Chapitre 48 : Le livre des origines – Lois

En plein milieu de la guerre, Malika me rendit visite. Je ne fus pas surpris mais tout de même agacé qu’elle connaisse l’emplacement de notre refuge.

- Que me vaut l'honneur de votre présence parmi nous ? demandai-je en me forçant à adopter un ton convivial.

Après tout, bientôt, elle serait morte. Un peu de politesse ne me coûtait rien.

- Souhaitez-vous que nous discutions d'une alliance entre nos deux organisations ? demanda-t-elle.

C’était une bonne idée. Ainsi, après sa mort, ses filles désœuvrées se tourneraient vers moi. Excellent !

- Ce n'est pas à moi d'en décider mais à notre communauté, précisai-je.

- Si celui qui est nommé le Maître de l'Atlantide ne commande pas… murmura Malika d'un ton moqueur.

Je grinçai des dents. Juliette avait choisi un mode de vie non pyramidal et alors ? Qu’elle se prenne pour une reine ne lui donnait pas le droit de se montrer condescendante. Je ravalai ma rage. Elle mourrait dès la fin de la guerre. Je priai pour qu’elle soit rapide.

- Mais soit, poursuivit-elle. Expliquez-moi comment procéder.

Un conseil fut monté. Chacun put s’exprimer. Malika ne cacha pas son ennui ni son agacement devant cette suite interminable de palabres. Je lui aurais volontiers arraché le cœur de mes propres mains si une dizaine de ses filles ne l’escortaient pas.

- Tout d’abord, commença Spike, un averti aux cheveux blancs, je propose d’élargir la loi de paix à nos futures alliées.

- Nous ne comptons pas vous tuer, assura Malika.

- Vous n’avez pourtant pas hésité à le faire. Nous ne sommes pas aveugles. Nombre de nos amis ont disparu.

- Aucune prêtresse du mal ne doit tuer d’averti ! proposa une voix dans l’assemblée.

- Parce qu’un averti, lui, peut tuer une de mes filles s’il le souhaite ? cingla Malika.

- Aucun Vampire ne peut en tuer un autre, corrigea Spike.

J’espérais que cette règle ne passerait pas. Je ne désirais pas que Félix devienne un hors la loi.

- Mes filles vont exterminer des Vampires, rappela Malika.

- Aucun Vampire ne doit tuer un Vampire au contrôle, corrigea Spike.

- Et si un parvenu tue un averti ? Le pauvre ne sait même pas que cette règle existe ! dit quelqu’un dans la foule.

- Aucun Vampire qui connaît cette règle ne doit tuer un Vampire au contrôle, proposa Spike.

Voilà qui me convenait totalement. Félix ignorait l’existence de cette loi. Il pouvait assassiner les Aars sans devenir un criminel. Parfait.

- Super, maugréa Malika et son ton ne laissait aucun doute sur l’ironie intense portée par ce simple mot.

Je me demandai, agacée, ce qu’elle avait à en redire.

- Alors permettez-moi de vous poser trois questions. 1) Comment le meurtre est-il démontré ? Je rappelle qu’aucun cadavre ne viendra éveiller les soupçons. 2) Comment retrouvez-vous le coupable ? 3) Même s’il est confondu, que risque-t-il ?

- La mort ! hurla quelqu’un dans l’assemblée en oubliant les deux premières questions.

Malika secoua la tête.

- Qui va tuer ce criminel puisqu’il est interdit de tuer un Vampire au contrôle ? soupira Malika.

Je compris que les discussions seraient longues. Finalement, la première règle fut énoncée :

 

La paix : aucun Vampire n’ayant eu connaissance de cette loi ne doit tuer un Vampire au contrôle (exception faite des miliciens dans l’exercice de leurs fonctions)

 

En cas de non respect, la punition était la mort. Malika avait eu beau s’opposer, il n’y avait rien eu à faire. Elle soupirait ouvertement mais accepta la décision finale en levant les yeux au ciel.

 

La descendance : Tout enfant doit être formé.

 

Au départ, les avertis voulaient purement et simplement interdire aux Vampires d'être créateur mais Malika avait hurlé sur le fait que jamais il ne fallait interdire à un Vampire de procréer, que les conséquences étaient trop graves sans révéler lesquelles. Je n'avais pas relevé. J’avais longuement interdit à Juliette de procréer et ça n'avait pas spécialement posé de problème. De plus, je n'ai jamais crée de petits depuis que je contrôle ma procréation et n'en souffre nullement. Je ne m’opposai pas. Après tout, ces règles pourraient être revues après la mort de Malika. Inutile de trop s’attarder dessus. Ce n’était qu’un écran de fumée.

La présence de cette règle de formation ne posa aucun souci, déjà parce qu'elle existait déjà avant de manière non officielle mais également parce qu'aucun Vampire n'est tenu de former lui-même son petit. Les temples offrent une école de Vampires qui serait remise en route dès la fin de la guerre. Le consensus sur le danger de permettre aux humains de s'entraîner sur des petits Vampires avait été aisé à obtenir.

En revanche, les conséquences en cas de non-respect de cette règle avaient crée des débats interminables. Que la descendance soit tuée était une évidence pour tous. En revanche, que faire du créateur hors la loi ? Malika avait créé un tollé en proposant de ne rien faire. Je n’y vis qu’une immense preuve de faiblesse.

Malika argua que retrouver le créateur pouvait s'avérer compliqué et serait preneur en temps, en énergie et en homme. Les avertis proposèrent de se charger de cette lourde tâche d'enquête. Malika accepta dans un soupire indiquant clairement à quel point elle trouvait cela ridicule. Une fois le créateur trouvé, les avertis proposèrent de le tuer, purement et simplement. Malika eut beau hurler, crier, s'opposer, rien n'y fit et finalement, je fus heureux de constater que mes avertis eurent le dessus. À quoi bon mettre des règles en place si aucun moyen n'était donné de les faire respecter ? Ne restait qu'à monter la milice interne chargée des enquêtes et de tuer les coupables. Malika voulut s'opposer mais nul ne l'écouta et elle finit par se murer dans un silence exaspéré.

 

L'anonymat : Les Vampires doivent rester discrets.

 

Aucune difficulté à faire accepter cette règle. Les humains seraient d'autant plus faciles à combattre s'ils ignoraient lutter. À leurs yeux, les Vampires auraient tous disparus à la fin de la guerre et il suffisait de les maintenir dans cette croyance pour que le danger soit éliminé.

En revanche, les modalités d'application furent bien plus compliquées à accorder. Que faire en cas de non application de cette règle ? Que signifiait exactement discret ? Aucune réponse ne fut donnée. Les débats coururent sans que cela ne m’alarme. La guerre durerait encore assez longtemps pour que les réflexions se poursuivent.

 

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Grâce à la télévision, que mes avertis avaient réussi à capter malgré la profondeur, je fus au courant des explosions des bombes nucléaires. Hiroshima, découvris-je en souriant. Que le lieu de regroupement des Aars ait été visé ne pouvait pas être une coïncidence. Félix était à l’œuvre. Je changeai d’apparence puis me rendis discrètement à notre lieu de rencontre habituel.

Félix ne s’y trouvait pas mais je découvris, bien protégées dans un tube en plastique, quelques feuilles de papier gribouillées à la va-vite. Un post-it indiquait : "Pour le livre des origines, si vous le voulez bien". Le tout était signé Félix. Je lus ses mots puis décidai de les inclure, selon sa volonté.

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