Marc, se tenant toujours au milieu du cimetière éthéré, sentit une ombre pesante se glisser sur lui alors qu’il avançait vers la prochaine pierre tombale. Cette fois, il n’y avait pas d’appréhension, mais une douleur sourde, une peur de revisiter des souvenirs qu’il avait préféré enterrer au plus profond de lui-même. Le guide était là, à ses côtés, son regard empreint d'une compassion infinie.
— Marc, ce qui t’attend ici est peut-être l’un des chapitres les plus sombres de ta vie. Mais il est nécessaire que tu l’affrontes pour continuer à avancer.
Marc acquiesça silencieusement, ses doigts tremblants effleurant la surface froide et lisse de la pierre. Dès qu’il entra en contact avec elle, le monde autour de lui se transforma.
Il se revit, quelques mois après le départ de Julie. Il était assis seul dans son bureau spacieux, au sommet de MediXyr. Les fenêtres offraient une vue panoramique sur la ville, mais Marc n’en tirait plus aucun plaisir. Les promotions successives l’avaient propulsé au poste de directeur général, une position qu’il avait toujours convoitée. Pourtant, il n’y avait plus de satisfaction, plus de sens dans cette réussite.
Les responsabilités l’écrasaient, et l’absence de Julie pesait lourdement sur son cœur. Il se souvenait des nuits passées seul, où il se noyait dans des piles de dossiers pour oublier la solitude qui l’envahissait. Il se souvenait aussi de la façon insidieuse dont l’alcool était devenu son compagnon silencieux, le réconfort illusoire qui l’aidait à traverser ses journées.
Une soirée particulièrement difficile se rejoua devant ses yeux. Marc, affalé dans le canapé de son bureau, un verre de whisky à la main, fixait un point indéfini sur le mur. Il se souvenait de cette sensation de vide, d’un gouffre sans fond qui semblait l’aspirer chaque jour un peu plus. Il avait réussi à bâtir une carrière impressionnante, mais à quel prix ? Son mariage était détruit, sa vie personnelle inexistante, et chaque jour qui passait semblait le plonger davantage dans une spirale infernale.
Un ange céleste apparut soudain, sa lumière douce mais perçante, illuminant le bureau sombre. Il s’avança vers Marc, ses yeux emplis d’une sagesse infinie.
— Marc, pourquoi t’es-tu abandonné à cette vie de solitude et de désespoir ? Qu’espérais-tu trouver au fond de ce verre, que tu n’avais pas déjà perdu ?
Marc sentit une boule se former dans sa gorge.
— Je pensais que l’alcool me donnerait un répit, une échappatoire à la douleur. J’ai perdu Julie, et avec elle, une partie de moi-même. Je ne savais plus quoi faire, alors je me suis jeté dans le travail et l’alcool, espérant que ça comblerait ce vide.
L’ange hocha la tête, ses ailes frémissant légèrement.
— L’évasion ne conduit jamais à la paix. Tu as cherché à oublier, mais ce que tu as fait, c’est creuser davantage ce gouffre en toi.
Le souvenir changea, le transportant dans des réunions avec ses collègues, où Marc, l’air absent, était toujours accompagné d’un verre, même en plein jour. Les murmures derrière son dos, les regards de pitié ou de jugement, tout cela lui revenait maintenant en pleine face. Ses performances au travail avaient commencé à se dégrader, et bien que personne n’osait le confronter directement, Marc pouvait sentir le respect et l’admiration de ses pairs s’étioler.
Puis vinrent les premières erreurs graves, les décisions mal jugées, les projets qui échouaient. Il se souvenait des regards accusateurs de ses subordonnés, des reproches tacites de ses supérieurs. Mais Marc, au lieu de faire face à ses problèmes, s’enfonçait davantage dans l’alcool, refusant d’admettre sa propre responsabilité dans cette descente aux enfers.
Un autre ange céleste apparut, ses traits marqués par une gravité profonde.
— Marc, tu as choisi de t’aveugler à la vérité, de fuir les conséquences de tes actes. Pourquoi as-tu persisté dans cette voie, malgré les signes évidents de ta déchéance ?
Marc baissa les yeux, honteux.
— J’avais peur d’affronter la réalité. J’avais déjà perdu tant de choses, je ne pouvais pas supporter l’idée de perdre aussi mon travail, ce qui me restait de dignité. Alors, j’ai choisi de me voiler la face, de prétendre que tout allait bien, même si je savais au fond de moi que ce n’était pas le cas.
Les souvenirs défilèrent encore, cette fois montrant des soirées solitaires, où Marc rentrait chez lui ivre, s’effondrant sur son canapé, une bouteille à la main. Il se souvenait de ces moments où la douleur devenait si intense qu’il aurait voulu tout arrêter, mais il n’avait pas la force de le faire. Il était prisonnier de ses propres choix, enfermé dans une routine destructrice dont il ne voyait pas d’issue.
Un dernier ange céleste apparut, sa lumière plus douce, presque réconfortante.
— Marc, as-tu compris les conséquences de tes actes ? As-tu compris ce que tu as sacrifié sur l’autel de ta fuite en avant ?
Marc hocha la tête, les larmes aux yeux.
— J’ai perdu plus que Julie. J’ai perdu le sens de moi-même, le respect de moi-même. J’ai sacrifié ma santé, mes amitiés, tout ce qui faisait de moi ce que j’étais. J’ai voulu fuir la douleur, mais j’ai fini par m’enfoncer davantage dans la souffrance.
L’ange posa une main réconfortante sur l’épaule de Marc.
— La rédemption commence par la reconnaissance de ses erreurs. En affrontant ces souvenirs, tu fais un pas vers la guérison.
Les souvenirs commencèrent à s’estomper, laissant Marc debout au milieu du cimetière éthéré, son cœur lourd mais étrangement apaisé. Il se tourna vers le guide, qui l’observait avec une bienveillance inchangée.
— Tu as traversé les ténèbres, Marc. En comprenant les erreurs de ton passé, tu te rapproches de la lumière. Chaque étape que tu franchis te conduit vers une vérité plus profonde, vers une réconciliation avec toi-même.
Marc hocha la tête, déterminé à poursuivre ce voyage, malgré la douleur qu’il impliquait. Il savait qu’il devait affronter chaque chapitre de sa vie, chaque erreur, pour enfin trouver la paix intérieure qu’il cherchait désespérément. Alors qu’il se préparait à avancer vers la prochaine étape de son voyage, il sentit une lueur d’espoir renaître en lui. Ce chemin était difficile, mais il savait qu’il était nécessaire pour atteindre la rédemption qu’il souhaitait tant.