Chapitre 3

Par Taranee
Notes de l’auteur : Salut !

J'ai mis un peu plus de temps que prévu à cause de problèmes personnels à régler. J'ai bien avancé sur l'écriture, j'en suis presque à la fin.
N'hésitez pas à laisser des commentaires, et à aller lire "Khotaô", pour ceux qui ne l'auraient pas lu !

Bonne lecture !

 


 

Dans son angoisse hier, Noah n’avait pas demandé à Hélène où elle habitait, ou bien où se trouvait son académie. On était vendredi aujourd’hui, alors il y avait des chances qu’il la trouve à l’académie. Il suffisait de savoir où se trouvait cette école.

Le savoir fut aisé, mais le bâtiment se trouvait plus loin, dans la campagne, pour ne pas déranger les habitants de la ville et sûrement aussi pour éviter toute distraction aux élèves. Noah dut héler un fiacre. Il n’avait pas emmené Clée avec lui pour la laisser se reposer. Elle avait l’air perdue dans ses pensées depuis l’incident de la veille, etle jeune homme se disait qu’il valait mieux lui laisser un peu d’espace pour digérer ses nouveaux souvenirs, aussi vagues fussent-ils. Un véhicule arriva bientôt, qui fit payer à Noah une grasse somme pour l’emmener à l’académie. Le voyageur n’était pas certain que ce fut la le prix d’un fiacre, mais il paya sans discuter, tout en se disant qu’il finirait ruiné avant la fin de leur voyage. Chaque mois, Noah et Clée écrivaient à la fabricante, la femme qui les avaient recueillis avant leur voyage, pour lui donner des nouvelles et lui indiquer leur emplacement. Elle leur envoyait ensuite un peu d’argent dans le bureau de poste de la ville la plus proche pour subvenir à leurs besoins. Mais la fabricante, si elle pouvait se permettre de vivre bien, n’était pas riche pour autant, et Noah n’aurait jamais osé lui demander plus d’argent. Allait-il devoir commencer à travailler pour arrondir leurs fins de mois ? Tout à ses réflexions, il sentit à peine que le fiacre s’arrêtait, et ce n’est que quand la portière fut ouverte par le cocher en personne que Noah releva la tête. S’empressant de descendre en voyant la mine agacée de l’homme, il le remercia tout de même et lui demanda s’il pouvait rester devant l’académie pour l’attendre. Après avoir obtenu gain de cause, le jeune homme se tourna vers les bâtiments.

Il y en avait deux : un pour les filles, et un pour les garçons. Les écoles mixtes commençaient à se répandre un peu, mais cette académie était un établissement privé, qui tenait aux traditions. Noah se dirigea donc vers le bâtiment de gauche. Austère, comme son voisin, les murs étaient de pierre grise. L’apparence générale était semblable à celle d’un manoir, quoique les bâtiments fussent plus petits : une avancée sur le mur délimitait l’entrée principale avec ses larges portes, de grandes fenêtres permettaient de voir passer les silhouettes des jeunes filles dans les couloirs, et au dernier étage, des lucarnes jacobines, petites fenêtres qui dépassaient du toit et qui avaient pour elles seules de petits toits en double pente. Pour le reste, un toit en ardoise grise, qui contrastait avec les habitudes du sud du pays, qui allaient plutôt à la couleur.

Lorsqu’il laissa tomber le lourd heurtoir contre la porte fermée, il y eut un petit temps d’attente avant qu’une dame à l’allure sévère ne vienne lui ouvrir.

« C’est pour quoi ? fit-elle de sa voix grinçante.

— J’aimerais voir Hélène. C’est l’amie d’une jeune fille qui s’appelle Esthelle. Elles sont toutes deux inscrites dans cette académie. Elle a la peau noire, des cheveux frisés, elle est plutôt petite...

— Je sais qui est Hélène. Il n’y a pas tant d’élèves que ça, ici. Mais à qui ai-je l’honneur ?

— Son cousin ! répondit Noah à l’improviste.

— Vous ne lui ressemblez pas du tout.

— Par alliance. Je suis venu de loin... Pour discuter d’un héritage.

— Discuter d’un héritage ? Avec une jeune fille encore sous la tutelle de ses parents ?

— C’est qu’une part lui revient tout spécialement. »

Noah voyait les sourcils de son interlocutrice s’arquer de scepticisme. Il se rendait bien compte qu’il s’enfonçait et se maudissait de n’avoir pas préparé une histoire crédible avant de venir voir la jeune fille. D’ailleurs, ce qu’il avait à dire était-il si urgent ? Il aurait pu l’attendre à la fin des cours... Non, il se serait à coup sûr fait attraper par les gardiens s’il avait rôdé autour de l’école.

« Et puis-je savoir exactement de quelle branche de la famille vous êtes ? »

Cette fois, il était perdu. Il suffisait qu’il cite un frère ou une sœur qui n’existait pas pour qu’il soit renvoyé aussi sec. Et alors, il aurait payé un fiacre pour rien. Il réfléchissait à toute vitesse, tentant de trouver un lien ténu et incompréhensible qui ne ferait pas trop réfléchir la femme. Soudain, une jeune vois retentit dans son dos.

« Laissez, Madame Longchamp. Je le connais, c’est un cousin... Par alliance. Du côté de mon père. Cela faisait longtemps que je ne t’avais pas vu, Noah ! Comment vas-tu, cher ami ? »

Sans lui laisser le temps de répondre, elle le prit par le bras et l’entraîna nonchalamment vers un petit kiosque, à l’ombre duquel elle s’arrêta enfin.

« Que voulez-vous donc, après m’avoir laissée en plan de telle manière ? Et dire que j’avais sauté l’école, tout ça pour essuyer un refus aussi froid. Vous avez de la chance que je vous ai sauvé la mise ! Ç ’aurait pu finir très mal, vous savez ? On vous aurait pris pour un rôdeur, et comment auriez-vous fait si on vous avait jeté en prison ?

— Je vous prie de m’excuser, pour aujourd’hui et pour hier. J’étais préoccupé par quelque chose et je crois bien que je me suis montré grossier.

— Vous pouvez le dire ! Où sont vos amis ?

— Michaël voyage séparément de nous : il doit avoir des répétitions avec sa troupe. Clée ne se sentait pas bien. De toute façon, on ne m’aurait même pas ouvert si je m’étais présenté avec une poupée de porcelaine vivante.

— Détrompez-vous. Nous sommes très ouverts. Quu’est-ce qui vous amène ici ?

— Je suis venu vous dire que nous acceptions l’enquête. Mais je vous le répète : nous ne sommes pas détectives, nous sommes loin d’être les plus qualifiés pour ce travail. Vous auriez dû appeler le bureau des vagabonds. C’est leur travail de s’occuper de l’inexplicable.

— C’est absolument impossible, je vous l’ai déjà dit. L’Auberge dans laquelle mon amie travaille est particulière. Le bureau la fermerait s’il en apprenait l’existence. On doit rester discrets. Et de toute façon, vous n’auriez pas intérêt à ce que le bureau vienne fourrer son nez par ici, vu la jeune fille qui vous accompagne... »

Noah ne répondit pas. Ce que disait Hélène était vrai. Il y avait trop d’étrangeté dans son duo avec Clée pour qu’ils prennent le risque d’avoir affaire au bureau des vagabonds. Lorsqu’ils étaient venus à Khotaô pour l’affaire de la bête, Noah avait frôlé la crise cardiaque. Heureusement, dans l’agitation, ils n’avaient pas croisé Clée ni rien remarqué d’étrange chez Noah. Mais il aurait suffit qu’ils se rendent compte que Noah était une ombre, un parasite artificiel, pour que son voyage s’arrête immédiatement. Le bureau ne l’aurait jamais relâché en ayant découvert quelque chose d’aussi énorme. Tout à coup, Noah repensa à ce qui s’était au café, mais aussi à l’instant.

« Vous avez dit que l’auberge était particulière, qu’elle aidait les habitants... De quoi parlez-vous, exactement ? Cela a-t-il quelque chose à voir avec des phénomènes magiques, ou inexplicables, comme on se plaît à les appeler ? »

Elle sembla hésiter un court instant à parler, puis finalement se ravisa.

« La pause est bientôt terminée et je dois encore manger. Allez chercher vos amis et commencez l’enquête, s’il vous plaît. Tenez, voici mon adresse, mais surtout, ne revenez pas me voir à l’académie : vous êtes trop suspect, même avec votre air naïf.

