Chapitre 4 — Charlie

Après avoir abandonné Blaine dans la salle de bains, j'étais partie dans la boutique pour retrouver mes pères. Tous deux arrangeaient les vitrines avant ouverture et ils s'arrêtèrent en se tournant vers moi.

— Peut-être que vous aviez envie de me parler, lançai-je maladroitement.

Ils échangèrent un bref regard. Ils ne comprenaient probablement pas mon initiative. Mais je ne pouvais m'empêcher d'être sur la défensive pour tout et rien, surtout depuis quelques jours.

— Est-ce qu'il y a un problème avec Blaine ? s'enquit Ryan, très calmement.

— Non... Tout va bien. Mais on n'a pas eu le temps d'en parler hier et on est partis se coucher.

— Dans le fond, qu'est-ce qu'on pourrait vraiment dire ? On te fait confiance.

La situation était tellement improbable qu'il me fallait quelques secondes pour m'en rendre compte à chaque fois. Je m'attendais à ce que mes pères et toute ma famille m'en veuillent, mais j'avais faux sur toute la ligne.

— Désolé d'être un peu brusque mais je dois te poser une question à propos de Blaine.

Le ton de Frank était devenu bien plus grave et son regard inquiet ne me rassurait pas non plus.

— Bien sûr, acquiesçai-je à demi-voix.

— Est-ce que Blaine a été frappé par sa famille ?

Je pris une rapide inspiration puis retins mon souffle. Je savais la réalité derrière la famille de Blaine. Je n'avais jamais entendu parler de violences physiques, mais rien que le fait de l'évoquer me terrifia. Parce que je savais que c'était tout à fait vraisemblable.

— A priori, non, réussis-je à articuler. Enfin... Pas à ma connaissance. Mais sa famille... Son père est très strict.

Strict était un atroce euphémisme. Parce que je savais que c'était loin de n'être que ça. Après tout, c'était grâce à son père qu'on avait fini par se rapprocher et tout se dire, dehors alors qu'il faisait si froid. Je lui avais montré mes cicatrices, et lui aussi. Et là, l'étincelle nous avait éblouis...

— On a jugé Blaine comme le reste de sa famille, avoua Ryan dans un soupir. En même temps, il était dur d'en faire autrement. Il avait l'air de se comporter comme son père pendant des années. Alors, on l'a mis dans le même lot. Mais ce qu'on a vu de lui et d'hier, ça n'avait rien à voir avec l'image qu'on avait de lui. Je ne sais pas si c'est grâce à toi Charlie, mais il a changé, et d'une bonne manière.

— Je n'y suis pas pour grand-chose. Il avait déjà bien évolué quand on s'est rapproché... Je craignais de me faire avoir pendant un instant, mais ça n'a jamais été le cas.

Mes pères sourirent. Ils me croyaient. Ils me faisaient confiance. Je ne pensais jamais que cette situation se présenterait un jour et que ça serait aussi facile. Alors, je me jetai dans leur bras, les larmes aux yeux.

Au fil des années, j'avais un peu perdu confiance en eux. Je craignais leur réaction. Puis j'étais partie en France quelque temps. Et j'avais perdu mes repères pour mieux les retrouver. Maintenant, je me sentais presque en confiance pour leur avouer mes pires tracas, surtout ceux qui auraient pu m'enfoncer si je n'avais pas été bien entourée en France.

Peut-être que je devrais tenter de tout leur dire. Après tout, qu'est-ce qui pouvait être bien pire que de se marier avec le prétendu ennemi ?

— Tout va bien se passer Charlie, me rassura Frank. On est là quoi qu'il arrive et jamais on ne t'abandonnera, peu importe ce qui se passerait dans ta vie.

— Quand vous aurez un peu plus de temps, il va falloir que je vous parle de quelque chose... Parce que je ne pourrais pas garder ça plus longtemps.

Je baissai mon regard un instant et malgré ma voix à peine audible, ils comprirent où je voulais en venir et sourirent immédiatement.

— Est-ce que tu serais enceinte ? osa demander Ryan.

— Non ! Bien sûr que non ! réfutai-je aussitôt en relevant les yeux.

— Ne t'emballe pas, ce ne serait pas grave non plus.

Cette discussion me perturba un peu. Parce que jamais, ô grand jamais, l'idée de tomber enceinte ne m'avait traversé l'esprit. Et pourtant, ce n'était pas comme si nous ne nous étions pas adonnés à quelques plaisirs charnels. Heureusement, nous avions toujours pensé à nous protéger, alors il n'y avait quasiment pas de risque d'une surprise.

D'ailleurs, il était fort probable que mes pères aient compris que Blaine et moi, nous étions passés à l'acte. En même temps, ils ne s'en étaient pas trop effrayés quand ils nous avaient laissé dormir ensemble, la veille.

— Dis-nous quand tu seras prête pour parler, me rassura Ryan. On est à ta disposition quoi qu'il arrive.

Je les remerciai timidement et j'espérais sincèrement trouver rapidement du temps, juste histoire de pouvoir me décharger de tout ça. Parce que je vivais avec ces sautes d'humeur incontrôlables depuis bien trop longtemps. Et s'il y avait bien des personnes qui devaient être absolument au courant de ça, c'étaient bien mes parents.

Je quittai la boutique, le cœur un peu plus léger. Pour une fois, les choses se déroulaient si... simplement. C'était étrange, mais je préférais juste apprécier ce moment, sans trop me poser de questions. Qui sait ce que serait fait le lendemain ?

Je jetai un bref coup d'œil à mon téléphone et aperçus un nouveau message de Sydney. Ces derniers jours, nous avions à peine échangé. En même temps, tout s'était emballé si vite. Comme une tornade.

En un bref message, elle me proposait qu'on se voie, juste pour discuter autour d'un thé. J'acceptai, sans trop savoir quand j'aurais du temps. Mais je trouverai bien une petite heure à caser dans mon emploi du temps.

En plus, j'allais avoir plein de trucs à lui raconter, surtout de mon récent mariage avec Blaine. Elle allait m'en vouloir – gentiment – de ne pas l'avoir invité, mais en même temps... Peut-être qu'elle allait plus en rire au final.

Après tout, il fallait clairement trouver du positif dans cette situation. Certes, c'était encore assez compliqué pour Blaine. Mais il allait pouvoir s'affranchir de sa famille et nous n'aurions pu à nous cacher. Bientôt, nos problèmes ne feront plus que partie du passé.

Je le rejoignis dans le salon. Il avait un regard vide sur son téléphone et les sourcils légèrement froncés. Il ne m'entendit pas m'approcher de lui et remarqua seulement ma présence lorsque je posai ma main sur son épaule.

Avant même que j'eus le temps de lui demander ce qu'il se passait, il prit la parole :

— Kayla vient de m'envoyer un message... Ma mère lui a parlé de quelque chose, je ne sais pas quoi, et elle veut m'en parler. Ça a l'air assez urgent... et probablement assez grave.

— Tu veux aller la voir maintenant ?

— Je pense que mon père doit surveiller ses sorties, au cas où elle voudrait me recontacter...

Il passa une main dans ses cheveux tout en prenant une longue inspiration. Puis il posa son regard au loin et mordit sa lèvre inférieure, pensif.

— Je suis sûre que vous trouverez un moyen de vous voir sans que votre père le sache, tentai-je de le rassurer en posant ma tête sur son épaule.

— J'espère aussi...

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