Chapitre 4

Par Jibdvx

Clément n’eut pas le temps d’expliquer la situation à Leonid. Le militaire se rua dans la salle de bain, un revolver de poche à la main. À la vue de l’arme, l’anxiété de Clément monta d’un cran, il ne pensait pas que Degtiarev était armé en entrant chez lui. Malgré tout, l’idée d’un vétéran russe équipé pour se défendre lui sembla intéressante, vue leur situation.

Toujours était que le pauvre Baptiste était encore plus pâle qu’il ne l’avait jamais été. Il claquait aussi nerveusement des dents et se rongeait l’ongle du pouce de sa main gauche. Le garçon était purement terrorisé.

 

— Kаналья ! Assassins ! Montrez-vous donc !

 

Leonid pestait à plein poumon et entreprit d’arracher le miroir du mur de la salle de bain. Impossible, la glace tint bon. Avant que quiconque n'ait le temps de réagir, le russe brandit son arme et abattit la poignée du revolver sur le miroir. Marie Millaud cria de surprise et de consternation quand son magnifique miroir en bois doré explosa en milles morceaux. Anastasia couvrit sa bouche d’une main, choquée par l’impulsivité de son père. An et Paul ne purent retenir des exclamations en chinois, conscients qu’ils allaient devoir nettoyer le désordre causé par le militaire. Clément, quant à lui, laissa un Baptiste terrorisé aux bons soins de Pierre et du père Simon pour se précipiter dans la salle de bain. Le dernier fragment de miroir tintinnabula au sol quand Clément se rendit compte de l’immobilité soudaine du russe. Là où le mur de la salle de bain était censé se trouver, un trou béant, plongé dans l’obscurité et d’où émanait une odeur de poussière et d'humidité s’était ouvert.

Tandis que la lumière de la salle de bain s'infiltrait par l’ouverture, hôtes et convives distinguèrent très clairement les contours d’un petit couloir exigu derrière le mur.

Clément fut le premier à sortir de l’état de choc d’une telle découverte. Il fit courir ses doigts le long des bords du cadre du miroir, passa une main par l’ouverture, puis la tête, comme pour vérifier s’il ne rêvait pas. Il se retourna ensuite et respira profondément avant de se pincer le nez, exaspéré.

 

— Le vieux fou… Tout le monde retourne à la salle à manger ! ordonna-t-il. Mère, Pierre, vous restez ici.

 

Il se tourna ensuite vers Leonid et sa fille, en s’efforçant de se calmer.

 

— Croyez bien que je suis désolé pour cette soirée. J’avais espéré… mais ça n’a pas d’importance. À mon retour Leonid, nous irons inspecter le jardin. An, Paul, servez donc le repas à nos invités je vous prie, le jeune Baptiste en a rudement besoin.

 

Les domestiques acquiescèrent et accompagnèrent les convives jusqu’au rez-de-chaussée. Clément attendit que toutes les oreilles indiscrètes se soient retirées pour braquer son index vers le l’ouverture dans le mur de la salle de bain.

 

— Mon cher père a-t-il d’autres surprises de ce genre dans cette maison ?

 

Son ton était froid, sans appel. Pierre regardait piteusement ses pieds et bégaya quelques paroles inaudibles. Marie resta impassible, les bras croisés, comme si elle cherchait à tester le sang froid de son fils. Après tout, les secrets de son paternel semblaient vouloir tous éclater au grand jour en une seule nuit. Voyant que Pierre ne réagissait toujours pas, elle croisa les bras et lâcha simplement.

 

— Il y a un seul passage dans la maison. Il descend derrière les murs pour rejoindre une seconde cave et remonte jusqu’au jardin pour sortir de la propriété.

 

Clément était maintenant convaincu que rien au monde ne pourrait jamais faire ciller le regard imperturbable de sa mère. Mais à quoi s’attendait-il ? Un meurtrier rodait peut-être encore entre les murs de leur demeure. Le temps n’était pas aux révélations larmoyantes, mais à l’action. Il devait prendre une décision.

