Aux douze coups de minuit l'ambiance festive du palais qui résonnait encore jusqu'à maintenant, disparut pour laisser place à la deuxième partie de la nuit. Certains nobles quittèrent le palais en toute hâte tandis que d'autres se donnaient déjà rendez-vous. Maintenant que chacun avait discuté chiffon, il était temps de laisser les corps parler dans un langage dès plus déplaisant. Au retrait du Roi dans ses appartements, il fut naturellement autorisé la plus grande débauche n'ayant jamais existé : Sexe, drogue, alcool. On pouvait s'en donner à cœur joie, car ce genre de chose faisait aussi partie de notre belle société de consommation et d'abus. Durant cette partie de la soirée, tout comportement, le plus dépravé qui soit, peu importe ses actions,est immédiatement pardonné. Cela n'a aucune logique, mais si l'on part du principe que ce sont les enfants des plus riches qui baignent dans ce genre d'affaires, alors naturellement...On voit les choses autrement.
Heureusement, pour moi, je fis suivre le Duc Owen sur mes pas, empruntant le moindre couloir ou porte secrète non connus de ces gens-là avant d'arriver dans mes appartements que je verrouille immédiatement.
- Je n'aurai jamais cru un jour devoir traverser le couloir des domestiques. Est-ce normal que vos appartements se trouvent aussi éloignés ?
- À votre avis ? Qui voudrait que je côtoie la haute et noble société ?
- Je trouve ça révoltant. Vous êtes une Princesse.
Je ne suis Princesse que de nom seulement. La majorité du temps, je ne suis rien d'autre que la huitième fille d'un homme ayant oublié son existence. M'a-t-il seulement remarquée ce soir ? J'en doute. Ses yeux furent constamment braqués sur Byron et Ivory. Il ne me regardait pas. Il ne me regardera jamais même.
- N'en avez-vous pas marre ? D'être traitée de la sorte, je veux dire ?
- Non. À vrai dire, j'ai fait la paix avec pas mal de choses en grandissant. Mon père ne sait pas que j'existe. Ma fratrie me méprise. Quand je disparais, la garde s'affole non pas pour me retrouver, mais pour courir après un petit vandale de bas étage. La majorité de mes repas sont à peine chauds et je n'ai à mon service qu'une domestique qui doit passer deux ou trois fois dans ma chambre. Le reste du temps, je suis seule.
- Cette solitude n'est-elle pas étouffante ?
Non. Elle est crevante.
Si je n'en avais pas l'habitude et si je ne la voyais pas comme une amie de longue date, alors peut-être qu'à la simple évocation de tous ces faits, je me serais probablement effondrée en larmes devant le Duc. Néanmoins, malgré la vive douleur tambourinant ma poitrine, aucune larme ne me vient. J'en suis tout bonnement incapable. Pendant trop longtemps j'ai quémandé, supplié, appelé...mais à présent, je ne le ferais plus. J'ai bien compris que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même et que si j'avais besoin de quelque chose, je n'avais qu'à me déplacer. Mais même moi, je ne suis pas certaine de savoir ce que je veux.
- J'ai appris à me débrouiller toute seule. De ce fait, fis-je pour me reprendre et changer la tournure dangereuse que prend cette conversation, je vous informe que je ne vous préparais aucunement un lit douillet. Vous dormirez sur le sofa près de la fenêtre. Quand je pense que je vous ai laissé me pervertir l'esprit avec ce jeu stupide.
- Donc je suppose que vous acceptez ?
- C'est en cours dans mon esprit. Permettez que je réfléchisse vivement à choisir entre me faire trahir par un inconnu ou me faire assassiner par mes frères et soeurs ? Il y a une limite à ce que je veux bien endurer.
- Pourquoi partez-vous immédiatement du principe que je vais vous trahir ?
- Les amis de Byron sont tous des renards à l'esprit aiguisé. Pitié, ne me jouez pas le rôle de l'ignorant. Je suis au courant.
- Au courant de quoi au juste ? Je dois bien admettre que je nage dans l'inconnu soudainement.
- Vous couchez avec les femmes des ennemis de mon frère dans le but de leur soutirer des informations ou autres qu'ensuite vous lui transmettez comme le bon petit soldat que vous êtes.
