Chapitre 40 : Vers Vanaheim

Contrairement à ce que leur orgueil prétendait, les dieux n’avaient pas dompté toutes choses. Ils en avaient seulement asservi un nombre suffisant pour en donner l’illusion.

A l’heure du trépas d’Odin, la lumière s’était enfoncée dans l’écume et avait déchiré les mailles du filet de Njörd, tissé de runes et d’essences. Dissimulé dans les ombres mouvantes, les créatures des Eaux avaient scruté la voûte du ciel.  Pourquoi le Soleil venait-il les sauver, tout à coup ? Pouvait-on croire son message ? L’astre du jour les avait abandonnés là où la reine de la nuit leur était restée loyale. Aux heures les plus terribles, sa myriade d’étincelantes courtisanes n’avait jamais cessé de parsemer l’Océan d’espoir et de beauté. Aussi, quand le peuple des Eaux l’interrogea, la lune lui chuchota de délaisser ses craintes, de les laisser sombrer dans les abysses, et de reprendre possession de son territoire pour que nul ne prétende plus à sa domination.

Perçu comme un autre de ces redoutés conquérants, le Skidbladnir endura les attaques des Vagues. Plusieurs nuits durant, les filles enragées de l’Océan se jetèrent sur lui et plantèrent dans sa coque leurs griffes de sel mais elles renoncèrent peu à peu à leur furie, lassées de cet adversaire qui ne s’affaiblissait pas plus qu’il ne se défendait. Le vaisseau fut bientôt accueilli en étranger, ni ennemi ni allié. Seulement toléré et étroitement surveillé.

Des sirènes rôdaient à ses alentours. Leurs nageoires irisées, décorées de perles, fendaient gracieusement les flots. Elles paraissaient danser avec les étoiles déposées sur la surface. La nuit, elles chantaient dans une langue défaite de mots et dont seul le cœur pouvait se souvenir. Sygn avait cru, dans un premier temps, qu’il s’agissait d’une mise en garde, d’une menace. Mais en réalité, elle ne le comprit que plus tard, les sirènes chantaient une complainte, elles narraient une tragédie. Leur douleur persistait dans l’écume et nappait la surface. Elles pleuraient une sœur disparue. Une jeune fille des Eaux.

Il y a très longtemps, bien avant que l’horizon ne sépare la mer du ciel, vivait une jeune fille dont la douceur et la beauté ravissaient l’Océan. Ses sœurs aimaient chanter avec les courtisanes de la Reine de Nacre mais la jeune fille, elle, n’avait d’yeux que pour le jour. Animée d’une passion sincère et entière, elle admirait en secret le roi du ciel, dont l’œil d’or saupoudrait les flots de trésor.

Un jour, le Soleil la remarqua. Il dansa avec elle, il para son cou blanc de bijoux, la flatta de ses chaudes caresses et lui promit de la faire reine. La jeune fille n’avait cure d’être souveraine tant qu’elle était sienne. A son bras, elle passa toute une saison à valser dans l’écume et à coucher sur le sable brûlant. A rêver, à aimer, à rire et à danser.

A l’automne, le Soleil devint distant. Il se retirait plus tôt du ciel et disparaissait souvent derrière les nuages que le vent poussait devant lui. Mais la jeune fille lui était si dévouée, qu’elle continuait de l’attendre sans jamais lui reprocher ses absences. Malheureusement, ainsi que l’avaient redouté ses sœurs, son doux rêve prit fin quand se révéla l’infidélité de l’être aimé.

Une telle trahison priva la jeune fille de sa raison. Condamnée par ce qui l’avait tant exaltée, elle s’arracha le cœur de la poitrine. Sorti de sa cage d’os, l’organe se vida de toute sa substance et lui glissa des mains. Il roula jusqu’au fond de la mer, là où rien ne le différenciait des autres pierres.

