Chapitre 26 - Nodia

Notes de l’auteur : Bonjour :D Cette semaine un chapitre très bonne ambiance qui conclut le second arc (sur 4 probablement ?). Bonne lecture :)

TW : Mort

Zakaria était vivant. 

Elle répéta les trois mots, et prit conscience de toute la douleur qu’elle avait tenté d’ignorer. Toute la peur, aussi. Celle d’être la dernière des Valeni, de ne plus jamais revoir des personnes qui lui ressemblent, si ce n’était Sehar. Celle d’avoir tout perdu, celle de tout oublier, alors qu’elle n’avait déjà plus grand-chose.

Zakaria était vivant. Un de ceux dont on avait ordonné la mort était vivant, devant elle, et prêt à en découdre. Elle ne connaissait son lointain cousin que de vue, mais elle était soulagée de le voir, pendant quelques instants.

Mais lorsqu’il retira son scaphandre comme si la lumière ne le brûlait pas, et qu’au lieu de tirer son arme des ombres, il la prit du néant lumineux, son soulagement s’effrita, et la peur revint. 

C’était impossible. 

Aucun valeni ne pouvait faire ce qu’il venait de faire.

Elle était si perplexe qu’elle en aurait presque oublié la personne en face de lui - mais pas plus d’un battement de coeur.

Fenara, l’enchanteresse la plus terrible de l’Abradja. 

La maîtresse des armes. Celle qui contrôlait toutes les forces armées de la Toile, et par extension, tous les combattants de la terre ferme. 

Nodia l’avait déjà vue à de nombreuses reprises, au Manoir, vêtue d’une combinaison renforcée qui la maintenait aussi redoutable que si elle était encore la tête dans les nuages, et pas dans un milieu hostile par essence pour tous les maegis.

C’était forcément elle qui avait ordonné l’attaque du manoir, la capture des Valeni, et la mort des Nahara, Naveri et des Nidré.

C’était à cause d’elle, tout ça.

Toute la douleur de Nodia.

Tout.

Il y en avait trop. Trop d’émotions, que Nodia n’arrivait plus à discerner. 

Qu’elle n’arrivait plus à contenir.

Elle hurla, et son cri recouvrit tous les autres sons.

Elle hurla, et déversa tout au dehors.

Lorsqu’elle referma enfin la bouche, le monde entier s’était figé de terreur. Zakaria se tourna vers elle, les yeux écarquillés, et Fenara fronça les sourcils.

Ils ne bougèrent pas, lorsque Nodia reprit son souffle...

Puis tout s’écroula.

Les uns après les autres, les sortilèges alentours se brisèrent, et les structures flottantes s’effondrèrent. D’autres cris retentirent - moins puissants que le sien, mais tout aussi terrorisés - alors que les châteaux et les embarcations coulaient entre les nuages. Le sortilège qui recouvrait Nodia s’effrita aussi, et la douleur qui la frappa fut si forte qu’elle se serait laissée tomber dans le vide, si Sehar ne l’avait pas maladroitement attrapée d’un bras. Plus grave, l’enchantement qui faisait flotter le lit de Lo disparut aussi, mais Erin le réactiva en un battement de coeur pour l’empêcher de tomber.

Ils tomberaient tous, si personne ne faisait rien.

Les dents serrées et le regard trouble, Nodia distingua péniblement les civils en panique, remontés à la surface par les quelques maegis qui n’avaient pas perdu leur sang-froid. Un énorme navire qui quittait le port pour évacuer les habitants du château manqua de se disloquer, et aurait coulé à sa ruine, si Fenara n’avait pas momentanément abandonné son adversaire pour les sauver. Les trois corbeaux s’envolèrent pour rattraper des personnes qui glissaient de leurs refuges, maintenus en suspension dans l’air par des mages totalement débordés.

Zakaria aussi s’apprêtait à lâcher prise, accroché par un seul bras au quai. Mais personne ne vint à son secours - il se hissa seul, face à l’enchanteresse qui maintenant toujours le navire en place, et tira de nouveau sa lance du néant.

— Zaza, non !

Il ignora le cri de Suzette, et s’élança contre Fenara. Elle manqua de relâcher son sortilège de sauvetage, mais le maintint de justesse, et n’hésita pas à repousser Zakaria par-dessus bord avec une salve. 

Nodia, toujours accrochée à Sehar, le regarda tomber, impuissante. Elle n’avait même plus la force de crier. Un croassement déchira ses tympans, et Suzette se précipita pour attraper le valeni entre ses serres. Fenara avait finalement réussi à stabiliser le navire, qui reprit sa route vers la terre ferme, et elle se tourna vers eux avec un regard agacé.

