Gwen, 12 ans. Deux ans sont passés depuis le meurtre de son père, elle est maintenant dans une famille d'accueil.
- Gwen ! A table mon ange ! crie ma mère depuis le salon.
Je m'empresse de descendre la rejoindre. Sur la table trône une magnifique tartiflette qui a le mérite de me faire sourire. Je m'installe en face de ma mère et nous mangeons dans un silence uniquement perturbé par les bruits de mastication. De temps en temps, elle me jette un regard inquiet. Elle a toujours été inquiète en ma présence. Et le fait que mon père adoptif soit parti en voyage d'affaire n'arrange pas les choses. Je m'agace très vite de ces regards furtifs. Je pose ma fourchette et je plonge mes yeux dorés dans les siens, marrons.
- Tu veux me dire quelque chose maman ?
Elle sursaute comme si elle était étonnée que je sache parler.
- Oh... Non, rien.
Elle cache son malaise sous un sourire de facade mais je ne me laisse pas avoir. Je sais très bien qu'elle a peur. Quand l'agent Luc m'a amenée chez les Prevost pour la première fois et qu'il leur a expliqué les circonstances de ma venue, cette femme a lu en moi comme dans un livre ouvert. Elle a tout desuite deviné. Elle a sû que mon géniteur alcoolique ne s'était pas suicidé. Que j'avais menti. Je me rappelle qu'elle a eu une longue conversation avec son mari et qu'à son therme, ils avaient décidé de m'adopter. Mais depuis un an que je vis ici, je sais que Mme. Prevost ne m'a jamais vraiment acceptée. J'ai même cru qu'elle profiterait du départ de son mari pour se débarasser de moi mais visiblement je suis la seule ici à avoir ce genre de pensées.
Le repas se termine bientôt lorsqu'elle décide d'entâmer une véritable conversation.
- Alors Gwenaëlle... Hum... Tu es contente d'être en vacances ?
- On peut dire ça oui.
Oh oui ! Quelle joie ! J'ai bien crû que j'allais devenir folle en restant dans ce collège. Personne dans ma classe n'est capable de réfléchir un tant soit peu !
- Tu... Tu n'as pas d'amis à inviter ?
- Il ne me semble pas non...
Je n'ai pas d'amis tout court. Disons qu'après m'avoir vu tuer un oiseau en lui lançant une pierre dessus, ils se sont tous mis à me fuir.
- Oh... Quel dommage...
- Quand est-ce que papa va rentrer ?
- Dans trois jours je crois ? me répond ma mère en plissant les yeux.
J'acquièsce imperceptiblement avant de me lever de table. Je débarasse mon assiète et la met au lave-vaisselle. Je remonte dans ma chambre et m'y enferme pour l'après-midi. Quand je me laisse tomber sur mon lit, je remarque une petite tâche rouge par terre, tout près de la table de chevet. Pour n'importe qui, elle aurait été invisible, mais je ne suis pas "n'importe qui". Je souris. Et je pousse un petit rire en me rappellant de comment cette tâche est arrivée.
C'était il y a quatre ou cinq mois, depuis quelques semaines, je n'arrivais pas à dormir à cause d'une souris qui avait élu domicile dans cette chambre et se plaisait à gambader pendant la nuit. J'avais fini par m'agacer de cette situation et j'avais posé un piège. Au matin, j'ai découvert la souris coincée dans mon piège. Elle bougeait encore, se débattait. J'ai trouvé ça plutôt drôle, ce petit être qui s'accrochait à la vie, c'est étrange de se dire qu'un seul évènement peut tout faire tomber, comme quand on retire la une carte en bas d'un chateau de carte, tout s'écroule. Et moi j'aimais observer cet évènement, voir la vie quitter les yeux d'une cible. Mais la vie semblait s'être beaucoup attachée à cette souris qui ne se décidait pas à mourir. Alors je suis allée chercher un couteau dans la cuisine. Je suis remonter et j'ai planté mon couteau dans le coeur de la petite souris. Elle est morte sur le coup. Mais son sang a giclé et quelques gouttes sont tombées sur le plancher ansi que sur mon chemisier blanc. Je suis descendue pour aller chercher de quoi nettoyer tout ça et quand je suis remonté, ma mère se tenait dans la chambre, observant avec affolement le cadavre de la souris. Le couteau était encore par terre. Et quand elle m'a vue arriver et qu'elle a remarqué les tâches de sang, elle a tout desuite fait le lien. Même si elle n'a rien dit, ses yeux exprimait cet effroi typique de ceux qui ne comprennent pas ce plaisir de tuer. Pour toute justification, j'ai dit :
- Elle m'empêchait de dormir. Alors je l'ai fait. Comme ça elle n'embêtera plus personne.