Le courant rendit la malheureuse dulcinée à l’Océan. Il la déposa sur son lit, dans son palais de corail, auprès de sa famille ; mais la joie que lui inspiraient autrefois ses sœurs et son peuple s’était envolée. Ni les chants de ses aînées, ni les jeux de ses cadettes ne ramenèrent la vie dans son regard vidé de lumière. La jeune fille, qui avait été si vive et si gaie s’éteignit quelque part, dans un recoin si lointainement enfoui qu’elle en oublia celui qu’elle avait tant désiré. Le ressac ramena entre ses doigts un galet, qu’elle prit pour son cœur perdu. Elle l’enfonça entre ses côtes et poussa un terrible hurlement qui résonna partout dans la mer.

Son agonie façonna le sable, et sculptée par le sel et l’eau de ses dernières larmes, naquit une déesse impétueuse et vengeresse qui s’élança vers la plage où le roi du ciel avait fauté. Ses rugissements s’entendirent jusque dans les nuages mais il ne lui prêta pas la moindre attention. La Grande Vague bondit plus haut et son cri retentit encore au-delà. Le Soleil ne vint pas et son épouse dont on disait la chevelure peinte par le vent, d’un revers dédaigneux, brisa sur l’arrête d’une falaise cette ancienne conquête trop véhémente.

Du haut de son trône, elle observa se former une marée d’écume qui priva le Soleil de son reflet. La reine des airs envoya une tempête pour la disperser. L’écume était chassée, mais le spectre de la jeune fille, continuait de secouer la surface du miroir d’eau. Il se mit à hanter les plages, les côtes et les falaises dans l’espoir qu’un jour, son amant descende à ses côtés.

 Pour l’aimer ou le noyer, Sygn n’aurait su le dire. La mélancolie du chant la persuadait peu de la possible rédemption de Sol. Qu’il ait un jour chéri la jeune fille ou non, il lui avait tourné le dos pour une autre. Qu’est-ce qui avait réellement tué la jeune fille ? D’avoir perdu son amour ou de comprendre que sans doute, ne l’avait-elle jamais eu ?

Minuscule au milieu des tourments de tout un monde, l’ambition du Skidbladnir paraissait bien vaine. Bien légère. N’importe quelle baleine, d’un coup de nageoire, aurait pu le faire basculer. Quelle différence ça aurait fait ? 

Assise à la naissance de la figure de proue, Sygn battait mollement des jambes au-dessus du vide. L'abattement l’emportait. A cause de ses doutes sur ce qu’ils trouveraient de l’autre côté de cette mer, mais aussi par ce qu’ils laissaient derrière eux. Ils n’avaient pas récupéré une offrande pour Freya. Ils l’avaient prises aux mains de Solveig en le lui payant par un chantage. Le souvenir de ces mains, ornées de bijoux glacés, glissant sur ses joues, sa nuque, sa poitrine et sa taille fit frissonner Sygn. La honte la submergeait. Rien dans ses actes ne lui ressemblaient et pourtant, elle les avait bien accomplis. C’était bien elle qui s’était glissée dans le lit de Solveig, elle qui avait juré milles choses en échange de caresses et de baisers, en échange d’un instant de répit. Autant qu’elle avait douté reconnaître Siegfried, à son retour de la Cité, elle doutait se reconnaître.  

Derrière, les lattes du pont trahirent l’hésitation d’une approche. Engoncé dans un col qui lui râpait les joues, Lokten marmonnait quelque chose. Ses lèvres se figèrent quand il releva la tête et réalisa qu’il avait été pris sur le fait.

« Je peux venir ? »

Sygn se décala pour lui offrir une place tout en reportant le regard vers la brume. Gêné par les cordes tendant la voile avant, Lokten dût se contorsionner pour la rejoindre. 

« Tu as froid ? demanda-t-il.

— Un peu.

— Oh. Moi aussi. »

Sygn secoua la tête sans mot dire. Amusée et abusée. Il essayait, au moins.

« J’ai pensé à quelque chose, annonça Lokten après quelques secondes d’un silence chargé d’incertitude. 

— A quoi as-tu pensé ?

— En fait, je voulais te demander quelque chose.

— Je t’écoute. Dis-moi. »

Les ongles de Lokten claquaient sur le bois. La lune bleuissait son teint et changeait ses yeux en perles de givre. La main de Sygn se posa sur ses phalanges contractées, qui se détendirent.

