Chapitre 3 - Sohalia -

Par Charley
Notes de l’auteur : Holà holà, me voici de nouveau avec un chapitre issus de la première partie de mon livre. Et oui, pardon, je m'excuse par avance, il s'agit d'un loonnnnnng chapitre... Bref, sur ce, bonne lecture à vous tous !

Mémoire de rêves de Sohalia : 
Le train quittait la gare pour une direction qui m’était encore inconnue, après tout, je ne connaissais que très mal le pays. 
Tout ce que je voyais à travers les vitres m’enchantait. 
Que ce soient les couleurs, les paysages tous différents ou bien encore l’architecture. Pourtant, c’était loin de ressembler à ces bâtiments que j’avais vus en cours, non, la simplicité régnait autour de moi. Mais voilà, c’était beau, beau à en pleurer.
 ~Sohalia, 23 ans, année 2022~


Aïe, ma tête me brûle. 
Mais où suis-je bon sang de bonsoir ? 
Perdue, je désirai tourner la tête vers les voix que j’entendais. Les événements de la veille me revinrent alors en mémoire et je me mis à paniquer. Je secouai vivement la tête et essayai d’ouvrir les yeux en vain.
Quelque chose bloquait ma vision et j’eus l’affreuse peur d’avoir été kidnappée… Qu’allait-il donc m’arriver ? Pourquoi ? Pourquoi m’aider pour ensuite me kidnapper ? Avait-on passé le portail ? Essayant de réfléchir à toute allure, je me souvins des mots de ma psychologue : prendre une grande respiration et souffler le plus doucement et le plus lentement possible. Accompagner chaque respiration de mouvement de bras partant du ventre pour aller sur le dos et vice-versa. S’imaginer un son blanc et visualiser un mur marron.
Après deux ou trois respirations, mon esprit semblait plus calme. Je me concentrai alors sur mon environnement et sur moi-même.
Il semblerait que j’étais assise ou bien allongée sur une surface assez dure. Mon corps était transi de froid, j’étais tellement frigorifiée que chaque muscle de mon corps n’était que souffrance. J’essayai de changer de position afin de me réchauffer, mais je ne le pus pas. Comme si j’étais accrochée…
Des larmes coulèrent sur ma peau glaciale. Je suis seule, frigorifiée, perdue, et j’ai l’impression d’être toute nue… Mon ventre se mit à gargouiller et le son se répercuta sur les murs. Je ne savais pas depuis combien de temps j’étais accrochée ou même partie de chez moi, mais j’avais faim et j’avais soif ! 
Un frisson me parcourut et je ne pus m’empêcher de gigoter sur place. Il faisait froid, comme si un courant d’air circulait via une porte ou une fenêtre ouverte. 
Pourtant, cela ne sentait ni la moisissure ni l’air frais. Impossible donc de deviner si je me trouvais dans une cave ou dans une pièce aérée… À la fois énervée, confuse et affamée, je montrai mon impatience en commençant à chanter de plus en plus fort. Sans aucune réponse de personne, je criai, pleurai et me remis à chanter les chansons les plus énervantes que je connaissais. 
En y réfléchissant, entre deux refrains, cela n’avait strictement rien d’intelligent de ma part. Qui a déjà pensé qu’énerver ses kidnappeurs était une bonne idée ? Je ne savais pas ce qui m’avait frappée à ce moment-là. Non, mais sérieusement, qu’avais-je dans le crâne ? J’avais pourtant bien lu la lettre, plusieurs fois, et possédais assez de jugeote pour comprendre la dangerosité de la situation ! 
Du moins, je le croyais…
Cette histoire était vraiment étrange… Ils avaient menacé ma famille, plus que moi non ? En fait, j’avais même l’impression que leurs informations n’étaient pas les mêmes que les miennes…

Flash-back :
Si la robe de velours m’avait tapé dans l’œil, l’enveloppe se détachait comme un phare au milieu de la nuit. Serait-ce la clef pour la mystérieuse langue du livre ? Avalant ma salive, je la pris soigneusement et brisai le sceau qui la retenait fermée. 
Je la lus, la relus et en conclus que Kilian n’était pas l’expéditeur. 