- Ah ! Donc vous avez une si basse estime de moi pour croire ce genre de ragot ?
- La question que vous devriez plutôt vous poser c'est : Avais-je du départ de l'estime pour vous, cher Duc ?
Je lui lance un oreiller provenant de mon lit à la figure, mais il réceptionne magnifiquement ce dernier en plein vol d'une main avant de me fusiller du regard, la tête légèrement penchée comme un chiot perdu.
- Quoi ? Aurais-je froissé votre ego Votre Excellence ?
- Nullement. Je suis perplexe. Je ne sais pas si je dois utiliser cet oreiller que vous venez vulgairement de me jeter dessus pour vous tuer ou bien sourire en étant amusé.
- Et qu'est-ce qui vous amuse au juste ? Hmm ? Puis-je le savoir ?
- Rien de bien particulier, mais... je sens comme une pointe de jalousie dans votre voix Princesse. Cela vous contrarie-t-il que j'occupe mes nuits ?
- Quoi ?
Non, mais je rêve. Quel culot ! Il pense sérieusement que je suis jalouse de sa dépravation ? Ce qu'il ne faut pas entendre. Décidément, cet homme s'étouffera un jour avec son ego tant ce dernier semble important.
- Vous faites bien ce que vous voulez, je m'en contrefiche !
- Ce n'est pas ce que vous laissiez sous-entendre il y a de cela deux minutes.
- Je sais très bien ce que j'ai dit. En attendant, vous m'excuserez, mais je vais me changer.
Vraiment, cette conversation prend une tournure et une direction que je n'apprécie pas particulièrement et j'ai bien peur que cela me conduise à fauter en la faveur de l'homme se trouvant au milieu de ma chambre.
Me réfugiant alors derrière un paravent pour me débarrasser de mes habits de soirée, mes cheveux se prennent dans la fermeture de la robe m'obligeant à lâcher un léger cri.
- Est-ce que tout va bien ? Auriez-vous besoin d'une quelconque assistance dans le plus grand des hasards ?
- Osez approcher et je jure de faire disparaître votre corps dans la nuit.
- Alors, je ne veux pas paraître en rajouter une couche, mais...Princesse...m'avez-vous bien regardé ? Je doute que vous réussissiez à me faire le moindre mal.
- Mettez-moi au défi tant que j'y suis ! Insolent.
- Je veux juste vous faire remarquer nos différences de gabarits. Vous pesez combien ? Quarante-cinq kilos à vue d'oeil ?
- Je ne vous permets pas !
- J'en pèse quatre-vingt. Vous ne réussirez jamais à traîner mon corps ne serait-ce que dans le couloir.
- Et vous, Duc ! Avez-vous bien regardé autour de vous ? Ma chambre est dotée de magnifiques baies vitrées s'ouvrant très facilement.
- Vous oseriez jeter mon corps par la fenêtre sans ménagement ?
- Je n'hésiterais même pas à vrai dire.
Ceci étant dit, cela ne m'a pas pour autant défait de mon épineux problème. Plus j'essaye d'agiter les bras, plus ça tire et ne semble régler en rien ma situation. Je refuse de l'admettre, mais je crains qu'il devient urgent de recevoir de l'aide avant que je ne perde une telle touffe de cheveux que j'aurai un trou dans le crâne.
- Je vous entends encore grogner. Vous êtes définitivement certaine de ne requérir aucune forme d'aide ?
- Premièrement, je ne grogne pas, j'exprime mon mécontentement.
- En grognant visiblement.
- Je ne...deuxièmement...Je suis coincée.
- Pardon ? Je ne vous entends pas très bien de l'autre côté et je crains ne pas avoir clairement perçu votre requête.
C'est décidé, ce soir, je le tue dans son sommeil.
- Son Excellence aurait-elle l'extrême amabilité de me prêter main-forte ? soupiré-je tout en étant résignée.
- Hmm, je ne sais pas. Voyez-vous jusqu'à présent, je ne traite qu'avec un grossier personnage qui ne cesse de me menacer de mort et je ne suis pas certain d'être la capacité de pouvoir...de vouloir l'aider.
- Dois-je me mettre à genoux pour que vous daigniez m'aider ?
- Le pourriez-vous ?
- Pas dans cette position !
