« Je te l'avais dit ! » Je venais tout juste de terminer une danse avec Cynthia. A peine était-elle partie chercher un verre que Cicé s’était jetée sur moi.
« C'est la troisième semaine de suite ! Et ils sont en tête du classement bien entendu ! »
Elle n'en démordrait pas, je l'avais bien compris désormais. Mais j’avais vraiment espéré une soirée de calme, à danser. Au rythme des basses assourdissantes, et non au rythme de sa voix encore plus forte.
« Mince y a pas d'égalité là-dedans. Les classes, les brigades d'entraînement tout est tiré au hasard. Sauf pour eux bien entendu ! Ils sont toujours ensembles ! Tu peux m'expliquer toi ? »
Elle parlait du groupe de Mia, bien entendu. Et non, bien sûr que je ne pouvais pas lui expliquer. Comment aurais-je pu ? Elle avait exactement résumé la situation. Pour les entraînements, les groupes étaient tirés au hasard brisant les brigades assemblés dans les dortoirs. Mais la brigade de Mia était toujours ensemble pour les simulations. Et bien entendu la grande place affichait fièrement – sur un panneau d'une grandeur inappropriée – les résultats et le classement général des brigades. Alors oui ils étaient forcément bien classés. Quand on a l’équipe qu'on souhaite toujours avec soi, ça aide.
« Ecoute Cicé, tentais-je de la calmer. Bien sûr ce n'est pas normal. J'y réfléchis moi aussi. Mais franchement, je n'ai aucune idée.
- Moi j'ai mes théories, mais tu ne veux pas les entendre, me répondit-elle hargneuse. Alors trouve quelque chose et vite ! Sinon j'irai le voir moi, le Wearek, pour lui dire que son école est truquée.
- N'en fais rien. Laisse-moi trois jours. J'ai pas encore fini de recouper toutes les informations. »
Et je la laissais plantée là. Pour me précipiter entre Cynthia et Xian, et nous repartîmes de plus belles tous les trois sur la piste de danse. Menés par la musique, entourés par des éclairs, désorientés par les corps, nous nous fondîmes dans cette foule vivante, sentiante. Marqués par les basses, submergés de couleurs, enveloppés des odeurs, je passais à tour de rôle dans leurs bras, à Xian et Cynthia. Fixés par le rythme, confondus de lumière, assimilés par leurs gestes, Xian et Cynthia passait dans mes bras l'un avant l'autre.
Des vagues parcouraient les pistes, un geste, un saut, auxquels personne n'échappait. Dans ces hystéries collectives, d’un regard, d’un rythme, nous vivions le schéma. Celui qu’à moitiés conscients, nous répétions, danse notre danse à trois. Organisme vivant, la foule accumulée avait désormais ses propres codes, son propre langage, où chacun d'entre nous – conscient des autres à la limite de ses perceptions – réagissait, et réajustait cet agglomérat de mouvements. Les mimes de chacun s'assemblant peu à peu, formant vu de haut – je le savais pour l'avoir observé – des schèmes bien trop complexes, vivants, changeants, pour être compris. Ils ne devaient qu'être vécu au plein centre, en pleine danse. Là où nous plongions avidement. Ravi de pouvoir vivre. Enfin de la mimer.
Nous passions ainsi toutes nos soirées de libres – qui se faisaient malheureusement bien rares – mais également les soirs de couvre-feu – dont nous bravions facilement l’interdit. J’en faisais une échappatoire à notre école, d’où je comprenais de moins en les choses. Faces aux exigences martelées par nos professeurs, je pensais accords, mouvements – fugues en somme. Pour contrer l’épuisement de chaque jour, je faisais le plein de rythmes, de lumière, d’accords et de désaccords.
Nous prenions nos habitudes dans quelques ‘boite à musique’ selon l’expression de Swann, et Cynthia nous y rejoignait souvent. Quoique parmi les plus jeunes à fréquenter ces établissements, le niveau de danse de Xian nous ouvrit bien vite les portes, et les conversations.
* * *
Le lendemain, je ne pus échapper de nouveau à Cicé, ni renvoyer champêtre les arguments que me criait Swann. Je savais qu’il y avait quelque chose. Vu le nombre d’élèves, et donc de possibilité, aucune chance qu’un groupe se retrouve toujours ensemble pour tous les exercices. Oui la brigade de Mia trichait, je voulais bien le reconnaître. Mais comment je n’en avais encore aucune idée.
