Chapitre 3 : une mission à la hauteur

Notes de l’auteur : Voilà que tout le monde se retrouve à nouveau rassemblé ! Bonne lecture !

Leur première rencontre eut lieu dans un de ces estaminets qui rappellent des confessionnaux, mais avec de la bière. Une atmosphère mystérieuse régnait, malgré le fait qu’il était onze heures du matin. Comment le tavernier avait-il eu l’idée d’une telle ambiance ? C’était un mystère pour Léopold, bien qu'il ait eu des éléments de réponse en voyant un dépliant qui proposait une carte de fidélité aux organisations secrètes. Mais il devait admettre que l'ambiance se prêtait bien à ce qu'il s'apprêtait à faire. Il attendit que tout le monde soit là. Isilda, son amie de longue date, arriva emmitouflée dans une bure tâchée et de mauvaise facture. C'était la première fois que le mage la voyait ainsi. Il prit peur un instant que celle-ci se soit trouvé une nouvelle vocation, car les employés d'Ulm se devaient d'être aussi magnifiques que le Dieu qu'ils représentaient. Il fut rassuré cependant alors qu'une fois la porte refermée, elle enleva et jeta sa bure dans un coin de la pièce, en maugréant que c'était pour lui qu'elle faisait ça. Il la retrouva, dans sa robe blanche immaculée qui l'identifiait comme la disciple du Dieu le plus puissant d'Illadum.

Il mit un temps à remarquer l'homme qui s'était glissé discrètement derrière elle. Il fut intrigué par son regard qui semblait analyser chaque recoin sans jamais quitter le mage des yeux une seconde. Il avait l'air jeune. Pas que ce soit un problème. Il ne pouvait pas convaincre tout le monde grâce à l'argent, et il était plus facile de faire miroiter la gloire à des recrues un peu moins expérimentées.

– Tu dois être Duke. Bienvenue ! Installe-toi, nous attendons encore deux personnes, et nous pourrons commencer. »

– Une seule, en vérité », fit une voix suave dans un coin de la pièce.

Isilda poussa un cri de stupeur. Duke sortit une dague de sa ceinture à la vitesse de l'éclair, et regarda attentivement vers la source. Léopold, lui, se contenta de soupirer, ses épaules s'affaissant un peu plus.

– Tobias, ce n'est pas la peine d'en faire autant. J'ai déjà accepté ta candidature, tu n'as pas besoin de toute cette démonstration. »

Le voleur s'extirpa d'une pile de couvertures, derrière la porte. Il eut un petit rire avant de répondre :

– Désolé. Mais chaque moment est une opportunité de s’entraîner à perfectionner ses compétences. »

Quelque chose clochait. Léopold eut une intuition :

– Et depuis combien de temps est-ce que tu es là-dessous ? »

Tobias eut un sourire contrit.

– À vrai dire, depuis onze heures hier soir... je me suis trompé dans la date, je crois. Du coup, je me suis installé pour faire un somme en vous attendant. »

Léopold n’eut pas le temps de décider si le voleur était courageux ou stupide. Il vit Duke faire un discret pas de côté. Au même moment, la porte s'ouvrit violemment, heurtant le pauvre Tobias qui alla s'écraser contre le mur et retomba sur ses couvertures. Une guerrière entra, vêtue d'une armure de cuir bouilli, les cheveux teints en blanc. Elle regarda autour, avant de demander :

— Nous n’étions pas censés être cinq ? »

– Derrière la porte », répondit négligemment le mage, avant de reprendre : « que j'aimerais que tu fermes, d'ailleurs, et avec douceur si possible, afin que nous puissions commencer la réunion. »

Ladite réunion ne commença réellement que dix bonnes minutes après. Il fallut effectivement un certain temps à Tobias, qui était complètement sonné, le nez ensanglanté et tordu, pour se relever et s’approcher de la table où la guerrière s’était installée. Il fallut quelques minutes supplémentaires pour qu'Isilda fasse appel à sa magie curative pour remettre le nez du voleur dans la position qu'il avait à l'origine. Les yeux du voleur furetaient, probablement à la recherche du prochain membre du groupe qui pouvait représenter un danger. Puis Léopold attendit patiemment la fin de la discussion entre Tobias et Isilda à propos du magnifique collier qu'elle portait. Il y avait beaucoup à dire sur ce collier : c'était un héritage de sa mère qui lui avait donné sur son lit de mort, en lui expliquant qu'il appartenait originellement à son arrière-grande tante Berthe, qui l'avait acheté dans une petite bourgade par un dimanche ensoleillé. Il paraissait même qu'elle avait drôlement bien négocié et...

À ce stade, Léopold avait tapé du poing sur la table. Étonnamment, cela avait ramené le calme. Il laissa planer un instant le silence, pour donner un air mystérieux à son annonce, avant de se précipiter quand il vit Tobias regarder le bracelet finement ciselé qu'Isilda portait :

– Mes amis, si nous sommes réunis en ce lieu, c'est parce que j'aimerais que nous montions une expédition pour une quête de la plus haute importance. Il est inutile de dire que tout ce qui va se dire dans cette pièce est strictement confidentiel. J'espère vous convaincre que nous avons beaucoup à gagner à travailler ensemble, mais, si vous décidez de ne pas vous joindre à cette aventure, je vous demanderai de ne pas ébruiter ce que je vais vous raconter là. Cela est d'une importance, capitale, car... »

– On a compris », le coupa Maggy brusquement. « Déballe. »

Un peu déstabilisé, le mage toussota avant de reprendre :

— À l’extérieur de notre luxuriante cité d’Almoria, au-delà des plaines centrales et des chaines de montagnes de Béryl, se trouve la cité de Coladul, bien connue pour… pardon, j’y viens, inutile de te lever, Maggy. C'est au-delà de Coladul, après le petit village de Lansen, que repose le légendaire Razelgor. »

Il laissa planer un silence mystérieux. Tout le monde se regarda, attendant visiblement la suite. Léopold décida de ménager son petit effet encore un peu. Une telle révélation était difficile à digérer, il voulait s'assurer de laisser assez de temps à tout le monde pour l'assimiler.

– Qui ? »

La question naïve de Tobias cassa toute la magie du moment. Léopold se tourna vers lui d'un air sévère :

– Mais enfin, le légendaire mage Razelgor. »

– Jamais entendu parler », répondit Tobias d'un air égal. Puis il se tourna vers Maggy. « Et toi ? »

– Moi, les mages, je m'en tape », répondit la guerrière.

Les yeux de Léopold s'étrécirent, alors qu'il évaluait Duke. Celui-ci secoua la tête latéralement. Il se tourna finalement vers Isilda, et ce qu'il y perçut le troubla. La jeune femme hochait vigoureusement la tête, mais l'immense vide dans ses yeux démentait ce geste. Léopold se força à prendre une longue inspiration, puis à expirer lentement.

– Autant commander des bières et de la nourriture tout de suite, parce que je vais devoir vous expliquer deux ou trois choses.

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