Le souvenir se floute, le noir se fait. Puis la lumière revient. Je reconnais immédiatement la scène. C'était il y a un mois, pour l'anniversaire de papa. Maman avait décider de lui cuisiner un poulet rôti mais nous n'avions pas pû acheter la viande. Je me suis alors introduite chez le voisin qui avait cinq poulets et je lui en ai dérobé un. Ça n'a pas été facile parce que l'oiseau ne cessait de bouger et de piailler. Mais j'ai réussi à le ramener à la maison. Quand maman est rentrée des courses, j'étais dans la cuisine.
- J'ai pas réussi à trouver de poulet... Je crois qu'on va devoir cuisiner autre chose...
C'est à se moment que je me suis retournée en lui adressant un sourire éclatant et en tendantle poulet plumé devant moi.
- Ne t'inquiète pas maman, moi j'en ai trouvé un ! On va se régaler !
Elle a jeté un regard vers le poulailler du voisin et a vu qu'il ne restait plus que quatre poulets. Elle a hurlé, m'a arraché les poulet des mains avant de le jeter tout au fond de la poubelle. Elle s'est retourné et m'a empoignée par les épaules.
- Il ne faut pas faire ça Gwenaëlle ! Tu n'as pas le droit tu m'entends ?! cria-t-elle.
- Mais maman... Je voulais vous faire plaisir à papa et toi...
- Je t'interdis de t'approcher de la cuisine ! Même pour prendre ton goûter ! Tu me demandes ! Et tu ne t'approches plus non plus du poulailler de Mr. Robert !
- Maman...
- Est-ce que c'est clair ?!
- Je... Oui.
- Monte dans ta chambre !!
Et après ce jour là, le tiroir des couteaux restait toujours fermé par un cadenas. Papa n'a jamais posé de question, mais maman et lui ont eu une longue discussion. Je les ai écouté par la porte, ma mèère criait, totalement pasniquée.
- Cette petite a le diable dans le corps Jacques !
- Cesse de dire des bêtises ! Elle ne fait de mal à personne !
- Elle a volé un poulet et l'a égorgé de sang froid ! C'est un monstre !
- Elle n'aurait jamais fait ça ! Mais regarde-la un peu bon sang ! C'est une fillette !
- Jacques... Elle me fait peur...
Mon père a dit quelque chose mais je n'ai pas entendu. Soudain, la porte s'est ouverte et il est sorti. Il a posé sur moi un regard lourd de chagrin.
- Tu as entendu notre conversation Gwenaëlle ?
- Euh non ? Pourquoi ? Je dois savoir quelque chose ?
- Non, rien du tout, nous discutions de ton anniversaire.
Il m'a souri une dernière fois avant de partir. Et le regard qu'il me lançait n'a plus jamais été le même.
J'ouvre les yeux. Des tâches brunes restreignent mon champ de vision. Je me suis endormie. Je me sens vide. Ces souvenirs on ravivé en moi une tristesse étrange. Dans un état second, je sors de ma chambre en prenant mon manteau et je descend les escaliers.
- Je vais me promener. dis-je à l'adresse de ma mère avant de sortir.
Il n'y a que quelques minutes de marche entre ma maison et le parc. Il est plutôt calme pour un samedi. Je ferme les yeux pour mieux apprécier les sons et les odeurs qui sedégagent de cet endroit.Une fois que je me sens rassérénée, j'entame une longue promenade qui va sûrement durer tout l'après-midi. Je passe devant la maison du gardien lorsque je sens une main se refermer sur mon poignet et m'attirer dans l'ombre. Je m'apprête à crier pour alerter quelqu'un mais une main se pose sur ma bouche. Je me débats, je me sens impuissante, je hais cette situation. Je mords la main. J'entends un grognement mais mon baillon ne s'enlève pas. Je donne des coups de pied. Soudain, mon agresseur me fait un croche-patte. Je m'étale par terre. Je nai pas le temps de me relever que mon assaillant met un pied sur mon poignet et appuie de toutes ses forces, m'empêchant de bouger. Je retiens un cri de douleur. J'arrive à tourner la tête pour voir le visage d'une femme. Elle est magnifique. Elle sourit.
- Bonjour Gwenaëlle.
Ce sont les derniers mots que j'entends avant de sombrer dans l'inconscience.