CHAPITRE 33
La nouvelle de la destruction de Iain me frappe d’une façon que je n’avais pas imaginée. La consternation, bien sûr, un ami qui ne pouvait pas mourir a disparu pour toujours. Un homme tellement plein d'énergie et de joie - simplement penser à lui me donnait du courage et une dose d’optimisme.
Savoir en plus que la malfaisance a causé cette disparition ajoute une dimension différente à mes émotions. J’enrage. Bientôt une décision prend forme en moi. Retourner à Tacoma. L’endroit est dangereux, je peux y faire de mauvaises rencontres ? J’y compte bien. Je veux démêler ce qui se passe, trouver Bergaud, interroger Guillain. Ma résolution se solidifie dans la nuit.
Cette colère n’est pas une émotion nouvelle. Je me suis déjà battue, sentant physiquement la fureur couler dans mes veines, avec la sombre satisfaction de frapper des ennemis qui mettaient en danger des vies qui m'étaient chères. Ce fut le cas à Domecy-sur-Grosne quand le château fut attaqué avant l’aube.
Tandis que je m’empressais vers la cour avec mon bâton, j’entrevis les gardes, flambeaux à la main dans la chambre du Seigneur et de dame Hermance d’où provenaient exclamations et cris. Ils se préparaient à y stationner pour les défendre, si les assaillants arrivaient jusque-là.
A la perspective d’ennemis surgissant dans ces lieux familiers où se trouvaient celles que j’aimais, la colère m'envahit et chassa toute peur. Je rendis grâce au Mongol, une fois de plus, pour m’avoir donné les connaissances nécessaires pour participer à la bataille.
Je descendis les escaliers rapidement, croisant deux cuisiniers en panique. L’un d’eux était Josselin avec lequel je découpais le gibier.
- Ils vont tous nous tuer ! lança-t-il, comme s’il se parlait à lui-même, d’une voix qui partait dans les aigus.
- Vos couteaux ! criai-je à leur intention sans ralentir. Prenez-les, préparez-vous, si vous voyez les assaillants, ouvrez-les comme des porcs ! Egorgez les comme des poulets !
Il me regarda, semblant sortir de son hébétude en m’entendant parler d’actions familières. En quelques enjambées supplémentaires, je me retrouvai enfin dans la cour. Des torches en feu, au sol ici et là, un arbre enflammé me permirent de discerner ce qui se passait dans l'obscurité. Le ciel commençait juste à s'éclaircir.
Un groupe d’ennemis, une quinzaine, bataillaient quatre de nos hommes. Je reconnus Brisart, Christophe, et deux gardes dont le visage m’étaient familiers. L’un d’eux m'avait escortée auprès d’Audeline lors de cette nuit d’orage.
Des coups de boutoir résonnaient dans la nuit. Combien de temps la lourde porte de bois tiendrait-elle ? Je discernais des silhouettes descendant les murailles avec des cordes. Ils avaient escaladé les murs d’enceinte et se joignaient aux assaillants. Des cris et des mouvements en haut des remparts attirèrent mon attention : la bataille faisait rage là-haut également.
Les intrus étaient vêtus de tenus disparates, certains portaient une cotte de maille, certaines grossièrement ajustées, je distinguais l’éclat du métal à la faible lueur, d’autres une de ces vestes rembourrées destinées à les protéger contre les flèches. Il s’agissait donc probablement de brigands assemblés par l’occasion plutôt qu’une armée ou même un groupe cohérent. C'était la seule lueur d’espoir que je distinguais. Ça, et le fait que mon bâton me semblait léger dans ma main. Le ciel s'éclaircit et je vis mieux chacun. Je cherchai où frapper, me souvenant des leçons du Mongol.
Après tous ces siècles, j’ai peu d’images précises de l’assaut lui-même en mémoire. Si je ferme les yeux, un assemblage flou de mouvements violents, de poussière et de cris terrifiants s’imposent à moi.
Le visage de Brisart avait exprimé une immense surprise lorsqu’un de ses adversaires était tombé après avoir reçu un de mes coups. Mais cela n’interrompit pas ses gestes et il l’acheva d’un rapide coup d'épée. Je me rangeai à ses côtés. Était-ce dû à l'adrénaline qui coulait à flot dans cette lutte vitale ? Nous évoluions de concert, anticipant les mouvements de l’autre avec une sorte d'évidence.
Je reçus un coup de pied dans le ventre d’un des brigands que je n’avais pas vu approcher. Le coup était rude et je roulai au sol, réussissant à ne pas me départir du bâton. C’est comme s’il était devenu un nouvel appendice de mon corps. L’agresseur essaya de m’immobiliser sous sa botte dans le but de me porter un coup final. Je réussis à le frapper à l'arrière du genou avec toute la force que je pouvais rassembler dans cette position malaisée. Il émit un ricanement, mais cela le distrait et son rire s’acheva en râle. Il s’effondra sur lui-même. Brisart me tendit la main pour m’aider à me remettre sur mes pieds. Nous étions à nouveau côte à côte.
Au milieu de toute cette action, une question restait sans réponse, quelque part dans mon esprit. Où étaient tous les autres gardes ? Une partie d’entre eux bataillait sur les remparts, certes, mais des dizaines d’hommes auraient dû se trouver à nos côtés dans ce moment d’urgence.