« Il faut le dire aux professeurs, enfin à la hiérarchie, s’énervait inutilement Swann.
- Ils sont au courant, leur répondis-je. Peut-être même bien avant nous, ils ont dû voir la triche.
- Mais pourquoi ils ne font rien ? continua Cicé
- Laissez tomber la hiérarchie. S’ils ne font rien c’est que c’est désormais la règle. Si tu sais tricher tu as le droit.” Je remerciais d’un geste de tête, Xian, qui avait deviné ce que j’avais compris – ou vice-versa.
Et j’expliquais même la suite du raisonnement. Si les professeurs ne faisaient rien, c’était pour voir comment nous réagirions. Ils pouvaient même avoir eux-mêmes organisés la triche. Bienvenue à l’ENOS ! Je consultais le planning général de tous les élèves que j’avais copié sur un professeur inattentionné. Et je jetais un numéro à l’équipe.
« Tu peux me hacker le terminal de ce numéro ? demandais-je à Swann
- Qui est-ce ? se précipita Lou interceptant le numéro.
- Le terminal d’Elia, d’Astrian 6. Elle doit avoir un gros dossier Mia, après la surveillance constante qu’elle a demandé à sa brigade. »
Tous me regardèrent avec de grands yeux. Oui, ils avaient bien entendu, d’autres avaient déjà fait le travail. Il ne nous restait plus qu’à se baisser pour le récupérer. Et effectivement le terminal d’Elia contenait tout ce qu’il fallait savoir sur Mia et son groupe.
Tous les résultats de son groupe, les différents plans de batailles – après avoir jeté un œil je décidais qu’ils n’avaient rien de passionnants – puis enfin ce qui m'intéressait plus, le planning de chaque membre de la brigade.
Nous scrutâmes chaque heure passé par le groupe, chaque échange qu’ils avaient eu avec les professeurs. Avant de trouver l’évidence simplissimes. Tous les deux jours, ils réservaient la même salle d’informatique – sous prétexte des divers devoirs – toujours juste avant la parution des listes de simulations des jours suivants.
La réunion venait d’avoir lieu – nous avions un temps de retard, et allions encore payer deux jours de domination. Mais le soir même je m’endormis le sourire aux lèvres sachant que je trouverais un plan digne de ce nom d’ici deux jours.
* * *
Le lendemain midi, j’avais les grandes lignes du plan, et décidais de mettre tout le monde à pied d’œuvre. Moi j’en profitais pour suivre le planning d’Elia. Celle-ci était assurément sur la bonne piste, et je tenais à ne pas me faire damer le pion. Lou devait pirater le système informatique, accompagné de Swan. Je rencontrais un certain Maro, pour lui demander de nous fournir quelques fournitures de l’armée – grenades aveuglantes, lacrymogènes : je n’étais jamais trop prudent. Et j’en profitais pour l’intégrer à notre brigade.
Je ne souhaitais pas d’arme ni à feu ni de poing – nous étions trop entraîné avec, et j’avais peur des tirs de réflexes. Je chargeais donc Claude de nous récupérer un ou deux tasers à faible charge – par acquis de conscience professionnel il nous en fournit un à chaque personne de la brigade et trois de remplacement. Xian, Peter et Paul apprenait le moindre détail du bâtiment, tandis que Matt et Cicé s’arrangeait de nous assurer une sortie, par le local technique près du café, en cas de problème.
L’idée était de se cacher dans le faux plafond, tandis que la garde resserrée de Mia – quatre personnes en tout – se réunissait dans la fameuse salle informatique. Du haut nous verrions comment ils s’y prenaient, avant de les interrompre, et de changer les données de groupes. Nous pourrions alors ouvrir un tunnel à Lou. Copier le virus, et le supprimer des machines locales, seraient l’affaire de Lou, qui s’installerait dans la salle des réseaux du bâtiment.
J’avais déjà prévu les remplacements de groupe à faire. Et comptais bien ne pas faire l’erreur du groupe de Mia. Nous ferions en sorte de ne pas trop remonter brusquement, et m’arrangerais pour qu’un autre groupe soit bien plus souvent réunis que le nôtre. Ainsi il paraîtrait détenir le crack à notre place – et aux yeux de tous nous serions de véritables innocents.
