Trois jours de vacances et pas d'intrus en vue. Je m'efforce de prendre un air décontracté pour que David ne se fasse pas de souci, mais en vérité je n'arrête pas de surveiller les alentours et matin et soir j’effectue une ronde autour du camping avec mon arc. Aujourd'hui, l’atmosphère me parait bien calme. C'est le dernier dimanche du mois de juillet et tous les voyageurs sont partis tôt pour éviter les bouchons sur la route. Dans notre allée, au fond contre les dunes, il n'y a plus que nous.
Je suis debout depuis déjà quelques heures lorsque les autres émergent enfin. Après la baignade quotidienne du matin, nous avons prévu un pique-nique sur la plage. Louise prépare des salades et je lui donne un coup de main. Les garçons, chargés d'aller acheter du pain, préparent maintenant les serviettes de plage. Céline met la nourriture dans des sacs.
Le dernier Tupperware vient d'être fermé et tout est prêt. Tous chargés comme des bourris, nous avons juste commencé à nous diriger vers les dunes lorsque Céline, qui menait la troupe, s'arrête brusquement.
- Euh... C'est qui eux ?, demande-t-elle sans s'adresser vraiment à personne.
Je la rejoins pour voir de qui elle parle. Trois types avancent vers nous depuis la direction que nous allions prendre. Baraqués, tout de noir vêtus, l'air pas aimable, ils marchent avec détermination. Et ils se rapprochent vite. Louise pose les sacs qu'elle tenait à terre et passe devant nous.
- Je vais aller voir ce qu'ils veulent. Probablement des crétins qui se sont perdus.
Elle va à leur rencontre en trottinant. On dirait qu'elle se met à parler mais on ne peut pas l'entendre d'où on se trouve. Elle a à peine le temps de s'arrêter devant le type du milieu que celui-ci se baisse légèrement, se tourne de côté et d'un geste rapide et précis balaie Louise d'un revers du bras droit. Il la frappe dans le flanc et l'envoie valser à presque dix mètres sur sa droite. Mathieu hurle le prénom de Louise, lâche les serviettes qu'il avait sous le bras et part en courant vers notre amie dont le cri de douleur a cessé dès qu'elle a percuté le sol dans un bruit sourd. Elle a dû perdre connaissance. Il passe à proximité des trois types et ils ne daignent même pas tourner le regard vers lui. Ils ont les yeux fixés sur nous. Plus exactement sur moi si mon imagination ne me joue pas des tours.
Ils continuent à avancer. Encore sous le choc, j'essaye de reprendre rapidement mes esprits. Je tourne la tête et regarde David quelques pas derrière sur ma gauche. Les sacs qu'il tenait sont tombés au sol et un Tupperware s'est ouvert, la salade maintenant étalée par terre. David se tient là, pétrifié, les yeux exorbités et la bouche ouverte. Il ne bouge pas d'un poil. Céline à ma droite est plus ou moins dans le même état, la valise à pique-nique pleine de vaisselle en plastique serrée contre elle comme un bouclier.
Après avoir jeté un dernier regard vers les trois types qui sont encore à bonne distance, je me précipite en courant vers la grande tente quelques mètres derrière nous et je me passe mon carquois par-dessus la tête et attrape mon arc que j'arme aussitôt. J'ai à peine repassé la porte de la tente que les nouveaux venus ne sont plus qu'à quelques mètres de Céline et David qui n'ont toujours pas bougé, probablement paralysés par la peur. Ils ont fait vite.
