Chapitre 39 : Retrouvailles

Nicolas éteignit la télévision tournant en boucle sur la victoire des Tuniques Rouges à la coupe du monde de PBM. Henriette obtenait un temps d’audience incroyable, devenant une véritable célébrité. Marlène ne se lassait pas de la regarder. La néomage se tourna vers Nicolas, se demandant pourquoi il avait éteint le poste.

- Il est là, murmura-t-il en désignant l’autre bout de la grande salle.

Marlène leva le nez pour découvrir Lycronus, fidèle à lui-même. Se tenant droit, ce petit sourire arrogant, ses cheveux noirs longs, son corps élancé et fin. Marlène bondit pour se jeter dans son cou, Lycronus l’accueillant d’un petit rire narquois. Marlène respira son odeur, qui lui avait tant manqué.

- I love you, dit-elle, heureuse de pouvoir enfin le lui dire en face.

- Je t’aime, répondit-il avec un fort accent américain.

Le noir se fit.

Marlène rouvrit les yeux pour se découvrir dans son lit, sa main caressée par les doigts de Lycronus.

- Lycro ! murmura-t-elle, un immense sourire aux lèvres, immédiatement balayé par une intense douleur dans tout son corps.

- Marleen, répondit-il.

Sa façon de prononcer son prénom la fit sourire.

- Et si tu arrêtais de mettre en péril ta guérison ? gronda Nicolas, adossé contre le mur. Traverser toute la salle et te jeter dans ses bras ? Il aurait pu parcourir ces quelques mètres et te rejoindre de lui-même, tu sais !

Marlène baissa les yeux de honte.

- Mister Patriol, could you ask Marleen is she’e willing to give me a billion um, please ?

Marlène se tourna vers le guérisseur. De la phrase, elle n’avait compris que « Patriol » et son propre prénom.

- Un million ? répondit Nicolas, les yeux écarquillés.

- No, le contra Lycronus. A billion !

- Un milliard ? s’étrangla Nicolas.

- Qu’est-ce qu’il dit ? demanda Marlène.

- Euh… Il demande si tu veux bien lui donner un milliard d’um, traduisit Nicolas.

- Bien sûr, répondit Marlène avant d’effectuer le transfert.

- Pas besoin de voler de magie quand ta petite-amie t’en donne un milliard sans broncher, grommela Nicolas en secouant la tête.

- Does this suit you ? demanda Lycronus à Marlène.

La jeune femme tiqua. Elle ne comprenait pas la question. Elle se rendit compte que Lycronus tenait quelque chose dans la paume de sa main droite tendue vers elle, l’autre continuant de la caresser avec tendresse.

- Il te demande si cela te convient, traduisit Nicolas.

Marlène attrapa de sa main libre le petit anneau métallique. Une simple couronne lisse en argent, sans ornement ni pierre précieuse. Pourtant, il émettait dans la gnosie. Marlène n’eut besoin que de quelques secondes pour reconnaître sa fonction : un traducteur universel.

Elle fit rouler le bijou dans sa main. Collier non. Bracelet non. Mais une bague ?

- Je ne savais pas qu’on pouvait faire des traducteurs dans des bagues, indiqua Nicolas.

- Probablement parce que ça coûte un milliard… proposa Marlène.

Nicolas ricana en retour. Marlène ne ressentit aucune aversion envers l’objet. Certes, il était enveloppant, option nécessaire pour un traducteur mais il n’enclenchait aucun dégoût chez elle. Elle le passa à son doigt et l’activa.

- On dirait qu’il vient de te demander en mariage, marmonna Nicolas, l'air presque moqueur.

- Plus tard, promit Lycronus, le traducteur se chargeant de modifier la voix et de faire bouger les lèvres en concordance.

Marlène sentit une chaleur lui monter aux joues, mais elle se força à ignorer l'effet que cela lui faisait. C'était absurde. Comment un simple échange pouvait-il ressembler à une promesse ? Pourtant, son cœur battait un peu plus fort. Lycronus sourit, comme s’il lisait dans ses pensées.

- Pour le moment, elle est témoin de mariage, dit-il d'un ton détaché.

- Comment peux-tu le savoir ? Je ne t’en ai pas parlé !

- Tout le monde sait que Miraël l’a demandée en mariage. Évidemment que tu es son témoin !

Marlène sentit une pointe de colère la saisir, mais elle la refoula. Elle ne voulait pas paraître vulnérable, surtout devant ces deux-là. Elle s'apprêtait à répliquer, mais Nicolas coupa court :

- Tu n’aurais pas pu lui en parler, de toute façon, vu qu’il était en fuite, intervint Nicolas.