En silence, tous trois regagnèrent la salle à manger, où les attendaient des convives noyant leur anxiété comme ils le pouvaient dans un coq au sang réchauffé à la va-vite. Malgré ses émotions, Baptiste avait retrouvé des couleurs. Quand Clément entra dans la salle à manger, An lui dit avec un petit sourire que le novice s'était resservi, ce qui était encourageant, cela devait calmer le père Simon. Clément souhaitait malgré tout entendre ce que le garçon avait à dire. Il attrapa le verre à vin qui lui était destiné sur la table et se servit généreusement avant de tirer sa chaise et de s’asseoir. Le maître de maison but son verre d’un trait. L’alcool dégringola directement au fond de son estomac et Clément sentit presque instantanément la bouffée de chaleur rappeuse caractéristique du vin rouge remonter le long de sa gorge. Ses pensées s’attardèrent sur l’étiquette de la bouteille. Un Château Montrose, amené par son père lors de son dernier voyage certainement. Clément avait lu dans le journal, quelques jours plus tôt, qu’une épidémie dévastait actuellement les vignobles français. Un puceron apparemment, ramené du Mexique. Un puceron. Une si petite bête qui se muait soudain en calamité. Enfin… Il aurait préféré avoir affaire à des pucerons qu’à un meurtrier invisible et les secrets de son père.

Cette pensée lui arracha un petit rire nerveux. Clément remarqua alors que tous les convives le regardaient fixement, comme s’ils attendaient quelque chose de lui. Le père Simon leva un sourcil circonspect et Anastasia esquissa un sourire, amusée par son comportement. Son militaire de père, en revanche, bouillonnait derrière son épaisse moustache. Clément choisit d’éluder sa première question.

 

— Baptiste. Qu’avez-vous vu très exactement dans le miroir ?

 

Le novice déglutit bruyamment sa volaille et posa sa fourchette. Sans regarder Clément dans les yeux, les siens perdus dans les flaques de sauce au sang au fond de son assiette, il raconta ce qu’il avait vu.

 

— Comme Monseigneur Simon me l’a demandé, je suis allé me rafraîchir. Votre majordome se tenait derrière la porte. C’est après m’être séché le visage que j’ai vu quelqu’un me regarder fixement, le nez collé contre la glace. J’ai évidemment pris peur et suis tombé à la renverse. En me relevant, le visage avait disparu.

 

— Et à quoi il ressemblait, ce visage ? demanda Leonid, péremptoire.

 

Le ton sans appel du Major-général réussit à faire lever les yeux du novice.

 

— Asiatique je dirais, et… chauve il me semble. C’était vraiment effrayant ! les contours de son visage étaient tous déformés et…

 

Clément leva la main pour que le jeune homme puisse souffler. Il avait dit ce qu’il craignait d’entendre : quelqu’un s’était bel et bien introduit dans la maison et avait au moins fait disparaître le cadavre de MacRùn.

 

— Nous allons nous séparer en deux groupes et chercher cet intru, déclara-t-il. Pierre, An, vous accompagnerez Monseigneur Simon et Baptiste dans le jardin. Monsieur Degtiarev, Anastasia, Paul et vous mère, m’accompagnerez dans ce fameux souterrain secret. L’affaire est-elle entendue ?  

 

Ils hochèrent la tête. Clément, heureux que personne ne proteste, se leva et posa une main sur l’épaule de sa mère. Il lui demanda, en chuchotant :

 

— Les armes de père sont toujours dans son bureau ?

 

Sa mère acquiesça, un sourire malicieux au bord des lèvres. D’un geste, elle fit signe à Paul de le suivre.

 

— Paul, accompagnez Clément au bureau d’Edmond je vous prie, il nous rapportera le nécessaire.