Je vérifiais cinq ou six fois nos plans, en présence de toute l’équipe. Chacun connaissait son rôle, et à quelques heures de l’action j’étais confiant – quoiqu’un peu exaspéré par un Swan surexcité qui n’arrêtait pas de marteler “H moins cinq heures avant l’opération pie voleuse”, “H moins quatre heures et demie”. Au vu de l’agacement de Lou, et de Cicé, je lui demandais de prendre l’air, et de revenir plus tard – vers la fin des opérations, pas avant. Il prit ma demande comme un ordre.
* * *
Tout avait paru bien se passer. J’en étais même venu à me dire que tout était bouclé, que nous avions gagné. Nous étions quatre cachés dans le faux plafond, quand l’équipe de Mia était rentrée en fanfare. Du faux plafond, un petit trou me permettait de suivre toute la scène.
Après quelques instants à terminer leur discussion, ils allumèrent un des ordinateurs, et d’un air sérieux déclarèrent ouvert “deux nouveaux jours de domination”. Ils discutèrent alors des équipes qu’ils comptaient former pour les prochains entraînements.
« Tu n’as qu’à mettre Georges avec l'équipe de jeunots d'il y a quatre jours, lança Mia à son équipier devant le poste. On verra bien s’il arrive aussi bien à se débrouiller avec. »
Ils ne choisissaient pas seulement de constituer une bonne équipe pour eux, mais s'évertuaient à dissocier les groupes qui fonctionnaient déjà trop bien. Un peu plus tard Mia me confirma qu’elle faisait attention à ne pas me mettre avec mes compagnons de dortoir. Elle choisit avec attention un groupe où il n’y avait aucun stratège pour y mettre Xian – qu’elle qualifia de 'trop doué pour son propre bien’.
Tandis qu'ils terminaient de choisir les groupes, j’indiquai en silence à Xian et Peter les deux élèves dont ils auront à s’occuper. Paul aurait à gérer les portes de la salle. A l’heure prévu cinq grenades à fumées commencèrent à se déverser dans la salle, et le temps que Mia et son équipe agissent, nous descendîmes sur eux doucement. Ils étaient tellement surpris qu’ils ne réagirent que trop tard.
Mia et un de ses équipiers s’élancèrent alors à vive allure vers l’unique sortie. En un salto par-dessus les ordinateurs Xian était sur eux, d’un pied droit, il envoya glisser Mia que je récupérais – avec la plus grande délicatesse – et le second s’arrêta juste avant de recevoir un tranchant de main dans sa trachée. Nous n’avions eu besoin des tasers paralysants, mais Paul sortit le sien bien en vue, pour que tous se tiennent tranquilles désormais.
Peter s’était déjà mis à pianoter sur l’ordinateur, et suivait les instructions de Lou à distance.
« Aucun virus, ni crack sur cet ordinateur, nous appris Peter au bout de deux minutes. Ils s'apprêtaient juste à envoyer un mail avec la liste des équipes.
- A qui lui demandais-je ?
- Une adresse masquée, non reconnues sur le réseau. »
Je me retournais vers Mia – mettant de côté les vociférations de Lou qui sentait déjà qu’on s’était fait avoir.
« Vous arrivez trop tard, nous lança Mia avec un sourire amusé.
- Que veux-tu dire par là ? lui demandais-je tentant de rassembler les pièces du puzzle.
- Nous ne l’avons pas, la commande. Du vers informatiques. Mais ceux, qui l’ont, savent, désormais, que vous êtes sur leurs pistes »
Tandis que Paul s’énervait pour rien en criant “Si jamais vous racontez quoique ce soit sur ce qui s’est passé ! A qui que ce soit ! …” Je me coupa deux minutes de la réalité pour reprendre tout l’agenda des élèves que j’avais regardée. Mia était devant moi, nous avions croisés Elia au café – comme à son habitude. Je savais que Georges ne s'intéressait pas à ce problème de place, pas plus que Noch.
J’appelais Cicé et Matt pour vérifier que la sortie était dégagée – et les caméras hors services. La sortie qui donnait sur le café. Le café où était installé Elia. Elle devait les avoir vu. Avoir remarqué les caméras hors services – maudites lumières rouges qui ne tiltaient plus toutes les minutes quand elles étaient hors-services. Me rappelant du planning, une des filles du groupe d’Elia occupait généralement un ordinateur deux étages plus bas.
« Lou, lançais-je sur le réseau. Tu dois avoir Marie, qui occupe un ordinateur deux étages plus bas. Tu peux le hacker lui ?
