Chapitre 4

Un mince bruit de clochette réveilla brusquement Kael. Sa main attrapa instinctivement un des poignards empoisonnés qu’il avait posé sur la table de nuit à côté de lui avant de s’endormir, et le lança vers la porte. Un grognement étouffé parvint au voleur, lui prouvant que quelqu’un était bel et bien rentré.

Le jeune homme s’échappa de l’emprise des draps, avant d’attraper la dague d’Ophiuchus et s’élancer vers l’intrus.

Il n’était ni particulièrement grand - légèrement plus petit que Kael - ni musclé. Le peu de lumière ne l’éclairait pas assez pour permettre au voleur de le jauger. Toutefois, il put quand même apercevoir l’ombre du poignard empoisonné, planté dans son bras.

Kael se glissa avec avec agilité derrière l’homme blessé, tout en plaquant la dague contre son cou.

Le voleur se félicita intérieurement d’avoir placé une clochette à la porte ; Sans elle, il n’aurait pas été prévenu de l’arrivé de l’intrus.

- Qu’est-ce que… ? S’étonna Lys en se réveillant.

Seule sa stature était visible dans l’obscurité de la chambre, tout comme pour les deux autres hommes.

- Un intrus, déclara Kael.

Lys hocha pensivement de la tête. Il y eut un petit silence de quelques minutes, chacun réfléchissant de leurs côtés.

- Je suis désolé, j’aurais dû plus réfléchir à cette possibilité, s’excusa-t-il.

Il était vrai que c’était lui qui avait assuré que cette chambre était sûre. Mais Kael avait heureusement préféré garder une sécurité.

- Tout le monde fait des erreurs, même moi.( Le voleur hésita un instant, avant de continuer dans un murmure ) C’est pour ça que je ne fais confiance à personne.

Lys sembla baisser la tête. À quoi pouvait-il bien penser ?

« C’est une drôle de façon de voir le monde » Commenta Ophiuchus « Légèrement cynique et très discutable »

- Tu ne peux pas me dire que tu n’as jamais fait d’erreurs, toi qui as été enfermé pendant plusieurs milliers d’années dans une dague, accusa Kael.

Sûrement vexé, le Serpentaire ne répondit pas à cette affirmation, laissant son hôte vagabonder dans ses pensées.

Finalement, le voleur poussa l’intrus sur le sol, alors que Lys enfilait son masque et sa cape et allumait une bougie, dévoilant l’apparence de celui qui avait tenté de les attaquer.

C’était un homme plus frêle qu’il ne l’avait paru à première vue, avec des cheveux roux, une peau brun clair et des milliers de taches de rousseurs. Il portait une sorte de pull noir qui avait légèrement retenu le poignard, et un pantalon plus clair.

- Qui es-tu ? Interrogea Lys en s’agenouillant devant l’intrus, tandis que Kael continuait de faire une légère pression sur son cou, Et que fais-tu ici ?

Le jeune roux leva la tête vers celui qui lui parlait, une lueur de défi dans les yeux.

- Personne. Et je ne fais rien ici.

Sa voix était étrangement douce et en même temps remplie d’arrogance et de provocation.

Le voleur augmenta légèrement la pression sur le cou de l’intrus, faisant glisser un fin filet de sang jusqu’à tomber sur le sol.

- Qu’est-ce qui t’empêche de nous l’avouer ? Susurra-t-il à son oreille, Je sais très bien que ce n’est pas une question de morale ; Tu n’es pas le premier mercenaire que je croise.

L’intrus frissons en voyant la goutte de sang éclabousser le sol. Cependant, il releva quand même la tête avec fierté pour répondre

- C’est vrai. C’est par simple esprit d’opposition.

- Tu n’as donc pas peur de mourir ? Demanda Lys.

- La mort n’effraie les gens que lorsqu’ils ont conscience de la valeur de la vie, rétorqua le jeune homme.

- Mais si tu sais cela, tu dois te douter de ce qu’elle vaut, déduisit Kael.

- Avant. Maintenant, elle a perdu toute la valeur qu’elle avait pu un jour avoir.

« On a trouvé quelqu’un d’aussi cynique que toi, Kael » Se moqua le Serpentaire.

- Je ne suis pas cynique, grogna en réponse son hôte.

Il approfondit l’entaille sur le cou du roux, recentrant son attention sur lui. Un simple tressaillement envahit son corps, mais le jeune homme se reprit rapidement. Sûrement voulait-il éviter de montrer n’importe quelle faiblesse.

Lys prit son visage dans ses mains et le redressa pour le regarder dans les yeux. Ceux de l’intrus étaient remplis d’un dégradé de brun allant de l’alezan au marron foncé.