Ce sac m’était destiné, certes, mais la blague n’était pas de bon goût, j’étais terrifiée… 
Enroulée dans ma couverture de bébé, je pris le temps de me consoler un peu. Reboostée par l’odeur et les souvenirs emprisonnés dans le tissu, je sortis le nez de sous le tissu bleu. 
   
Cette lettre était plus que terrifiante… L’encre noire qui avait été utilisée semblait aussi riche que le papier estampé, au grain épais. Je n’avais par ailleurs jamais vu ce type de papier à lettres. Il me semblait comme ancien, probablement fait à la main et marqué par une presse spécifique. Chaque mot s’était gravé dans ma mémoire et inconsciemment, je me savais apte à les ressortir comme s’il s’agissait des paroles de ma chanson préférée.
« Chère Sohalia, 
Voici quelque temps que nous vous surveillons, vous et votre famille. 
En fait, depuis votre arrivée dans votre école d’architecture et depuis votre carnet à croquis vert, sans compter la mention de certains de nos élèves.
Nous dirigeons, mon frère et moi, une école spécialisée pour enfants de votre statut, un peu distants de la société si vous voyez à quoi je pense.
Nous avons donc décidé de vous offrir une place dans notre académie, qui est, je crois, l’une des plus recherchées dans votre domaine d’enseignement. C’est une opportunité rare, mais vous représentez un cas spécial et j’espère que vous comprenez le cadeau qui s’offre à vous.
Ainsi donc, via un échange de bon procédé entre votre étrange pouvoir et notre expertise, nous vous promettons de vous aider à y voir plus clair. 
Ne voudriez-vous pas comprendre le sens de vos rêves, accomplir des missions, voyager dans des lieux magiques ? 
Je sais que vous avez l’âme d’une aventurière. Nous nous occuperons de tout dès votre présence signalée, que ce soit du logement, des frais d’inscription, mais également de vos frais pour vos activités extrascolaires, comme le dessin ou le coloriage. 
Merci de votre compréhension, en vous souhaitant une agréable journée.
Dans l’attente d’une réponse sous les sept jours à venir.
Cordialement, messieurs les directeurs de l’école I.S.P.E.S., Dwight et Caleb Carlson.
P.-S. N’oubliez pas que nous savons où trouver de quoi vous faire changer d’avis. » 

 

Tout cela pour mourir, enfermée, affamée et frigorifiée. Après ce qui me sembla une éternité, ils retirèrent ce que j’avais sur les yeux et je pus enfin découvrir où j’étais et avec qui. À mon grand soulagement, je n’étais pas nue, juste habillée d’une robe vraiment trop courte et trop transparente. Ils retirèrent également les liens qui maintenaient mes poignets ensemble. Ces mêmes poignets que je massai pour essayer d’atténuer la douleur avant de m’asseoir. Il fallait trouver une solution assez rapidement pour que je puisse sortir de là et ainsi retrouver ma liberté. 
Gardant la tête plus ou moins baissée, j’analysai les alentours en cherchant en priorité quelque chose à me mettre sur le dos. J’étais plutôt gênée par le manque d’épaisseur et de longueur du tissu. Et puis, je ne connaissais pas la météo et ne me voyais pas survivre, dehors, habillée ainsi. Une étrange douleur dans la nuque me fit grimacer et je basculai ma tête de droite à gauche dans l’objectif de faire craquer les vertèbres de ma colonne. 
J’aperçus ma valise dans un coin et me remerciai intérieurement de ne pas avoir écouté et d’y avoir placé des vêtements confortables et normaux. Il fallait donc attendre le bon moment pour profiter et filer. Je m’habillerai dehors, quand je serai libre et que j’aurai le temps. Attendre et foncer. Tu peux le faire, ma vieille. Garde ton calme et ta confiance, ça va le faire.
Mais alors que je m’apprêtais à fuir, une voix me rappela à l’ordre. Ma psychologue, ici ? Alors là, je suis complètement perdue… Il va falloir m’expliquer… Elle se mit à fouiller dans la valise en pestant contre le jean, le sweat et le t-shirt qu’elle laissa sur le sol. Trouvant le sac en velours, elle sourit et me le lança. « La robe, me dit-elle avant d’ajouter, et ne tente rien, tu es en sécurité ici. » 
Ainsi, elle avait “lu” dans mon esprit et connaissait mes ambitions. À moins que… Je me rendis alors soudainement compte que nous n’étions plus “tout seul”. Non, des personnes étaient postées aux quatre coins de la pièce, l’air menaçant, prêts à intervenir au moindre signal. 