Il éclate alors de rire et je n'ose imaginer ce à quoi il pense. À vrai dire, je ne préfère même pas le savoir.
- Vous êtes répugnant.
- Vous savez, quand une femme me parle position, je ne peux que laisser mon imagination vagabonder.
- Mettez-lui une laisse alors !
- Il n'y a rien de plus désolant que de se brimer soi-même, n'êtes-vous pas d'accord et puis, sans ma grande imagination me permettant une certaine créativité, je dois dire, je n'en serais probablement pas là aujourd'hui.
- Épargnez-moi ça, par pitié.
- Bon, je viens vers vous, alors habillée ou non... cela ne devrait pas trop me traumatiser que de vous voir nu. Vous ne seriez pas la première femme que...
- Ne finissez pas cette phrase.
- Vos désirs sont des ordres Votre Altesse.
S'avançant vers moi, il pousse d'une main le paravent pour se faire de la place tandis que je couvre mon visage mort de honte avec mes mains.
- Vous pleurez ?
- Non, je suis mortifiée.
- Vous n'êtes même pas totalement nue. Je me suis fait une fausse joie de ce moment.
- Ce n'est pas vous qui disiez n'avoir aucun intérêt dans le corps d'une enfant ? Ce sont vos mots n'est-ce pas ?
- Avez-vous pour habitude de vous souvenir de tout ou aimez-vous seulement vous montrer particulièrement rancunière envers moi alors que je ne vous ai encore rien fait ?
- Encore ?
Il s'arrête un instant avant que mon visage légèrement à la renverse se trouve juste en dessous du sien. Nos yeux se croisent. S'attrapent. Se happent. Regarder le duc droit dans les yeux revenait à faire un plongeon vers l'inconnu. C'était à la fois enivrant et terrifiant de ne pas savoir jusqu'où nous serions capables de plonger. De nous enfoncer.
- Et voilà c'est fait ! dit-il subitement. Cette fichue fermeture, un vrai fléau !
S'écartant en se raclant la gorge, il s'en retourne vers la fenêtre tandis que je finis de me changer sans ajouter un mot. Je ne sais pas exactement ce qu'il vient de se passer à cet instant, mais je suis certaine qu'il s'est passé quelque chose. Nous ne nous sommes pas touchés et pourtant...J'ai l'impression de l'avoir eu que pour moi d'une certaine façon.
Owen me plait de plus en plus et j'ai aimé la petite scène "croustillante" entre eux
Bref, j’ai beaucoup aimé ce chapitre et ce subtil mélange de désir, de haine et de méfiance :)
Ravie d'apprendre que ce chapitre t'ai plu en tout cas !
Ça y est, je commence à rêver ! Owen, je l'aime !
Ton récit me détend beaucoup, je passe un super moment, j'adore !
Et même si j'ai précédemment dit que je me fichais de ses intentions, ça me titille ! Je veux savoir s'il est sincère ou non !
Et il t'en a fallut si peu pour basculer dans la team Owen...Mais écoute, bienvenue :D !
En revanche, cette "deuxième" partie de soirée semble effrayante... Tu m'étonnes que Magdalena s'enferme dans ses appartements x)
Mon petit duo comique ! :D
Et puis oui, étant donné la personnalité qu'a Magdalena, elle serait capable de bien des choses, je n'en douterais même pas !
J'ai ri, puis une image est apparu dans ma tête, et ensuite, les battements de mon cœur étaient en suspension durant ce regard.
C'est fou de pouvoir ressentir tout ça en un seul chapitre ! Et je ne cesserai de le dire, mais tu as une très belle écriture.
Direction la suite (ノ゚0゚)ノ→
Ils ont beaucoup de choses à traverser et à vivre tous les deux, ça va être chouette de les voir évoluer ensemble :D
Ah la la j'adore toujours autant ces deux-là et comment ils se cherchent. Je pense que ça pourrait durer des dizaines et des dizaines de chapitre que je ne m'en lasserais pas haha. :')
Dire que ce n'est que le début de leur relation, mon dieu je crois que leur petit jeu du chat et de la souris pourrait durer bien plus longtemps que je ne l'escomptais, mais bon, je les aimes bien (encore heureuse !)
A plus tard pour la suite, j'ai hâte de savoir comment le Game va se mettre en place !