d’années, avec une carrure de sportif que le temps n’avait pas entamée. Ses épaules larges et son torse solide trahissaient des années d’entraînement intensif, tandis que ses jambes, puissantes, semblaient prêtes à s’élancer à tout moment. Son visage carré, marqué par quelques rides d’expression, était dominé par des yeux clairs et perçants, qui évaluaient Marlène avec une froide acuité. Une barbe de quelques jours, soigneusement entretenue, ajoutait une touche de rudesse à son allure.
- Bonjour, mademoiselle Norris.
- Bonjour, monsieur Balia, murmura-t-elle, les épaules voûtées.
- Entrez, je vous en prie, proposa l’entraîneur d’un ton neutre.
Le bureau était modeste : une table encombrée, des tableaux blancs couverts de papiers griffonnés, maintenus par des aimants colorés et une armoire dont une porte restait entrouverte. Marlène sentit son regard s’arrêter sur une vieille machine à café posée dans un coin, comme si elle cherchait un refuge pour ses pensées.
Balia, grand et imposant, s’assit dans l’unique chaise disponible.
- J’ai amené les documents d’inscription, dit Marlène, fouillant dans son sac avec une nervosité palpable. Mes parents ont signé.
Balia croisa les bras.
- Vous voulez jouer au PBM ? demanda-t-il, son regard perçant.
Marlène fronça les sourcils. Pour quelle autre raison serais-je là ? pensa-t-elle.
- Oui, monsieur, répondit-elle tout en continuant à fouiller dans son sac, les papiers enfin en main.
- Posez ça, ordonna-t-il d’une voix calme mais ferme.
Surprise, elle laissa son sac glisser au sol.
- Pourquoi voulez-vous jouer au PBM ?
- Parce que j’adore ce sport ! s’exclama Marlène d’une voix surexcitée.
Balia inclina la tête, ses yeux se plissant.
- Mademoiselle Norris, si nous devons travailler ensemble, il faudra être honnête.
- J’aime vraiment le PBM ! répéta Marlène, plus haut, presque comme un défi.
- Sans doute. Mais aimer ce sport ne justifie pas l’envie d’y jouer. Vous pourriez vous contenter de le regarder, comme tant d’autres magiciens.
Un silence gênant s’installa. Balia ne bougeait pas, mais son regard semblait sonder l’âme de Marlène. Elle détourna les yeux.
- Pour rendre ma mère fière, admit Marlène en tortillant ses doigts. Pour voir ses yeux briller.
- Mieux, concéda-t-il avec un léger sourire. Mais ce n’est pas encore ça. Pourquoi voulez-vous jouer au PBM ?
Marlène sentit un frisson lui parcourir l’échine. Elle voulait s’en aller. Ouvrir la porte, fuir ce bureau et ne jamais revenir. Mais quelque chose dans l’immobilité de Balia, dans la manière qu’il avait de l’observer, l’empêchait de bouger.
- Pour qu’enfin, mon nom ne soit pas associé à « Néomage », « miss stupide » ou « la complice du voleur de magie », lâcha-t-elle d’une traite, la voix brisée. Pour que les gens me voient autrement.
Balia hocha plusieurs fois la tête, un éclat presque imperceptible dans son regard.
- Je ne peux pas vous promettre que les gens changeront le regard qu’ils portent sur vous, dit-il après un moment. Ce que je peux vous offrir, c’est un endroit protégé. Ici, dans les arènes et leurs zones de vie sécurisées par des vigiles et des bulles magiques, vous pourrez être vous-même, sans crainte. Mais ce qui se passe à l’extérieur… n’est pas sous mon contrôle.
Marlène acquiesça.
- Je me doute, monsieur. Je me donnerai à fond et grâce à moi, la France gagnera la prochaine coupe du monde.
Un éclat de rire franc s’échappa de Balia, brisant sa façade impassible. Il s’interrompit en voyant que Marlène ne plaisantait pas.
- Parce que vous croyez sincèrement que je vous sélectionnerai pour avril ? demanda-t-il, un sourire en coin. Vous avez déjà joué au PBM ?
- Non, monsieur, mais je me suis entraînée ! Je sais…
Un geste vif de la main la fit taire. Marlène se crispa, serrant la mâchoire.
- Suivez-moi, dit-il tout en se levant d’un geste fluide.
Marlène s’élança dans l’enchevêtrement des couloirs, les murs blancs éclairés par des néons fatigués défilant comme un décor de mauvais rêve. Les escaliers s’enchaînèrent, tordus et labyrinthiques, avant de s’ouvrir sur une étendue de sable doré. L’arène. Son souffle s’étrangla. Ses jambes se figèrent un instant, mais Patrick Balia la talonna, son ton sec la tirant de sa torpeur. Elle le suivit comme un automate, incapable d’assimiler l’incroyable réalité : elle se tenait sur le sable des arènes françaises de PBM.