Marlène fit la moue. Le papier de transfert était resté dans sa chambre à Paris.

- D’ailleurs, je me demande comment vous avez fait pour rester ensemble malgré vos années de séparation, s’étonna Nicolas.

- Je communiquais souvent avec Lycronus, indiqua Marlène.

Lycronus lui serra la main. Une pression froide, distante. Rien de chaleureux. Marlène eut un frisson.

- Par quel biais ? demanda Nicolas, l'interrogation mordante.

À la mâchoire serrée de Lycronus, Marlène comprit qu’elle venait de franchir une ligne. L'atmosphère se tendit. Elle aurait voulu rattraper ses mots, mais quelque chose en elle la fit taire. Ses pensées se bousculaient, mais sa voix restait figée, comme une barrière invisible qui se dressait en elle. Elle détourna les yeux.

- Veuillez répondre à la question de monsieur Patriol, madame Norris, dit un officier du CIM en entrant dans la chambre, sa présence imposant une autorité glaciale.

- Cet endroit est sécurisé contre le monde extérieur, murmura Lycronus, pas contre les policiers se trouvant dedans.

- Et alors ? lança Marlène en haussant les épaules, essayant de masquer l’inquiétude qui montait en elle. Ils vont m’accuser d’avoir caché que je pouvais communiquer avec toi tout ce temps ? Quand ils auront compris que Gilain est le vrai ennemi, ça n’aura plus d’importance, non ?

- Veuillez sortir, gronda un guérisseur en entrant à son tour, coupant l'échange brutalement.

Le policier et le guérisseur se fixèrent, un face-à-face lourd de tensions.

- Madame Norris a besoin de repos. Vous n’avez pas la permission de l’interroger, poursuivit le guérisseur d’un ton autoritaire.

- Elle semble assez en forme pour répondre à une question aussi simple, répliqua le policier, son regard perçant fixant Marlène.

Marlène devait admettre se sentir bien mieux, comme si la présence de Lycronus lui redonnait des forces.

- Tu risques quoi si je réponds ? demanda Marlène, un peu perdue.

Lycronus soupira, son expression indéchiffrable.

- Rien, s’il ne porte pas plainte.

- Qui ça ? demanda Marlène, les sourcils froncés, abasourdie.

Lycronus baissa les épaules, résigné, avant de reprendre, d’un ton plus détaché :

- Je ne l’ai pas fait dans le but de tromper le CIM. Ce sont les détecteurs du Mistral que je visais à leurrer.

- Expliquez-vous, ordonna le policier, fronçant les sourcils, son regard acéré se posant sur lui.

- Le Mistral interdit toute forme de communication extra-scolaire aux élèves la nuit. Les téléphones ne fonctionnent que sur certains horaires et si un élève en rejoint un autre dans sa chambre, des alarmes s’activent chez les professeurs et le directeur. J’avais envie de pouvoir communiquer avec Marlène à toute heure du jour et de la nuit.

Marlène lui lança un regard complice tout en se mordant la lèvre inférieure. Il était tellement craquant quand il parlait ainsi ! Il reprit :

- J’ai crée une paire de papier de transfert spécifiques mais… j’ai imité la signature de monsieur Toupin.

Le policier tiqua, son visage se fermant. Il croisa les bras et secoua la tête.

- Je ne comprends pas, indiqua Marlène.

- Chaque ensorceleur crée ses objets à sa manière. Il s’agit de sa signature. Cela permet de remonter vers le créateur si l’objet est interdit – car oui, il y a une liste d’objets magiques interdits.

Marlène comprit en un éclair.

- Tu as fait un genre d’usurpation d’identité.

- Exactement, mais mon but n’était pas de tromper le système, juste d’être ignoré par les alarmes de l’école. Les élèves peuvent utiliser des objets signés par monsieur Toupin, même la nuit. Après tout, c’est du travail, non ?

Marlène ne put s’empêcher de sourire intérieurement. C’était brillant. Illégal, bien sûr, mais brillant.

- Quand les policiers du CIM ont fouillé ta chambre, ils ont trouvé le cadre des cœurs jumeaux que j’avais créé avec ma signature, et un autre objet signé monsieur Toupin. Ils ont pris celui-là pour ton cadeau d’obtention du DM3 – c’est un souvenir que beaucoup d’élèves conservent. Ils n’ont pas fait le lien avec moi. Pourtant, ils auraient dû. Il faut être ensorceleur de niveau 2 pour créer un objet spécifique, or monsieur Toupin est seulement niveau 1.

Le policier toussa à la mention de l’indice pourtant sous le nez du CIM.