- Pourquoi être venu ici ? Voulut savoir l’homme masqué, Tu dois sûrement être venu nous tuer. Mais pourquoi ?

- La tête de ton ami a été mise à prix répondit-il avec détachement. Par la plupart des signes.

« Bravo, tu es désormais un fugitif recherché» Le complimenta ironiquement Ophiuchus.

Kael ignora sa remarque tout en fronçant des sourcils. Sa tête avait été mise à prix ? La seule raison valable était que les Zodiaques avaient découvert - sûrement grâce à Taurus qui devait leur avoir dévoilé ou au lien dont Pisces lui avait parlé - qu’il avait libéré le treizième signe.

Bien qu’il se doutait que cela risquait de bientôt arriver, le jeune homme croyait qu’il aurait quelques jours ou semaines de plus ; Au moins le temps que lui et son compagnon arrive à la capitale de Virgo. Apparemment pas.

- Seulement la mienne ? S’étonna le voleur.

L’intrus ne répondit pas, restant figé. Il ne semblait pas vouloir avouer quoi que ce soit d’autres.

Kael se retint de grogner de frustration. Les deux jeunes hommes savaient que s’il se risquait à trop augmenter la pression sur son cou, cela pourrait devenir plus dangereux que prévu.

Cependant si cette question était vrai, cela voulait dire que Lys n’avait pas été dénoncé par le Taurus… Quels liens pouvaient-ils bien entretenir pour que le signe le plus fidèle accepte de ne pas le vendre ?

- Donc, si j’ai bien compris,tu n’as fait cela que pour de l’argent ? Conclut Lys.

- Et pour la renommé, précisa la voleur.

Soudainement, il comprit. Une chose le dérangeait dans ses propos Peu de mercenaires tenterait ouvertement de le tuer ainsi, simplement en passant par la porte - surtout en sachant que leur ennemi était l’hôte du treizième signe. Il suffisait de voir leur périple ; Personne ne les avait réellement dérangés.

Les seuls à essayer seraient donc ceux qui ne tiennent pas à la vie… Comme lui.

Cette attaque ne serait donc pas une tentative de meurtre, mais de suicide…

« Tu pense vraiment que c’est ça ? » Douta Ophiuchus.

- Les personnes comme ça sont rares lorsque l’on voit le monde à partir du pouvoir… Mais en tant que voleur, ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de tentatives. De plus, lui même à avouer n’avoir plus rien à faire de le vie.

Et ça, Kael ne le savait que trop bien. Il avait vu bon nombre de personne arriver à un stade dans leur vie où survivre leurs coûtait trop pour qu’ils réussissent à le faire.

Le voleur eut un gout amer dans la bouche alors qu’il se remémorait toutes les personnes qu’il avait vues faire une dernière mission suicide. Son coeur se serra, et il dut fermer les yeux pour se calmer.

Fut un temps où lui-aussi était arrivé à ce point… Heureusement, il avait réussi à être sauvé à temps.

« On forme un drôle de duo alors… Moi qui veut à tout prix vivre librement et toi qui as déjà voulu mourir »

- Pouvais-je vraiment me considérer comme libre, alors que je vivais sous le joug de la faim ? Répliqua Kael.

Un silence envahit doucement la pièce. Lys tenait fermement le visage de leur assaillant dans sa main, le regardant dans les yeux, tandis que le voleur plaquait toujours la dague d’Ophiuchus contre son cou.

- Est-ce vraiment d’argent et de renommé dont tu as besoin ? Questionna l’homme encapuchonné.

Il ne paraissait pas croire que ce n’était que pour ça que le mercenaire avait tenté d’assassiner Kael. Sûrement aurait-il abouti à la même conclusions que le jeune homme, s’il avait eu toutes les cartes en mains.

- Désormais, je n’ai besoin de rien.

Le voleur eut un petit haussement de sourcil avant d’ajouter :

- Si ce n’est que je te tue, n’est-ce pas ?

Le roux et Lys se figèrent brusquement, bien que ce ne fut pas pour les mêmes raisons. Le premier était sûrement surpris que Kael ait trouvé la véritable raison de cette attaque, alors que le second devait être dans l’incompréhension la plus totale. En tant que noble, il n’avait dû rencontrer que très rarement - voir pas - ce genre de situation.

« C’est un noble » Confirma Ophiuchus.

- Si c’est ce que tu penses, alors qu’attends-tu pour me tuer ? Le provoqua le mercenaire.

Kael serra son poing - celui qui ne tenait pas la dague - et changea de sujet de conversation.

