« Le couple royal quitte la capitale ! La fin de la première étape de «The Ruler Game» !»
Pendant un moment, je suis restée face à la nouvelle en ne sachant comment y réagir. Il était donc temps de clôturer ce premier mois qui ne fut en réalité que les prémices d’une guerre qui allait probablement être sans merci. Un mois, c’est le temps nécessaire qu’il a fallut à chaque prince et chaque princesse du royaume de Nettivia pour s’établir dans sa province. Un mois, c’est la courte période qui nous a été donné pour nous faire réaliser que si nous nous jetions corps et âme dans le jeu, alors nous finirions par le perdre car aussi dur et cruel que cela puisse paraître, nous n’avions jamais eu la moindre chance de remporter la victoire. Il aurait été impossible de survivre et de faire quoique ce soit pour la province de Celestia. Impossible de développer une quelconque politique et impossible de la maintenir avec les dangers constants.
Alors pendant un moment, je suis restée devant mon écran en me disant que maintenant que je m’étais décidée sur la marche à suivre, il était hors de question de faire marche arrière. De fuir ou bien même d’abandonner.
Je n’ai pas la prétention de gagner ce jeu, mais si je ne peux le faire, alors personne ne le fera non plus. Il faut être fou pour se considérer à la hauteur de la couronne ou bien orgueilleux. Au fond, je me demande même si le Roi lui-même n’est pas au courant de ce fait-là. Comment le pourrait-il, lui qui a été élu par ce même jeu ? Lui qui a sans doute dû commettre les pires atrocités pour y arriver.
- La première province a être visitée est celle du Prince Byron, n’est-ce pas ? interrogea le Duc. Ce qui veut dire que logiquement dans quelques heures, nous saurons quel gage le Roi a accepté de lui accorder.
Cela pouvait être n’importe quoi du moment que ça n’enfreindrait en rien les règles déjà peu existantes du jeu. Le simple fait de savoir que son champ de possibilité était si ouvert avait quelque chose d’effrayant.
- Nous n’avons pas le temps de nous préoccuper de ce qu’il se passe chez les autres. Mettons nous au travail, ordonné-je en essayant moi-même de me distraire des dernières nouvelles.
- Êtes-vous certaine de vouloir vous lancer dans cette histoire Princesse ? me demande alors Valerian avec toujours une pointe d’inquiétude dans les yeux.
- J’en suis certaine. Aujourd’hui plus que jamais. Encore maintenant nous nous retrouvons happés par un simple titre de nouvelle alors que nous devrions nous concentrer sur l’essentiel. C’est une preuve supplémentaire que l’on laisse nos vies être influencées par ce qu’il se passe ailleurs, ce qui ne devrait pas être le cas.
- Très bien. Alors faisons-le.
Quoi qu’il advienne à partir d’aujourd’hui, quoi qu’il puisse se passer...Je n’éprouve aucun regret. Je suis fière du chemin que j’ai parcouru et sur lequel je continue de marcher. Fière de la jeune femme que je deviens bien que je sois encore pleine de lacunes. Fière de tout ce que j’ai pu accomplir alors que pendant des années j’ai cru à des discours me disant bonne à rien. Ces mots, ces insultes à mon égard, je leur ferait payer. Tous autant qu’ils ont. Jamais je ne gagnerais leurs faveurs et tandis qu’ils se réjouissent de ma chute en me sachant exilée dans un tel endroit, je me refuse de chuter seule si cela devait réellement se passer.
Si je dois tomber alors d’autres tomberont avec moi et tout ce que je peux espérer d’une telle folie c’est que cette dernière permette à certains de réaliser à quel point ils se fait manipuler jusqu’à présent.
- Les caméras sont branchées. Je déteste dire ça, mais vous savez combien ça coûte un drône de ce style-là ? Les détournés ça me fait mal au cœur ! peste Valerian en tapotant nerveusement sur son clavier.
- Dites-vous que tout ceci...est de bonne guerre après tout ce que nous venons de traverser. Tout ce que nous avons endurer pour en ressortir presque entier.