« Je voulais te demander si tu accepterais d’être ma sœur et moi, ton frère. »

Avec précaution, Sygn pivota vers lui. Une expression de tristesse alourdissait ses traits mais c’est une forme de gêne qui froissait sa bouche et ses sourcils. 

« J’ai déjà un grand frère, tu sais, dit-elle à mi-voix.

— Je ne te demande pas de choisir entre lui ou moi. »

Avant de se présenter, Lokten avait mûrement réfléchi, avait considéré chaque mot d’après les connaissances qu’il en avait. Pesé le pour et le contre. Le risque d’un refus comparé à la possibilité d’un oui. Le jeu en avait valu la chandelle, à ses yeux. Sygn commençait à le connaître, aussi, elle s’efforça de lui témoigner la même considération : 

« Un choix a déjà était fait et tu n’y es pour rien. C’est juste… cela s’est fait.  Bien avant qu’on te trouve, quelque chose s’est cassé avec Sieg’. Il n’est plus pareil, le frère que j’avais à disparu. »

C’était même pire. S’il avait seulement disparu, Sygn serait partie à sa recherche. Siegfried n’avait pas disparu, il avait changé. D’une manière irrémédiable, par l’œuvre de forces plus grandes et plus importantes que la sienne. Quelque chose s’était brisé, pour la simple et bonne raison que Sygn n’existait pas, pour le nouvel homme bâti à Alldrheim. Parce qu’il avait appris à taire le nom de sa sœur, Siegfried l’avait oubliée et parce qu’à côté de ce que lui offrait le monde, elle ne valait rien. Un serpent resserra ses anneaux dans le ventre de Sygn et l’étrangla. Elle avait longtemps cru partager un rêve avec son frère. Mais c’était faux. Tout ce qu’elle avait, c’était un second rôle dispensable dans sa grande aventure. Un élément détachable, un sceau de cire que l’on gratte. Elle était partie et Siegfried, il avait tout gardé, déjà tout remodelé. Et plus elle y pensait, plus l’évidence s’imposait. Ce mécanisme ne datait pas de la veille. Siegfried avait tout remodelé avant même de rentrer à la maison et c’est ce qu’il avait toujours fait. Dès son plus jeune âge, n’avait-il pas remodelé son nom ? Sigyn, dont il avait amputé une syllabe parce qu’elle ne lui convenait pas. Une syllabe que personne ne s’était donné la peine de recoller. Les défaites qu’il n’avait pas admises et parfois des heures, parfois des jours. Sygn avait seulement appris à le laisser gagner pour ne plus le contrarier. Il s’était goinfré de son admiration comme il se goinfrait des baies et des champignons qu’elle passait des jours à accumuler dans son panier en vue de préparer une confiture ou une soupe. Lui avait-il jamais demandé ce qu’elle ferait, ce qu’elle aurait aimé faire, sans lui ?  Sygn comprenait que s’il brillait tant, c’est parce qu’elle lui avait laissé toute la lumière. C’est ce qu’on lui avait appris à faire, après tout. A ne rien dire, quand il piétinait ses dessins dans la terre. A ne pas monter Spiegel en sa présence pour ne pas le vexer d'être un médiocre cavalier. Siegfried remodelait tout et tout se remodelait pour lui convenir. Sygn avait sa part, là-dedans, elle s’en rendait compte. Cela dit, elle lui en voulait. Siegfried était égoïste. Vaniteux. N’existait que sa propre route. Depuis sa naissance, Sygn l’y accompagnait et la seule fois où elle l’avait supplié de s’en écarter d’un pas, il l’avait rejetée dans le fossé, sans compromis, sans discussion. Parce qu’il ne supportait pas d’être dépassé. Qu’un instinct pût être plus clairvoyant que le sien.

« Avoir un frère, ça ne m’a pas rendu aussi heureuse que ça, je crois, dit Sygn avec un sourire triste. Je n’ai plus envie de ça. D’être la moitié de quelqu’un qui est déjà entier. Je ne veux pas d’un autre frère, Lokten. Je suis désolée. Vraiment désolée. »

            Le vent fouettait le visage de Sygn, déjà rongé par le sel. En fixant l’horizon, elle avait espéré y noyer sa peine, la remettre à l’Océan, la laisser s’y diluer parmi les milliers de tourments qu’il brassait déjà. Sans succès. Les vagues lui renvoyaient son chagrin en pleine face. Combien de fois avait-elle rêvé d’arpenter les mers en compagnie de Siegfried ? Combien de monstres s’étaient-ils apprêtés à croiser ?