- Si monsieur Toupin porte plainte pour usurpation d’identité, je peux, en théorie, passer quelques années en prison, termina Lycronus, d’un ton fataliste.

- Je ne crois pas qu’il soit judicieux d’envoyer son associé en prison, répondit Marlène d’un air assuré.

- Associé ? répéta Lycronus, un éclair d’incompréhension dans le regard.

- Propose-lui d’ouvrir une boutique avec toi, expliqua Marlène, un sourire espiègle aux lèvres. Je suis sûre que vous ferez un tabac. Sachez, monsieur Stoffer, que vous recevrez le soutien d’un mécène pour lancer votre boutique.

Lycronus plongea son regard dans le sien. Elle y lut une profonde reconnaissance puis il redevint sérieux.

- Un duo avec monsieur Toupin, voilà qui me plairait, admit-il.

- Tu l’adores et le respect est réciproque, rappela Marlène, sa voix pleine d’assurance. Il y a une alchimie évidente entre vous deux.

- Vos bras d’archer ensorcelés comme cape d’invisibilité aussi, vous les avez crées dans le but d’échapper aux professeurs et pas au CIM ? grogna le policier, manifestement peu convaincu.

- Pour échapper aux élèves du Mistral, le contra Lycronus, sa voix prenant un ton plus sombre. Ils me harcelaient. J’ai été agressé verbalement et physiquement tout au long de ma scolarité au Mistral, qui, bien que courte, a été un véritable calvaire.

- Je confirme, dit Marlène, un léger rictus sur les lèvres, et Amanda Monty le fera également.

- Elle aussi, je l’aime bien. Je crois que je vais accéder à sa requête, indiqua Lycronus.

- Requête ? répéta Marlène, intriguée.

- Elle m’a demandé de l’embaucher comme vigile dans ma future boutique d’ensorcellement.

- Elle a fait ça quand ? demanda Marlène, un sourire moqueur se formant sur ses lèvres.

Son amie ne lui en avait jamais parlé. Pas même une petite mention rapide.

- Fin septembre de mon année au Mistral.

- Elle n’a pas perdu de temps ! ricana Marlène. Mais toi ! Comment parvenais-tu, à peine arrivé, à identifier un objet magique ?

- Ma grand-mère était une magicienne hors paire, raconta Lycronus, une lueur de fierté dans les yeux. DM10, elle faisait partie des rares magiciens capables de déceler des infimes particules de magie dans les êtres vivants. Elle repérait les magiciens.

Marlène ne voyait pas le rapport.

- Quand je suis né, poursuivit Lycronus, elle a tout de suite testé. Habituellement, les mages ne testent que les enfants de treize ans afin de ne pas perdre de temps avec ceux qui ne survivront pas jusqu’à cet âge-là. Mais elle… elle avait cette capacité. C’était une question de choix.

Marlène comprenait fort bien.

- Ma grand-mère a été très heureuse en constatant ma nature de magicien. Trois mois plus tard, un homme inattentif au volant a percuté son vélo, la tuant sur le coup.

Marlène en fut très attristée.

- Mes parents m’ont toujours dit que j’étais magicien, précisa Lycronus, sa voix se faisant plus calme. Tout petit, ils me lisaient des livres traitant de magie, des ouvrages auxquels ils ne comprenaient eux-même rien, si bien que l’ensemble manquait de cohérence.

Plusieurs personnes dans la salle en rirent, sons dénués de toute moquerie. Lycronus poursuivit.

- Quand j’ai su lire, j’ai dévoré l’intégralité des « Julien le petit magicien » si bien que bien qu’étant un magicien de fortune, j’avais tout de même une idée assez précise et concrète de ce monde rêvé.

Marlène l’imaginait fort bien. En lisant ces livres d’apparence banale, elle avait emmagasiné une quantité impressionnante de savoirs liés à la magie.

- En grandissant, j’ai commencé à choisir mes lectures sur la magie et je me suis naturellement axé vers ce que je pouvais faire sans magie, à savoir répertorier la nature. Vous savez ces enfants qui connaissent par cœur le nom de centaines de dinosaures ?

Plusieurs personnes hochèrent la tête, intéressées.

- Je pouvais citer tous les types de grès ou de calcaire, d’érable ou de chêne et les reconnaître sur une photo, qu’on me montre la feuille, une branche ou le fruit. Je savais même leurs applications magiques, bien que théoriques.

Marlène, impressionnée, s’inclina mentalement devant l’étendue des connaissances de Lycronus.