— Mes filles, qu’est-ce que vous faites ? Ces deux valenis sont ceux que nous devons éliminer, tuez-les et amenez-moi l’hybride, nous n’avons pas de temps à perdre avec ces idioties, ni avec vos autres prisonniers.

Nodia eut peur qu’elles lui obéissent - qu’elles redeviendraient les deux terribles maegis qui avaient pris ses souvenirs à Lo sans aucun état d’âme, parce que la guerre, ce n’était pas un jeu. Elle avait peur que tout soit vraiment fini, cette fois-ci.

Mais non. Malgré la douleur qui tordait le visage de Jin, et le léger tremblement dans les oreilles pointues d’Erin, les jumelles lui firent face.

— Cette bataille n’a pas de sens ! lui cria Jin. Il faut cessez le feu ! 

— Regarde autour de toi, siffla Fenara. Est-ce que j’ai l’air d’être celle qui attaque des innocents ? Je ne fais que nous défendre !

— Oui, tu as attaqué des innocents, répliqua Erin. Je sais ce que tu caches, maman. Je sais ce que tu as fait au maître des temps.

Une lueur de fureur éclaira le visage de l’enchanteresse - mais aussi, pendant un bref instant, une pointe de peur, peut-être.

— S’il-te-plait, maman ! insista Jin.

— Venez avec moi, ordonna Fenara. Quoi qu’ils vous aient dit pour vous convaincre de les aider, vous êtes plus intelligentes que ces criminels. La Toile a besoin de vous, maintenant plus que jamais. 

Les jumelles hésitèrent, et Nodia se tourna vers Sehar, qui la retenait toujours, en plus de porter Del. Son coeur se serra de rage, lorsqu’elle vit la terreur qui avait totalement pris le dessus chez les deux garçons, et qui commençait à la ressaisir aussi. Jin jeta un bref coup d’oeil vers elle, puis de nouveau vers sa soeur, avant d’acquiescer, les oreilles frémissantes. 

— C’est quelque chose que tu as dit, murmura Erin.

Suzette revint sur leur plateforme, Zakaria dans ses serres, désormais inconscient, et siffla entre son bec.

— Il faut partir, pressa le corbeau. Fenie a choisi depuis longtemps qui elle était.

— Comment oses-tu essayer de tourner mes filles contre moi, saleté de piaf ! s’indigna Fenara.

— Mange ta merde, petite soeur ! 

La colère de l’Oranimus était la goutte de trop. Sans plus attendre, Fenara leva un bras, et lança un sortilège dans leur direction, que les deux filles firent de leur mieux pour dévier. Del eut le réflexe de dresser un bouclier autour de leur trio, mais Nodia avait peur pour Lo, toujours exposé, toujours vulnérable - toujours si vide au milieu du chaos.

— Maman, non ! pleura Jin. Pourquoi tu fais tout ça ?

— Vous me décevez, mes filles. Je pensais que vous seriez les bonnes, mais il semblerait que je ne peux jamais compter sur la famille, finalement. Si vous voulez jouer les difficiles, qu’il en soit ainsi. C’est la guerre, et je n’ai pas le temps pour ces sottises.

Nodia ne comprenait pas tout. Pas encore, peut-être jamais. 

Mais elle comprit le sortilège qui quitta les mains de l’enchanteresse. Pas un simple jet pour repousser, ou ralentir, ou entraver, comme tout ceux qui avaient jusque là fendus l’air et renversés navires et habitations. Pas un de ces sortilèges brutaux qui laissaient une chance, même infime, de s’en sortir, parce que si la guerre n’était pas un jeu, elle avait ses règles, et tuer alors qu’on pouvait blesser n’en faisait pas partie.

Ce sortilège là, c’était une nécrose. Violente, dont aucune cible ne pourrait réchapper.

Quelque chose dans son coeur poussa Nodia à vouloir attraper Jin, pour l’écarter du chemin. Mais les doigts de Sehar se resserrent autour d’elle, et elle ne bougea pas.

Jin non plus. Elle resta là, les yeux écarquillés.

Erin voulut la défendre, elle aussi - mais Fenara avait lancé un autre sortilège, cette fois-ci pour les faire tous tomber, et la jeune fille n’eut pas le temps de choisir. Elle réagit au plus large des deux, au plus simple à contrer, et empêcha leur structure de s’effriter.

Juste un battement de coeur après avoir quitté la main de Fenara, le sortilège mortel toucha sa cible.

La tête d’un des petits oiseaux craqua sous le choc, sans un cri, sans un appel. Il n’avait pas été assez rapide pour écarter Jin, lui aussi - alors il l’avait défendue autrement.

L’Oranimus ne bougeait plus. 

— Barty !