Finalement, les ennemis autour de nous se retrouvèrent à terre. Les clameurs et cris sur les remparts se poursuivaient, et les coups portés à la large porte faisaient même trembler le sol sous nos pieds. Elle allait céder.
Pendant un court moment, un calme irréel. J’avais été touchée par la pointe d’une épée sur le haut du front et je sentais une petite rigole de sang chaud couler le long de mon visage.
Dans un fracas d’enfer, la lourde porte d'entrée fut pulvérisée. La herse s’abattit - le bruit nous parvint - mais les assaillants avaient dû prévoir de s’en protéger car elle ne les ralentit pas. Avec un cri de victoire, un groupe d’assaillants envahit la cour. Sur le moment, il me sembla que nous faisions face à une vague d'ennemis sans fin.
- Il faut en tuer le plus possible… Les blesser, au besoin … gronda Christophe à mes côtés.
Du sang s'échappait de sa bouche. Nos regards se croisèrent, nos pensées suivant le même chemin. Nous allions succomber, mais nous devions auparavant les affaiblir au maximum pour que les soldats qui protégeaient le Seigneur et son entourage aient une chance. La vision des cuisiniers avec leurs couteaux me traversa, et aussi, auprès des enfants et de Tiphaine, Berthe le poing serré sur le manche de Veronica.
- Nous allons tous les tuer, lançai-je d’une voix rauque, proche du ton que j’empruntais quand je me disais homme. Pas un n’en réchappera.
Christophe répéta mes paroles à ses compagnons et alors que nous entrions dans cette nouvelle bataille, je les entendis rugir leur approbation.
- Restez près de moi, Jeanne, souffla Brisart.
Les premiers adversaires arrivèrent à notre portée. Le choc fut rude. Je remarquai un homme grand, massif portant un heaume qui protégeait toute sa tête. Je le voyais de dos, évoluant au milieu des assaillants qui semblaient organiser leurs mouvements autour de lui. Avec la lucidité aiguë due à ce moment d'extrême danger, je compris qu’il était le chef de toute la bande. Il se tourna dans ma direction, et soudain, je ne vis plus que lui. Il portait le heaume de Victoric, avec sa fente unique pour les yeux. L’objet m'était si familier, je fus transportée un instant dans ce passé où je l’avais nettoyé à de nombreuses reprises en maudissant mon geôlier. Quel que soit l’homme qui le portait ce jour-là, J’allais mettre ces malédictions à l’œuvre
Une épée au sol. Je réussis à la ramasser malgré la bousculade de la lutte toute autour de moi. Aussitôt, je devinai que Dieu avait béni mon projet car elle était légère et dotée d’une lame courte. Ce que j’allais faire était hasardeux pourtant j’allais réussir, je le savais. J’avais imaginé et préparé ce geste depuis si longtemps.
Je projetai l’épée de toutes mes forces comme si c’était une lance. Elle fila dans les airs et se ficha droit dans la fente du casque. L’homme porta les mains à sa tête, lâchant ses armes, et tomba lourdement en arrière.
Cet instant, où mon attention sur ce qui m’entourait avait baissé, je le payai immédiatement. Je ressentis une douleur profonde sur mon côté. J'étais blessée. Un instant, des lumières et des taches noires flottèrent devant mes yeux.
Voyant leur chef à terre, une onde d’hésitation se propagea parmi les ennemis. Soudain, ils hurlèrent leur surprise, atteints par une pluie de flèches, et leur mouvement d’incertitude devint débandade. Des remparts, les archers de la garde avaient eu le dessus et les prenaient tous à présent pour cible. Je chancelai.
- Ma cousine…
Christophe me soutint, puis Brisart s’avança vers moi. Le sang coulait sur son visage et son cou, mais son expression navrée m'était destinée. Mon côté pesait si lourd, je pouvais à peine bouger. Il attrapa mon bras quand il me vit vaciller. Ne pas s’évanouir.
- On va vous soigner Jeanne, ne craignez rien.
- Non… surtout pas …
La dernière image du champ de bataille : les visages de Christophe et Brisart, où se lisaient incompréhension et détresse, tournés vers moi.
2.
Elle est là, au milieu des morts ! Mais elle n’est pas morte… elle respire encore…
Tiphaine pleurait… J’entendis ses sanglots et voulais la réconforter… Mais j'étais trop faible. Ouvrant les yeux un instant, je m'étais trouvée face au visage ensanglanté d’un de nos gardes, les yeux exorbités, la bouche encore ouverte sur un cri. La douleur, installée dans mes entrailles, pesait comme une enclume, et je ne pouvais lui échapper. L’envie d'être ce mort me traversa. Envie que mon histoire s’interrompe comme la sienne, que toute souffrance disparaisse, que le mot « fin » marque ma journée. Mais je respirais encore… et parce que Tiphaine pleurait dans le lointain, c’était une bonne chose. Bientôt, je pourrais la consoler.
Plus tard, je flottais dans une torpeur, la douleur sourde supportable dans cette apesanteur. Légèreté et soulagement. Était-ce possible ? Brisart me portait.
Nous allons trouver un endroit, quelque part dans le château… Au moins qu’elle soit au calme pour ses dernières heures…
Est-elle encore parmi nous ?
Oui, elle respire …
Brisart me serrait contre lui, à présent immobile. Où étions-nous ? Il semblait attendre quelque chose.
