Chapitre 6

  Alors qu'elle lavait les champignons dans l'eau de la rivière, Elerinna sentit une présence derrière elle. Elle tourna légèrement la tête et découvrit Sire Ferlonn qui l'observait :

- Fais-moi une place petite. Fit-il en grognant dans sa barbe.

  Elerinna se décala volontiers et continua sa tâche tout en gardant une oreille attentive à ce que disait le nain :

- Écoute gamine...soupira-t-il. Je suis désolé que tout se soit passé ainsi... C'est jamais très agréable de devoir fuir l'endroit où on est né...

- Ce n'est pas de ta faute Ferlonn. Tenta-t-elle de le rassurer d'une douce voix.

- Oh ça je sais...Je dis juste qu'on aurait préféré que ça se passe autrement...Surtout moi.

  Elerinna arrêta de se concentrer sur ses champignons et observa son camarade de route. Son visage affichait un air sombre et mélancolique. Sans un mot, Elerinna posa sa main sur l'épaule du guerrier nain avec compassion. Elle avait compris. Compris que, tout comme elle, sire Ferlonn avait dû fuir tout ce qu'il aimait.

- Courage Ferlonn. Je te promets que tout va s'arranger.

  Le nain lui adressa un petit hochement de tête empli de gratitude puis il se leva et parti rejoindre la troupe rassemblée autour du feu de camp où bouillonnait déjà un ragoût de légumes.

  L'elfe se hâta de terminer de laver ses champignons puis se dirigea vers le feu de camps. Là, elle les découpa en morceaux grossiers et les ajouta au ragoût.

  La petite troupe dégusta ce dernier avec joie et délice avant de décider qu'une petite sieste leur ferait du bien. Maya se posa donc dans une petite fleur en haut d'un arbre, Ethan sortit son hamac et l'accrocha entre deux arbres avant de s'y allonger, Ferlonn quant à lui s'affala contre une pierre et sans attendre une minute de plus, se mit à ronfler bruyamment. Elerinna et Delvaar, choisir quant à eux de s'allonger côte à côte à même l'herbe. C'est alors que Delvaar prit la parole :

- Tu y crois toi ? Sourit-il à son amie. Ce matin encore je pensais ne plus jamais te revoir et maintenant...Maintenant je découvre un tout nouveau monde avec toi...

- Je n'aurais pas pu rêver mieux. Lui répondit-elle avec une profonde sincérité. Tu es mon meilleur ami Delvaar et grâce à toi aujourd'hui, je suis libre. Libre de faire mes choix, de réaliser la prophétie et de sauver des vies.

Mais alors qu'elle prononçait ces mots, Delvaar ressenti un profond élan de tendresse qu’’il ne put réprimer. Il la prit dans ses bras et la serra contre son cœur.

- Si tu savais comme j'ai eu peur...

- C'est passé maintenant Delvaar. Tout va bien. Le rassura la jeune femme.

- Je ne cesserais jamais de m'inquiéter pour toi. Partir à l'aventure c'est exaltant, passionnant et enivrant mais c'est aussi dangereux... la prévint le jeune homme aux cheveux châtains en la prenant par les épaules.

- Je le sais. Lui sourit-elle. Mais je suis prête à prendre ce risque et c'est pourquoi Delvaar, j'aimerais que tu m’apprennes à me servir de mon arme. Termina-t-elle en lui tendant son poignard.

  Le cœur du jeune homme se serra : il aurait préféré ne jamais avoir à lui apprendre à se battre. Elle était si douce, si rayonnante. Cependant, elle avait raison et il le savait. Il hocha donc la tête et lui proposa de commencer immédiatement avec les postures d'attaque et de défense.

  Ainsi, pendant une petite heure, Elerinna s'entraîna sans relâche à positionner son corps de manière à résister, parer et attaquer. L'exercice était dur et épuisant, sans parler du fait que Delvaar était un professeur intransigeant mais l'elfe ne renonça pas.