 

L’affaire fut vite réglée. Un tour de clé du cuisinier, Clément savait ou se trouvait le fond fond dans le tiroir du bureau de son père. Une pièce austère, à l’image de l’ancien maître des lieux. Bois brut, fer forgé, tissu vert sapin sur les fauteuils…

 

Un tintamarre incroyable leur parvint de l’étage. Quelque chose de lourd venait de se fracasser contre le plancher dans l’une des chambres du haut. Clément se dépêcha d’attraper une paire de revolver, modèle 1854. Son père en était très fier. Il vérifia que les deux armes étaient chargés, en fourra un dans sa ceinture et empoigna l’autre. D’un coup d’oeil entendu, il courut avec Paul à l’étage. Les autres convives ne tardèrent pas et tout le groupe se retrouva à monter les escaliers quatre à quatre. Clément en profita pour tendre une arme au père Simon qui ne protesta pas le moins du monde. Le bruit venait vraisemblablement de la chambre de sa mère. Il débarquèrent en trombe dans la pièce, Clément, Leonid et l’archevêque pointant leurs armes dans chaque recoin.

Ils ne virent absolument rien. Rien à part le large secrétaire de sa mère, renversé, éventré sur un côté ou le bois avait cédé sous le choc. Le parquet avait lui aussi plié et quelques lattes saillaient du sol telle les côtes d’un étrange animal de bois. Derrière le secrétaire s’ouvrait une porte menant à un escalier de planches. Clément comprit. Ils étaient au troisième étage, au-dessus de la salle de bain. Il s’agissait certainement de l’entrée du tunnel secret à l’intérieur de la maison.

 

Une latte craqua dans la chambre, devant eux.

 

— Sous le lit ! hurla Leonid en se ruant, arme au poing vers le grand lit à baldaquin.

 

Le russe s’arrêta et pointa le canon de son revolver sur le matelas.

 

— Sortez de là dessous ! покажись ! Ou je tire !

 

Une bruit étouffé s’échappa de sous le lit et une autre latte grinça. Pas de réponse. Leonid, à la surprise générale, tira au sol juste à côté du lit. Le coup de feu résonna dans toute la maison et arracha des exclamations à l’assemblée.

 

— Seigneur ! sursauta Marie.

 

— Papa ! s’indigna Anastasia.

 

— Par tous les saints ! caqueta Pierre.

 

Une voix s’éleva ensuite, inconnue. La voix d’un homme, terrorisé, qui sanglotait en mandarin. L’homme se traîna hors de sous le lit et leva les mains en l’air, une expression proprement terrifiée sur son visage. Sans ménagement, Leonid qui le tenait en joue, le releva et le poussa violemment aux pieds des convives.

 

— Voilà votre assassin ! beugla Leonid. Vermine Taiping, comme je l'avais dit !

 

Le chinois tourna la tête en entendant le nom de la secte, ses yeux s’agrandirent et il bredouilla quelque chose à toute vitesse en secouant vivement la tête. Paul et An s'entre regardèrent, sans doute avaient-ils compris ce que leur captif baragouinait. Clément leva une main, agacé mais rassuré d’avoir trouvé la source de leurs ennuis. Il se tourna vers Paul, le plus à l’aise avec le français.

 

— Paul je vous prie, pourriez-vous lui demander d’expliquer très précisément ce qu’il est venu faire ici ?

 

— Assassiner l’écossais voyons !

 

Leonid n’y tenait plus, il décocha une violente claque au natif, qui s’effondra sur le plancher en geignant de douleur. Clément serra les dents, après une telle calotte, le malheureux devait voir trente-six chandelles. Anastasia le poussa pour arrêter son père, qui s’apprêtait à battre le chinois de nouveau.

 

— Papa ! yспокойся !

 

Leonid retint son poing et regarda sa fille, son expression changea et sa mine se renfrogna derrière sa moustache, honteux de s’être emporté ainsi. Il lâcha le pauvre bougre qui tomba sur les coudes, une épaisse marque rouge en forme de main s’étendait sur ça joue.

 

— Excusez-moi, lâcha le militaire, penaud.