L’océan est proche…. Le ciel est couvert mais j’entends les vagues. Au loin, une chanson me parvient… Il pleut, une pluie légère et douce. Un homme chante dans une langue que je ne connais pas.
Sur une paillasse. Une petite pièce ronde, des fenêtres étroites laissant entrer la lumière du jour, une table et une bassine, une chemise propre. J’étais encore incapable de mouvement mais je pouvais regarder autour de moi. Où étais-je ? J'étais consciente quelques instants, apercevais le visage de Tiphaine, Berthe à ses côtés, puis le sommeil me recouvrait comme une vague alors que les paroles des uns et des autres me parvenaient encore.
3.
Le foie est un organe qui cicatrise lentement. Dans un cas comme le mien, même avec une blessure nette causée par une lame, pas moins de deux semaines furent requises. Mais mon rétablissement était en cours. L'idée de me lever n'était plus impensable. Un bandage recouvrait l’endroit où j’avais été frappée, occasionnant une gêne et non plus une douleur intense.
J'ouvrais les yeux un matin. Le soleil était encore bas. Je pus m’asseoir, ce que je fis lentement, craignant un éclair de douleur dans mes intérieurs, mais je perçus seulement un engourdissement endolori.
J'avais soif… ma bouche sèche comme un chemin poussiéreux en été. Une petite exclamation de joie derrière moi. Tiphaine venait de soulever la tenture qui séparait la petite pièce du reste du château. Je lui souris et d’un geste de la main, lui demandai de l’eau. Je ne pouvais pas encore parler. Un peu plus tard, elle inséra un gobelet dans ma main, m’aida à le porter à ma bouche tout en me parlant, émue, volubile. Elle me dit que l’eau provenait du meilleur puits du château. Je posai ma main sur ses cheveux, sa joue. La douceur de son visage et son expression affectueuse étaient aussi rafraîchissantes que l’eau qu’elle m’avait apportée. Avec son aide, je m’allongeai à nouveau. Dormir encore.
5.
Chaque fois que j’ouvrais les yeux, la petite chambre où j'avais été installée, dans la tour, au-dessus de celle de Brisart, semblait contenir plus de visiteurs que la fois précédente. Audeline, assise au bord du lit, me regardait fixement de ses yeux bleus si curieusement ronds. Quand je la découvris à mes côtés et lui souris, la petite fille se jeta à mon cou, riant et pleurant en même temps, m’arrachant un petit sursaut de douleur. Berthe lui rappela une promesse faite avant de venir me voir. Tiphaine, posée sur un tabouret, brodait tandis que ses filles jouaient ensemble, par terre, avec des osselets. Audeline suivait le jeu mais ne quittait pas mon lit.
Je vis dame Hermance plusieurs fois - un fauteuil avait été apporté pour la recevoir. Elle parlait plaisamment avec Tiphaine et montrait un livre à Berthe. Puis le visage du Père Haudouin apparut dans mon champ de vision, dangereusement proche du mien. Il me bénit d’un lent geste de croix. “Amen!” répondirent de nombreuses voix, masculines et féminines. Je tournai la tête et vit Christophe, sa main droite enveloppée de linge clair, assis par terre auprès de ses petites cousines. Quand il leur sourit, je vis qu’il avait perdu plusieurs dents dans la bataille, ce qui changeait sa physionomie. Brisart, un bandage recouvrant la moitié de son visage dont son œil droit, se tenait les bras croisés, adossé au mur près de la cheminée.
- Jeanne, vous n'étiez pas seule à nous défendre tous, bien sûr, d’excellents hommes d’arme étaient à l'œuvre, déclara le prélat en inclinant sa tête dans la direction des deux hommes. Mais, en l’absence de tous ceux qui ont été lâchement attaqués avant même que l’assaut ne commence, votre présence a été secourable.
De quoi parlait-il ? Mais voilà qu’il me considérait avec ce regard venu du passé. Mon apparence, défaite et pâle, semblait raviver ses souvenirs. Il changea de ton, évoquant son enfance, dans une ferme, auprès d’une mère aimante, industrieuse et d’un père courageux,
- Si courageux, de fait, qu’il a recueilli sous notre toit l'épouse de notre Roi en grand danger. J'étais encore très jeune, cela se passait en des temps troublés, sans que le peuple ou même la Cour ne se rendent compte du danger. Un petit groupe de frondeurs vendus à des forces hostiles avait fomenté un attentat contre le Roi. Il échappa à leur vindicte, trouvant refuge dans une forteresse de notre région. Son épouse voyageait de son côté pour le rejoindre, mais elle fut trahie. Son équipage attaqué, elle réussit à fuir avec une seule petite suivante, une enfant qu’elle traitait comme sa fille et qui était souffrante. Elle arriva à notre porte dans la nuit, sous une pluie battante. Même le couvent voisin, terrifié par les soudards en maraude, avait refusé de lui porter secours. Mon père, sans deviner son identité, lui offrit hospitalité. La Reine était d’une beauté exceptionnelle, malgré l'épreuve terrifiante qu’elle traversait. Sa petite suivante expira dans la nuit, hélas... Et dès le lendemain, les poursuivants frappaient à notre porte. Mon père leur fit barrage pour me donner le temps de cacher notre invitée royale. Il le paya de sa vie.