Ils sont habillés de noir de la tête aux pieds, avec de longues vestes en cuir malgré la chaleur estivale. Celui du milieu, qui a l'air d'être le chef du trio, commence à lever le bras droit et le mouvement de sa veste laisse apercevoir une arme à feu à sa ceinture. Je pointe mon arc dans sa direction, mais il a déjà son arme visée sur David. Il est extrêmement rapide. Il s’apprête à tirer. Ma flèche frôle David et percute les doigts du type qui étaient posés sur la détente. Il lâche son arme. David se retrouve propulsé en arrière par le choc, ou la peur, ou les deux. Je ne sais plus trop bien ce qui peut passer par la tête de mon ami en ce moment-même. Vu son expression lorsqu'il tombe sur les fesses, il s’agit définitivement un mélange de plein de choses désagréables. Céline a toujours la valise à pique-nique serrée contre la poitrine. Je réarme mon arc et tire tout de suite sur le même type qui esquive ma flèche en se déplaçant sur le côté à une vitesse inhumaine. Il a récupéré son pistolet. À qui avons-nous affaire ? Ses deux acolytes ne bougent pas, mais s'ils sont armés également et probablement tout aussi rapides et forts, alors nous ne faisons pas le poids. Je ne pourrai pas contrer tous leurs tirs, je n'ai que neuf flèches dans mon carquois depuis la visite de l’homme qui s’est volatilisé dans les bois. Et maintenant plus que sept.
Celui que je visais réajuste sa veste en reprenant sa place centrale. Il a toujours son arme dans ma direction et moi une flèche pointée sur sa poitrine. Ils se sont arrêtés à quelques mètres de nous et je crois voir un sourire moqueur sur le visage de celui qui me fait face. Je me suis positionnée entre Céline et David, qui n'est qu'à moitié redressé, effrayé de faire le moindre mouvement. J'examine nos adversaires. Ils n’ont vraiment pas l’air aimable. Une étincelle noire brille dans leurs yeux, un truc qui ne paraît pas naturel, comme s'ils n'étaient pas vraiment humains. De notre côté, je suis la seule armée. Du coin de l'œil, j'aperçois Mathieu, arrivé auprès de Louise, toujours immobile sur le sol. Je sais ce que j'ai à faire.
Dans l'espoir de créer une distraction, je baisse mon arc, crie à mes amis de courir vers les dunes et pars aussi vite que possible dans la direction opposée. Je me retourne en entendant les cris de David. Seuls deux des types m'ont suivie et l'autre court après David et Céline. Elle a réussi à partir devant, mais David est coincé, le baraqué lui faisant face en lui bloquant le passage, la main sur la détente. Il tourne sur lui-même et le type arrive à toujours se retrouver face à lui, se déplaçant à une vitesse fulgurante.
Déconcertée par les cris de mon meilleur ami, j'ai perdu de vue les deux qui me suivaient. Soudain, David ne crie plus. J'entends des pas juste derrière moi. Sentant que l'un d'eux est tout proche, je me retourne d'un coup sec et le prends par surprise en le frappant au visage avec mon arc. Il hurle de douleur et je m'éloigne aussi rapidement que possible, le deuxième sur mes talons. Un coup de feu est tiré. David commence à perdre l'équilibre à force de tourner sur lui-même. Je me jette contre le type qui le menace. Épaules rentrées, mon arc contre moi, je le percute de côté. Il perd son arme mais se ressaisit vite et se débat de ses poings. Je les évite tant bien que mal, m'en prends un dans les côtes qui me coupe le souffle, mais l'adrénaline me maintient debout. J'ai mon arc dans une main et une flèche dans l'autre, ce ne sont pas mes poings qui vont m'aider et je ne peux pas me contenter de me défendre. Je ne réfléchis pas longtemps à la situation. Alors que le type s'apprête à m'envoyer un poing en pleine figure, de ma main gauche je lui plante la flèche dans le torse, juste à côté du cœur. Il se redresse en portant les mains à sa poitrine.
Et puis il part en fumée. Littéralement. Une fumée noire s'évapore dans le ciel et son corps se transforme en un petit tas de poussière qui retombe au sol.
Tellement abasourdie par ce qui vient de se passer devant mes yeux, j'ai perdu contact avec la réalité et je ne vois pas celui qui arrive sur ma droite à toute vitesse et saute le poing en l'air, prêt à me frapper par au-dessus. Au moment où je le remarque, il disparaît lui aussi en fumée dans un cri de douleur et derrière le nuage de poussière apparaît le visage d'un jeune Asiatique, tenant dans ses deux mains les manches d'une arme que je ne connais pas et qu'il vient d'utiliser pour tuer ce truc inhumain qui m'attaquait. Je n'ai aucune idée de son identité ou des raisons de sa présence ici, mais je crois que les présentations peuvent attendre. Il vient de me sauver la vie, donc je pars du principe qu’il est de notre côté.