 

Clément fit signe à Paul qui se mit à parler à leur captif. Plusieurs années qu’il vivait en Chine et Clément ne comprenait toujours rien à cette langue que les missionnaires disaient très complexe. MacRùn la parlait assez bien, il l’avait déjà vu plaisanter avec les domestiques par le passé. Quand Paul eut fini, l'autre sembla perdu. Il agitait la tête furieusement de droite à gauche et parlait à toute vitesse. Clément, intrigué, remarqua qu’en même temps, leur captif regardait nerveusement par la fenêtre de la chambre à intervalle régulier. Il montra ensuite le passage secret dans le mur, puis Baptiste. Ce mystère était au moins levé, il s’agissait bien de l’homme qu’avait vu le novice à travers la glace. mais pourquoi Diable regardait-il sans cesse la fenêtre ? Au troisième étage, à part les lumières des réverbères de la Concession, il ne pouvait rien distinguer dans la nuit. Paul afficha soudain une mine soucieuse et An, qui écoutait aussi, eut une exclamation effrayée. Clément entendit le chinois répéter plusieurs fois un mot, ou un nom. Baïgu Jing, Baïgu Jing ! Il le rabâcha plusieurs fois puis se tut, haletant. Paul jeta un regard désapprobateur à An, qui commençait à se ronger les ongles. Puis il regarda tour à tour Clément et sa mère en ouvrant et fermant la bouche, visiblement troublé par les explications de l’intru.

 

— Et bien Paul ! Crachez le morceau, ordonna Marie Millaud.

 

Le cuisinier s'éclaircit la gorge, mal à l’aise, mais finit par se lancer.

 

— Cette… vermine, commença-t-il, fait bien partie d’une secte, mais pas celle des Taiping. Ils se nomment comme les… enfant ? Les fils ! Les fils du Lotus Blanc ! Lui et trois autres ruffians de son espèce se sont bien introduits ici par le jardin à la tombée du jour pour mettre le feu à la maison mais…

 

Paul s’arrêta, gêné.

 

— Paul, fit Clément, de plus en plus irrité.

— C’est que ce sont des élucubrations Monsieur. Ce bandit est fou à lier !

— Dites quand même, tout est important.

— Et bien il affirme que l’un de ses acolytes était en fait un démon folklorique. Un personnage de roman qui plus est. Enfin si vous insistez. Leur ami, donc, se serait soudain jeté les deux autres avant de disparaître. De son côté, il se serait ensuite enfui plus loin dans les tunnels sous la maison. C’est après, qu’il a vu Monsieur Baptiste dans la glace. Terrorisé à l’idée qu’il s’agisse du démon, il s'est réfugié ici mais a renversé le secrétaire et s'est caché sous le lit.

Effectivement, cette histoire sentait le mensonge à plein nez. Cependant, Clément ne voyait pas du tout la raison pour laquelle le zélote aurait inventé une histoire aussi ridicule. Peut-être Paul avait-il raison, il s’agissait là d’un fou.

Le fou en question leva brusquement un bras vers la fenêtre qu’il fixait avec tant d’attention et poussa un cri de terreur. Tous tournèrent la tête, mais Clément fut le premier à voir.

 

Même si le cerveau de Clément prit un temps pour identifier clairement ce que les yeux voyaient, il n’y avait pas de doute possible. MacRùn était suspendu dehors, devant la fenêtre, une cordelette passée autour de son cou. Mais ce qui arracha une exclamation horrifiée à l’assistance, c’étaient les plaies béantes portées au visage de l’écossais. Une multitude de coupures, taillées de telle sorte que de petites figures rouges sang décoraient, avec un soin morbide, la peau du défunt. Clément fut saisi à l’épaule, c’était le père Simon, livide.

— Le couteau à jianzhi ! Il a disparu ! 

