Boum-boum.
Boum-boum.
Boum-boum.
J’entends mon coeur battre dans mes oreilles.
Et cela depuis que je me suis cachée dans les gradins et que je suis entrée discrètement dans les vestiaires pour remplir les gourdes des joueurs et disposés des petits encas pour leur donner de l’énergie.
Je suis enveloppée dans l’écho des échanges de volley-ball et pourtant mes jambes me démangent. Je ne vois pas assez bien, j’ai envie de retrouver ma place à côté de mon père et de lui donner des coups de tablette. Il ne voit pas qu’Isaac est presque à bout ? Le sol résonne au rythme des encouragements des supporters et des chaussures qui martèlent le parquet. A chaque action, où je perçois qu’Owen peut se retourner, je me tasse et deviens invisible.
Je sais que les gens me regardent et se demandent pourquoi je ne suis pas à ma place habituelle. La raison est simple : je ne veux pas les perturber avant la fin du match. Et ce ne serait pas bien de me pointer comme une fleur en les laissant s’imaginer tout et n’improte quoi. L’anonymat dans les gradins n’est pas facile pour moi, même si je me glisse entre les supporters passionnés, que chaque pas est calculé pour ne pas attirer l’attention mais c’est une bataille pedue puisqu’il a toujours une personne qui murmure : “C’est pas la fille du coach ?”. Alors, déjà la fille du coach à un prénom et ensuite elle aimerait être discrète donc fermez-là.
Bon…
Niveau discrétion, je dois repasser puiisque je ne peux pas m’empêcher de mitrailler mon papa de SMS pour lui dire de modifier sa stratégie et de remplacer Isaac qui va s’écrouler dans une seconde. Je commente tous par message, chaque action, chaque échange, je les absorbe comme une éponge. J’observe tous les échanges de loin, je connais mes joueurs sur le bout des doigts Les nuances de chaque sourire, de chaque grimace de concentration. Je n’ose même pas cliquer des yeux, ayant peur de louper une action décisive. Mon coeur bat en rythme avec les actions du match. Ce deuxième set est vraiment à couper le souffle, le jeu est serré, chaque point gagné ou perdu fait monter la tension dans le gymnase.
Je retiens mon souffle à chaque saut, chaque coup. C’est comme si j’en ressenrais les échos dans mon propre corps. Les garçons commencent vraiment à être fatigués, je le vois, ils sont de plus en plus lents dans leurs mouvements et réflexions. Je ne peux m’empêcher de me demander si Owen se doute que je suis là. Si d’une manière subtil, il ressent autant moi sa présence dans une pièce. Les points s’enchaînent et pourtant les deux équipes ne lâchent rien. Soudain, une vague d’excitation submerge la foule.
C’est une nouvelle fois un moment crucial.
Mes yeux s’élargissent alors que je suis l’action qui pourrait permettre de nous mener à la victoire. Tiago est au service mais les Shark ont réagit trop vite, leur réponse est brouillon. Je vois le coup d’oeil que lance Isaac à son équipe pour décider qui aura la lourde tâche de renvoyer sa balle. Et c’est Owen qu’il choisit. Il plonge, frappe, et le ballon traverse le filet dans une trajectoire parfaite.
Le sifflet final retentit tout comme l’éclat de victoire que prend la foule.
J’en oublie ma discrétion, je saute de joie et ce n’est que lorsque je croise son regard que je sais qu’il m’a remarqué. Les gradins se vident doucement et je me sens irrémédiablement attirée par lui, si je n’avais pas autant le vertige et la peur des escaliers je descendrais sans regarder où je mets les pieds. Je prends mon temps et je m’assure de ne pas trébucher. Les cris de joie résonnent dans le gymnase, tous les joueurs sautent dans les bras des autres et pourtant son regard ne me quitte pas.
J’avale ma salive.
Purée, je ne m’attendais pas à être aussi nerveuse.
J’ai chaud.
Je vois trouble.
Je n’ai pas l’habitude de faire le premier pas.
J’ai mal au ventre, purée.
Mon sweat noir me démange.
Tant mieux, je devais de toute manière l’enlever.
Purée, Manon, dans quoi tu t’es encore fourrée ?
Du courage, Manon.
Il te faut du courage !
Je fais glisser la fermeture révélant le t-shirt que je porte en-dessous. J’ai maintenant atteint le banc de l’équipe et en profite pour lancer mon gilet qui me gêne. Je le récupérais plus tard. Je me décide enfin à relever les yeux, il m’attend au centre du terrain, ne bouge pas. Et je me retiens du mieux que je peux pour ne pas lui courir dans les bras.
