Chapitre 5 - Salubre appart

Notes de l’auteur : Après l'enfer et New-York, mon appartement est l'endroit le plus dégelasse qu'il soit. Pourtant, je vis avec deux filles et, il parait que les filles sont toujours propres.
Je vais encore me taper le ménage, ça c'est sûr !

- J’suis rentré, dis-je en hurlant dans tout l’appartement.

Evidemment, la maison est sens dessus dessous. Des vêtements sales et  des sous-vêtements crades par-ci, des chaussures entassés et perforés par-là. Ça c’est bien la marque de fabrique de Gigi – l’une des filles avec qui je partage la location – Elle est un peu en retard sur les notions de salubrité et décoration intérieure.

Contrairement aux autres femmes, remarque.

 

Gisèle est une jeune femme très loin de ressembler au prénom qu’elle porte. Pour tout dire, c’est plutôt une jeune étudiante âgée de vingt-trois ans qui a pour habitude d’arrondir ses recettes en achevant les nuits avec ses clients sous notre toit - Surtout quand Sabrina, sa petite sœur, part en weekend chez ses parents ou pour des soirées pyjamas inopinées en semaine - Gigi travaille comme strip-teaseuse au Nightclub ‘’j’en ai aucune idée et ça ne m’intéresse pas’’. Un travail vraiment plaisant pour elle si je m’en tiens à ses dires.

Oui ! Elle a une jeune sœur âgée de quatorze ans – Pas si jeune que ça par rapport à moi, d’ailleurs – Celle-ci suit des cours dans le même lycée où j’enseigne. Et, quand elle n’est pas trop occupée à être en retard, il nous arrive même parfois d’effectuer le trajet ensemble.

 

Avant que je la quitte, mère m’a demandée si les choses avançaient avec Gigi, j’ai acquiescé pour ne pas en « faire tout un fromage ». Comme Gisèle est la fille de l’une de ses vieilles copines du temps de l’université, elle rentre dans les critères pour être ma colocataire. La condition pour que je vive loin de mère étant de me caser avec une personne qu’elle connaîtrait bien.

Une femme, de préférence.

 

Les parents de Gisèle et Sabrina, étant retraités et, retournés à la campagne, les deux sœurs avaient besoin de se trouver un lieu où vivre. C’était la proie facile pour maman. Persuadée, que je n’ai jamais eu de vie amoureuse entant que telle, ma mère craint que je finisse par faire une bêtise comme devenir homosexuel – plus tard dans le récit, vous comprendrez pourquoi – Pour éviter ça, mère a donc eu « l’ingénieuse » idée de me coller à sa petite Gigi. Une jeune femme suffisamment féminine capable d’éveiller la virilité de tout type d’homme.

Ceux qui l’a paie bien peuvent attester cela.

 

Tant que je peux venir vivre en ville, moi, ça m’est égal. Je ne risque certainement pas de m'intéresser à ma coloc, même si c’était « uniquement » pour faire d'importantes fouilles archéologiques sur son vestige corporel.

Même si je dois avouer qu’elle a un corps vraiment sublime !

 

À part quelques fantasmes ordinaires et réglementaires (c’est dans l’ordre des choses, naturellement), il n y a pas de chance que je me tape cette barge de coloc. Fait qui ne rentre pas dans le point de vue de nos voisins.

Non, eux, ils sont plutôt du genre à se la prendre 14j/7.

Avec un tel succès, elle n’a sûrement pas besoin d’un guignol comme moi sous sa couette.

Par contre, comme ménagère…

 

- Mais c’est quoi tout ce bordel ? Dis-je la voix en haut-parleur pour interpeller mes convives.

Mais, en vain. Les filles semblent bien décidées à me faire la sourde oreille.

 

Il n’y a pas que du chahut à vue d’œil. Mes narines aussi ripostent depuis le centre de mon visage. Elles revendiquent leur liberté, le respect et la considération que je leur doit en scandant vengeance, vengeance !

Traduction en langage nasal : Atchoum, atchoum !

 

Ce que nous appelions communément un “post téléviseur” est recouvert de sous-vêtements de femme. Il est camouflé par plusieurs garnitures d’un mur en dentelle très épais et fétide - Gisèle se change la plus part du temps dans le salon - C’était vraisemblablement la fête du slip ici. La table de la salle à manger semble avoir assisté à une migration excédante des autochtones du bon vieux paquet de Corn Flakes de mademoiselle ma colocataire. Ces flocons de céréales au maïs ont déjà aspiré la petite flaque de lait qui s’est séparée de son bol de porcelaine, certainement, au profit d’une partie de jambes en l’air aux élans immesurables.

Heureusement que je n’étais pas là pour entendre les bruits horribles émis par les deux bêtes qui ont laissé tout ce carnage.

 

Pour ce qui est de nos canapés, s'il faut encore les appeler ainsi, ils ont fait office d’arbitres entre les temps morts des matchs de catch de jambes sans slips. Pour ce, le chiffre élevé de préservatifs usés et de sous-vêtements pour homme lubrifiés qui ornent les meubles, donnent un bref, et à la fois détaillé, aperçu de la confrontation épique qui y a eu lieu ici : Une finale de Coupe du monde.