Le petit groupe écoutait le prêtre avec émotion et quelques exclamations accueillirent la triste nouvelle de la mort de son père. Je le regardais aussi, fascinée, mais pour d’autres raisons. Dacien ! J’avais devant moi Dacien, le petit garçon si brillant à qui je devais d’avoir échappé à mes geôliers… Haudouin était-il son nom de famille ? Ou un nouveau prénom qu’il avait pris en entrant dans les Ordres ? Il avait reconstruit notre rencontre d’une façon si différente de ce que nous avions vécu ensemble. Croyait-il vraiment son histoire ? Avait-il totalement oublié la fourberie de son père ?
- Avez-vous réussi à cacher la pauvre femme ? Je veux dire, la Reine… demanda dame Hermance.
Le père Haudouin hocha lentement la tête avec un sourire. Il raconta comment il avait dissimulé la fugitive dans le lit même de sa mère malade. Les poursuivants repartirent les mains vides. De petites exclamations de surprise et d’admiration se firent entendre.
- Un équipage royal est venu la chercher quelque temps plus tard. Ma famille a été récompensée magnifiquement. La bravoure de mon père, et ma modeste intervention étaient d’autant plus essentiels que la Reine était grosse… Elle portait le Dauphin. D'où l'acharnement des ennemis de la Couronne.
Je jetai un regard vers Brisart. Pouvait-il discerner que le prêtre ne disait pas la vérité ? Brisart percevait-il sa sincérité avant tout ?
Je fermai les yeux un instant. Quand je les rouvris, l'obscurité régnait dans la petite chambre. J’avais dû m'endormir à nouveau… Audeline était recroquevillée à mes côtés, et elle n’était pas seule ! Une paillasse avait été apportée près de mon lit ou Tiphaine, ses filles et Berthe dormaient. Je fus émue de leur décision de ne pas me quitter. Mes cousines, ma famille autour de moi. J'écoutais leur respiration, les légers ronflements attendrissants des petites filles.
J'aperçus soudain le mouvement d’une ombre blanche se glissant dans la chambre. Encore à peine capable de bouger, j'étais prête à secouer Berthe pour faire face à cette intrusion, elle avait montré qu’elle passait en un instant du sommeil à l'action mieux que personne.
Puis j’interrompis mon geste. La lumière de la lune éclairait suffisamment les lieux pour que je distingue la silhouette de Brisart. Il vit mes yeux ouverts, posa la main sur sa poitrine et s’inclina avec un sourire que je lui rendis.
Il ne m’intimidait plus maintenant que nous avions affronté cette épreuve ensemble. J’avais une myriade de questions à lui poser. Mais cette nuit-là, sa présence montrait simplement qu’il veillait sur nous toutes.
6.
- Comment allez-vous aujourd’hui, Jeanne ?
Quand Brisart était celui qui posait la question, la réponse requerrait une grande prudence. J'étais à présent capable de grimper aux arbres et me balancer aux branches, de faire des roulades dans l’herbe, et non seulement je pouvais, mais j’avais envie de me livrer à ces débordements d'énergie. Mon corps était réparé et je baignais dans une énergie nouvelle, qui s’accordait à l'air vif et ensoleillé du printemps.
Mais je n'étais pas censée être si vite rétablie et, lorsque je me déplaçais, que ce soit pour aller à la messe le matin ou pour une promenade avec les enfants, je prenais grand soin de marcher à petits pas hésitants, appuyée sur la jolie canne à pommeau d’argent offerte par notre Seigneur, acceptant avec un soulagement visible tout bras se proposant pour me soutenir. Tiphaine ou Berthe souvent m’accompagnaient, parfois c’était Christophe ou Brisart quand ils se trouvaient à proximité.
J’avais parfois répondu à Brisart “je vais de mieux en mieux”, ce qui était vrai en toutes circonstances, ou "grâce à Dieu, chaque jour apporte une amélioration". Maintenant que j'étais sur pieds, j’avais laissé de côté les termes de rétablissement progressif, qui n'étaient plus factuels. Parfois je lui disais simplement “ma foi, qu’en pensez-vous ?” et il répondait à ma place une phrase toujours positive.
Mes souvenirs ne sont pas très précis sur ces journées. Je me souviens avoir été surprise de la fréquence des visites de Brisart, qui ne restait jamais longtemps mais surgissait à nos côtés plusieurs fois par jour, parfois accompagné de Christophe.
Le cousin de Tiphaine nous avait déjà appris comment les gardes avaient été empoisonnés quelques heures avant l’attaque. Les soupçons se portaient sur la pâtissière embauchée pour remplacer Tiphaine en cuisine. Elle avait préparé des beignets aux pommes et aux raisins pour les gardes, qui avaient été servis avec leur dîner. Elle était introuvable depuis la nuit de l’attaque.
- Je n’aime pas les raisins, commenta Christophe, qui avait relevé que ceux qui, pour une raison ou pour une autre, n’avaient pas croqué de beignet, n’avaient eu aucun malaise.
Quand il vit ses camarades vomir et se tordre de douleur, il pensa d’abord à la peste et courut prévenir Brisart. Lequel soupçonna aussitôt une malveillance.
- Et puis le signal des guetteurs n’est pas venu, ajouta-t-il lors d’une de ces conversations.
- Le signal ?
