Liam grommelait en suivant ses cousins dans le sous-bois. Quinze ans, l’âge parfait pour râler sur tout, surtout quand on l’éloignait de ses jeux vidéo. Il n’était pas friand de ce genre d’aventures nocturnes et aurait préféré rester dans sa chambre. Mais comme à son habitude, Caleb avait réussi à le convaincre de venir en titillant son ego.
Il ramassa quelques branches pour le feu avec toute la mauvaise volonté du monde. Jorick le regarda en levant les yeux au ciel mais ne dit rien. Il croisa son regard et, par pure provocation, se mit à traîner encore plus des pieds lorsqu’ils revinrent au bord de l’étang avec les autres.
Liam s’assit lourdement sur une souche, le sac au sol, les bras croisés. Le feu crépitait à peine, et déjà l’odeur de chamallow brûlé flottait dans l’air. Super. Manquait plus que le ukulélé et les chants scouts.
— Quelqu’un veut griller le premier ? lança Cléo, tendant le paquet de guimauves.
Il leva une main molle.
— Je veux bien, mais uniquement si quelqu’un le fait pour moi.
Personne ne bougea. Pas même Ilana, qui faisait souvent semblant de s’inquiéter pour lui quand il jouait la comédie. Il grogna, se leva, et alla chercher une branche. La forêt lui collait à la peau, humide, silencieuse. Oppressante. Loin derrière les rires, il sentait comme un courant d’air froid qui n’avait rien de naturel. Peut-être qu’il se faisait des idées. Peut-être pas. Mais ça le foutait mal. Il retourna vers le feu, la guimauve plantée comme un drapeau blanc sur sa pique.
— Tu comptes sourire un jour ou c’est mort pour la décennie ? demanda Lysandra en s’asseyant à côté de lui.
— Si je souris, j’explose, répliqua-t-il sans la regarder.
Elle ricana doucement. Elle ne le prenait jamais au sérieux, elle. Ni trop à cœur, ni avec pitié. C’était reposant.
Il observa les flammes danser. Les autres parlaient, plaisantaient. Cléo racontait une histoire de maison hantée. Les visages étaient éclairés par en dessous, rendant leurs ombres grotesques. Liam détourna les yeux et resta en retrait, un peu à côté. C’était souvent comme ça. Il ne savait pas trop s’il s’en foutait ou s’il détestait ça.
Être le petit dernier de la bande, c’était souvent synonyme d’invisibilité. Il se rendait bien compte que son avis était rarement pris en compte, qu’il était parfois exclu de certaines conversations ou que ses cousins ne supportaient pas sa tendance à toujours broyer du noir. Et à force, il s’était créé cette carapace faite paresse et de plaintes.
Liam s’enfonça un peu plus dans sa capuche, les bras toujours croisés. Le chamallow carbonisé qu’il avait planté au bout de sa branche pendait lamentablement, mais il n’avait pas la foi de le manger. Lysandra grignotait le sien en silence à côté, les yeux brillants de reflets orangés.
— Tu sais, t’as le droit d’aimer ça, murmura-t-elle sans le regarder.
— Aimer quoi ? siffla-t-il.
— Être là. Avec nous. C’est pas illégal.
— J’ai jamais dit que j’aimais pas. J’ai dit que c’était nul. C’est pas pareil.
Elle haussa les épaules, mi-amusée, mi-lassée. Il la détestait un peu pour cette capacité à ne pas se laisser démonter par son humeur. Et il l’aimait bien pour ça aussi. C’était confus.
De l’autre côté du feu, Cléo faisait son show. Elle racontait l’histoire d’un ermite fou qui vivait au fond des bois et kidnappait les enfants imprudents. Elle imitait sa voix grave, le cliquetis de sa canne, jusqu’à ce que Caleb sursaute exprès au moment pile, faisant éclater de rire tout le monde sauf Liam.
— C’est censé faire peur, ton histoire ? marmonna-t-il.
— Toi, tu vas être le premier à disparaître, répliqua Cléo avec un sourire en coin.
Ilana leva les yeux vers la cime des arbres.
— Y a un truc bizarre avec les étoiles ce soir, non ?
— Ouais, elles bougent, dit Jorick, faussement inquiet. Elles ont décidé de changer de quartier.
— Non mais vraiment. Regardez là, au-dessus du grand chêne. Cette lumière, elle clignote pas…
— Satellite, grommela Liam. Ou un drone. Ou un ovni, au choix.
Mais malgré lui, il leva les yeux.
Une étoile, plus brillante que les autres. Immobile. Ou presque. Il la fixa quelques secondes. Son cœur rata un battement. Un courant d’air froid glissa entre les troncs. Le feu vacilla. Un instant à peine, mais suffisant pour que le silence retombe d’un coup.
— Bon, on fait quoi maintenant ? demanda Caleb, mal à l’aise.
— On sort le Uno ? proposa Lysandra.
— Ou on rentre se coucher, ajouta Cléo. J’ai plus de guimauves et j’ai raconté mon quota d’horreurs.
Liam ne les écoutait plus ; il tenait la branche calcinée dans sa main, la tête levée vers le ciel.
L’étoile n’avait pas bougé. Mais elle brillait. Comme un avertissement.
Pendant que je lisais ce chapitre. Une pensée m'est venu à l'esprit. Un prophétie. Des gosses ordinaires qui vont traverser un monde fantastique et affronter un boss du niveau de Sauron...hmm...Le monde de Narnia. En tout cas, c'est ce que ça m'a rappeler. Je me demander si je suis le seul à y avoir pensée. Bref, rien à redire sur ce chapitre. Liam me rappelle moi quand j'étais en plein dépression post pubertaire. Hâte de découvrir les autres personnages
Effectivement le Monde de Narnia est une de mes inspirations pour ce roman. Pour être tout à fait honnête, mon histoire est tirée d'un jeu auquel on jouait avec ma soeur quand nous étions petites :)
A Liam à présent aha.
On en vient au ciel et aux étoiles. Maintenant à savoir pour quelle raison Ilana et Liam ont peur de cette étoile.
Chapitre très sympa, j'aime beaucoup quand des personnages sont vraiment humains et c'est le cas ici.
Quelques remarques :) :
"Quinze ans, l’âge parfait pour râler sur tout, surtout quand on l’éloignait de ses jeux vidéo" -- le "sur tout" et ensuite "surtout" casse un peu le rythme. Peut-être enlever le "sur tout" on se rappelle tous comment on était à son âge ahaaa
"Elle ne le prenait jamais au sérieux, elle." -- pour éviter la répétition du "elle" peut-être mettre "Elle au moins ne le prenait jamais au sérieux."
"Regardez là, au-dessus du grand chêne" -- j'aurais ajouté une virgule avant le "là" pour marquer le truc :)
A plus :)
Merci de suivre mon histoire avec tant d'intérêt ! Et merci aussi pour tes remarques toujours perspicaces :)