La réponse à cette question était simple ; Il n’avait ni la force, ni le courage de le faire. Il avait bien sûr déjà dû affronter des soldats ou des mercenaires. Mais les tuer lui serait impossible.

Pas après Aymeric. Surtout pas après lui.

 

 

Lys se posa finalement sur le lit de Kael.

Le soleil commençait à se lever derrière les rideaux ; Plusieurs heures venaient de se passer. Le voleur tenait toujours son agresseur par le cou, celui-ci n’ayant rien tenté.

Chacun commençait à s’impatienter face aux manques d’actions des autres, alors qu’aucun ne se décidait à faire quoi que ce soit.

Lys et Kael avaient tenté à plusieurs reprises d’écoper des réponses sur ce qui se passait du côté des nobles et des mercenaires, mais ils n’avaient malheureusement obtenu aucune réponse qui puisse satisfaire leur curiosité.

- Pourquoi t’obstine-tu ainsi à garder le mystère ? Insista Lys, Qu’est-ce qui t’empêche réellement de tout nous avouer ?

Il devait sûrement refuser de croire que c’était par simple esprit de contradiction. Kael, de son côté, le croyait. La plupart des mercenaires étaient dotés d’un orgueil sans pareil - presque égal à celui d’un noble.

Le roux leva les yeux vers l’homme encapuchonné, avec calme, tout en choisissant de ne pas lui répondre.

- Je ne pense pas qu’il mente, rétorqua l’hôte du treizième signe, La détermination peut tout autant être causé par un but que par une idéalisation ou de l’orgueil.

« Pour une fois, je suis d’accord avec toi » Avoua Ophiuchus. « Il dit la vérité »

- Et pourquoi veux-tu à ce point mourir ? Continua d’interroger Lys.

Kael soupira. Son compagnon ne semblait pas décidé à changer de disque - même si cela faisait déjà plusieurs heures qu’il répétait ces questions.

- Pourquoi, toi, veux-tu vivre ? Répondit le mercenaire.

Un sourire s’esquissa sur le visage du voleur. Lui connaissait sa réponse à cette demande ; Il avait passé plusieurs années à trouver comment y répondre.

Et étrangement, Lys paraissait également savoir comment répondre.

- Parce que je dois aider Ophiuchus à rétablir un ordre plus juste, déclara-t-il.

Le roux arqua un sourcil.

- C’est très… idéaliste comme vision, commenta-t-il.

Kael eut un petit sourire. Peu à peu, Lys se dévoilait, et désormais, il ne cachait plus autant son but. Bien sûr, tout ça pouvait n’être que mensonge. Mais le jeune homme se plaisait à croire qu’un fin lien de camaraderie - si ce n’est de la confiance - commençait à se tisser entre eux. Tout comme avec le Serpentaire.

- Mais ce n’est pas pour me déplaire… Si j’ai perdu mon but dans la vie, c’est parce que, comme tu l’as dit précédemment, ce monde n’est pas assez juste, continua le mercenaire.

« Lui aussi, il me plait » Approuva Ophiuchus.

- Tu dis ça seulement parce qu’il a critiqué la manière de gouverner des Zodiaques, s’amusa Kael.

Décidément, le voleur était voué à rencontrer des personnes qui haïssaient les Zodiaques… Sûrement étaient-ils plus nombreux qu’il ne le paraissait.

- Et avec l’aide du Serpentaire, nous pouvons changer les gouvernements, Approfondit soudainement Lys.

Kael baisse les yeux. Ce plan ressemblait de plus en plus à celui d’Aymeric. Mais c’était également une des nombreuses raison qui l’avait convaincu de le suivre.

Ophiuchus peux instaurer un règne où la justice serait omniprésente.

Le voleur secoua négativement la tête, tentant en vain de dissiper ces souvenirs. Mais, ils continuaient de persister dans son esprit, lui rappelant celui qui avait été son plus grand allié.

Aymeric… En ce moment, tout avait la fâcheuse tendance à le lui rappeler. Mais il fallait préciser que Kael avait été lié à Ophiuchus, quinze ans, jour pour jour, après l’avoir rencontré… Et dix après sa mort.

Un gout amer envahit sa bouche. Mieux valait qu’il évite de se le remémorer … Ce ne serait que meilleur pour ses nerfs.

- Alors aide-nous, à la place de tenter vainement de mourir, proposa Lys.

Le mercenaire le regarda dans les yeux, paraissant essayer de percevoir la vérité dans ses yeux.

- Très bien, accepta-t-il finalement, Mais je veux gouverner une part du nouveau territoire.