  Lorsque le reste de l'équipe se réveilla, Elerinna et Delvaar cessèrent leur entraînement et aidèrent à remballer les affaires, puis à les attacher sur les selles des chevaux.

  Tous se mirent d'accord sur le fait qu'il fallait deux nouveaux chevaux pour Elerinna et Delvaar, sans parler de vêtements et autres effets personnels dont ils auraient pu avoir besoin. Ils décidèrent donc de se diriger vers la ville la plus proche, celle-ci étant actuellement Shirfa, à environ 3 lieues de leur position à la limite de la frontière avec le royaume des fées.

  Delvaar remonta avec Ethan et Elerinna avec Ferlonn. Maya quant à elle, se posa sur la croupe du cheval de Ferlonn afin de continuer à discuter avec Elerinna.

  Les aventuriers chevauchaient depuis un peu moins de deux heures lorsqu'ils atteignirent Shirfa. Là, ils descendirent des chevaux et marchèrent à pied en les entraînants par les rênes. Ils décidèrent tout d'abord de se rendre chez le maquignon, à l'autre bout de la ville.

- Ferlonn...Combien est-ce que cela peut nous coûter d'acheter une monture ?

- Boarf...Grogna le nain. Ce n'est pas si cher. Un canasson classique va coûter dans les cinquante pièces d'or à peu près.

  Elerinna grimaça : Elle n'était pas sûre d'avoir assez pour deux chevaux... Elle ouvrit donc sa bourse ainsi que celle que lui avait confiée sa mère et commença à compter mais malheureusement, son intuition s'avérait juste : elle ne pourrait acheter qu'un seul cheval.

Après tout ce n'était pas si grave elle n'avait pas besoin de grand-chose et il suffirait de confier son cheval à Delvaar lorsqu'il devrait revenir à Oilossë...

  La voyant compter ses pièces, Maya s'approcha et lui fit signe de les ranger car il était hors de question qu'elle paie pour les chevaux et qu'ils leurs seraient offert.

  Émue et reconnaissante, Elerinna tenta de refuser humblement mais Ethan et Ferlonn se mirent également à insister, forçant les deux elfes à accepter leur cadeau. La guérisseuse et le soldat remercièrent donc chaleureusement leurs amis et choisirent leurs chevaux parmi tous ceux proposés par le vendeur. Elerinna porta donc son choix sur un magnifique Cob Gypsy noir et Delvaar jeta son dévolu sur une jeune jument pur-sang à la robe palomino.

  Le petit groupe pu donc continuer à avancer jusqu'à atteindre la place du marché où Elerinna et Delvaar purent acheter quelques affaires telles que des vêtements, du savon ou encore, pour le jeune soldat, un arc et des flèches, et pour la guérisseuse, un petit manuel sur les plantes médicinales de Taïdo.

  Les deux nouvelles montures furent donc sellées et chargées des affaires des deux elfes et tous décidèrent, voyant le soleil se coucher, de se rendre à l'auberge la plus proche et d'y passer la nuit.

 

***

 

  Après le dîner à l'auberge, les cinq compagnons montèrent dans leurs chambres. Delvaar partageait donc sa chambre avec Ethan et Ferlonn, tandis qu'Elerinna et Maya se partageaient celle d'à côté. Très vite, tous se virent happés dans les bras de Viltaar, dieu des rêves et de la nuit. Ainsi, les aventuriers dormaient paisiblement, sans se douter qu'une ombre les avait suivis jusqu'à l'étage et s'était infiltré dans la chambre des demoiselles du groupe.

  Entendant un léger grincement dans sa demi-somnolence, Elerinna ouvrit un œil et voyant ce qui se trouvait à l'origine du bruit, voulu hurler afin d'alerter ses camarades mais la sombre silhouette l'en empêcha rapidement en se jetant sur elle et lui appliqua avec force un vieux chiffon de toile imbibé d'alcool au niveau de son nez, couvrant également sa bouche.

  La jeune elfe de glace tenta de résister mais en vain : l'alcool utilisé sur le chiffon commençait à faire son effet et ses forces diminuaient à vue d’œil.