Assise sur le trône qui n’est rien de moins qu’un fauteuil en velours rouge posé sur une petite estrade de la grande salle, je peux sentir mon cœur ne demandant qu’à quitter ma poitrine. Un goût amer demeure au fond de ma gorge tandis que tout ce qui va à présent sortir de ma bouche, va brusquement être considéré comme insulte à la couronne. Alors pour une dernière fois avant de vivre les dix minutes les plus longues de ma vie, je jette un regard mortifié à mes deux compagnons d’aventure en me demandant ce qu’il nous arrivera après tout ça.
Un signe de la main de la part de Valerian et un signe de la tête de la part d’Owen avant de voir la caméra du drone pointée sur moi et uniquement sur moi. Aujourd’hui est un grand jour.
Aujourd’hui est le jour où je prends réellement les rennes de ma vie en main.
- Chers amis, vous me voyez désolée de devoir interrompre ce qui semble être votre programme préféré, néanmoins j’ai pour vous un message de la plus haute importance. Après ce dernier certains pourraient en venir à me détester, chose qui ne m’étonnerait guère, mais pour ceux et celles ayant leurs yeux braqués sur moi, je vous en conjure écoutez. Depuis trop longtemps, on vous ment. Depuis trop longtemps, on se sert de vous. Indirectement et dans la plus grande discrétion. Depuis des années voir des siècles, le Royaume de Nettivia abuse de ses sujets, de la confiance et de l’amour de ces derniers. A tout ceci, moi je dis stop. Je ne peux contenir mes mots et ma haine envers un système qui vous prive depuis trop longtemps de ce qui me semble être votre bien le plus précieux : Votre droit à la réflexion. Le Roi et tous ses prédécesseurs se sont bien gardés de vous dire la vérité, mais la vérité est là : On vous mens. Le Royaume va mal et pour vous gâcher cette dernière, on enferme votre cerveau dans une bulle. Une bulle de plaisir. Une bulle de bonheur. On s’assure que vous n’accédiez qu’aux informations que l’on veut bien vous donner. On s’assure qu’aucun débordement ne soit tolérer et on s’assure que le plaisir prenne le pas dans vos vies. Afin d’exécuter une manœuvre aussi basse, on s’est assuré de vous fournir téléphones, tablettes et ordinateurs portables afin que vous ayez tous et toutes, à votre entière disposition et de façon constante : un écran. Ces objets, bien qu’utiles à notre quotidien sont devenus le fléau de nos vies.
Première inspiration.
- Une notification. Un coup d’oeil. Une deuxième notification et une envie irrépressible de saisir l’appareil. Mieux de répondre. De parcourir d’un coup pouce l’écran en le balayant toujours plus rapidement vers le haut ou vers le bas pour actualiser.
Une troisième notification et on finit par craquer. Par répondre à un message puis à un deuxième. De laisser un commentaire. D’aimer une publication, une photo, une vidéo.
En moins de vingt quatre heures nous mangeons des centaines d’images sans même nous en rendre compte. Nous nous gavons d’actualité fausse une fois sur deux, mais à laquelle nous sommes accrocs parce que c’est à cela que nous sommes rendus aujourd’hui : l’addiction à l’écran. Les réseaux sociaux ont fait de nous des gens prenant un plaisir malsain à espionner la vie des uns et des autres. On s’intéresse à un profil. Puis à un deuxième. On passe d’une information à une autre sans même prendre le temps de l’intégrer ni même de la comprendre. On recrache, partage et diffuse ce qui n’est pas de nous, mais dans le seul et unique but d’attirer la curiosité d’untel. Et ça marche. C’est malheureux, mais ça marche.
Deuxième inspiration et pendant un temps j’oublie. J’oublie où je me trouve et j’oublie que quand j’en aurai terminé tout sera véritablement terminé pour nous.