Il tomba sur le rebord de la plate-forme, le cou rompu et les ailes dressées, et, de la même façon que le corps des maegis disparaissaient dans le néant lorsque ces derniers mourraient, le corps de Barty aussi commença à se dissiper en une vapeur nuageuse, jusqu’à ce qu’il disparaisse totalement dans les nimbes.

— Non !

Erin concentra toute sa rage dans un sortilège qu’elle lança contre sa mère. Rien qui la tuerait, mais assez pour la faire reculer et l’entraver momentanément. Erin prit le contrôle de leur plateforme pour la faire glisser ailleurs, et Nodia sortit de sa paralysie juste à temps pour retenir le lit flottant de Lo avec son bras libre. 

— Ce bateau-là ! cria Suzette.

— Je l’ai ! 

La plateforme glissa jusqu’au navire désigné par le corbeau, et dès qu’ils furent à portée, Suzette porta Zakaria toujours inconscient sur le pont, aussitôt suivi de Sehar et Del, puis Nodia, aidée par Jin, y fit aussi descendre Lo. Ne restait plus qu’Erin, qui, totalement épuisée par ses derniers sortilèges, serait restée sur son morceau de quai flottant si Sia ne l’avait pas poussée sous son aile.

Nodia déglutit, et se retourna vers le château, alors que leur bateau démarrait sous les instructions de Suzette. 

Fenara ne les avait pas suivis, mais Nodia sentit son regard meurtrier qui les observait prendre la fuite. L’enchanteresse maintenait péniblement toute la structure du château, qui tombait en miettes entre les nuages, alors que de nombreux bateaux s’éloignaient, chargés de fuyards et de réfugiés de tous les camps.

Nodia cligna des yeux, et tituba sur le pont. Elle chercha le regard de Sehar, qui tendit une main vers elle pour l’empêcher de tomber. Elle perdit connaissance, avant de savoir si oui ou non, ils pourraient rejoindre la terre ferme sans perdre personne d’autre.

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Nanouchka
Posté le 05/03/2022
Salut Anatole,

Je pensais vraiment que t'allais tuer une des jumelles. Je crois que ç'aurait été très fort, parce qu'on s'est attachées aux deux (même si légèrement plus à celle qui a aidé Nodia qu'à celle qui a entendu les propos de sa mère).

Le chapitre marche, j'ai tout suivi (si, si). Mon moment préféré, c'est quand Nodia crie. Ça a fait du bien.

Pas convaincue par la fin du dialogue entre Fenara et ses filles, le côté très légèrement mélo des deux dernières répliques. Et je pense qu'on n'en a pas besoin, que la scène est plus forte si elle leur lance le sortilège et qu'on gère ensuite le coeur brisé des jumelles. Parce que c'est tabou d'avoir une mère qui attaque ses enfants, donc quoi qu'il arrive, la puissance émotionnelle du moment existe.

Hâte de voir où ça va les mener, tout ça.
AnatoleJ
Posté le 09/03/2022
Dans une réalité alternative, Jin prend le sortilège et l’histoire prend une tournure très très différente (et parfois je suis tenté de l’écrire aussi mais il faut choisir, les idées sont illimitées mais pas l’énergie pour les écrire malheureusement)

Nodia devrait crier plus souvent, ça règle pas mal de problèmes haha

C’est vrai qu’à la relecture, il ne marche plus si bien que dans mes souvenirs ce bout de dialogue... Tu as raison, je pense que ça fonctionnera mieux si je le retire carrément !
Mathilde Blue
Posté le 09/09/2021
Re ^^

Alors, comment dire… Clairement tu es cruel avec tes personnages, ça fait des chapitres que c’est le bordel et que ça ne s’arrange pas T_T Et je ne suis que moyennement convaincue que ça va s’arranger par la suite, Fenara a pas l’air du genre a laissé les gens se dresser contre elle sans rien faire…

En tout cas, c’est chouette de voir que les jumelles tiennent leur position face à la mère ! J’avais peur qu’elles se laissent influencer, mais finalement elles ne se laissent pas faire ^^ Du côté de Nodia, je ne suis pas sûre qu’on puisse vraiment dire que son cri arrive à point nommé, mais bon x) Je me demande toujours d’où vient ce pouvoir particulier, et pour le coup j’ai vraiment aucune théorie… Pour Zaza, clairement il a pas fait long feu face à Fenara, et il va clairement avoir quelques explications à donner aux autres parce que bon, ça suffit les secrets. J’espère que Suzette va lui botter les fesses ^^

Je pense que c’est un bon chapitre de clôture d’arc, et j’ai hâte de lire le suivant :D

Mes notes :

« Mais lorsqu’il retira son scaphandre comme si la lumière ne le brûlait pas, et qu’au lieu de tirer son arme des ombres, il la prit du néant lumineux, son soulagement s’effrita, et la peur revint. »
J’avoue, ça doit faire un choc, mais c’est pas grave Nodia, Zaza est cool quand même T_T (Je trouve que la phrase est très jolie au passage).