  Dans un dernier geste désespéré, Elerinna tenta de tourner la tête vers le rebord de la fenêtre où Maya dormait pour appeler à l'aide mais elle constata vite avec horreur qu'une autre silhouette tenait une petite cage dorée, retenant son amie, inconsciente. Affaiblie par la drogue, Elerinna finit par s'évanouir.

  Lorsqu'elle se réveilla, elle se trouvait dans une sorte de cachot poussiéreux et terreux. Ses mains avaient été solidement attachées par des menottes à un anneau métallique fixé dans le mur, au-dessus de sa tête et l'uniforme de soldat qu'elle portait depuis son départ d'Oilossë avait été remplacé pour une courte robe blanche découpée à la hâte dans une grossière toile de coton. Ses bottes ayant été également enlevées, de petits cailloux éraflaient ses pieds à chaque mouvements.

  Le premier réflexe de l'elfe fut de chercher son amie du regard malheureusement, elle n'était pas avec elle. Désespérée et terrifiée, Elerinna tira de toute ses forces sur ses menottes en hurlant et pleurant, dans l'espoir que l'anneau se délogerais ou que quelqu'un la sauverait mais en vain. Submergée par ses larmes et sa peur, Elerinna se laissa retomber :

- Delvaar...Où es-tu ? Murmura-t-elle la gorge serrée. J'ai besoin de toi...

  Mais à peine eût-elle finit de prononcer ces mots, qu'un cliquetis provenant de la porte de sa geôle se fit entendre. Tremblante de peur, Elerinna leva lentement les yeux et découvrit avec effroi qu'un colosse de plus de deux mètres de haut se tenait face à elle.

  Sans même un mot, ce dernier se saisit de sa chaîne, la décrocha de l'anneau mural et, d'un geste sec, releva l'elfe comme si elle n'avait été qu'une poupée de chiffon. Cette dernière, les larmes aux yeux tenta d'opposer au géant une quelconque résistance mais rien n'y fit. Ce dernier la traîna à l'extérieur de sa geôle jusqu'à une petite estrade en bois sec et fatigué. Voyant le public attendant impatiemment en bas de la plateforme, Elerinna comprit : elle était tombée entre les mains de marchands d'esclaves.

  Des mains la poussèrent brutalement sur l'avant de la scène, déclenchant des sifflement d'admiration. L'elfe de glace ne put retenir une grimace de dégoût et de colère face à toutes cette foule, complice de ce crime. Un homme maigrichon à la peau hâlée, présentant une bouche édentée, s'avança à ses côtés et prononça quelques mots dans une langue inconnue. Suite à ces mots, plusieurs mains se levèrent, marquant le début des enchères.

  Impuissante, Elerinna ne put que regarder les mains se lever, augmentant sans cesse le prix auquel elle serait vendue. Finalement, L'homme qui avait démarré les enchères prononça un simple mot qu'Elerinna détermina comme étant la fin des enchères.

  De nouveau, le colosse vint la chercher et la fit descendre de l’estrade pour ensuite la tirer par la chaîne jusqu' à un elfe à la peau ébène.

  A sa vue, Elerinna ne put que se rappeler les histoire de son village sur les elfes noirs et les mises en garde des anciens : ces derniers étaient réputés pour être violent et sans pitié. Le colosse empoigna alors soudainement les cheveux de l'elfe de glace et tira sa tête vers l'arrière, lui causant une douleur telle qu'elle ne put retenir un couinement. L'elfe noir s'approcha alors d'elle et lui posa un lourd collier métallique relié à une courte chaîne. Le colosse la relâcha et dans un grognement, salua l'acheteur puis s'en alla.

  Sans un mot, l'elfe noir tourna le dos à sa nouvelle esclave et se mit à avancer en tirant violemment sur la chaîne. Surprise par la puissance de son acheteur, Elerinna tomba au sol comme une vulgaire poupée de chiffon.

- Debout. Énonça froidement son tortionnaire.

