Chapitre 3 troisième partie

L’océan, rose comme le crépuscule glissait ses derniers rayons sur les rouleaux de vagues, était parcouru d’étranges remous. Une, deux trois silhouettes bondirent hors de l’eau, semblant danser au dessus des vagues avant de replonger dans les profondeurs. Noires et blanches, gracieuses et malicieuses, les orques suivaient le navire elfique sur les eaux de l’océan septentrional. A la proue, un jeune soldat avec pour couronne une chevelure de jais et des yeux noisettes rieurs contemplait ces créatures marines qui avaient conquis son cœur.  

Soudain, tout cela disparut et tout devint noir.

- Comment vous sentez-vous ?

Achéhis reprenait difficilement connaissance, la tête bourdonnant horriblement et les membres transis de douleur et de fatigue.

- Les orques… elles ont disparu…

L’Homme sourit quoiqu’il ne comprenait guère ce à quoi l’Elfe voulait faire allusion. Il était heureux de voir qu’elle allait mieux. Pendant son absence, on avait nourri son compagnon de cellule, qui avait réussi à dissimuler un morceau de pain et une écuelle d’eau tandis que sa ration avait en partie servi à nettoyer encore une fois les nombreuses plaies d’Achéhis. En souriant, le prisonnier lui tendit la nourriture et l‘aida à boire. Cela lui redonna des couleurs et elle lui rendit son sourire mais ne dit plus rien car la mémoire lui était soudainement revenue.

Prisonnière.

Elle était prisonnière et dans l’incapacité de prévenir son Roi de ce qui se tramait dans ses sombres couloirs. De nouveau elle observa sa cellule, chaque recoin de son regard perçant. De son côté, l’homme était décidé a parler pour meubler le silence oppressant de la noire prison. Mais quand il ouvrit la bouche, la main de l’Elfe s’abattit sur ses lèvres car des voix s’étaient élevées d’un cachot voisin. C’était deux hommes, des colporteurs du Marché Noir apparemment.

- Es-tu au courant qu’il y a un Elfe par ici ?

- Quoi, celui qui est avec l’homme de l’est ? Oui je le sais et suis bien content qu’il n’est pas atterri dans ma cellule ; je tiens à la vie, merci.

- Froussard !

- Moi, froussard ? As-tu déjà vu un Elfe se battre ? Non ? Moi j’en ai vu, une seule fois et ça m’a suffit. C’était il y a trois ans, quand une tribu d’Elfe se rebellait contre le pouvoir royal. Elle avait assiégé la capitale et seule une compagnie dirigée par un lieutenant a réussi à les mettre en déroute. Je souhaite ne jamais avoir à faire à pareil Elfe, jamais ! Froid comme le blizzard, terrible comme la tempête, précis comme le pic du faucon, rapide comme le guépard, voilà comment était ce lieutenant !

Son compagnon remarqua un sourire se dessiner sur le visage d’Achéhis. Évidemment, le lieutenant, c’était elle et il le comprit comme le silence reprenait sa place. Alors il murmura :

- C’était donc vous ?

-…

- Mais alors, vous êtes Dame Achéhis, la plus fine lame d’Olfondor ! C’est un honneur d’être à vos côtés, Madame, bien que ce soit dans une cellule de l’ennemi. Voyez devant vous un ami, lieutenant, de votre Roi car je suis le fils du Roi des Hommes de l’Est. M’étant opposé à sa trahison, je fut livré par mon propre père à notre ennemi. Personne ne sait qui je suis dans cette prison hormis celui qu’ils appellent le « Grand Chef ». Voyez ma bague, gravé de l’insigne de l’héritier du Pays de l’Est, c’est l’unique preuve que je puis vous fournir. Je serai fort peiné de ne pas être cru par vous, termina-t-il en baissant soudain les yeux vers ses doigts où brillaient une bague d’or.

Achéhis se retourna vers lui et son regard transperça son interlocuteur.

- Je l’avais remarquée, votre Altesse.

Et ce fut tout. Le silence reprit ses droits, et le lieutenant retourna à sa contemplation de son cachot. Une seule pensée obsédait son esprit : comment s’échapper de là ?

Au delà de sa douleur physique, c’était le fait de n’avoir aucune issue possible qui la torturait le plus. Elle se mit à marcher de long en large, les yeux furetant partout, sans vraiment savoir quoi chercher quand son regard remarqua une toile d’araignée dans laquelle était prise un magnifique papillon blanc. Le pauvre animal se débattait et sa prédatrice s’avançait vers son repas, lentement, comme pour se délasser le plus longtemps possible de cette prise rare. Achéhis se baissa vers la scène et entreprit délicatement de détacher la victime tandis que son agresseur battait en retraite, effrayé qu’une si grande chose s’accaparât son dîner.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez