Chapitre 33 - L'espoir

Kentrony

_ Sonfà Karmir, vous êtes accusée d’avoir troublé l’ordre public en prenant en otage notre milice protectrice des lois, d’avoir maintenu leur enfermement malgré notre interdiction, d’avoir causé la mort d’un des miliciens retenus par le biais de vos pouvoirs, de l’avoir fait avec intention de donner la mort, d’avoir fui et enfin d’avoir causé des blessures et la mort de plusieurs miliciens dans votre fuite. Pour toutes ces accusations, vous vous déclarez coupable, c’est bien cela mademoiselle ? Demanda Garnel Asage à l’accusée.

_ Oui, monsieur le ministre. Coupable, lui répondit Sonfà.

A ces mots, de nombreux miliciens rentrèrent témoigner de ces actions. Tous énuméraient des ramassis de mensonges. Toutefois, plus les allocutions étaient longues et nombreuses, plus cela laissait du temps à Manon et Tomàs pour élaborer un plan.

_ Nous devons l’isoler, à un moment ou un autre. Nous devons l’éloigner des gardes pour la faire évader. Ensuite, je révélerais votre identité et le conseil sera destitué, songea Tomàs.

_ Me présenter ici ne vous servira à rien, il nous faut des témoins. Rien ne doit se faire à huis clos. Plus on sera nombreux, plus il sera difficile pour eux de nous contrer. Nous avons besoin de l’aide de vos collègues. Ils ne pourront pas tuer toute votre espèce. Avant que Sonfà soit condamnée, vous devez les prévenir. C’est vous tous qui devrez découvrir leur manipulation.

Alors que Manon et Tomàs cherchaient un moyen de faire interrompre le procès pour aller chercher de l’aide, les témoignages n’en finissaient pas.

_ Elle l’a électrisé à plusieurs reprises, s’amusant de sa douleur. Elle riait de nous voir ainsi, sans défense. Cependant, elle n’était pas seule. Certains la soutenait, l’aidait. Nous ne pouvons plus tolérer de telle rébellion. Les Siréliens doivent servir le Nouveau Monde, pas le mettre à genoux. Ceux qui ne se soumettront pas à cet idéal, devront être rappelé à l’ordre et maitrisé pour le bien de la communauté, déclara un des miliciens payés pour son témoignage.

Alors qu’un autre s’apprêtait à prendre la parole, il fût interrompu par l’un des secrétaires de l’administration. Délégué au ministère de la protection des peuples et des territoires, il demanda à s’entretenir de toute urgence avec Garnel Asage. La situation paraissait grave et l’intervention obligatoire du ministre permis une pause dans le procès de la jeune Sonfà.

 _ Tomàs, c’est le moment que nous attendions. Il faut commencer par prévenir vos amis les plus fidèles. Nous ne savons pas de combien de temps nous disposons. Informez un seul groupe de ce qui se trame ici et venez récupérer au plus vite Sonfà. Une fois protégée, prévenez les autres pour le reste. Nous sommes d’accord ? ordonna Manon.

_ Et vous mon amie, qu’allez-vous faire en attendant ? questionna Tomàs en prenant congés. 

_ Je vais occuper le peu de miliciens qui m’entourent maintenant qu’ils ont baissé leur garde ! 

Le Yeghe s’élança alors à la recherche de ses frères et sœurs les plus téméraires. Ils se devaient de faire vite, ils n’auraient qu’une seule chance pour sauver Sonfà et rétablir l’ordre au sein du conseil.

_ Ferza, suis-moi ! Nous devons libérer au plus vite la jeune accusée. C’est un coup monté, un coup d’état tu m’entends. Les ministres utilisent des siréliens pour mettre à mal notre monde. L’heure est grave !

_ Tomàs, je ne comprends pas. On ne peut agir ainsi. On ne peut s’opposer ainsi aux ministres. As-tu des preuves de ce que tu avances ? rétorqua la femme nuage.

_ Namon m’a contacté à travers un de ses enfants. La fille Agape, présumée morte, est détenue par les ministres. Ils se servent d’elle pour contrôler ses pouvoirs mais la Déesse a mis sa confiance en elle et elle va nous sauver. Elle m’a parlé par la pensée alors que c’est impossible avec nous. Elle l’a fait Ferza, pour me mettre en garde, pour nous protéger. Nous devons aller étape par étape mon amie. Dès que Sonfà sera hors de danger, nous pourrons y voir plus claire, énonça Tomàs en cherchant d’autres Yeghes pour mettre en application son plan.

Il avait peu de temps, alors que Garnel s’était enfermé dans son bureau pour contrôler une prise d’otage à Byan, il devait libérer l’accusée. Après avoir convaincu deux autres Yeghes d’agir, ils rejoignirent discrètement la salle laissée presque déserte où se tenait le procès. Pendant ce temps-là, le ministre s’occupait d’une autre rébellion.

_ Ministre Gortsik, je vais prendre cet appel et négocier avec l’Elu des Hylés, ne paniquez pas ! Avez-vous reçu les dernières informations qu’Hemma devait nous transmettre pour que je puisse le manipuler au mieux ?

_ Evidemment, nous les femmes nous savons tirer les vers du nez ! Selon son dernier rapport, il semblerait que Monsieur Kajut soit en couple avec un certain Achot Anmegh. Un homme et un simple humain de surcroît. Voilà qui devrait vous suffire à le faire plier. Je vous laisse gérer la situation au mieux. Personnellement, j’ ai d’autres pistes à explorer. J’ai l’impression que nous allons avoir d’autres problèmes à gérer si j’en crois mes intuitions, déclara la ministre de la justice.

Au fond de cratère, une autre partie de carte se tenait. La jeune Kalokas allait tout tenter pour sauver l’innocente Sonfà.

_ Vous n’êtes plus que deux finalement ? Questionna Manon à ceux qui la gardait avec Sonfà.

_ Oui, vous êtes les seules à ne pas avoir le droit de faire une pause. Vous devez rester ici, avec nous. Toutes mes félicitations jeune fille d’avoir retournée aussi aisément un Yeghe. On a encore de plus grand projet pour toi à l’avenir, tu sais ? Il te faudra les manipuler tous, pas que Tomàs, lui répondit le jeune milicien.

_ Oui, je sais bien ce qu’il m’attend mais d’ici là, c’est vous deux que je vais manipuler !

Tandis que ses deux gardes du corps semblaient comprendre ce qu’il allait se passer, Manon les interrompit en pleine fuite. La pierre de Sélénite qui trônait fièrement sur son front l’aidait à canaliser ses pouvoirs. C’était comme si, grâce à elle, Manon réapprenait à utiliser son don. Tout se faisait intuitivement, sans douleur, sans acharnement.

_ Stop ! Arrêtez-vous. Il ne se passe rien ici, tout va bien mes chers amis. Sonfà et moi nous allons juste prendre l’air et cela vous ravie, d’accord ? Entama Manon dans la tête des deux miliciens qui avaient perdu toute combattivité.

_ Où souhaitez-vous aller ? Nous allons vous accompagner, pour vous protéger, répondirent-ils alors en cœur.

_ Suis-moi Sonfà, la liberté t’attends !

_ Merci, Manon ! Je ne te serais pas d’une grande d’aide. Droguée à outrance et faible, je suis incapable d’utiliser mes pouvoirs ou quoi que ce soit. Je te remercie pour tout ce que tu fais pour moi. Vikthor a bien fait de te venir en aide, il devrait plus tarder maintenant. Je suis reconnaissante que tu te mettes en danger pour moi. Tu n’es pas la première de ta famille à le faire, ton père a essayé de m’aider lui aussi. Je vous en serai éternellement reconnaissante ! S’exclama Sonfà en suivant sa bienfaitrice. 

_ Gardes, que faites-vous ? Elles ne doivent pas sortir de cette pièce ! Questionna l’un des deux miliciens qui surveillait l’extérieur de la salle.

_ Nous avons reçus un ordre contraire, nous devons les mener ailleurs.

_ Nous allons voir avec le ministre, nous ne…. Tenta de répondre le jeune homme alors que Manon venait d’en prendre le contrôle.

Le quatrième garde tenta alors de s’enfuir en voyant la situation lui échapper.

_ Rattrapez-le, vite ! Il ne doit pas s’enfuir !  Ordonna Manon à ses nouveaux alliés.

_ Elles sont là ! Venez, suivez-moi, nous devons faire vite chuchota Tomàs aux trois autres Yeghes qui le suivaient.

Tandis qu’ils approchaient de la salle où étaient détenues les deux siréliennes, ils se trouvèrent nez à nez face au milicien qui s’enfuyait. Alors que le jeune homme allait les dépasser, Ferza lui fît un croche patte qui le coupa dans son élan. L’officier s’étala alors de tout son long sur les premières marches de l’escalier à doubles hélices. Bien que le choc l’assommât, l’écho qui le suivi ne pouvait qu’alarmer le reste du cratère. Il fallait faire vite.

_ Nous devons nous dépêcher ! Nous n’allons plus passer inaperçu maintenant ! s’écria Tomàs à l’égard de Manon qui l’avait rejoint.

_ Je ne peux vous accompagner. Je me dois de rester ici, ils détiennent ma sœur. Mettez Sonfà à l’abri et prévenez les autres. D’ici là, je gagne du temps ici, d’accord ?

_ Ma chère, je reviens au plus vite ! N’ayez aucune crainte, votre calvaire est bientôt terminé.

_ Ferza, aide-moi à la porter. Elle peut à peine marcher.

Sous les yeux de Manon, les quatre Yeghes et la jeune Sonfà entamèrent leur ascension discrète du cratère. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’ils leur restaient assez de temps pour s’échapper. La jeune Kalokas commença à avoir des doutes quand des cloches réveillèrent tout le dôme plusieurs minutes après leur départ.

_ Que se passe-t-il ? s’inquiéta Manon.

_ Ils sonnent l’alerte. Coup d’état, quelqu’un a enfreint la première loi du Nouveau Monde, répliquèrent en cœur ses trois miliciens nouvellement assujettis.

_ Alors on a réussi ! Le Nouveau Monde va connaître de nouvelles heures de gloire !