- Nous sommes devenus, en l’espace de deux décennies même pas, les esclaves de notre technologie. Toujours plus performante. Toujours plus autonome. Toujours plus vampirisante. La technologie est au cœur de notre nation, au cœur de notre vie et elle dicte cette dernière. L’heure, la météo, notre nombre de pas quotidien, notre régime alimentaire, notre santé, notre emploi du temps, nos tâches à accomplir, elle est au milieu de toute cette organisation gérant notre vie à notre place tant nous sommes devenus dépendants de cette dernière. Nous ne savons plus sortir sans écran. Nous ne savons plus profiter sans tout photographier. Nous ne savons plus échanger sans passer par des messages interposés alors que nous sommes assis à la même table. Nous ne savons plus rien faire et une des rares fonctions qu’il nous reste qui est à mon sens, la plus importante est petit à petit en train de nous être arrachée : Nos émotions. Nous ne savons plus nous exprimer. Nous nous cachons honteusement derrière des émojis, derrière des smileys, derrière des gifs, derrière des données numériques qui ne sont pourtant que des données binaires. Comment une succession de 1 et de 0 peut être en mesure de comprendre et de saisir l’éventail de nos émotions ? Nous ressentons, pensons et vivons tellement de choses, et ce, de façon simultanée, que se cantonner à un bref smiley parait soudainement si réducteur.
Mais pourquoi ne disons-nous plus rien ? Pourquoi n’échangeons-nous que les banalités sans prendre le temps d’aller dans la profondeur ? Tout simplement parce que nous avons oublié. Nous avons oublié de nous soucier. Nous avons oublié de nous poser cinq minutes et de nous demander réellement ce que l’on ressent aujourd’hui. On ne s’en est pas rendu compte, mais la technologie est devenue notre maître à tous et même aujourd’hui, notre bonheur, notre divertissement, la gouvernance de notre pays, tout est géré par cette dernière.
Troisième et dernière inspiration. Mes mains tremblent, mon cœur bat la chamade et d’un instant à l’autre, tout va se couper. A partir de là, la machine sera lancée.
- Alors dites-moi ô mon peuple, que voulez-vous faire ? Voulez-vous rester un tas de légumes dépendant d’un appareil ne se rapprochant guère de la taille de votre cœur ou décidez-vous enfin de prendre votre vie en mains et de la vivre pleinement ? Le choix est vôtre. Pour ma part, je sais ce que j’ai à faire et comment je dois le faire. Il est temps d’en finir avec ce système nous ayant à tous retourner le cerveau pendant si longtemps.
La petite led rouge au dessus du drone s’éteint et je comprends alors que tout ceci est la fin. Tout a été diffusé en direct, en plein Ruler Game, à l’heure où chacun et chacune est devant un écran. Maintenant, tout ce qu’il nous reste à faire c’est prier. Prier pour que sur la majorité, quelqu’un regagne leurs esprits. Je ne me fait pas d’idées, ni n’attends de miracles, néanmoins j’ai le culot d’espérer qu’un tel tour de force fait aux yeux et à la barbe de l’équipe de production, du Service de l’Information et de toutes autres personnes, puisse fonctionner.
Mon regard se perd alors sur Valerian et Owen tandis que dans un silence, nous comprenons que la guerre vient d’être déclarée, non pas aux enfants royaux, mais bien à la nation toute entière et que cette simple démarche risque alors de nous coûter bien plus cher que ce que l’on aurait pu alors l’imaginer.
J'imagine la tête des gens derrière leurs écrans, qui avaient rien demandé, ça doit leur en boucher un coin !
Le roi et la reine ne vont sûrement pas déroger à la visite de fin du mois, ça va barder après ça, et si ça se trouve, le ruler game va même être annulé !
Y manque plus qu'Ivory ou encore Byron accède au trône sans même avoir gagné.
Je continue ma lecture ;)
Outre ce discours plus que plaisant à imaginer, je me posais une simple question: Valerian et Owen soutiennent Magdalena dans son nouveau projet de révolution pour la libération des cerveaux. Mais nous savons que critiquer le pouvoir en place est un crime de les majesté, c'est bien ça ? La peine encourue pourrait donc être le bûcher, la torture, une mort foudroyante, que sais-je encore... Mais autant Magda et Owen sont les "maîtres" de leur propre vie, autant en ce qui concerne Valerian qui est responsable de sa fille malade, sa décision me paraît précipitée, non ?
Et oui le fan club de Valerian s'inquiète très cher Manon xD <3
J'imagine tellement la scène j'ai vraiment adoré ce chapitre.