Il me serait impossible de m’échapper et négocier ne semblait pas envisageable pour le moment. Alors, je redressai le menton et entrepris de me changer. Je fixai le corsage et soufflai un coup avant de commencer à le défaire. L’avoir mise une fois me suffira-t-il pour arriver à la mettre sans trop de difficulté ou de honte ? Pour le laçage, je fis en sorte de pouvoir regarder mon dos même si c’était clairement moins facile que chez moi, dans ma salle de bain. Mais ce que je vis me fit lâcher le miroir à main tout en refusant, à la tripotée de jurons, de sortir de ma bouche. Le bruit avait cependant retenti dans toute la pièce et tout le monde s’était alors retourné vers moi. 
« Je suis maladroite, désolée ! fis-je en accentuant le côté : je suis blonde donc débile. » 
Ils hochèrent les épaules et recommencèrent leurs activités, seule la psychologue se méfia et se rapprocha de moi. Je plaçai donc mes cheveux touffus dans mon dos pour cacher ma découverte et repris mon travail en silence. 
Sur le point de finir le laçage, je redressai le corset d’une main et je repensai à ce que je venais de voir…
Au niveau de ma nuque, entre mes deux omoplates, le dessin de ce qui semblait être la fusion d’un soleil et d’une lune, accompagnée d’un cercle, d’un croissant de lune et d’une étoile avait élu domicile. 
Alors oui, j’avais déjà voulu me faire tatouer une lune, mais je n’étais jamais passée à l’acte, même pour des temporaires.  
Comment celui-ci avait-il ainsi pu atterrir ici ?
Je n’en avais aucune idée, mais un pressentiment me dicta de me taire… Un tatouage apparaissant en une nuit après de tels événements, il valait mieux se taire et trouver des réponses convenables et valables avant de le montrer. Et puis, je considérais le tatouage comme une part de moi, j’avais ma propre signification de la lune et je ne voulais pas en parler.
« Aïe ! criai-je soudainement en me retournant, prête à donner une claque à la personne qui avait osé me faire affront.
—    Désolé, ce n’était pas mon intention. Tes cheveux s’étaient entremêlés avec le corsage… mentit Kilian en arborant un sourire faux. 
—    Beh, c’est bon, ils sont décoincés apparemment maintenant, répondis-je sèchement, agacée. 
—    Ils ont l’air emmêlés, tu veux que je te coiffe ? demanda-t-il en me montrant la brosse dans sa main gauche. 
—    Non. Si jamais tu les brosses, ils gonfleront de volume et je ne ressemblerai à rien. Merci, mais je gère mes cheveux. Tu peux aller t’asseoir, rajoutai-je avant qu’il n’argumente pour pouvoir me voir la nuque, car cela était la mission donnée par Louison, j’aurais pu en mettre ma main à couper. »
Alors que Kilian repartait vers son coin, j’eus un frisson qui continua par une série d’écholalies vulgaires. 
Dans quelle me*** je m’étais donc fourrée ? Et puis, pourquoi la fille aux cornes me faisait désormais face dans le miroir ?  
Parfait ! J’en ai ma claque ! Je veux des réponses ! Même vous, vous êtes curieux ! Alors, j’ai pas d’autre choix. Je dois découvrir les réponses à toutes mes questions, je dois découvrir qui je suis ! Et le plus tôt possible !
La médecin se présenta alors, des chaussures à talon à la main. Devant mon air incrédule, elle agita la main et insista du regard. « Il est hors de question que je mette ça, murmurai-je, les dents serrées. » Cela n’eut pas l’air de l’affecter. Elle m’indiqua la table du doigt en m’envoyant son regard autoritaire. Et si elle n’avait pas, non plus, le choix ? Elle m’avait sortie de l’appartement, m’avait crue alors qu’on me disait folle, peut-être devrais-je encore lui faire confiance… Une dernière fois ? me demandai-je. Alors que je suivis ses ordres et enfilai les chaussures, je ne pus m’empêcher de lui demander : « Mais pourquoi moi ? » lui murmurai-je.  
Si aucun mot ne sortit de sa bouche, ses yeux se détournèrent des miens un instant pour fixer la femme placée à l’opposé de nous. 