- Oui, les hommes de garde ne donnent pas l’alerte quand ils détectent quelque chose. Ils font savoir que tout va bien à intervalles réguliers. C’est leur silence qui donne l’alerte. Bien sûr, cela pouvait signifier que les gardes étaient trop malades pour faire le nécessaire. Mais j’ai ordonné le branle-bas de combat. Ce n’était pas la peste. Les gardes avaient été empoisonnés.
- Ceux qui étaient atteints ne pouvaient se tenir debout et se battre, ajouta Christophe. Vous avez vu le résultat : des rangées d’hommes en armes auraient dû accueillir les brigands qui avaient escaladé les remparts les uns après les autres. A la place, nous étions quatre. Les équipes des remparts étaient suffisantes, Dieu soit loué…
Brisart se tourna vers moi.
- Et puis, vous étiez là, avec votre bâton, comme une guêpe, les tourmentant, détournant leur attention. Vous nous avez aidés à tenir jusqu’au moment où les flèches de nos archers sont venues nous soutenir.
Ces explications avaient souvent lieu dans le verger où nous prenions l’air avec les enfants. Tiphaine n'aimait pas que nous parlions de cette nuit où elle avait eu si peur. Elle s'éloignait rapidement avec les enfants pour les faire jouer. Audeline s’était habituée à sa compagnie pendant ma convalescence et elle la suivait volontiers pour s’amuser avec ses amies, se contentant de se retourner régulièrement dans ma direction pour s’assurer de ma présence.
Berthe, au contraire, brûlait d’apprendre tous les détails de ces événements. Elle m’avait rendu Veronica quand je fus suffisamment rétablie pour retourner dans la chambre d’Audeline. C’est elle qui désormais m’aidait à attacher le petit poignard à mon bras. Elle voulait apprendre à s'en servir et un jour posséder le sien. Elle m’avait aussi demandé de lui enseigner à manier le bâton et avait formulé une requête semblable auprès de son cousin Christophe. Elle voulait apprendre à batailler avec une épée.
- Je pourrais être le garde du corps d’Audeline, ou même de Dame Hermance, au lieu de me cacher et de trembler en espérant que d’autres nous sauvent… expliquait-elle à Tiphaine qui l'écoutait, le visage fermé.
Tiphaine devait donner son consentement à de telles leçons. C'était ma condition, et Christophe avait répondu de même. Elle avait imaginé sa petite sœur dans les habits d’une moniale, Mère Supérieure un jour qui sait… C’était la vocation à laquelle Berthe avait aspiré jusqu'à cette nuit où la peur et la colère de se sentir si inutile avaient changé ses priorités. Tiphaine n’approuvait pas cette nouvelle direction. J’entends encore ses chuchotements furieux dans mes oreilles.
- Je veux qu’elle soit accueillie au paradis le moment venu ! Quand elle voulait devenir religieuse, c’était acquis ! Mais voilà qu’elle veut apprendre à se battre, qui sait ce qui adviendra si elle persiste ?
7.
- Expliquez-moi, qui étaient nos assaillants, le savons-nous ?
Brisart me sourit. Son œil droit était toujours couvert d’un bandage. Moi qui avais parfois hésité à savoir quel œil regarder quand il me faisait face, je n’avais plus le choix. L'œil vert, clair et limpide, m’avait toujours paru incisif, prêt à juger et à punir. L'œil brun était plus doux et compréhensif. Voyant le bandage jour après jour, je me demandais si je reverrais jamais l'œil vert.
- Des brigands qui avaient quelques succès à leur actif. Nous l’avons su depuis, ils s'étaient emparés du Manoir du Seigneur de Semur-en-Brionnais avant d’arriver jusqu’ici. Certains d’entre eux venaient de Hongrie. D’autres étaient des familiers de notre région. Pas assez nombreux ou équipés pour nous assiéger mais ils nous ont quand même attaqués sur plusieurs fronts. Coriaces. Et ils ont eu la complicité essentielle de cette pâtissière.
- Et leur chef ?
Brisart me regarda sans répondre. J’insistai.
- L’homme qui portait un heaume, c’était leur chef, non ?
- Un coup superbe, à propos.
Le compliment m’alla droit au cœur. Mais je ne voulais pas avoir l’air trop contente de moi.
- Je me suis sentie guidée par une force qui me dépassait…
- Dieu était de notre côté, cette nuit-là… Nous étions si proches du désastre…
Il regarda les petites filles qui couraient.
- Tant de vies auraient pu être détruites….
Après un moment de silence, je repris :
- Tous les assaillants sont-ils morts ? Certains se sont-ils enfuis ?
Brisart prit une inspiration et regarda Berthe qui nous écoutait avec son intensité habituelle.
- Tiphaine a besoin de toi.
Berthe rougit et fit une petite grimace mais se leva et s'éloigna aussitôt. Il attendit quelques instants puis reprit la parole.
- Certains se sont peut-être enfuis. Beaucoup ont été tués dans la bataille. Une dizaine survivait quand nous avons eu le dessus finalement. Et vous savez ce qu’il leur est arrivé.
- Non… je ne sais pas… ?
Il me regarda, surpris.
- Jeanne, vous ne vous souvenez pas ?
Il vit mon expression intriguée, inquiète. Il baissa la voix.
- Vous les avez tués, Jeanne.
Ma bouche s’ouvrit sans que je puisse former une parole. Finalement, j’articulai :
- Je les ai tués, moi ?? Moi, de ma main ?