Finalement, Lys était plus persuasif que Kael aurait pu le penser à première vue… Mais était-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Le voleur relâcha brusquement le cou du roux, avant de s’éloigner.

- J’ai besoin de prendre l’air, déclara-il froidement avant de quitter la salle.

Lys et le mercenaire semblaient avoir en eux le même optimiste et la même énergie dans leurs mouvements qu’Aymeric… Et cela dérangeait de plus en plus Kael.

Ensemble, ils paraissaient être le portrait craché de celui qui fut le meilleur ami que le jeune homme n’ait jamais pu avoir ; Cela ne faisait qu’attiser des sentiments qu’il avait pensé oubliés à jamais. Seulement, ceux-ci réapparaissaient avec une force que le voleur n’aurait jamais pu imaginer.

Mais grâce à eux, Kael savait qu’il ne faiblirait pas face aux Zodiaques.

Il s’en voulait déjà trop pour Aymeric ; Il ne pouvait pas en plus laisser passer cette opportunité d’accomplir son idéal.

 

 

Kael se glissa sur le cheval que Lys venait d’acheter et décida de profiter du reste du trajet pour faire connaissance avec le mercenaire.

Celui-ci se tenait avec aisance sur sa monture, bien qu’un peu moins bien que le troisième homme. Sa peau ressortait sous la lumière du soleil, alors que ses yeux brillaient ardemment - sûrement parce qu’il avait désormais un but.

« Il n’a pas été dur à convaincre »

- Les hommes les moins attachés à la vie n’ont généralement besoin que d’un but pour briller à nouveau. Lys s’est contenté de lui en trouver un, répondit avec détachement le voleur.

En effet, il était bien placé pour le savoir. Après tout, n’était-ce pas ce qui lui était arrivé, quinze ans plus tôt ?

Kael accéléra le pas de son cheval pour arriver à la hauteur du mercenaire, son but premier étant de faire connaissance - ou du moins apprendre son prénom et récupérer un minimum d’information sur lui.

Lorsqu’il arriva à côté de lui, le roux se retourna légèrement pour le regarder.

- On n’a pas fait les présentations, je me trompe ? Je suis Kael, l’hôte du treizième signe, Ophiuchus, commença le voleur.

- Je suis Côme, un mercenaire de quatorze ans, se présenta le jeune homme, C’est tout ce que tu as besoin de savoir ?

« Mercenaire à quatorze ans seulement ? » S’étonna le Serpentaire.

- La plupart des parents voleurs ou mercenaires ont une seule philosophie ; Plus leurs enfants commencent jeunes, plus ils seront doués.

Kael aussi, avait appris à voler dès son plus jeune âge. Pour la plupart, ce n’était qu’une question de survie.

- Si tu me racontais tes longues années de vies aussi, ça ne me dérangerait pas, plaisanta le voleur.

- Si tu insiste… Soupira le dénommé Côme.

Kael retint un sourire fier et préféra se concentrer sur les propos de son interlocuteur.

« Je suis né dans un petit village proche de la frontière entre Leo et Aries, au milieu du désert. Là-bas, on m’a tout de suite appris à être mercenaire, à tuer et à combattre. Seulement, il y a quelques semaines, Aries, sous le coup de la colère, à rasé mon village »

C’était donc là où il avait perdu conscience de la valeur de la vie… Mais ce que retint Kael, fut le fait qu’Aries eut détruit un village sous le coup de la colère.

« Ça lui ressemble bien… Toujours prompt à la destruction et à la guerre » Commenta le treizième signe.

- À ce point-là ? S’étonna Kael.

Mais après tout, c’était logique… Aymeric n’aurait pas voulu les détruire sans raison valable.

« Mais ce qui m’étonne le plus, personnellement, c’est que Côme soit si facile à faire parler »

- C’est parce qu’il ne nous dit pas tout. La première chose qu’on apprend aux mercenaires, c’est à mentir, expliqua le voleur.

Une chose que lui-même avait appris avant de savoir marcher. Les mensonges - tout comme la méfiance - étaient une des clés pour survivre sur Terre. Tout le monde le faisait ; La seule différence était que certains le faisait mieux ou plus souvent que d’autres.

« Et toi, je suppose que tu fais parti de la catégorie de ceux qui mente bien et souvent ? »

Kael eut un sourire triste. Oui, on pouvait dire qu’il mentait bien et souvent… Trop bien et trop souvent.

- Toi pas ? Demanda-t-il doucement.

« Moi ? Je ne sais pas trop…. J’aime dire que je préfère cacher une partie de la vérité plutôt que de mentir »

Kael se crispa. Finalement, même Ophiuchus avait des points communs avec Aymeric.

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