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Nothe
Posté le 24/08/2022
Bonjour Jibdvx ! J'ai lu ton histoire il y a quelques jours et j'y ai beaucoup réfléchi. Le résumé et le choix d'époque et de lieu m'ont tout de suite beaucoup intrigué, et c'est une bonne chose, parce que c'est je pense le point le plus fort de ton histoire ! J'aime beaucoup les huis-clos et les histoires d'enquête, mais c'est vrai qu'on y retrouve souvent les mêmes ambiances à l'anglaise, directement tirées d'Agatha Christie. Le changement de décor, et par conséquent de sous-intrigues disponibles (les problèmes du colonialisme en Asie, le marché de la drogue, etc), est le bienvenu, et tu donnes l'impression de bien connaître ton sujet (en tous cas, pour un néophyte comme moi !)

Cependant, je pense qu'il y a quelques problèmes qui rendent la lecture un peu compliquée, et comme je te disais, c'est dommage, parce que l'intrigue tient plutôt debout pour l'instant et je suis plaisamment surpris par le choix de décor.

D'abord, il y a pas mal de fautes et de phrases alambiquées qui rendent la compréhension un peu difficile. Ce n'est pas si grave dans le sens où une bonne bêta-lecture ou même des relectures solides peuvent facilement régler ce problème, mais en l'état, c'est vrai que les chapitres en pâtissent. J'ai vu passer pas mal de verbes sans la bonne terminaison ("à fournit" dans le chapitre 2, par exemple), des "ça" à la place de "sa", des "s" manquants aux pluriels, etc etc. Certaines de tes métaphores me semblent aussi un peu bancales (par exemple, "l'alcool qui dégringole" dans ce chapitre : généralement, dégringoler caractérise quelque chose de solide, c'est difficile de l'appliquer à du liquide...), mais ça, encore, c'est vrai que c'est subjectif.

Pour moi, par contre, le vrai souci de ce texte c'est que les personnages sont assez flous au niveau du caractère, et en plus, inconsistants dans leur comportement, ce qui les rend difficiles à suivre pour le lecteur, et du coup, on se fiche un peu de ce qui va leur arriver (ce qui est dommage, quand on parle d'un murder mystery/horreur !) D'habitude, dans ce genre de textes, on a une première partie qui pose les personnages dans un contexte plus ordinaire (sans meurtre, quoi), et cette partie permet au lecteur de comprendre dans les grosses lignes qui est qui, quelles relations chaque personnage a avec les autres, et quels genres de secrets ils pourraient bien vouloir cacher. Là, tu as sauté toute cette partie pour arriver directement au moment du meurtre. C'est très audacieux, et pour être honnête j'ai bien aimé l'idée, je pense qu'on peut faire des choses très sympas avec ça ! Mais du coup, derrière, il faut être super clair avec les personnages, et ce n'est vraiment pas le cas.

Un exemple tout simple : dans ce chapitre 4, tu dis "Clément était maintenant convaincu que rien au monde ne pourrait jamais faire ciller le regard imperturbable de sa mère". La phrase est un peu bancale, mais le "rien au monde" + "jamais" sous-entend que la mère de Clément serait une femme froide et stoïque. Pourtant, au chapitre un, c'est une des personnes les plus bouleversées au moment de trouver le cadavre (même plus qu'Anastasia, qui a juste "l'air stressée"), et elle est "effondrée" près de la fenêtre au chapitre 2. Ses actions ont l'air vraiment aléatoires, et si c'est volontaire pour la rendre suspecte, alors il faudrait reprendre l'idée plus sérieusement, établir son caractère de manière plus solide dès le départ.

Pareil pour le prêtre Simon : dans le chapitre 1, Clément se dit surpris parce que le prêtre "si simple et prévenant se comportait soudain comme un conspirateur"... Mais le lecteur n'a jamais vu le prêtre être simple et prévenant ?

C'est un peu pareil pour tous les personnages, en fait : tout le monde a l'air de prendre le cadavre très peu au sérieux, et ça casse beaucoup l'ambiance (exemple bête, mais le fait que le colonel rie quand il passe sa fiole d'alcool à Ann dans le chapitre 1, le fait que Paul se lamente sur son dîner abandonné au début du chapitre 2, le fait que tout le monde se soit tranquillement rassis pour manger au chapitre 4... Ca donne une drôle d'atmosphère au texte, où les personnages n'ont pas l'air si tendus que ça, mais du coup, ça ne fait pas très peur au lecteur non plus.