- Vous vous êtes saisie de cette hache à long manche, vous savez, l’arme qui vous a blessée, tombée à terre quand Christophe a trucidé celui qui vous a frappée. Et vous les avez tués.
J'étais horrifiée. Je plongeai mon visage dans mes mains.
- Vous n’avez pas agi seule. Mes hommes et moi-même vous avons aidée. Nous avons tranché la tête de certains d’entre eux et elles ont été placées sur des piques, autour du pont-levis. Un avertissement pour ceux qui ont eu le temps de fuir et quiconque tente de les imiter, alors que nos effectifs sont encore bas… C'était trop dangereux de les garder prisonniers, de leur laisser la latitude de mieux connaître les détails du château. Et quoi faire ensuite ? Les relâcher… ? c’est une invitation à la récidive. Ils reviendraient, la vengeance au ventre, mieux armés, mieux informés. Alors, oui, il fallait les tuer.
- Je ne me souviens de rien…. La bataille, oui… Mais cette exécution…
- Vous êtes venue à la rescousse quand nous en avions le plus besoin, Jeanne. Pensez à toutes les femmes qui vivent ici. Sans compter ces petites… vous avez fait ce qu’il fallait pour les défendre. Vous savez ce qui leur serait arrivé ….
Il avait raison. Mais j'étais secouée comme si une nouvelle blessure venait de m’être infligée. Se défendre face à des assaillants au milieu d’une bataille, c'était une chose. Achever des hommes à terre en était une autre… Je me souvenais de la fureur qui m’animait cette nuit-là. Une fois blessée, la rage n’avait plus eu de limites.
- Nombreux sont les gardes qui ont péri des suites de leur empoisonnement, poursuivit Brisart. Nous avons reçu des renforts du puissant Lionel des Bruyeres, un ami de notre Seigneur. Nous engageons aussi des jeunes hommes du pays. Je travaille à faire une compagnie unie de toutes ces âmes aux origines et à l'expérience si différentes, les uns déjà rompus aux armes, les autres novices.
Il me regarda et vit que le tourment n’avait pas disparu de mon visage.
- Vous avez agi avec détermination, me dit-il. Mais, quelle qu'en soit la raison, il est vrai que nous - vous, moi, Christophe, chacun de nous qui avons combattu - avons enfreint le commandement divin de ne pas tuer. Nous devons nous confesser. Vous aussi, Jeanne. Le sacrement vous soulagera.
La consternation remplaça le tourment. Impossible de me placer ainsi vulnérable, en confession, devant Dacien.
- Je ne peux pas faire ça ici, murmurai-je, les yeux baissés.
Brisart resta silencieux un moment. Il ne me posa pas de question.
- Je trouverai une solution, dit-il finalement. Je ne vous laisserai pas dans ce péché qui vous tourmente.
Il se leva rapidement et s'éloigna.
8.
Quelques jours plus tard, après la messe du matin, j'étais comme d’habitude la dernière à descendre le petit escalier extérieur qui permettait au Seigneur et son entourage un accès direct au balcon surplombant le sanctuaire. Par courtoisie, du fait de ma lenteur à me mouvoir, j'insistais pour être la dernière à descendre - chacun était pressé de se retrouver à la table du petit-déjeuner. La vraie raison : limiter le nombre de témoins susceptibles de remarquer que je simulais mon inconfort.
Tiphaine s'éloignait déjà avec ses filles et Audeline, elle me fit signe que les enfants étaient impatientes de manger, et j’agitai la main en souriant, m’adressant aussi à Audeline qui m’enjoignait de les rejoindre. Je compris pourquoi Tiphaine ne m’avait pas attendue : Berthe m’attendait au pied de l’escalier, avec sans doute quelques-unes de ses questions brûlantes qui exaspéraient sa sœur sur l’art de manier le bâton, ou comment surprendre un ennemi avec un coup inattendu. Puis Brisart apparut, semblant sortir du sanctuaire - alors qu’il avait assisté à la messe avec nous au balcon. Il dit quelques mots à Berthe, qui me regarda avec regret et prit le chemin du château.
Il m’offrit son bras quand j’arrivai à son niveau et me demanda de mes nouvelles, souriant à ma réponse vague, puis m’informa avoir réfléchi au dilemme de ma situation. Je remarquai soudain qu’il me guidait vers l'intérieur de la chapelle. Alarmée, je m’immobilisai.
- Où allons-nous ?
Me conduisait-il au Père Haudouin pour me forcer à une confession destinée à me libérer l’âme ? J’en fus soudain persuadée. Mon sang se transforma en eau glacée. Plus que la confrontation avec un prêtre dont je devinais qu’il profiterait de cette opportunité pour me poser mille questions sur mon passé, la soudaine conscience d’avoir été trahie par un homme dont je commençais à me sentir si proche me consterna.
- Que vous arrive-t-il, Jeanne ? demanda Brisart.
- Où me conduisez-vous ?
- A l'intérieur, pour vous parler… J’ai une question à vous poser. Vous êtes si pâle, soudain !
Il me regarda avec attention, puis devina mes pensées.
- Jeanne… dit-il doucement. Il n’y a personne… Le Père Haudouin est là-bas, regardez, avec notre Seigneur et dame Hermance !