On est pas dans un de tes k-drama, Manon !
Mais il sourit comme un débile. Et je pense avoir la même tête que lui à cet instant. Je sais que ce n’est pas le moment, que je dois lui expliquer toute la situation, m’excuser parce que j’ai merdé. Cependant, je suis tellement contente de le voir que je ne contrôle pas les muscles de mon visage. Je me plante devant lui et dit timidement :
- Salut…
- Salut trésor, répond-il d’une voix rauque. Tu m’as manqué.
- Toi…
Et il se fait emporter par la vague des joueurs qui sortent du terrain. J’en suis bientôt la prochaine victime, ce qui me fait atteindre le couloir menant aux vestiaires. Les rires et les applaudissements résonnent avant que je ne me retrouve dans les bras transpirants de tous les joueurs.
- Manon, tu es venue ! dit Elyas en me courant dessus avant d’effectuer une roulade.
Comment il fait pour avoir encore de l’énergie ?
- Je le savais ! continue Tiago.
- Je l’ai deviné aux gourdes bien frâiches dans le vestiaire, reprend Christian.
- Tu as enfin retrouvé la raison ptite soeur ? demande Isaac avant de frotter ma tête affectueuse, me décoiffant par la même occasion.
- Vous puez les gars, laissez-moi un peu respirer.
Ce n’est que lorsque je me recule qu’ils se rendent compte de ce que je porte en haut. Sans aucune délicatesse, les joueurs saisissent mes bras et me font me retourner.
- TU PORTES LE MAILLOT DE DAICHI ? s’exclament-ils tous en coeur.
Et je sens que je rougis.
Parce que oui je porte son fichu maillot.
Que j’avais un peu caché quand il l’avait apporté chez moi.
Et j’avoue l’avoir senti une tout petit peu parce que son odeur me manquait…
Mais bon ça personne ne doit le savoir.
Je n’ai pas le temps de répondre que je sens qu’on tire sur mon poignet pour m’attirer dans une autre pièce. L’espace est vide. Et je me retrouve à moins de vingt centimètres d’Owen et tout ce que je voulais lui dire s’envole. Je ne pense qu’à notre proximité, à sa main chaude toujours sur moi.
Je sursaute quand il soulève mon menton pour m’obliger à le regarder.
- Tu as mis mon maillot, trésor.
J’hoche la tête, c’est la seule chose dont mon cerveau est capable à cet instant. Je sens chaque millimètre de ma main s’éveiller à sa proximité.
- Qu’est-ce que cela signifie ? dit-il en ne lâchant pas sa prise sur mon menton.
Je voudrais répondre mais je suis dans un état total de déconnexion, je ne pense qu'à la tension que je sens grandir dans mon bas ventre. La conversation s’éteint laissant la pièce remplit de mots non dits. Owen sourit, de la plus belle des manières, un sourire qui éclaire son visage et envoie des frissons le long de mon échine. Tous mes sens sont complètement court circuités. Il s’approche encore plus. Laissant une distance minimale entre nous. Je me retiens de mordre ma lèvre inférieure et de laisser mes désirs prendre le dessus.
Sauf qu’il le voit et un sourire espiègle traverse son visage. Enfin, je pense. Puisque quelques secondes après sa bouche fond sur moi. Il m’embrasse plus fort que jamais. Et j’en fais de même, je réponds à son baiser avec la même passion, rattrapée par toutes ces semaines où il m’a manqué. J’ai l’impression d’enfin respirer alors que je suis dans ses bras. Ses mains se glissent sous son maillot et j’agrippe ses épaules comme si je pouvais m’effondrer à chaque instant.
Bien trop vite, il arrache sa bouche à la mienne et murmure :
- Qu’est-ce que cela signifie ?
Ma lèvre tremble. Je sais que mon regard lui transmet toute l’angoisse que je ressens à cet instant précis.
- Que tu es à moi, je fais une courte pause de quelques secondes. Et inversement. Que je te demande pardon parce que j’ai légèrement dramatisé, que je suis bête, que j’ai cru les paroles de personnes que je n’aurais jamais dû écouter, que je suis nulle vraiment… Vraiment nulle de t’avoir mise de côté et t’avoir interdit de venir me parler. Que j’ai lu des centaines de romances mais que la seule que je veux vivre c’est avec toi. Que j’ai regardé Your Lie in April et que j’ai compris que tu m’ai…m’appréciais depuis longtemps.