Le plus compliqué de tous, je pense, c'est Clément. Personellement, j'ai beaucoup de mal avec lui : il a l'air de mépriser tous les personnages qui l'entourent, et agit avec une froideur un peu cruelle qui en fait un drôle de narrateur (je pense que son côté raciste n'aide pas non plus, même si on dit que c'était l'époque ahah). Si c'était ton but, alors pourquoi pas, mais il est compliqué à suivre et à comprendre. Tu expliques ses buts dans le chapitre 1 (il a appris que son père avait trafiqué de l'opium et qu'il espère pouvoir épouser Anastasia), mais c'est juste dit, pas montré, ce qui rend son personnage un peu artificiel. On ne le voit jamais échanger un dialogue avec Anastasia, par exemple (d'ailleurs personne ne lui parle à cette pauvre fille), et on ne comprend pas bien pourquoi enquêter sur son père est si important pour lui (à part peut-être pour les affaires ? Simon a l'air de savoir que Clément veut lui parler de son père au chapitre 3... Donc c'était déjà prévu ? On dirait qu'il manque un gros bout d'intrigue : quand Clément a -t-il découvert l'implication de son père dans le trafic, et pourquoi est-ce important pour lui de tout régler ?)
Je te conseillerais vraiment de trouver une manière d'assoir les caractères et buts de chacun plus clairement, surtout de Clément, qui prend surtout des choix qui font avancer l'intrigue sans jamais qu'on sache à quoi s'attendre (il est tour à tour très froid et pragmatique ou très passif et choqué) ! Pourquoi pas au début du chapitre 2 ? Clément termine le chap.1 en disant "reprennons cette soirée du début" - pourquoi ne pas enchaîner sur un récapitulatif, même bref, de qui est arrivé quand et pourquoi Clément les avait invités, avec des dialogues qui permettent au lecteur de déduire lui-même quels personnages il a en face des yeux ?

Bref ! Désolé, j'ai beaucoup écrit, mais j'y réfléchis depuis plusieurs jours et j'ai beaucoup hésité, d'ailleurs, à écrire ce commentaire ! Je pense que ton intrigue est solide, juste pas très claire, et que le fait qu'on ne sache pas à quoi s'attendre de la part des personnages y est pour beaucoup. Mais du coup, ce serait assez facile de régler tout ça ! Je lirai la suite attentivement, parce que comme dit plus tôt j'ai eu un vrai coup de coeur pour le décor, et que tu maîtrises bien les cliffhangers de fin de chapitre (en plus, tu as catégorisé cette histoire en horreur, pas en mystère, et j'adore les histoires d'horreur, donc l'apparition d'un démon me plaît beaucoup !)

Trois petits détails hyper pointilleux avant que j'oublie : au chapitre 2, tu dis que le dîner est composé de canard au sang, au chap 4, ça devient du coq au sang.
Le surnom d'Annie, An : il se lit vraiment comme "en". Ann serait peut-être plus clair dans la lecture !
Et enfin, oublie pas les majuscules quand tu utilises des mots russes :) Quand Anastasia dit à son père de se calmer, Успокойся sera mieux !
Jibdvx
Posté le 28/08/2022
Merci beaucoup pour ta lecture et ton commentaire. C'est rassurant, je suis totalement d'accord avec tes remarques ! En relisant récemment le texte, j'ai aussi trouvé que j'avais privilégié le cadre (qui est une période historique que je trouve sous-exploitée) par rapport aux personnages. Une grosse erreur quand on écrit ce genre de texte. Un réécriture est donc vraiment nécessaire pour redonner de la consistance à tout ce beau monde. Et dire qu'il y avait 3 personnages de plus dans mon premier jet...
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