- Je la vois, me répondit-elle au bout d’une minute. Mais il me faut également un point d’entrée sur l’ordinateur. Je ne pourrais rien faire du réseau. Il faut que l’un de nous aille dans la salle, avec son propre terminal ouvert pour communiquer avec l’ordinateur. »
Je me maudis, tandis que j'hésitais à laisser Mia, pour me dépêcher deux étages plus bas. Mais le regard amusé de Mia m’en dissuada. Je me retourna vers la sortie. Trois garçons d’Elia nous attendaient en dehors de la salle. Ils n’osaient pas y rentrer, mais nous cueilleraient gentiment à notre sortie. D’un signe de la main je les salua, ce qu’ils n'eurent pas la politesse de répondre – Elia avait encore des choses à leur apprendre.
« Je peux y aller si vous voulez. »
Swann, que j’avais laissé en dehors de l’opération, était quand même venu dans le bâtiment. Je mis quinze secondes à lui répondre- hésitant entre l’envoyer paître, et lui accorder la bonne idée qu’il avait d’être là.
« Ok. Mais fais attention, Marie est très sportive. lui conseillais-je.
- Bien plus que toi, rajouta Cicé pour être sûre que tous comprirent mon sous-entendu.
- Pas de soucis, je vais tenter une approche toute en douceur. »
Lou donna quelque consigne, tandis qu’elle chargeait les programmes sur le terme de Swann.
« J’ai réservé la salle pour être toute seule, alors merci de sortir, s’il te plaît. » la voix de Marie, parvenu à travers le terminal de Swann, était ferme. Elle s’attendait à être obéie sans discussion.
« Justement, je cherchais à te parler, lança Swann.
- Je suis seule, et j’aimerais y rester.
- C’est ça! Je voulais qu’on puisse parler, juste toi et moi. Rien que nous deux. »
Je faillis m'étrangler devant le début de drague que nous faisait Swann – et nous entendîmes tous le juron pas très fin que poussa Cicé. D’une voix plus calme, plus concentrée, Lou informa qu’elle avait prise sur l’ordinateur.
« Ça fait longtemps que je voulais te parler, continua de plus belle le tombeur en herbe. Mais c’est pas simple, n’est-ce pas ? Je veux dire de trouver un peu de temps pour parler tranquil’.
- Écoute, t’es bien gentil mais là je suis pressée. On en reparle plus tard. Tu veux bien. T’es choux !”
J’imaginais bien Swann s’être rapetissé de quelques centimètres, pour paraître plus gentil, mignon, kawaii. Du genre que les gens ne veulent pas brusquer trop vite : il est si innocent.
« Je me dépêche, mais c’est vraiment pas facile.
- Swann, Lou venait de prendre le canal prioritaire, m’empêchant d’entendre la suite. Le programme doit être dans un cube mémoire externe, bien protégé. Je ne peux pas y accéder. Tu le prends et le tour est jouée. »
Quand le canal se libéra, j’entendis les pleurs doux de Swann, et la gorge serrée qu’il mimait en parlant.
« Ecoute au moins ce que j’ai à te dire. Cela fait plusieurs semaines que je n’ai que ces mots en tête, et ton visage. Ils m’obsèdent.
- Ne t’approche pas ! Recule! »
Apparemment, l’innocent avait été remplacée par l’énervant.
« Parfois le soir, dans le soleil qui descend, j’imagine que les rayons que l’on voit, ce sont ….
- NE ME TOUCHE PAS ! »
Le bruit qui accompagna le cri de Marie ne pouvait provenir que d’une forte claque. On entendit alors à travers le réseau, des pleurs de Swann et des pas précipités. Après un claquement de porte, ses pleurs se transformèrent en rire.
« Je n’aurais pas pu tenir plus longtemps. J’ai la mémoire. La pie a volée. Je répète la pie a volée. »
Nous éclatâmes tous de rire, avant que Cicé nous ramène brutalement à la réalité. Elia, et cinq acolytes venait dans la direction du bâtiment. Avec les trois à notre sortie, le grabuge risquait d’arriver vite – et pour ma part j’avais déjà eu ma dose des cellules d’enfermement.
Je mis en ordre les actions de chacun, qui s’activaient tous à leurs tours. « Swann, tu remontes d’un étage, et prend l'ascenseur. Xian balance de la fumée sur nos trois gardiens. Une fois Swann dans un ascenseur, Lou déclenche les alarmes. »
Dès que tout le monde fût en place, les sirènes incendies hurlèrent à tout va nous empêchant d’entendre à travers nos terminaux. Qui tous se mirent à vouloir nous trouver un chemin vers la sortie. Je jetais un coup d’œil à la sortie de la salle, à travers la fumée de nos grenades. Trois ombres noires se détachaient du gris terne de la fumée, nos gardiens étaient toujours au poste. Ils n’avaient pas l’air d’avoir peur de bruler.