Deux de nos ennemis viennent d'être éliminés mais il en reste encore un. J'entends des cris étouffés derrière moi. Je me retourne. Le troisième type est derrière David et le tient par le visage, une main écrasée contre sa bouche et l'autre sur la détente de son arme pointée sur le front de mon ami. David se tortille dans tous les sens et la seule chose que je remarque, ce sont ses lunettes qui tombent lentement de son nez. Il déteste quand ses lunettes lui glissent du nez.
Et c'est alors que je le vois.
L'homme qui m'a approchée l'autre jour chez moi. Celui que j'attendais. Celui dont je redoutais l'arrivée. Il est là. Il s'avance tout doucement vers nous dans le dos de David et de son ravisseur, son arme pointée devant lui. La panique me submerge. Il va tirer. Je hurle « non » et veux me précipiter pour protéger mon meilleur ami, mais une main m'attrape le bras avec une force incroyable et m'oblige à rester sur place. C'est l'Asiatique qui m'a retenue. Je tourne vers lui un regard empli de surprise et de colère. Serait-il de mèche avec mon agresseur ?
Ensuite, tout semble se passer simultanément. Mon cri, le coup de feu, le type qui part en poussière, David qui tombe au sol, l'inconnu qui court vers lui. Je me libère de la prise de l'Asiatique et me jette à genoux auprès de David. Je pose mes mains partout sur lui, j'attrape son visage et je le regarde dans les yeux. Il n'a rien. Il va bien. C'est alors que je comprends. Celui que je croyais être mon agresseur vient de lui sauver la vie. Je serre David contre moi. Il me rend mon étreinte et nous restons ainsi un bon moment jusqu'à ce que j'entende quelqu'un toussoter. Je lève les yeux vers celui qui finalement n'est peut-être pas mon ennemi.
- Qui êtes-vous ?
- Cette fois je crois qu'il serait préférable que je réponde tout de suite à ta question, répond-t-il en anglais avec un sourire en coin. Paul Carson. Un ami.
- Moi c'est Yi, ajoute l'Asiatique qui se tient à ses côtés.
Même si j'ai déjà commencé le chapitre suivant, je vais m'arrêter ici pour faire un "point d'étape".
Tout d'abord, je trouve que l'intrigue est plutôt bien ficelée au départ avec ce qu'il faut d'intrigant (oui, le fameux N2). Très bien, l'idée de ne pas livrer toutes les clefs dès le début -- je dirais même plus : évidemment ! Ça donne envie de poursuivre (un peu, sûrement, beaucoup ? Je verrai bien :-) )
Je veux bien croire que les scènes d'action ne sont certainement pas les plus simples à écrire (est-ce que je m'y risque, moi ? Je suis plutôt la championne de l'immobilisme :-) ). Cela dit, voici quelques conseils -- à prendre ou à laisser, je n'ai jamais prétendu détenir la vérité sur quoi que ce fût...
Bref, je crois que la prose ici pourrait gagner en dynamisme. A mon avis, si on se représente bien la scène (pas de souci à ce niveau-là), l'ensemble manque d'un peu de "peps". Pour donner l'impression de rapidité, il suffit de quelques ajustements (non, pas de bouleversement massif). Tout d'abord, je réduirais quelques phrases un peu longues (c'est un vieux truc : faire des phrases de plus en courtes au cœur de l'action pour donner du rythme). "Dégraisser" quelques phrases leur ferait du bien aussi. Enfin, privilégier les verbes de mouvement qui résument à eux seuls une action plutôt que d'en mettre deux ou trois à la suite, qui sont en fait un peu redondants.
Par exemple : " Après avoir jeté un dernier regard vers les trois types qui sont encore à bonne distance, je me précipite en courant vers la grande tente quelques mètres derrière nous et je me passe mon carquois par-dessus la tête et attrape mon arc que j'arme aussitôt. " --> " Après un dernier regard vers les trois types encore à bonne distance, je bondis vers la grande tente quelques mètres derrière nous. Je passe/Je mets mon carquois en bandoulière et attrape mon arc que j'arme aussitôt."