- Quand le temps fut venu d’entrer à l’école de magie, j’ai dit à mes parents que je voulais aller au Mistral – que j’ai choisi pour la présence sur place de monsieur Toupin. Ils ont été désolés. Appartenant à la classe moyenne américaine, ils n’étaient pas sans le sou mais ne disposaient pas non plus de l’argent nécessaire pour une école privée. Ma grand-mère n’avait laissé que 102 kum à la banque pour moi. Pas de quoi se payer cette école prestigieuse. Je n’ai pas baissé les bras. J’ai envoyé un courrier à Gilain, expliquant ma situation.

Un silence s’installa. Marlène était suspendue à ses lèvres. Elle allait enfin comprendre pourquoi Gilain semblait si… acerbe envers Lycronus. Le policier, lui aussi, écoutait gravement, ses yeux ne quittant pas Lycronus.

- Quelques jours plus tard, il était là. Il m’a dit que la question du prix pouvait se négocier. J’étais aux anges. Voilà ce que je lui ai dis : « Je ne reste que un an maximum. Aucune obligation de résultat de son côté : mon diplôme de sortie dépendra seulement de moi et de mon travail et je ne me retournerai pas contre lui et son école en cas d’échec. À la fin de l’année, je lui donnerai les 102 kum présents sur mon compte en banque. »

- 102 kum pour une seule année ! s’exclama Marlène, les yeux écarquillés. C’est énorme !

- Je sais et je le savais déjà à l’époque. En échange, continua Lycronus, j’aurais accès à la magie de l’école uniquement dans un but pédagogique.

Marlène haussait les sourcils, perplexe.

- Il n’a pas pu dire oui, s’étonna Marlène.

Offrir ses précieuses réserves sans limite à un élève ? Gilain ne pouvait pas avoir accepté ça.

- Il a posé des conditions supplémentaires : je devais utiliser ma magie en priorité lors de mes études. Je devais trouver le rendement maximal avant toute autre chose. Je ne devais jamais chercher à obtenir un diplôme supérieur au DM4.

Lycronus marqua une pause, laissant un sourire éclore sur ses lèvres.

- C’est sur ce dernier point que j’ai niqué Gilain. Quand il a énoncé ses conditions, j’ai répété : « Je ne devrai jamais chercher à obtenir les DM5, 6, 7, 8, 9 ou 10 ».

- Quelle différence ? demanda Marlène, l’air perplexe.

- Gilain a pensé comme toi. Il a écrit ma version sur le contrat. Le premier septembre, j’ai foncé chez maître Beaumont. Il m’a montré comment créer de la magie puis je lui ai parlé du rendement maximal et il m’a montré comment le chercher. J’y ai passé ma journée, ma nuit, la journée suivante et la première moitié de la nuit suivante. Vers deux heures du matin, je l’avais atteint.

- Joli ! s’exclama Marlène, admirative. Ça ne m’étonne pas, tu es un bosseur acharné.

Lycronus haussait les épaules, modeste.

- Le premier mercredi, je suis allé au cours de monsieur Toupin. J’ai remporté mon premier objet d’étude, sans même savoir activer ma gnosie. J’ai juste utilisé mes connaissances.

- Objet d’étude ? répéta Marlène, confuse.

- J’apprenais des méthodes de monsieur Toupin. J’observais son montage, comment chaque pièce s’ajustait…

- C’est pour ça que tu m’as demandé de te donner tous les objets que je gagnais avec lui ! s’exclama Marlène, la compréhension frappant enfin.

Lycronus admit d’un geste.

- Dès que j’ai su contrôler ma gnosie, je surveillais monsieur Toupin et dès qu’il ensorcelait, je le fixais, observant attentivement les moindres variations dans la magie, admit Lycronus. J’ai commencé à modifier les créations de monsieur Toupin, à en créer de nouveaux, à manipuler et assembler les composants autrement, tout cela, bien sûr, en utilisant la magie de l’école, ce qui était permis puisque j’étais en train d’apprendre.

Marlène n’en revenait pas. C’était donc ça qu’il faisait. Lycronus poursuivit :

- Maître Gilain ne s’est rendu compte de rien. Après tout, les quantités que j’utilisais étaient encore faibles à ce moment-là. J’ai réussi à obtenir mon premier objet magique dissocié chez monsieur Toupin et son étude a révélé des merveilles, poursuivit Lycronus. C’était magnifique mais là s’arrêtaient les compétences de monsieur Toupin. Il ne savait pas réaliser la seconde compétence pour avoir le droit au titre d’ensorceleur niveau 2 : savoir créer un objet spécifique.

Le policier fit une grimace, l’indice échappé au CIM.