— Je reviendrai donc vous voir avec mes compagnons. À bientôt, Hélène. »

Elle ne répondit pas, mais hocha la tête et s’éloigna, non sans lui avoir serré chaleureusement la main avant de partir, car Mme Longchamp les observait toujours depuis la porte d’entrée restée ouverte. Il commençait à pleuvoir. Noah se dépêcha jusqu’au fiacre qui l’avait attendu, direction l’hôtel. En route, il ressassa plusieurs fois sa conversation avec Hélène.

Ainsi, l’auberge avec quelque chose de magique, ou était tout du moins impliquée dans quelque chose qui touchait à l’Inexplicable. Si le bureau l’apprenait, il la fermerait. Le bureau des vagabonds... Le commun des gens n’ignorait pas qu’il se passait dernièrement des choses inexplicables. Le bureau des vagabonds avait été créé quand ces phénomènes avaient commencé à se produire afin d’enquêter dessus. Ce que les gens ignoraient, c’est que les agents du bureau étaient formés à voir les ombres. Si les agents du bureau étaient en apparence garants de la paix et de la tranquillité des citoyens face aux phénomènes magiques, on sentait bien qu’ils essayaient de faire disparaître toute traces de ces phénomènes inexplicables. Depuis l’apparition de ces petites touches de magies, plusieurs lois étaient entrées en vigueur pour que « le monde des humains » conserve cette rationalité qui rassurait tout le monde. On avait interdit la possession et la manipulation de tout objet magique, les lieux imprégnés de magie étaient inspectés et fermés au public. Quant aux ombres, c’était un peu plus délicats. Il n’y avait pas vraiment de lois. Si l’on faisait des lois, on admettait leur existence. Et il faudrait alors leur accorder des droits et une protection, ce qui n’était pas vraiment le cas aujourd’hui. Mais ce qui était sûr, c’est que le bureau arrêtait toute ombre qui s’en prenait aux humains ou qui était potentiellement dangereuse. En clair : il s’assurait que les ombres et tout ce qui avait trait à l’inexplicable ne prolifèrent pas, pour ne pas qu’elles puissent prendre le pas sur les humains. C’était effrayant. Ils auraient pu passer pour les méchants, mais au fond, le bureau n’était peut-être qu’un rempart érigé à la hâte par une société humaine qui ne savait pas quoi faire face à l’apparition d’une nouvelle espèce et de son lot d’étrangetés.

Et le Philanthrope n’est qu’un pauvre scientifique qui veut aider le monde ?

Le jeune homme sursauta en entendant la voix de son alter-ego, Noé. Il serra les dents.

Ce n’est pas pareil.

Mais si. C’est exactement la même chose.

Laisse-moi tranquille.

Tu ne pourras pas toujours m’enfermer au fond de ton esprit, « Noah ».

Sa présence disparut comme s’il n’avait jamais existé, mais Noah sentit poindre une vilaine migraine dans son crâne. Ce n’était pas bon... Au début, ça ne se passait pas comme ça... Mais ces derniers temps, la présence de Noé se faisait de plus en plus régulière et intrusive. Mais était-ce anormal ? Après tout, peut-être que son temps était compté depuis le début... Noah n’était qu’une expérience, à la fois une première fois et un accident... Il ne savait lui-même que peu de choses sur sa personne... Ce corps qui ne lui appartenait pas... Peut-être un jour serait-il forcé de le rendre... Et alors que deviendrait-il ? Cette perspective le rendait malade d’inquiétude. Mais qu’importe ! Il était là, pour l’instant, et il avait des choses à faire. Pourquoi penser à des éventualités qui n’arriveraient peut-être jamais ? Il y avait bien assez de sujets d’inquiétudes dans le présent pour n’avoir pas à se soucier de l’avenir.

Noah sauta du coche avant que celui-ci ne soit tout à fait arrêté. Il avait laissé l’argent de la course sur la banquette arrière comme il était habituel de le faire dans cette région. Il remercia le cocher d’un signe de tête mais celui-ci ne daigna même pas lui retourner un regard. L’hôtel était proche. Noah irait retrouver Clée, puis ils iraient ensemble chercher Michaël. Aujourd’hui, il avait accepté d’enquêter. Pour secourir l’amie d’Hélène, pour en apprendre plus sur J et pour retrouver les souvenirs perdus de Clée. Maintenant, il était temps de se mettre au travail.

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