- Respire Man-Man… Je ne t…
- Je suis désolée de nous avoir infligé ça. J’étais persuadée que tu me détestais et tu en avais tous les droits. Ton père m’a dit que c’était de ma faute si tes parents s’étaient séparés, que je ruinais tes performances et que si je t’aimais je devraIs te quitter. Et j’avais tellement peur de t’empêcher de réaliser ton rêve. Et puis aussi, je me disais que c’était forcément passager comment tu pouvais m’apprécier comme ça sur le long terme ?
Il lève sa main pour que je me taise, puis déglutis une fois, puis deux.
- Ce salaud n’a pas le droit de te parler. Mes parents se sont séparés parce que c’était un connard violent envers sa femme et son fils, qui préférait que son fils s’évanouisse en s’entraînant plutôt que de jouer comme un enfant normal Je ne t’autoriserais jamais à écouter ce que ce fils de pute te dit. Je suis désolé, j’ai merdé, j’aurais dû t’en parler depuis longtemps.
- Je…
- Je n’ai pas terminé. Deuxièmement mon rêve c’est toi, Tu es mon premier choix depuis le début, tu ne l’as toujours pas compris ?
- Je suis désolée… Je suis tellement désolée pour tout.
Ok, ce n’est pas très inspirée.
Qu’est-ce qu’il m’a manqué et suite à ce constat, je suis à deux doigts de pleurer. Parce que je suis terrifiée. Terrifiée de l’avoir perdu à jamais. Que malgré l’attirance plus que flagrante que je sens contre ma cuisse, qu’il me déteste pour l’avoir éloigné.
- Arrête de te tracasser, en ce qui me concerne on a jamais rompu et je n’ai rien a te pardonner.
- C’est vrai que sémantiquement je refusais de dire que j’étais ta copine.
Il resserre l’étaut que forme sa main contre ma peau.
- Je pense que tu ne l’as pas compris, tu es ma copine et rien de ce que tu ne pourras me dire ne me fera changer d’avis.
J’ouvre grand la bouche mais rien n’en sort. Je fronce les sourcils parce que j’ai tout de même un petit doute qui subsiste. Il embrasse une fois, puis deux, puis trois le plis que forme mes sourcils froncés.
- Qu’est-ce que je peux te dire pour te convaincre ?
- Dis-moi que tu es toujours à moi. Dis-moi qu’on ira bien, même si je perds la tête et que je doute. Dis-moi que ce n’est pas de ma faute. Dis-moi que je suis tout ce que tu veux.
- Manon, tu es ma putain d’évidence, tu as marqué dès le service, tu es mon putain d’ace.
Et pour une fois, je décide de le croire. J'acquiesce parce que je veux le croire, que j’ai confiance en lui même si j’ai encore peur de le perdre à chaque instant. J’acquiesce parce que pour lui j’accepte de mettre mon coeur en jeu, parce qu’aimer c’est aussi prendre un risque.
Il se recule et soupire :
- On devrait y retourner, les autres doivent nous attendre, dit-il en déposant un léger baiser sur mon front.
Je le suis sans discuter, bien trop hébétée pour trouver un sujet de conversation. Nous venons de traverser la porte des vestiaires et ce n’est que lorsque j’entends les rires de nos joueurs que j’ai un éclair de génie.
- Owen ?
- Oui, trésor ?, dit-il sans se retourner.
- Je t’aime.
Sans pouvoir reprendre mon souffle, je me retrouve plaquer contre un casier dans un bruit assourdissant. Un souffle retenu, un soupir partagé et nous sommes une nouvelle fois perdus l’un dans l’autre. Mes mains se glissent dans ses cheveux le rapprochant encore plus. Nos souffles se mélangent, je sens les battements de son coeur se mêler au mien. Il s’interrompt bien trop vite et colle son front au mien. Sa bouche est trop proche, j’entends sa respiration haletante.
- Redis-le, dit-il en plongeant ses yeux dans les miens.
- Il faut le mériter, soit champion en titre de volley-ball et on verra.
Et je ne peux m’empêcher mon sourire mutin de grandir.
- Je ne sais pas si te voir avec mon maillot me donne envie de te déshabiller tout de suite ou de te prendre rien qu’avec ça sur le dos, me chuchote-t-il.
- On vous a déjà dit que ce n’était pas discret de se rouler des patins derrière un casier ! Bordel, louer une chambre, s’écrit Isaac.