Et pourquoi aurait-elle à y renoncer ?

« Mais tu sais, je crois que je préférerais largement avoir un ami. Qu’en dirais-tu ?

— Qu’est-ce que c’est, la différence ?

— Les amis se choisissent. Ils ne se subissent pas.

— Alors je crois que ça serait bien. Mieux, même, dit-il avec sérieux.

— Alors nous sommes amis. »

Ensemble, ils rejoignirent le pont. Lokten présentait tous les symptômes de l’épuisement mais Sygn le retint. C’est elle, cette fois, qui se trouva intimidée. 

« Je… je voulais te présenter des excuses, Lokten. Pour la façon dont je t’ai traité, là-bas, fit-elle en désignant un point derrière eux, caché dans la brume. J'étais en colère.

— Ce n’est rien.

— Tu avais besoin de quelqu’un pour… 

— Tu as fermé assez de mes plaies, Sygn. J’ai une dette envers toi.

— Les amis n’ont pas ce genre de dettes. Ils ne comptent pas les points. Ils sont simplement là.

— Quand tu auras une plaie, c’est moi qui viendrais la soigner.

— Tu viens déjà d’en guérir une. »

            Lokten fronça les sourcils, avec une incompréhension évidente. Cette nuit-là, il s’endormit, apaisé par une chaleur qu’il ne parvint pas à éprouver au travers de sa main mais qui, en dépit des courants d’air qui rampaient sous la porte de la cabine, ne le quittait pas. Bercé dans son hamac, les bras pendants de part et d’autre, il glissa dans les eaux d’un Fleuve calme.

            Sur le pont, la morsure saline des flots persistait. Toutefois, Sygn s’en trouva moins incommodée. A l’écart de ses compagnons de voyage, elle avait enfin expié des larmes trop longtemps retenues. D’autres viendraient plus tard, certainement, mais pour l’heure, elle était lessivée de toute émotion.

            Dans le froid, l'extrémité de ses membres s’engourdissait. De la fatigue que Sygn se contenta d’ignorer. Un autre problème devait encore se résoudre. Celui de ses mains, celui de cette magie qui sommeillait et qui répondait aléatoirement aux sollicitations. Pourquoi ne s’était-elle pas manifestée quand Viggo l’avait empoignée ? Une sorcière incapable de se défendre, ce devait être une preuve de décadence de l’espèce, railla-t-elle intérieurement. 

            « L’enchanteresse domptait les démons, ma tante cultivait l’éternelle jouvence, ma mère règne sur toute une forêt. Et moi ? Rien du tout. »

            Pourquoi Torunn ne lui avait-elle appris qu’à reconnaître quelques plantes ?

Pour que la magie serve Siegfried sans risquer de le surpasser.

Parce que le monde se remodelait sur le passage de Siegfried.

Sur l’ordre de Torunn.

 

            « Vous paraissez bien morne ce soir, lança Loki tandis qu’il s’approchait, les mains croisées dans le dos.

— Vous ne dormez pas.

— Pas plus que vous. Mais tous les deux, nous avons déjà eu cette conversation.

— Sauf qu’à présent, vous savez comment vaincre tous ces cauchemars.

— Le puis-je vraiment ?  Alors qu’ils sont si profondément ancrés ? »

            Il sembla que Loki aussi, se trouvait en proie aux tourments d’une introspection nocturne. Lèvres pincées, son regard allait bien au-delà de l’horizon. Il prit appui sur le bastingage. Son corps gracile avait perdu sa légèreté du trajet vers Nidavellir. Il incarnait désormais un piquet, fermement ancré, mais tordu par la tempête.

« Je n’ai pas aimé faire cela à Solveig, confessa-t-il. Je n’ai pas aimé la manière dont se sont déroulés les événements. »

            Le jour, un éclat soleil embrasait les yeux de Loki mais la nuit, la lune se reflétait sur sa peau diaphane, nacrant les plus infimes reliefs de ses veines. De sa présence, émanait une grande froideur, plus glaçante que les courants d’airs ou ceux de l’eau. Une froideur pareille à celle d’un bain de glace.