Autre exemple : "J'entends des pas juste derrière moi. Sentant que l'un d'eux est tout proche, je me retourne d'un coup sec et le prends par surprise en le frappant au visage avec mon arc. Il hurle de douleur et je m'éloigne aussi rapidement que possible, le deuxième sur mes talons. Un coup de feu est tiré. David commence à perdre l'équilibre à force de tourner sur lui-même." --> "J'entends des pas, juste derrière moi. Sentant l'un d'eux tout proche, je pivote en un éclair/clin d'œil et le prends par surprise, le frappant au visage avec mon arc. Il hurle de douleur. Je m'éloigne aussi rapidement que possible, le deuxième sur mes talons. Un coup de feu est tiré. David est déstabilisé/vacille à force de tourner sur lui-même."
Comme je le disais, c'est à prendre ou à laisser. Ne surtout pas mal le prendre, ce ne sont que des suggestions !
Merci beaucoup pour ces précieux conseils ! Et d'avoir pris le temps de donner des exemples, ça m'aide beaucoup.
Tout ça va m'être très utile pour la prochaine relecture - réécriture, c'est sûr et certain.
Bonne lecture pour la suite !
Bon c'est bien ficelé cette histoire, j'aime bien le rythme et le style !
Et j'imagine que les amis de Marina doivent complètement halluciner ^^
Merci pour ta remarque sur l'action, ce ne sont pas les scènes les plus simples à écrire !
Et j'aime bien la comparaison à Matrix, je n'y avais pas pensé du tout !!
Comme beaucoup j'ai une Pal assez longue mais je me rends que c'est vers ton récit que je reviens en premier. Avec ce chapitre j'ai eu l'impression de me retrouver en plein dans un film d'action, j'étais avec eux. Et tu maîtrise bien le suspense. J'aimerais faire des critiques constructives mais les seules ont été déjà faites...
A mes yeux, tous les commentaires sont constructifs ! Ils sont un retour sur le texte, que ce soit au niveau de la forme comme du fond, et ils m'aident tous à prendre du recul sur ce que j'écris.
Je suis très contente de savoir que l'histoire te plaît et j'espère que la suite te plaira tout autant ! : )
Au plaisir de te retrouver dans les commentaires !
"Tous chargés comme des bourris" : c'est pas bourriques ?
"David se retrouve propulsé en arrière par le choc, ou la peur, ou les deux.". Je ne suis pas sûre d'avoir compris. Pour moi, "propulser" c'est l'équivalent de projeter. J'ai pensé au début que les méchants avaient des pouvoirs télékinétiques et qu'ils l'avaient atteint à distance. En lisant la suite, je déduis qu'il est simplement "tombé". Peut-être nuancer ?
"la seule chose que je remarque, ce sont ses lunettes qui tombent lentement de son nez. Il déteste quand ses lunettes lui glissent du nez." C'est tellement réaliste ! Le genre de réflexion absurde qui survient dans un moment de stress, nous faisant remarquer les petits détails incongrus. J'adore.
Bon, le trio est réuni ! Entre les trois affreux aux pouvoirs surhumains qui se sont volatilisés et l'arrivée de Yi, j'espère qu'elle ouvrira les yeux et acceptera son destin. Même si je n'en ai aucun doute là ;-)
Merci beaucoup pour ton commentaire et tes remarques constructives !
J'ai déjà eu la question pour les bourris et j'avais vérifié, c'est un régionalisme, du coup je n'ai pas encore décidé si je le laissais ou si je le remplaçais par du bon français…
En relisant la phrase avec David qui se retrouve propulsé, je suis tout à fait d'accord avec toi, on a l'impression qu'il est éjecté à plusieurs mètres, alors qu'il tombe simplement : ) Je vais modifier ça !
Merci encore et bonne lecture pour la suite !
Je veux bien dire "bourris", pour dire "ânes", mais c'est peut-être un régionalisme… Je vais demander à Google.
Je connais seulement Sense 8 de nom, mais c'est sur ma liste des choses à regarder, et la comparaison me fait très plaisir, je vais faire passer la série en haut de la liste ; )
Les infos arrivent tout doucement… J'ai choisi de garder un rythme assez lent, j'espère que ce n'est quand même pas trop lent !