Chapitre 3

Cité Royale de Dandelion – Palais Royal

 

Atunza planait au-dessus du palais. Pouvoir ainsi observer le monde depuis les airs était un de ses nombreux plaisirs et peu, à part lui et les messagers royaux, avaient accès à ce privilège. Il inclina légèrement son aile droite et fila en direction d’une tour, qu’il rasa de ses rémiges à la grande stupéfaction de la domestique qui lavait les carreaux à cet instant. Un autre virage et le voilà qui descendait en vrille en direction de la Cour d’Armes, avant de reprendre de l’altitude au dernier moment. Il se retint de pousser un cri de joie de peu, tandis que les gardes se reprenaient et se remettaient de l’émotion. Depuis sa position il vit, du coin de l’œil, que Roland et Coton entraient dans son aire. Le pygargue poussa un soupir : la récréation s’achevait. Sur un dernier battement d’aile, il se dirigea vers son nid, entrant dans le bâtiment par une large baie vitrée constamment ouverte, exceptée en temps de pluie. Avec l’aisance que confère la pratique, il s’accrocha de sa seule serre valide à un perchoir et tamponna un coussin placé non-loin à cet effet avec sa patte de bois. Il finissait de retrouver son équilibre quand la porte s’ouvrit sur un Roland souriant et un Coton respirant comme un soufflet de forge.

 

« Fffff… Pfffff… Pffffff… Comment… Ffff… La domesticité… Fffff… Fait-elle pour escalader cette tour tous… FFffffff…. Les jours ? »

 

Il trottina jusqu’à un coussin posé au sol et s’écroula dessus tandis que Roland ricanait en cachant sa bouche derrière sa main.

 

« Nous confions généralement cette tâche à une recrue dont les résultats déçoivent. Une journée à travailler pour moi suffit à leur rendre leur motivation. Incroyable, n’est-il pas ? »

 

Depuis le coussin, Coton lui lança un regard noir. Se remettant de son hilarité, non sans arborer un sourire narquois, Roland se dirigea vers un meuble, l’ouvrit et en sortit deux hanaps et une large coupelle, qu’il emplit de bière depuis un tonneau proche. Atunza descendit de son perchoir et remercia le blaireau, tandis que ce dernier déposait devant lui la coupelle. Coton émergea des coussins et prit à son tour un des hanaps. Les trois hommes s’installèrent du mieux qu’ils pouvaient et prirent une première gorgée, avant de claquer leurs langues avec satisfaction.

 

« Délicieuse, vraiment ! »

 

Atunza ferma les yeux afin de mieux apprécier l’alcool. Une fois la séance avec Coton terminée, ce dernier et Roland étaient partis et s’étaient dirigés vers les terrains d’entrainement de la Garde. Le pygargue, quant à lui, avait dû subir le restant de la session du Conseil. C’était une des raisons qui rendait les instants où il volait au-dessus du castel si précieux. Il n’y avait rien de mieux pour se vider la tête, c’était une sensation plus grisante encore que celle que l’alcool lui procurait.
Ils finirent leur premier verre et Roland, obligeamment, les remplit de nouveau.
Les langues se délièrent et ils se mirent à bavarder, à plaisanter et à se remémorer une époque pas si lointaine, où les trois comparses s’entraidaient au combat et faisaient le mur à la caserne afin de faire le tour des tavernes. L’alcool aidant, l’hilarité ajouta son grain de sel à la conversation, jusqu’au souvenir d’une croustillante anecdote qui les fit rire à gorge déployée. Quand le calme revint, non sans quelques hoquets de leurs parts après avoir fait l’erreur de vouloir boire une gorgée pour se rafraîchir, Coton se renfonça dans son coussin et tourna le regard en direction de Roland :

 

« Bon… Tout cela est bien beau mais, au final, vous avez organisé tout ce ramdam dans les Taudis pour boire un coup avec moi. Je sais que je suis de bonne compagnie mais tout de même… »

 

« Il y a bien la protection de la fille du Consul… » le coupa Roland.

 

« Tsss… Allons. Comme si vous aviez besoin de moi pour assurer la protection d’une princesse, quelle que soit son importance. Ce n’est pas comme si une escorte d’élite ne pouvait s’en occuper. »

 

Atunza et Roland se regardèrent, gênés. Finalement, ce fut le pygargue qui répondit au hamster :

 

« Coton… La sécurité de la princesse est primordiale, en effet, mais la raison pour laquelle nous t’avons fait venir est que… Nous ramenons aussi Tyresia à Dandelion. »

 

Un bruit de déchirure se fit entendre : les griffes de Coton avaient jailli et s’étaient plantées dans le coussin à la mention du nom. Il prit un air sombre et c’est d’une voix sourde qu’il posa sa question suivante :

 

« Comment cela se fait-il ? »

 

« C’est en vertu de l’accord passé avec Oran. Il s’est avéré qu’elle s’y est enfuie après… Bref… Et a vécu là-bas sous une fausse identité. Nos espions ne l’ont repéré que récemment et le Conseil a pressé le Consul pour qu’elle soit incluse dans l’accord. »

 

Le hamster avait serré les poings, déchirant le coussin sur lequel il était assis. Enfin, il inspira profondément et regarda Atunza dans les yeux :

 

« Bien. Vous pouvez dire au Conseil que j’en suis. Quand doit-on partir ? Qui est de l’équipée ? »

 

Le blaireau se réinstalla plus confortablement, avant de répondre :

 

« Nous partirons dans une semaine. Je dirigerais la mission et choisirais moi-même les membres de notre escorte. Ne t’en fais pas, Coton. Cette fois, elle ne s’échappera pas. »

 

Le hamster plongea le regard dans sa coupe et lâcha un amer « Y’a bien intérêt. »

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