D’un regard, je montrais à Paul et Peter, nos quatre prisonniers. Sans un mot ils comprirent, et les firent se lever. Ce furent eux qui sortirent en premier. Nos ‘gardiens’ foncèrent bien entendu sur les premiers sortis, nos prisonniers, nous laissant le champ libre. Nous sortîmes de la salle sans problèmes, tandis que Mia se battait contre ses trois adversaires – sous le bruit des alarmes et sous la fumée dense aucun ne voyait qu’ils s’en prenaient aux mauvaises personnes.
Arrivés au premier étage, Elia et ses comparses apparurent en face de nous. Tandis qu’ils compactaient les rangs, Xian fonça dessus sans subtilité – suivi de près par Paul et Peter. En face, ils avaient également pris le parti de charger, mais en rang serré.
Au dernier moment, Xian sauta envoyant ses pieds en l’air. Elia à la tête de son groupe s’apprêta à le recevoir. Par une grande maîtrise Xian atterrit, non à hauteur de bustes, mais au sol, s’enroulant en boule en même temps. Elia, qui s’apprêtaiy à recevoir un poids sur son torse, fut totalement déséquilibrée quand Xian glissa entre ses jambes, la faisant tomber avec un de ses camarades.
L’attaque avait désorganisé le rang serré, et Peter et Paul purent se contenter de plaquer chacun un membre de l’équipe pour passer. En bon dernier, je me préparais à affronter deux adversaires, quand une main m’agrippât le pied et me fit basculer. Elia, même à terre n’avait pas perdu son sens des priorités.
Xian, Peter et Paul n’étaient déjà plus en vue, j’avais donné comme consigne chacun sa peau – ce qui une fois à terre me parut vraiment stupide. Je levai les mains en l’air pour bien montrer que je n’avais pas l’intention de me battre. Et je murmurais à mon terminal “vidéo, et verrouiller”, tandis que je montrais d’une main, à Elia, les caméras de vidéosurveillance qui s’étaient remises à clignoter, sur l’ordre de Lou. Elia jura, et calma ses partenaires qui avaient voulu se défouler sur moi.
Ils se mirent tous à me fouiller, chacun leur tour, pour vérifier si je n’avais pas le cube mémoire. Ils voulurent vérifier mon terminal, mais n’eurent aucune chance d’en percer la première couche, Lou avait reprogrammé chacun des nôtres avec les plus hautes protections – je ne savais même pas d’où elles les avaient volées.
Je fus sauvé – non pas le retour de mes amis, qui m’avaient littéralement laissé tomber – mais par l’arrivé des unités anti-incendie qui s’assurèrent de l’évacuation du bâtiment.
* * *
Trois heures après, une fois qu’ils eurent sortis Swann de son sarcophage, nous étions tous entrain de fêter notre victoire. Pendant que Lou était entièrement plongée sur la copie du cube mémoire, les discussions tournaient toutes autours de deux sujets. Le premier était bien sur le râteau mémorable que venait de se prendre – et devant témoin – Swann avec sa déclaration d’amour à Marie.
« Franchement, dis-nous d’où as-tu sortis ta tirade “Parfois le soir, dans le soleil qui descend, j’imagine que les rayons que l’on voit, ce sont tes cheveux qui rougeoient” ? le pressait Paul.
- Surtout qu’elle a les cheveux noirs ! renchérit Cicé ne semblait pas avoir apprécié la prestation d’acteur. »
Swann semblait bien en peine de répondre à ses questions. Et malgré ses démentis sur son intérêt à propos de Marie, tous continuèrent à le charrier. Je pris la tangente avant qu’il n’ose répondre à la première question, et m’incrimine dans l’affaire.
Me retournant, j’arrivais devant Xian et Paul en pleine discussion sur le second sujet de la soirée.
« Ta capitulation, Anthem, était honteuse, m’assena Paul. Tu avais la place de passer en force. »
Heureusement je n’eus pas à me justifier longtemps. Nous fûmes interrompit par le juron – crié plutôt deux fois qu’une – de Lou. Le cube mémoire était inutilisable
« Il est entièrement cryptée
- alors décrypte-le » répondons-nous tous ensemble, trop habitués à ce que pas grand-chose ne lui résiste.