Son regard s’éleva, happé par les gradins massifs, les projecteurs suspendus haut dans les airs, les loges luxueuses, tout droits sortis de ses rêves d’ado. Mais ce qui accrochait vraiment son attention, ce qui rétrécissait son souffle jusqu’à en être douloureux, étaient les six silhouettes assises, leurs regards plantés sur elle comme des projecteurs supplémentaires. Les Tuniques Rouges.
Anaëlle Mariel, tireuse, captait la lumière avec une facilité insultante, sa queue-de-cheval blonde parfaitement alignée, son expression gravée d’une détermination froide.
À ses côtés, Garcia Sanchez - à la peau mate et aux boucles sombres - évaluait Marlène avec un sourire tranquille, ses yeux noirs étincelant de malice.
Plus en retrait, Séverine Carmin se tenait droite, son calme presque surnaturel faisant contraste avec ses mèches châtain clair qui lui encadraient le visage.
Antoine Pabary, imposant et concentré, dégageait une aura de puissance brute.
Fatima Aloua, avec sa natte tressée et son sourire effronté, semblait prête à dévorer le monde.
Nicolas Patriol complétait l’équipe avec une sophistication appuyée, sa chevelure gominée et ses traits anguleux rehaussant une assurance naturelle.
Marlène sentit un nœud étrangler sa gorge. Ses mains étaient moites, ses jambes de coton. Ces légendes vivantes étaient là et toutes la regardaient.
- Où est-il ? rugit Patrick Balia, brisant le silence comme un coup de tonnerre.
Les joueurs échangèrent des regards indifférents, avant de hausser les épaules, comme lassés d’écouter la même rengaine.
- Peter m’emmerde à ne jamais répondre aux appels, grommela Patrick Balia.
Peter Fucci manquait, se rendit compte Marlène, qui décida de rester silencieuse.
- Anaëlle, viens le remplacer, soupira Patrick Balia.
La blonde se leva avec une fluidité qui trahissait des années d’entraînement. Marlène ne put s’empêcher de noter que tout chez Anaëlle était contrôlé, réglé au millimètre, de ses gestes à son sourire poli, dépourvu de chaleur.
- Ta mission est simple, indiqua Patrick Balia, tandis que les deux femmes se faisaient face sans animosité.
Il venait de tutoyer Marlène, ce qui ne dérangea pas la jeune femme.
- Tu dois marquer le plus de points possible en cinq minutes. Je suppose que tu tires en jaune ?
- Non, en vert, répondit Marlène.
En match inter-école, le Mistral, bien qu’italien, tirait en vert. Florence avait l’inestimable honneur d’avoir hérité du jaune, couleur des Lucioles.
- Tu seras vert et Anaëlle rouge, conclut-il en se retournant comme pour clore la discussion.
- Attendez ! Mon but est de marquer plus qu’Anaëlle ? demanda-t-elle, une panique montante dans la voix.
Des ricanements parcoururent les rangs. Marlène eut l’impression de se retrouver au Mistral, sous les regards méprisant de ses camarades. Elle n’apprécia pas. Peu désireuse de se mettre à dos ses futurs coéquipiers, elle serra les poings et garda le silence mais n’en pensait pas moins.
- Non, précisa Patrick Balia. Tu dois juste marquer le plus possible. Tu sais que c’est en marquant des points qu’on gagne un match de PBM ?
Marlène hocha la tête, les dents serrées pour ravaler une réplique cinglante. Elle s’éleva dans les airs, tentant de concentrer son énergie sur sa première cible.
- Non ! Non ! la coupa Patrick Balia dans son élan. Reste au sol. Concentre-toi sur tes tirs. Les cibles sont programmées pour rester en bas.
L’entraîneur rejoignit le reste de l’équipe sur le bord de l’arène. Il porta les mains à sa bouche. Un sifflement retentit. La déferlante figea Marlène. Des cibles apparaissaient autour d’elle pour disparaître quasiment instantanément et pour cause, Anaëlle les teintaient de rouge. Marlène tenta de marquer. Peine perdue. Les cibles disparaissaient trop vite. Quand le sifflet retentit, elle n’avait pas marqué un seul point.
- Mets ça, ordonna Patrick Balia en tendant un harnachement classique de joueur de PBM, avec les trois cibles aux épaules et au ventre, à la jeune néomage.