« Vous avez fait preuve d’intelligence pour tous nous tirer indemnes de cet endroit. 

— Ce pourrait être réconfortant si je ne vous avais pas emmené là-bas en sachant qui y trouver. Je savais que Solveig mordrait à l’hameçon car je savais aussi ce que mon nom attiserait en elle. La souffrance m’entoure parce que je la sème.

— Je crois… je crois qu’elle est partout, que vous soyez là ou non. Elle est juste là, comme une grande toile d’araignée collante, à laquelle nous participons tous et dans laquelle nous sommes tout aussi nombreux à nous empêtrer. 

— Quoi qu’un peu pessimiste, vous êtes intelligente, vous aussi. Naturellement, il est plus évident de s’en rendre compte lorsque vous ne vous noyez par dans la stupidité de votre frère. 

— Mon frère a été stupide mais il est injuste de le réduire à cela. Mon frère n’est qu’un homme, et il n’est pas le premier à se laisser corrompre par des rêves de grandeurs. 

— Vous lui témoignez un respect étonnant. »

            D’un soupir, Sygn préféra balayer cette conversation. Elle ne désirait pas que d’autres s’approprient le sujet Siegfried. Ils ne le connaissaient pas, ils ne pouvaient pas le juger correctement.

« Que trouverons-nous, au-delà de cette mer ? 

— Vous concernant, il se pourrait bien que vous retrouviez votre mère, là-bas. Elle est certes vane, mais l’accueil qui lui a été fait à Asgard l’y aurait poussée de toutes manières.

— J’espère que retrouver son foyer l’apaisera. 

— J’en doute, pour être tout à fait honnête. Votre mère, en se présentant à Asgard, a exigé un nom et une tête. Elle ne lâchera pas le morceau.

— Que reste-t-il vraiment du royaume des Vanes ?

— Vanaheim a été pillé, déclara Loki avec le regret d’un messager délivrant de mauvaises nouvelles. Les vanes ont été massacrés et les rares survivants sont devenus les captifs d’Odin. Libérés de son emprise, je sais qu’ils se sont mis en quête de leur ancienne demeure. Ils ont dû partir juste après moi, à la suite des funérailles du Vieux. Mais je ne peux vous dire ce qu’il reste aujourd’hui de leur pays. J’ignore même s’ils auront le cœur à vivre longtemps là où tous les leurs sont morts. Je crains que de la splendeur passée de Vanaheim, ne reste qu’un mausolée dans le meilleur des cas et un charnier, dans le pire, hanté par les affres du passé. »

            Les vanes s’en étaient retournés à la terre, pour nourrir celle qui les avaient gâtés. Les plantes avaient dû recouvrir les édifices, les palais et les statues, dans une vaine tentative de protéger cet héritage dépourvu d’héritier. Vanaheim se réjouirait-elle de retrouver ses anciens maîtres, ou serait-elle devenue sauvage, rendue folle par l’abandon ?

Sygn peinait à imaginer un royaume, si longtemps livré à lui-même. Elle s'emmitoufla un peu plus dans sa veste, tremblante à l’idée de pénétrer un tel territoire, hanté par le Souvenir de la Mort.

« Vous avez froid ? » demanda Loki bien que le nez rougi et les mains bleutées de Sygn donnaient une réponse évidente. 

« Venez. »

Il déploya sa cape et la sorcière ne se fit pas prier pour s’y fondre. Ce n’était pas très différent que d’être sous une peau de loup, près d’un feu de cheminée. Il y faisait chaud et dans ce cocon, les muscles crispés se relâchaient et les pensées obscures se dissipaient. Une barrière après l’autre, l’épuisement eut bientôt raison de la retenue. La tête de Sygn bascula doucement contre l’épaule osseuse de Loki, et, après une hésitation, il referma cette étreinte en déposant son menton mal rasé sur les cheveux bruns de la sorcière.