- Impossible, nous répondit une voix lasse dont nous n’avons pas l’habitude. La taille de la clé est aussi grande que le cube mémoire. Impiratable. »
Elle laissa un temps de suspens avant de poursuivre. Le temps que chacun prenne la mesure de ces paroles. Cela signifiait un second cube de mémoire pour décrypter le premier. Se balader avec les deux cubes, celui cryptée, et celui contenant la clé, était absurde : autant ne rien crypter.
« La clé était inscrite en dure dans l’ordinateur, poursuivit-elle. L’ordinateur a brûlé. Certainement l’œuvre de Marie. Et c’est d’ailleurs officiellement cet incendie qui a déclenché l’alarme. »
La bonne humeur retomba d’un cran. Ils pensaient tous que nous avions fait cela pour rien. J’entendis même parler de défaite. Je pris plus de cinq minutes à leur expliquer ce que j’en pensais. Il n’était plus possible à Elia de truquer les groupes. Ce qui était pour nous tous en soit une victoire. Petite certes, mais une victoire.
* * *
Je partis courir peu après. Petite victoire ! J’avais rêvé mieux. Avant de me plonger dans les rues trop droites de cette planopôle, j’envoya un simple message à Elia:
« Pat. Bien joué. » Faisant référence à l’égalité des jeux de stratégies. Elle m’avait roulé depuis le début. Elle possédait le cube programmé, et avait choisit – comme je l’aurais fait – une brigade pour faire écran – se protéger même.
Elia avait même été plus loin. Mia ne servait pas seulement à la protéger, c'était également un piège à destination de ceux qui voudraient récupérer le cube – et j’étais tombé dedans comme un simplet. Elle avait semé des indices, pour mener à Mia. Puis elle avait surveillé Mia – après avoir passé un marché pour qu’elle se rende tous les deux jours dans la salle informatique – pour savoir qui remonterait jusqu’à elle. Sans jamais rien risquer – ou presque.
Les lumières défilaient tandis que je parcourais les bâtiments grisâtres, les carrefours vides et les quartiers clonés. Je courais de moins en moins vite, au fur et à mesure des minutes que duraient ma course. Il me fallut plus d’une heure avant d’arriver à faire baisser la tension en moi, faire retomber cette légère rage de m'être fait avoir comme un bleu, d'être un pantin aveugle dans des mains inconnues.
Cette rage n'était pas dirigée vers Elia, au contraire je lui reconnaissais l’intelligence de son piège. Non ce que j’avais plus de mal à digérer était l’indifférence de l’école, et des officiers. Ils nous forçaient à simuler des batailles entre nous, changeant les équipes, brassant les groupes. L’écran de résultats nous forçait à donner le meilleur de nous-mêmes.
Et nous autorisant à tricher, les terrains de batailles allaient se déplacer lentement des terrains d’entrainements vers l’Ecole elle-même – pas un recoin ne serait désormais sûr.
Je viens de remarquer que Cynthia n'a pas participé à l'opération. Tu l'as retiré exprès?
Ca fait plaisir de voir que tu continue l'histoire.
'Les stratégies de guerres et d'espionnages', il y en aura encore pas mal. C'est pas forcément facile à faire passer toutes les idées pour les faire comprendre, alors n'hésites pas si tu penses que je n'ai pas été assez clair.
Cynthia, non. Elle ne fait pas partie de la même école. Et n'est donc pas non plus dans l'équipe avec Anthem et Xian.
L'idée c'est plutot qu'ils la retrouvent dans des moments en dehors de l'école - a part l'exception du chapitre précédent.
Au plaisir,
Arnaud
J'aime beaucoup les nouveaux personnages introduits au fil de ces derniers chapitres. J'aime aussi beaucoup comment on découvre la vie quotidienne de l'école et des étudiants à travers le narrateur !
Je suis pas une fan de SF mais j'avoue que je suis intriguée et captivée par ton histoire !
J'aime aussi beaucoup le coté de stratégie et de tactique pour jouer avec le groupe rival. On voit très bien le coté ''jeu'' dans ce cadre. J'ai bien aimé l'humour dans le chapitre.
Gros bravo d'ours pour ce chapitre. ;)
L'humour, est jamais facile. donc Je suis heureux qu'il t'ai plu.
Merci pour tes commentaires encourageant.