Et voilà ce que ça donne quand je décide de dormir chez maman.

La prochaine fois que j’y irais, ce serait à Pâques, alors.

 

- Qui a-t-il ?

Enfin une personne daigne se pointer.

 

Malgré le lustre rompu, au milieu du salon - lustre qui en a vraisemblablement beaucoup trop vu - je parviens tout de même à deviner l’identité de celle que j’ai en face de moi. Même sans la lumière du soleil qui s’infiltre dans la pièce par l’indiscrétion des rideaux blancs en dentelle, je l’aurais reconnu. C’est Sabrina. Qui d’autre peut-elle être ? Un petit gabarit, une poitrine n’existante que de nom et un accoutrement se limitant au port d’un cinglé et d’un short à peine trop court, il n y a pas de quoi troublé une mémoire dotée d’une capacité de rétention aussi grande que la mienne.

 

- Pourquoi tu cries ? Reprend-t-elle avec une plus haute intonation.

Ta grande sœur a bazardé l’appartement !

 

- Peux-tu s’il-te-plait me dire pourquoi il y a autant de désordre ici ?

- Bah ! Je ne sais pas trop. Ça doit être Gigi qui a encore fait des siennes.

Et ça te paraît normal ?

 

Elle est là, mine de rien, totalement insoucieuse.

Tu es une parfaite idiote !

 

- Si t’as trop la flemme pour arranger, tu peux toujours attendre qu’elle rentre.

Pa… pardon ?

Petite idiote ! Viens là, que je t’attrape.

 

- Écoute, ça ne m’amuse pas du tout, ça, et il faut que je lui dise que…

Avant même que je ne finisse mon discours, la petite peste s’est déjà tirée du salon.

Une future folle comme sa grande sœur.

 

Cette stupide Sabrina a osée se barrer sans me laisser terminer ma phrase. Et pourtant, j’ai mis tellement d’énergie dans la conception de cette phrase depuis mon cerveau. Je m’apprêtais juste à y introduire tout l'amas de colère et de frustration que la colocation avec Gisèle m’a procurée jusqu’ici et, sa bouffonne de petite sœur n’a même pas daignée rester là à m’écouter me plaindre de ce courroux.

- Salut, j’suis rentrée.

Enfin, la « Queen » des lieux nous a rejoints dans sa très humble demeure.

Humpfff ! Ce n’est pas trop tôt.

À ton tour.

 

- Et ben dis-donc ! C’est qu’ici, ça brille si bien, s’exclame-t-elle avant de pousser un long soupir.

La journée était très bousculée apparemment.

Puta !

 

- C’est maintenant que tu rentres ?

- Oui ! Pourquoi ?

Fais bien semblant de le demander.

 

- T’es sérieuse là ? Pourquoi ?

Trop c’est trop.

 

- Oui.

- T’es partie le matin après avoir laissé la maison dans un état indescriptible, et tu me demandes pourquoi ?

- Bah ! Où est le rapport avec mon retour ?

- Tu n’aurais pas pu faire l’effort minimum de nettoyer l’appartement avant de partir si tu savais que tu allais mettre long dehors ? T’étais où encore ?

- Hein ? J’suis partie aux cours. Mais t’as quoi, toi ?

- Ah bon ? Et depuis quand, à l’université, vous finissez à huit heures du soir ?

- Mais, tu te prends pour qui, au juste ? Je ne te dirais rien et tu ne me contrôle pas, Monsieur Sébastien.

- Déjà, quand on utilise le mot “monsieur”, il doit être suivi d’un nom de famille et non d’un prénom. Mais bon, ça tu le saurais si tu y mettais vraiment les pieds, dans ton université.

- Désolé… Monsieur… Mordécaille.

- Euh…

- Mais, si vous continuez à m’énerver, je risque de ne plus répondre de rien.

Non, mais quelle audace ! Elle se prend pour qui, elle ?

 

Bon, c’est vrai que je me suis peut-être un peu trop emporté dans ma colère. Mais, je pense bien que c'est mérité. Quand on veut être traité en grand, on agit comme tel. Laisser la maison dans un tel état d’insalubrité, c’est bon pour ceux qui vivent seuls, les loubards. En colocation, il faut faire des sacrifices. J’en ai bien fait, moi, quand j’ai décidé de faire une rupture avec ma vie sociale, quoiqu'aussi insignifiante soit-elle.

Gisèle se moque de moi si elle pense que je vais laisser passer ça. Elle risque d’en prendre l’habitude. Et si je voulais amener des gens ici dans un futur proche ?

Bon… lointain.

 

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que je ne vais pas laisser passer ça. Pas aujourd’hui, non. Je vais l’expliquer ce que c’est que la considération entre colocataires. Elle va connaitre mon gros coup de point de vue sur le sujet.

Il n’y a pas qu’à l’école qu’on peut apprendre. Prépare-toi. Tu vas morfler Gisèle.

Désolé maman. Je crois bien que c’est en vain que tu m'as appris qu'il ne fallait jamais lever la main sur une femme.

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