Il me fallut quelques instants pour reprendre souffle. Une fois entrée dans la chapelle où, en effet, nous étions seuls, je m’assis sur le petit banc le long du mur. Brisart prit place à mes côtés.
- Avez-vous vraiment cru que je vous contraindrais à vous confesser au Père Haudouin ?
Son ton n’était pas hostile ou empli de rancœur, seulement étonné.
- Pardonnez-moi d’avoir douté de vous… murmurai-je.
Il sourit, posant sa main sur la mienne.
- Oh vous n’avez pas besoin d'être pardonnée ! assura-t-il d’un ton léger. Nous apprenons seulement à nous connaître, vous et moi. Un autre homme aurait pu agir ainsi avec les meilleures intentions. Voici ma question. Lors de cette bataille que nous avons traversée ensemble, diriez-vous que vous étiez sous mes ordres ? En l’occurrence, je ne crois pas vous avoir donné d’ordre, parce que nous agissions si parfaitement de concert, mais si je vous en avais donné un, m’auriez-vous obéi ?
- Oui, certainement.
Son sourire s’élargit.
- J’étais donc votre capitaine, et vous agissiez comme l’un de mes hommes, n’est-ce pas ?
- Oui, sans doute.
- Dès lors, en tant que capitaine, je suis responsable de chacune de vos actions. Ce ne sont pas vos péchés, ce sont mes péchés (il leva la main pour m’empêcher de l’interrompre). Mes péchés, que je suis allé confesser ce matin. Je n’ai pas mentionné votre nom. Il s’agit de mes péchés. J’ai reçu le sacrement du pardon. Et ce pardon, en tant que capitaine, je le partage à présent avec vous. Vous et moi sommes pardonnés, Jeanne.
Il fit un signe de croix sur mon front. Le souffle coupé, Je le regardai avec une émotion proche de l'émerveillement. Sans me demander d’explication, il m’avait entendue et trouvé moyen de me donner accès au sacrement.
- Merci… dis-je simplement.
Il prit ma main pour m’aider à me lever, la posa sur son bras pour que je m’appuie sur lui. J'étais à la fois soulagée, reconnaissante, et encore sous le coup du moment de peur vécu lorsque j’avais cru qu’il m’entrainait devant le Père Haudouin. Il fallait que je lui parle.
- Monsieur, je dois vous dire… C’est sans doute présomptueux de ma part… Mon intention est d'éviter tout malentendu entre nous…
Brisart tourna son visage vers moi de façon que son œil valide puisse me voir et discerner mes expressions. Je poursuivis rapidement :
- Je ne veux pas… je ne suis pas quelqu’un qui cherche… Je ne veux pas me marier. Je ne voudrais pas vous laisser penser… laisser qui que ce soit croire que j’aspire à devenir une épouse, leur épouse…
Il parut s’affaisser un instant. Mais contrairement à ce que j'appréhendais - une déception, peut-être une réaction de dépit- il se mit à rire.
- Vous ne voulez pas vous marier ? Mais c’est merveilleux ! Quel soulagement !
Il rit encore un instant, puis, sur un ton de confidence, me dit :
- Depuis que nous nous parlons, et alors même que nous ne sommes jamais seuls, dame Hermance et le Père Haudouin m'ont entrepris… Ils me disent que je vous laisse croire que je vais demander votre main… Ils savent tous deux que je suis un vieux chevalier qui aime la solitude… Pas un homme cherchant une épouse. Et ils sont très convaincants ! Je leur ai promis, je me suis promis de mettre fin à nos conversations, de ne pas créer d’espoirs infondés… Mais jour après jour, je ne peux m'empêcher de venir vous voir. Je prends Christophe avec moi, souvent, qu’il soit clair qu’il n’y a rien de romantique dans ces rencontres. Quoi de plus normal que de vous informer des circonstances d’un événement auquel vous avez participé ?
Avais-je bien entendu ?
- Vous ne voulez pas vous marier ? Vous non plus ?
- Non ! Pas le moins du monde ! Si je cherchais une épouse, bien sûr, personne mieux que vous… mais non, je n’ai pas l'étoffe d’un mari. En revanche, je suis un ami loyal, sur lequel on peut compter.
Une grande légèreté m’envahit. Brisart leva les yeux au ciel et poursuivit :
- Et dame Hermance me disait aussi que je vous compromettais… si un homme de bien s'intéressait à vous, il renoncerait, car il vous croirait déjà engagée…
- Oh, je vous en prie, faites-le ! Si vous avez ouï dire qu’un homme me porte intérêt, découragez-le ! Ça épargnera son amour propre… vous me sauverez de moments embarrassants…
Brisart éclata de rire. Pendant ce court moment, j'aperçus le jeune homme qu’il avait sans doute été. Je le vois sautillant dans un élan d'allégresse, mais je crois que c’est un embellissement de ma mémoire. Il s’est probablement contenté de sourire. Il m’approcha et me demanda :
- Nous nous comprenons si bien ! Puis-je vous embrasser ?
Je ris et acquiesçai. Il effleura mon front. Je sentis à peine le contact de ses lèvres. Nous allâmes rejoindre le château mais il décida au dernier moment d’aller voir le Corbeau pour qu’elle examine sa blessure au visage, l’occasion pour moi d’apprendre que la maîtresse des cuisines servait aussi d'infirmière.