 

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Grande_Roberte
Posté le 02/05/2025
J'aime beaucoup ce chapitre, même si cette fois j'aurais une petite chose à redire 🙈
- La description de la mer est juste in-cro-yable : je suis bluffée à chaque fois par ta capacité à donner de la force aux paysages.
- Lokten et Sygn : le dialogue a un très bon potentiel, mais personnellement j'aurais encore approfondi le malaise que Sygn ressent à l'évocation du frère, statut qu'elle refuse à son compagnon de route pour des raisons qui ne sont pas suffisamment expliquées à mon sens. Sa relation à son frère est si complexe, qu'elle n'a nul besoin d'en avoir un autre. Un frère qui étend son ombre sur elle depuis qu'elle est petite, qui prend toute la lumière, qui ne se doute jamais de rien la concernant, entier mais égocentrique de droit (le droit du frère), et son propre prénom qui en fait l’éternelle Seconde... en proposant à Lokten le statut d'ami, elle ne lui offre pas un lot de consolation mais un partage véritable.
- Loki est parfait dans cette fin de chapitre, malgré son statut de dieu, il traite Sygn en égale.
Banditarken
Posté le 03/05/2025
Hey !
C'est tres important pour moi, tu sais, ces "petites choses que tu as à redire" 😁
Je vois bien ce que tu veux dire, concernant ce dialogue. Pour être honnête, il a une dimension un peu "autobiographique", comme la relation Sygn / Siegfried, d'ailleurs 😅😶 et je crois que ça a effectiviement un peu trop influencer l'écriture. Tu as raison, il y a des points qui relèvent de l'intrigue qui sont complètement occultes. Après, j'avais envie que Sygn garde pour elle certaine chose. Qu'elle garde un peu pour elle certains trucs, le temps de délibérer dessus. Après tout, Siegfried lui a assez pris pour que maintenant, elle ne veuille plus tout partager. Alors les points que tu soulèves, et qui sont tres pertinents d'ailleurs, je pense que ce serait plus judicieux, à la réécriture, de les évoquer dans les pensées de Sygn que dans le dialogue réellement. Mais merci en tous cas de cette remarque ! 😊
Grande_Roberte
Posté le 03/05/2025
Oui, parfaitement ! elle n'est pas obligée de faire entièrement confiance à Lokten juste parce qu'il vient vers elleˆˆ
En faire part aux lecteurs et lectrices, en leur ouvrant les pensées de Sygn, c'est une sage option :)
Grande_Roberte
Posté le 11/05/2025
J'ajoute que j'apprécie beaucoup les insertions narratives de légendes, et c'est particulièrement au cours des voyages, lorsque les gens sont "coincés" à bord d'un bateau, qu'il est judicieux de les placer. Ces histoires animent une traversée !

PS : je reprends ma lecture, il faut que je me remette "dans le bain" ˆˆ
Banditarken
Posté le 30/05/2025
Hey ! je te fais juste un petit message par ici. Ajd, je viens de retravailler ce chapitre et il a pris une tournure toute autre. Pas tant dans le sens, mais dans la forme. Tes remarques m'y ont vraiment aidée et c'est pour ça que je voulais te remercier !
Tu avais raison, le discours et les pensées de Sygn méritaient d'être étoffés et finalement, je suis assez fière (c'est rare), du résultat. + j'ai aussi pimpé la partie "légende autour de la sirène et du soleil", qui, étant donné son importance pour la suite et fin du récit, avait bien besoin d'un petit coup de boost. Merci encore !
C'est le seul chapitre que j'ai re-posté dans sa version plus travaillée parce qu'il méritait. Merci encore à toi ! :)
Grande_Roberte
Posté le 01/06/2025
Bravo ! Je suis contente que tu aies trouvé une forme dont tu sois fière ! je lirai ce nouveau chapitre quand j'aurai tout commenté jusqu'à la fin, j'espère que tu n'auras pas trop à attendreˆˆ
Banditarken
Posté le 01/06/2025
Coucou !
ah non mais je vais pas en plus te demander de le lire en double 😭😭😭 c'était vraiment pour te remercier ! D'ailleurs j'ai presque honte en voyant tes commentaires et retours hyper détaillés, alors que les miens étaient débiles +++
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