De longs cheveux blonds et lisses, des yeux ambrés et une peau blafarde, elle me dévisageait sévèrement. « Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai une tache sur le visage ? crachai-je intérieurement, les poings serrés. » Pour toute réponse, car j’étais sûre qu’elle m’avait comprise, elle haussa les épaules et repartit en soupirant. Peu importait qui elle était ou quel était son rang, je lui étais inférieure. Je lui faisais même pitié. Ce regard, ce haussement d’épaules, ce soupir, je ne le connaissais que trop bien. C’était le même que toutes les familles d’accueil que j’avais pu avoir. Le même que tous les foyers ou instances que j’avais pu croiser. Le même que mes parents, même après mon adoption. Celui qui voulait également dire qu’il n’y avait rien à faire pour moi. Celui qui voulait me faire comprendre que je n’étais qu’une moins que rien. 
C’était le genre de sentiment, qui pouvait me causer un mal-être terrible, qui me poussait dans la dépression, qui me poussait à me détester. Mais j’étais trop énervée pour sauter le pas. Non, je le savais, ce n’était pas moi qu’ils voyaient. Car moi, je deviendrais quelqu’un, je valais plus que ce qu’ils pensaient, eux. Je le savais, intérieurement, je n’étais pas une bonne à rien de folle furieuse dépressive. 
La bonne femme n’aurait qu’à s’accrocher correctement à son siège à notre prochaine rencontre. J’allais lui prouver qu’elle avait tort. J’étais une guerrière, rien de moins !   
   
Alors que le temps me semblait anormalement long, je décidai de continuer mon observation générale de la pièce et tombai sur Tyler… Rien que de le regarder m’énervait, j’aurais dû continuer mon observation de l’autre côté. 
Ses fossettes et son sourire de dragueur du dimanche m’horripilaient. Je n’avais qu’une envie, lui foutre mon poing dans sa petite figure de merdeux et regarder le sang s’échapper de son nez. 
Je devais faire une “moue” vu que ce dernier me lança un étrange regard avant d’aborder un sourire des plus démoniaques ou des plus pervers, au choix. Je n’arrivais pas à comprendre ce type, qu’est-ce qui lui plaisait tant chez moi ? Et qu’est-ce qui lui déplaisait autant ? Car je n’avais pas oublié son air de dégoût qu’il m’avait montré à notre rencontre. Un peu le même que la femme, par ailleurs.
Et, alors que je voulus lui répondre d’un air sévère, je remarquai qu’il avait disparu en l’espace de moins d’une minute. Étonnée, je reculai pour le percuter. Mais d’où arrivait-il ? Et comment avait-il pu se déplacer aussi vite ?
Il soupira avant de me prier de porter la cape qu’il me tendait. Alors, certes, j’avais froid, mais je commençai à en avoir ma claque qu’on ne me propose que des vêtements tous droits sortis du Moyen Âge. Et puis, je n’étais pas une poupée avec laquelle on pouvait jouer !
Les bras croisés, je lui lançai un simple « non » qui se voulait légèrement autoritaire. 
Il rit doucement avant de me tirer par les bras pour me placer lui-même la cape sur les épaules. Or, il m’avait déstabilisée et n’ayant pas l’habitude de porter de telles chaussures, je faillis tomber par terre, les deux jambes en l’air. Hilare, il explosa de rire et le son se répercuta sur les murs… Ah ah ! Très drôle ! Vraiment, qu’il marche avec des talons et on verra bien, gros c** va. La claque que je lui affligeai ne réussit pas à le faire taire, bien au contraire. Je fulminais désormais sur place et me mis à l’insulter, ce qui causa une vague de commentaires du côté des femmes. 
Dès qu’il respira de nouveau normalement, Tyler partit en trottinant vers un placard d’où il revint avec une paire de sandalettes à la main. Si ma première réaction fut de l’indignation et de l’entêtement pour leur prouver que je pouvais me déplacer avec mes chaussures actuelles, elles étaient bien trop jolies et plates pour que je les refuse. Argentées et munies de lacets de cuir, elles étaient aussi simples qu’élégantes. Je tendis alors la main à regret pour les saisir, mais le brun ne me laissa pas faire. Sans que je puisse réagir, il me porta avant de m’asseoir sur la table. Il me pris la jambe, la plia pour ramener ma cheville vers son torse. 