« La maîtresse des armes. Celle qui contrôlait toutes les forces armées de la Toile, et par extension, tous les combattants de la terre ferme. »
Présentée comme ça, ça donne pas envie de rester près d’elle…

« Puis tout s’écroula. »
Il est assez badass le cri de Nodia quand même ^^’ (Et je me demande toujours d’où il vient, trop de questions, trop de suspens)

« Mais personne ne vint à son secours »
J’imagine que c’est juste que les circonstances ne s’y prêtent pas, mais je trouvais cette phrase super triste x)

« et n’hésita pas à repousser Zakaria par-dessus bord avec une salve. »
T’en as pas marre de faire tomber tout le monde franchement ? T_T

« Son coeur se serra de rage, lorsqu’elle vit la terreur qui avait totalement pris le dessus chez les deux garçons, et qui commençait à la ressaisir aussi. »
J’ai un peu du mal avec la formulation « la terreur… qui commençait à la ressaisir », mais c’est très subjectif, à toi de voir :)

« — Comment oses-tu essayer de tourner mes filles contre moi, saleté de piaf ! s’indigna Fenara. »
Mdr, les bonnes relations (donc là on peut dire que ma théorie est définitivement confirmée avec la phrase qui suit).

« Juste un battement de coeur après avoir quitté la main de Fenara, le sortilège mortel toucha sa cible. »
C’est horrible T_T Clairement tu me dépasses en ce qui concerne le sadisme, je vais pas m’en remettre T_T Bon au début j’ai vraiment cru que c’était Jin, mais réflexion faite, c’est pas spécialement mieux que ce soit Barty T_T (Mais juste pour être sûre, Barty c’est bien l’Oranimus d’Erin et pas celui de Jin c’est ça ?)

Voilà voilà, j’ai enfin rattraper mon retard, à bientôt :D
AnatoleJ
Posté le 14/09/2021
C’est marrant que tu dises ça, parce que je suis même pas encore arrivé à l’écriture de chapitres où ça s’arrange, hahaha... haha... T_T ahem (#auteurmaso). Y’a vaguement une note d’espoir à la fin du chapitre 29 mais clairement là on est en route pour la vallée des larmes... L’arc 3 sera vraiment dur, mais c’est pour mieux remonter la pente peut-être ? (si si, ça finit bien, je le jure)

Les jumelles sont passées du bon côté de la force, mais pour combien de temps...

« J’espère que Suzette va lui botter les fesses ^^ »
Comme Suzette n’a pas de pieds pour porter des bottes, je l’ai tout de suite imaginée attraper une botte avec son bec pour la lui lancer à la tronche, et...ouaip, 100% du Suzette xD (et clairement, il mériterait de s faire réveiller au moins un peu)

« J’avoue, ça doit faire un choc, mais c’est pas grave Nodia, Zaza est cool quand même T_T (Je trouve que la phrase est très jolie au passage). »
Mais oui, il est juste un tout petit différent de ce qu’elle espérait, rien de si dramatique x) (un peu quand même)(et merciii !)

« Il est assez badass le cri de Nodia quand même ^^’ (Et je me demande toujours d’où il vient, trop de questions, trop de suspens) »
Quand faut que ça sorte, ça sort haha

« J’imagine que c’est juste que les circonstances ne s’y prêtent pas, mais je trouvais cette phrase super triste x) »
C’est les circonstances et mon sadisme, ça m’a rendu triste aussi donc évidemment qu’il fallait que l’écrive x)

« T’en as pas marre de faire tomber tout le monde franchement ? T_T »
Si ils arrêtaient de se promener au bord du vide hein, aussi...

« Mdr, les bonnes relations (donc là on peut dire que ma théorie est définitivement confirmée avec la phrase qui suit). »
Oui, tu étais sur la bonne piste dès le début x) Ne reste plus qu’à savoir ce qui a brouillé les deux soeurs qui n’ont effectivement que de l’amour à se donner, c’est beau la famille

« C’est horrible T_T Clairement tu me dépasses en ce qui concerne le sadisme, je vais pas m’en remettre T_T
Je plaide coupable, j’ai été terriblement sadique avec ce pauvre petit Barty, il méritait pas ça T_T C’était le plus mignon et le plus fun des quatre et il a à peine eu assez de scènes pour le prouver T_T (Et c’est bien l’Oranimus d’Erin !)
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