- Elle me donnera bien quelque chose à manger… Si nous arrivons ensemble avec cet air réjoui, ils vont se faire des idées…
9.
Quelques jours plus tard, Christophe entra pendant la leçon du Père Haudouin, expliquant que l’on avait besoin de moi pour reconstituer certains mouvements de la bataille, dans le cadre des préparatifs pour prévenir tout autre assaut. Je n'étais pas fâchée de m'échapper de ce long moment d’ennui pendant lequel je restais sur le qui-vive, car Haudouin me jetait souvent des regards incisifs, comme s’il espérait surprendre ainsi mes secrets.
Suivant Christophe, je retrouvai Brisart près du portail dont les réparations étaient presque achevées. Il parla des travaux en cours, de l’organisation des sentinelles et tours de garde pendant le chantier. Une sombre pesanteur était perceptible autour des deux hommes bien qu’ils s’appliquent à garder leurs attitudes habituelles.
Après avoir contemplé les travaux, nous parcourûmes l’espace où nous nous étions battus avec acharnement.
- C’est sans doute ici que j’ai perdu mes dents, dit Christophe en pointant du doigt le petit arbre qui avait pris feu pendant la bataille, et faisant mine de chercher parmi les cailloux. Sa gaieté naturelle n’était jamais loin.
Il attendait que Brisart en vienne à la vraie raison de ma présence auprès d’eux. Cela ne tarda pas. Le Capitaine me prit la main, la serra au milieu des siennes.
- Nous avons quelque chose à vous dire, annonça-t-il. Cela doit rester entre nous, et vous allez comprendre pourquoi. Et surtout, souvenez-vous que nous sommes là pour vous protéger, quoi qu’il advienne.
Les deux hommes échangèrent un regard rapide. Cette entrée en matière était incongrue et rien moins que rassurante.
- Nous avons enterré tous les brigands dans un champ en friche situé à l’ouest des remparts. Je ne vous montre pas la direction au cas où nous serions observés.
J’imaginais volontiers Berthe se tordant le cou pour nous apercevoir par une des fenêtres du château. Brisart poursuivit :
- Ce matin, un des paysans est venu nous prévenir que des loups, ou des sangliers, avaient fait des dégâts dans la fosse commune encore toute fraîche. Christophe et moi sommes allés voir. Nous avons tout de suite compris que les animaux de la région n'étaient pas en cause. Un seul endroit, bien précis, a été creusé. Un corps a été arraché à sa sépulture.
Je devinai tout de suite quel corps avait disparu.
- Leur chef ?
- Oui, confirma Christophe.
- Nous avons pensé que nous devions vous le dire, puisque c’est vous qui avez mis fin à sa malfaisance.
J'appréciai l'euphémisme.
- Faisait-il partie de ceux à qui vous aviez coupé la tête ?
- Non, répondit Christophe. Nous n’avons décapité que quatre d’entre eux. C’est une tâche épuisante que de trancher une tête…
Il émit un petit rire nerveux. Je restai silencieuse un moment. Brisart avait les yeux fixés sur moi.
- Je n’ai aucun souvenir de ce qui s’est passé après avoir reçu cette blessure… soupirai-je. Quel âge avait-il, sous son heaume ?
Christophe eut un geste d’ignorance.
- Difficile à dire, l'épée l’avait défiguré.
- Mais ce n’était pas un vieillard ?
Christophe secoua la tête avec une petite grimace.
- Non, pas un vieillard, j’aurais remarqué ça….
Il jeta un regard interrogatif vers Brisart, toujours tourné vers moi.
- Vous pensez connaître l'identité de ce brigand ? demanda celui-ci.
Je restai songeuse, réfléchissant à ma réponse.
- Je ne sais que penser… Ça paraît impossible…
Je frissonnai.
- De toute façon, qui qu’il soit, il est mort, intervint Christophe. Ce qui est bizarre, c’est que quelqu’un ait tenu à le déterrer !
Oui, bizarre… Incompréhensible pour tous sauf un Semblable.
J'ai fait une petite pause avec les Histoires d'Or et je suis super content de revenir pour retrouver tes personnages !
On parle de moins Tiphaine dans ce chapitre mais on découvre Brisart qui est aussi un personnage intéressant. Je ne sais pas pourquoi j'avais un a priori négatif sur lui, il a finalement l'air sympathique^^
L'homme "tué" par Max qui serait un semblable c'est hyper intéressant ! Curieux de savoir lequel du coup, ou si c'est un nouveau.
Pressé de retrouver Greg, il me manque depuis le temps xD
Mes remarques :
"Il émit un ricanement, mais cela le distrait et son rire s’acheva en râle. Il s’effondra sur lui-même." je n'ai pas trop compris qui l'a tué et comment. Peut-être que tu pourrais ajouter une petite phrase pour clarifier ?
", J’allais mettre ces malédictions à l’œuvre" -> j'allais et point après œuvre ?
Je poursuis ma lecture !
Oui Brisart est plutot un personnage positif (le seul homme que la narratrice ait epouse jusque la, il faut quand meme qu'il y ait des raisons) mais au debut, il a un cote rebarbatif que tu as parfaitement percu !
Merci de ton commentaire !
On sent que les différentes époques vont bientôt se réunir, en tout cas ça en a tout l’air... Impatient de voir comment tout cela va s’articuler, entre les différents lieux et personnages.
A bientôt j’espère.