  Sa voix grave et profonde fit frissonner Elerinna. Elle se releva et se mit à suivre son détenteur. Durant tout le trajet, Elerinna tenta sans relâche de se repérer... Peut-être reconnaîtrait-elle quelque chose...Quelqu'un... Mais en vain. A chaque fois qu'elle tentait de lever la tête et de regarder autour d'elle, l'elfe noir la rappelait à l'ordre en tirant violemment sur sa chaîne, lui causant d'insoutenable douleurs.

  Elerinna fini donc par baisser la tête et ne la releva pas du reste du trajet. Finalement, l'elfe noir s'arrêta devant une magnifique demeure. Les murs de la maison étaient recouverts de carreaux de marbre noir. Le perron était fait de grès blanc et la partie du jardin en façade était remplie de fleurs aux milles couleurs et senteurs.

  L'elfe noir s'avança sur le perron jusqu'à la porte d'entrée, sorti un trousseau de clé et la déverrouilla. Il poussa Elerinna à l'intérieur et referma la porte précipitamment.

  Il reprit la chaîne de l'elfe de glace en main et l'entraîna vers un petit salon richement décoré : dorures, tapisseries, Elerinna ne savait plus où donner de la tête.

  Cependant quelle ne fut pas sa surprise lorsque, silencieusement, l'elfe noir lui enleva ses chaînes.

- Tu es guérisseuse n'est-ce pas ? Lui demanda-t-il sur un ton glacial.

- Comment... ? Voulu savoir Elerinna.

- Répond à ma question ! Gronda-t-il. Oui ou non ?

- Oui. Répondit Elerinna en baissant immédiatement les yeux.

- Bien. Viens avec moi.

  Elerinna hocha la tête et le suivit silencieusement à travers le petit salon jusqu'à une lourde porte en chêne massif. Il l'ouvrit et entra dans la pièce suivante qui s'avérait être une chambre de femme. Comme la pièce précédente, celle-ci s'avérait tout aussi richement décorée et composée.

  En observant plus attentivement le mobilier qui l'entourait, Elerinna se rendit compte qu'elle était en réalité dans une chambre d'enfant. Un coffre à jouet en bois rouge et un cheval à bascule trônaient au milieu de la pièce. Les tapisseries sur les murs représentaient les images d'un conte connu du monde elfe : « Le voyage du petit lion ». Son regard se tourna alors vers le lit et lorsqu'elle réalisa ce qu'elle y voyait, son cœur se serra.

  Dans ce lit si grand, il y avait une petite elfe noire, pâle et tremblante, entourée de mouchoirs tâchés de sang.

  N'obéissant qu'à son instinct de guérisseuse, Elerinna se précipita vers le lit et ausculta immédiatement la petite fille. Elle était brûlante de fièvre, toussai régulièrement du sang et se plaignait de douleur à la poitrine.

- Aucun médecin n'a encore pu trouver quel est le mal qui la ronge. Énonça l'elfe noir de sa voix caverneuse.

- Quel âge a-t-elle ? Demanda Elerinna sans relever.

- Bientôt six ans.

- C'est bizarre qu’ils n’aient pas trouvés, les symptômes sont pourtant évidents. Répondit Elerinna sur un ton professionnel. A quels genres de médecins avez-vous fait appel ?

- Humains, nains, elfes, fées, je l'ai même portée aux gnomes des cavernes. Pourquoi cette question ?

- Vous m'avez mal comprise : ce n'est pas ce que je voulais dire. Le reprit Elerinna oubliant tout statut de maître ou d'esclave. De quelles écoles sont-ils ? Arborae ? Gorgiaru ? Jiviaal ?

- Je l'ignore. Répliqua l'elfe ébène. J'ai juste demandé à ce que l'on me recommande les meilleurs. Répondit l'elfe noir en levant un sourcil. Mais je crois me souvenir qu'il y avait sur leurs nuques une marque en forme de croissant de lune, avec une espèce de lys à côté.

En entendant ces mots, Elerinna pâlit. Les Halsii...Les lys lunaires.

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