Mon cœur s’accéléra et mon visage rougit instantanément. Paralysée par la situation qui était clairement déplacée, je ne pus bouger ni même réagir. Et la seule chose qui me vint en tête, à ce même moment, fut une comptine pour enfant qu’heureusement, je ne chantai pas à voix haute. 
Pourquoi donc mon cerveau pensait-il à ça ? 
Il laça la sandale et fit remonter les lacets jusqu’au genou avant de remonter ma robe en me baissant la jambe vers la table. Puis, il fit de même pour la jambe droite en prenant bien soin de me toucher la cuisse et le bassin. Zonant complètement, je ne me rendis même pas compte qu’il avait fini avant qu’il me porte contre lui. 
Je ressentis alors son souffle sur mon front. Il me serra fortement, si fortement que je ne contrôlais plus ma respiration. Il me fit descendre tout doucement, et surtout très très près de son corps. J’en sentis ainsi tous les muscles, contractés par l’effort des mouvements et de la charge. Tous.
Une fois au sol, je repris alors connaissance, et vis avec grand désespoir que ma robe n’avait pas bougé dans le bon sens : au lieu de descendre, elle s’était agglutinée sur le haut de mon corps… Je m’empressai aussitôt de la repositionner et de camoufler ma tête par la même occasion.
La honte pouvait se lire sur mon visage, et lui, il était tellement fier… Je le sentais se retenir de rigoler, je voyais son corps convulser par les éclats de rire qu’il contenait tant bien que mal.  
Mais… une part de moi avait honte d’elle-même. Mon corps était en feu, et je savais la cause de cela. 
J’avais aimé son contact sur mon corps, et celui-ci en redemandait… Je voulais me claquer pour avoir de telles pensées, mais… comment être en colère contre soi-même quand ce n’est pas de sa faute ? 
Et en plus, me claquer n’aurait fait qu’aggraver les choses, je devais oublier ce qui venait de se passer et mettre une grosse croix sur Tyler. Et puis, j’étais dans une phase de recherche de fille, ou en tout cas, pas de gars. Le dernier en date me restait en travers de la gorge et j’avais décidé, juste après notre séparation, de ne pas me remettre avec un homme. 
Le faire payer serait également chouette, mais je gardais ma vengeance pour plus tard. 
L’ensemble des personnes présentes dans la pièce s’étaient dirigées vers la porte. Je voulais avancer, les suivre afin d’en finir au plus vite avec cette histoire. Loin devant moi, ils ne m’attendaient pas et gardaient une certaine distance, ce que je n’appréciais guère. Mais alors que je voulus passer la porte, j’en fus incapable et reculai même de quelques centimètres en arrière. Si mon cerveau demandait alors à mon corps de fonctionner, ce dernier refusait de lui obéir, de m’obéir. 
De nouveau face à la porte, je retentai de la passer sans succès. Les autres, étant de dos, ne semblaient pas s’être aperçus de la situation et continuèrent de marcher. 
Je toussai alors, essayant d’attirer leur attention. Ce fut un autre échec. Je haussai alors la voix, mais idem, rien ne se passa. Énervée, je donnai un grand coup de pied dans la porte qui se ferma violemment, assez apparemment pour qu’ils se retournent. 
Tyler me fit alors face, le visage las, lorsque la porte se rouvrit. Fatigué, il me tira le bras à travers le cadre de la porte, mais ne put me faire passer. Un “filtre” lumineux se révéla et des ondes partirent de la zone autour de ma main. Surpris, Tyler lâcha mon bras comme si cela était contagieux. 
Kilian intervint alors, il ferma les yeux et mit sa main sur mon front. Lorsqu’il rouvrit les yeux, ils étaient complètement dorés. 
Je l’entendis murmurer quelques mots inaudibles, mais à la sonorité nettement étrangère et une sensation de brûlure se fit ressentir dans ma nuque. Ses yeux se posèrent alors dans les miens.
Une larme s’échappa de son œil pour s’écraser contre ses cils avant qu’il ne se retourne. 
Qu’avait-il donc fait ? Et qu’est-ce qui avait ainsi pu créer cette larme ? 