- J’ai dû compulser des livres et tester sans support, appliquant seulement la théorie. J’ai puisé dans les réserves de l’école… beaucoup. Maître Gilain s’en est rendu compte et j’ai senti qu’il me surveillait. Il m’a observé et s’est aperçu que je ne travaillais pas du tout la magie intra, comme le demandaient les DM2 et 3, mais la magie inter et de haut niveau ! Il est venu me trouver et m’a rappelé le contrat : ne pas viser le DM5. Je lui ai répliqué que je ne cherchais pas le DM5, mais à devenir ensorceleur.

- S’il avait indiqué « Aucun diplôme supérieur au DM4 » comme il l’avait annoncé au départ, tu n’aurais pas pu agir de la sorte, comprit Marlène.

- Maître Gilain a ricané, continua Lycronus, me rappelant que pour obtenir le titre d’ensorceleur, je devais posséder un DM4 et que sans la magie intra, je n’obtiendrai même pas le DM2. Je dus admettre qu’il avait raison. C’est ainsi que fin janvier et alors que mon classement était déjà automatisé depuis longtemps, j’ai commencé à travailler la magie intra, dérangeant tous mes camarades qui avaient dépassé ce stade depuis longtemps…

- Te retrouvant isolé dans la réserve, comprit Marlène, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres.

- Où se trouvait une petite écervelée qui préférait s’amuser plutôt que bosser et était, de ce fait, très en retard, ajouta Lycronus, avec une lueur dans les yeux.

- Je venais de passer un mois aux mains de voleurs de magie qui…

- Marlène, je sais. Tu n’as pas à te justifier, tout va bien.

Elle grogna, boudant un instant, avant de sourire malgré elle.

- Au début, l’écervelée m’a empêché de travailler, continua Lycronus. Puis, petit à petit, sa présence m’a poussé à me surpasser pour l’impressionner. Et la magie intra, que je n’appréciais guère, est devenue plus supportable grâce à elle.

Marlène rougit sous les compliments qu'elle n’avait pas anticipés. Elle n’imaginait pas avoir eu un tel impact sur Lycronus. Il poursuivit :

- J’ai demandé à Gilain de faire valider mon niveau 1 d’ensorceleur et quelques mois plus tard, mon niveau 2. Il était vert de rage. Il guettait le moindre de mes pas, cherchant le moyen de me faire tomber.

- Il ne s’est pas dit que ça ferait une bonne publicité, si un ensorceleur niveau 3 sortait de son école ?

Lycronus haussa les épaules, une lueur d’amusement dans les yeux.

- Si, bien sûr, mais cela aurait-il compensé la quantité ahurissante de magie que je lui prélevais ?

Marlène dut admettre que Lycronus consommait sans jamais s’arrêter. Néomage, cela ne l’avait pas choquée et pourtant, elle aurait dû trouver cela surprenant. Lycronus poursuivit :

- Pour ton anniversaire, je me suis lancé dans la création de mon premier objet à pile, compétence nécessaire à obtenir le titre d’ensorceleur niveau 3, le plus haut qui existe. J’avais déposé le cadre des cœurs jumeaux devant ta porte. Le créer a requis une quantité ahurissante d’énergie. Je débute, vois-tu. Au début, les besoins sont gigantesques. Cette bague, Stratsky et Houglanoff, les deux ensorceleurs russes, te la feront pour un million, peut-être même moins.

Marlène se souvint des deux hommes, venus dans la cave sordide lui retirer le collier et le bracelet posés par le faux vendeur, tué par maître Gourdon.

- Cela reste hors de prix, répliqua Nicolas. Le collier traducteur coûte quoi… Cent balles ?

- Environ, admit Lycronus. Gilain a senti que je ne m’arrêterai pas là, que je resterai jusqu’à la dernière minute pour apprendre, pompant dans ses stocks. Il a appelé le CIM pour m’accuser de lui avoir volé de la magie. J’ai compris à l’instant où le policier est apparu devant moi. Je n’avais pas les moyens de contrer Gilain. J’ai activé les bras d’archer et j’ai disparu.

Marlène serra les poings. Tout quitter à ce moment-là… Si près du but ! Après tout, il venait de créer un objet à pile, ce qui lui aurait permis d'obtenir le titre tant convoité. Mais voilà, il devait fuir, tout ça pour échapper à une accusation absurde, et renoncer à ses rêves de créer une boutique.

- Tu as osé le défier, admira Lycronus. Tu as gagné l’attention toujours désirée et tu l’as jetée à la poubelle pour moi.

- Je t’aime, dit Marlène avant de bailler. Je suis fatiguée.

Le noir se fit dans l’instant. La guérison serait longue.

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