Les mains tremblantes, Marlène s’exécuta. Séverine Carmin s’approcha, silencieuse, et prit position en face d’elle.
- Ta mission : ne pas te faire éliminer, indiqua Patrick Balia à Marlène.
La jeune femme acquiesça, les yeux écarquillés. Elle se tourna vers Séverine Carmin, n’en revenant pas de se trouver devant la femme qu’elle avait tant adulé devant les écrans.
- Prête ? demanda la joueuse des Tuniques Rouges.
Marlène monta ses boucliers. Son assemblage trembla de partout mais il tiendrait bon, la néomage le savait. Il pouvait supporter bien plus. Marlène hocha la tête. Trois billes de peinture rouge fusèrent, traversant les protections, imbibant les cibles de la néomage de pourpre. La néomage se figea de stupeur. Elle avait monté ses boucliers les plus puissants et Séverine venait de les passer sans montrer la moindre difficulté. Le souffle court, elle observa Séverine avec incrédulité.
- Antoine, remplace-la, ordonna Patrick.
Le colosse passa un harnais, et Patrick lança sa nouvelle directive :
- Élimine Antoine.
La néomage, les boucliers coupés, observa les protections du joueur et serra la mâchoire. Elle ne pourrait jamais passer cela. Maître Gourdon lui avait appris à estimer la puissance des protections adverses. La néomage était consciente qu’aucune de ses billes ne passeraient jamais. Les poings serrés, elle secoua la tête.
- Il est trop puissant, murmura-t-elle, incapable de cacher sa frustration.
Patrick croisa les bras, l’air déçu.
- Tu n’essayes même pas ?
Sous la pression, Marlène concentra ses énergies, tentant de stabiliser son assemblage. Une bille verte partit, insignifiante face aux boucliers d’Antoine.
- Rouge, maintenant. Tu n’es plus au Mistral… soupira Patrick Balia qui semblait au bout de sa vie.
Marlène rougit de honte. La bille suivante fut couleur sang. Elle en lança des dizaines, tentant d’augmenter la puissance. Peine perdue. Rien ne passa les défenses.
Sur un geste de l’entraîneur, Antoine retourna s’asseoir, remettant au passage le harnais immaculé à sa place.
- Tu ne sais pas tirer. Tu ne sais pas te protéger. Tu ne sais pas attaquer les autres. Et tu espères une sélection pour la coupe du monde dans six mois ? railla Patrick Balia.
- Je suis prête à tout donner pour apprendre ! répliqua Marlène, les larmes aux yeux.
- Tout donner ? répéta Patrick Balia. Maître Gilain t’a-t-il offert tes années d’étude ?
- Non, répondit Marlène en serrant les dents, lasse de ces insinuations sur sa relation avec le directeur du Mistral.
- Alors tu ne donneras pas tout à cette équipe. Il faudra bien que tu gardes de quoi rembourser ton école, lança Patrick, un rictus au coin des lèvres.
La remarque cloua Marlène sur place. Aucun mot ne lui venait. Elle secoua la tête, submergée par une honte cuisante. Bien sûr qu’elle ne serait pas prise chez les Tuniques Rouges. Pourquoi aurait-elle cru, ne serait-ce qu’un instant, qu’elle avait une chance ? Une pointe de colère sourde monta en elle, dirigée contre Lycronus. Pourquoi lui avoir laissé espérer l’impossible ?
Patrick s’éloignait déjà, secouant la tête avec lassitude, lorsque Nicolas Patriol se leva, rompant le silence.
- Hé Pat ! Tu prends Marlène dans l’équipe ou pas ? lança-t-il avec un sourire narquois.
Patrick se retourna, agacé, et grogna :
- Évidemment ! Comme si j’avais le choix.
Marlène cligna des yeux, incrédule. Était-ce une plaisanterie ? Le capitaine lui adressa un clin d’œil.
- Bienvenue parmi nous, Marlène, déclara-t-il avec un sourire éclatant.
Les autres membres s’approchèrent à leur tour, chacun lui serrant le bras d’une poigne ferme. Anaëlle eut un sourire poli, sans chaleur, tandis que Fatima ajoutait un « On va bien s’amuser » accompagné d’un clin d’œil complice. Nicolas fut le dernier à venir.
- Les méthodes de Patrick sont... particulières, mais il fait de son mieux, tu verras, dit-il sur un ton rassurant. Il tient à s’assurer que son message passe.
Le message était limpide pour Marlène : elle n’était pas au niveau. La rage monta en elle, mais elle se força à rester impassible.
- Tu veux venir avec nous ? proposa Nicolas d’une voix douce.
- Non, répliqua Marlène en détournant le regard.