La douleur entre mes omoplates n’était pas forte, mais je ressentis comme un pincement au niveau de mon dos, comme un nouveau poids sur la balance de ma vie compliquée. 
Je roulai des épaules et avançai. La barrière n’existait plus… Je ne voulais décidément pas savoir ce qu’il s’était passé. Non, c’était bien trop étrange… Était-ce de la magie ? Est-ce que je pouvais croire à cette éventualité ? Je décidai de graver ce souvenir dans ma tête et de m’y replonger un peu plus tard. J’espérais en savoir plus dans les minutes qui suivraient…  
   
Nous continuâmes à marcher dans un dédale de salles en tout genre. Le lieu était immense et bondé de personnes aux rangs sociétaux différents. 
Nous passâmes devant un fabuleux salon, avec des sièges tapissés de fils d’or, et, ce qui me sembla être, posés sur une table basse, des fruits gigantesques aux couleurs flamboyantes dans une énorme corbeille en verre. Je n’avais jamais vu de tels fruits, de tels sièges, de telles personnes. 
Ici, je me sentais plus que jamais étrangère, comme si nous n’appartenions pas au même monde. Rien qu’en voyant les deux frères d’adoption, on pouvait remarquer qu’ils étaient bien, qu’ils n’étaient pas tant choqués que ça et qu’au contraire, ils étaient contents d’être de retour. 
Je me mis à jeter des coups d’œil tout autour de moi, cherchant une faille ou une explication plus ou moins scientifique pour ce que je ressentais. 
Mais il n’y en avait pas, il n’y en aurait pas. 
Sans vraiment me l’affirmer, une petite voix dans ma tête me dit que nous n’étions plus sur Terre. Non, peut-être même pas dans le même univers…
Cela signifiait également que j’entrais dans un monde dont je ne connaissais absolument rien et qu’il me fallait être plus prudente que jamais. Ce fut donc avec une toute nouvelle appréhension que j’observai les différentes salles. Tout ce que je pouvais voir, je l’abordais sous un nouveau jour, et je m’émerveillais au moindre petit grain doré tout en me méfiant du moindre grain noir. Et puis, quand je voyais des miroirs, ma conscience m’indiquait de détourner le regard. Les reflets, c’est effrayant…
Après avoir marché pendant une bonne dizaine de minutes, nous nous arrêtâmes enfin.
Devant nous se dressait une gigantesque porte, à l’allure impénétrable et très riche. Les gongs semblaient en or et une énorme gemme ornait la porte. D’étranges lettres que je déchiffrai être du grec ancien se découpaient par leurs couleurs et leur ancienneté. Peut-être qu’il s’agissait d’un message codé, ou bien de la formule pour ouvrir la porte, dans tous les cas, je ne pouvais pas être plus heureuse !
Quoique ? 
En effet, lorsque nous traversâmes la porte, une lumière nous aveugla l’espace d’un instant, puis je restai coi devant tant de beauté.
J’avais l’impression d’être arrivée au paradis, à Olympe ou tout autre lieu tout aussi divin que splendide. Je n’arrivais pas à croire qu’une telle beauté pouvait exister et que je la voyais de mes propres yeux.
C’était… c’était juste merveilleux, splendide, j’aurais pu rester là des heures entières. Et tellement la beauté du lieu me transportait, je… j’en pleurai de bonheur.
Je n’arrivais même plus à décrire ce que je voyais. J’en avais perdu mes mots. 
Qui n’a jamais rêvé de trouver le jardin d’Éden, avec ses arbres et au milieu, son jardin si précieux ?
Mais ce qui me cloua le bec, ce fut surtout  
qu’au milieu de tout ce bonheur se trouvait la chose qui me sembla la plus improbable. Devant moi se tenaient les Dieux grecs que je connaissais par leurs légendes et exploits… 
S’ils pouvaient être vrais, si mes yeux ne me faisaient pas défaut, cela ne signifiait qu’une seule chose : je détenais un pouvoir, assez immense pour qu’on puisse me repérer d’un autre univers et assez attirant pour que je sois attaquée. 
Et si ma psy n’était pas juste une psy ?  
Elle m’avait cherchée, m’avait trouvée et était ma protectrice… 
Je tournai la tête, la cherchant du regard, pour lui poser les questions qui me brûlaient les lèvres.
Mais… Qui suis-je ? 

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