Tandis que Gaelyn avait rejoint sa chambre, dans le palace, Marco avait lui quitté les vestiaires pour se rendre, à peine vêtu d’une serviette autour de la taille, à l’intérieur du hammam. L’ambiance était étouffante, l’air saturé d’humidité. Marco ne voyait pas à plus de deux pas devant lui et il évoluait doucement entre les colonnes, les arches de pierres, les silhouettes fantomatiques des clients. Il n’entendait que ses pas sur le carrelage, l’eau qui dégoulinait en sourdine des murs et les voix lointaines, à l’origine imprécise, qui chuchotaient dans les recoins de cet univers de brume.
Marco se sentit plongé dans son passé, dans un lieu où le brouillard règne en maître, où les nuages s’agrippent au sol et s’amusent à égarer ceux qui s’éloignent du chemin. Il se surprit à rester sur ses gardes, s’attendant à se faire assaillir par un monstre de brume, ou par ces salopards muets, ces faux danseurs à la peau pâle…
Mais il n’y avait rien de tout ça, il était loin du monde perdu d’Aedor et ici il se promenait simplement au milieu d’hommes nus, vieux pour la plupart, avachi dans un coin ou se frottant le dos en soupirant d’aise.
Son contact, le fameux Limoncelle devait se trouver, selon le message, dans la troisième alcôve, et lui proposer de partager un thé pour deux. Il pénétra dans la troisième salle voûtée, encore plus envahie par les brumes. Un lieu où de minuscules cascades semblaient apparaître à chacun des mouvements du danseur, comme si en bougeant Marco perturbait un fragile échafaudage de gouttelettes qui remarquaient soudain qu’elles n’avaient rien à faire suspendu dans les airs et chutaient toutes ensembles vers le sol.
Le danseur pensa que le lieu aurait plu à Gaelyn qui aurait sûrement découvert là le principe d’une féérie qu’il ne pouvait qu’observer. Il sourit en revoyant le visage sévère et partagé de la jeune femme qui ne savait pas si, par défi, elle n’accepterait pas de l’accompagner malgré tout dans le hammam. Mais sa pudeur l’avait emporté sur son esprit de rébellion et il était venu seul.
Il rejeta sa serviette qui n’était plus qu’une éponge dégoulinante et fit plusieurs fois le tour du bassin aux formes arrondies. Un homme lui fit quelques signes, mais Marco compris bien vite que les activités secrètes que l’homme aurait voulu partager avec lui n’avaient rien à voir avec un complot et tout avec sa chambre à coucher.
C’est alors qu’il décida de s’asseoir au bord du bassin, à l’opposé de l’homme qui voulait lui présenter ses draps de soie, qu’un type s’approcha. Ni vieux, ni très jeune, il avait un visage sévère et fermé, la peau mât et d’impressionnants favoris qui pendaient lamentablement sur ses joues, totalement détrempés par l’atmosphère du bassin.
— Vous voulez me proposez un thé, ou une liqueur aphrodisiaque ? demanda Marco prudent.
— Un thé, grogna l’homme, mais ça on verra si vous me plaisez, on va commencer par discuter ici.
— Ce lieu est tellement charmant et intime, vous avez raison, profitons-en un peu…
L’homme s’assit brutalement en grognant à nouveau. Si brutalement que Marco se demanda si l’homme n’avait pas subi quelques dommages dans l’opération. Le visage fermé, rougi par la vapeur qui ne permettait de distinguer que des silhouettes floues à moins d’un pas de distance, il ne put en avoir le cœur net.
— Limoncelle donc ? reprit le danseur, Vous deviez retrouver nos amis contrebandiers du Bleu Horizon pour les débarrasser de leur fardeau, c’est cela ?
— Hmpff, Limoncelle est un nom que nous nous prêtons, le souvenir d’un camarade… Et vous, pourquoi vous êtes là et pas avec les hommes du Bleu Horizon dans les prisons des oppresseurs ? C’est quoi votre nom déjà ?
— Marco et…
— Ah oui Marco…, le coupa en grognant l’homme aux favoris, Marco le dandy… On n’a pas beaucoup d’informations sur vous…
— J’essaie de rester discret sur mes déplacements, ceux avec qui je travaille… C’est important dans ma partie. Vous apprécierez assez que je sois plutôt subtil dans ma façon d’agir n’est-ce pas ?
— Hmpf, grogna l’homme.
— Pour ma présence ici et non pas dans les prisons de la ville, j’ai… raté mon départ à Blaz avec le Bleu Horizon. Les choses se sont compliquées pour la cellule de Roche, je suis sûr que ça ne vous a pas échappé… J’ai préféré venir jusqu’ici par mes propres moyens.
Le comploteur laissa mourir la conversation et Marco ne put lire son expression. Ici au bout d’un certain temps il fallait presque fermer les yeux et ne plus bouger tant l’eau dégoulinait sur la moindre surface qu’elle rencontrait.
— Pourquoi être venu ici alors ? Me dites pas que vous êtes de notre bord. Vous êtes un mercenaire, et je ne crois pas que nos idéaux vous intéressent…
— J’honore mes dettes. J’ai déjà reçu une partie de la somme offerte pour le boulot. J’espère bien voir la seconde partie d’ailleurs… Pour ce qui est des idéaux… Je ne suis pas ami avec les guildes, ça me donne une raison de collaborer à votre plan…
Pour la dernière partie, Marco tentait sa chance. Il ne savait pas ce que recherchait exactement les terroristes mais les éléments qu’il avait lui laissait croire à une tentative de déstabilisation des guildes, une petite révolution pour des raisons plus ou moins honorables…
L’homme grogna à nouveau, plusieurs fois en se repositionnant :
— Ouah j’en peux plus ! Fais trop chaud là-dedans ! Bon je vous crois pour le moment, mais on vous a à l’œil. Pour l’argent, on verra ça après les premiers résultats, maintenant on sort !
L’homme se releva, suivit de Marco qui le retint par le bras :
— Il y a aussi la fille.
— Quelle fille ?
— Une fille qui m’a été présentée par la cellule de Roche… Franchement je ne sais pas pourquoi ils vous l’envoient et je m’en fiche… J’aimerais bien m’en débarrasser et je crois qu’elle vous plaira…
Celui qui se faisait appeler Limoncelle hésita et se dégagea de la main de Marco :
— Tant qu’on sort d’ici on peut discuter. Si elle est ici mes amis l’ont certainement récupérée. Du coup on ne va pas s’éterniser, on se rhabille et direction une de nos bases.
— Ah bon ? On ne prend même pas ce thé que vous m’avez promis ?
Le monde perdu d'Aedor ? Lieu de boulliantes fantasmagories ? Ça donne envie d'en découvrir les secrets ! En auront-nous un aperçu plus tard ou est-ce seulement l'un de ces contes que l'on raconte aux enfants ?
L'ambiance est caliente dans ce hammam. On y retrouve cette ambiance moite et feutrée qui donne chaud ! Surtout avec cette homme dont l'invitation coquine met notre Marco mal à l'aise.
L'entrée de Limoncelle est entourée de mystère. Tout le dialogue est à double tranchant. On ne sait pas vraiment qui il est et surtout quelles sont ses motivations vis à vis de la cargasion du bateau. Marco s'en sort pas trop mal, mais honte à lui ! Troqué Gaelyn contre quoi ? Qu’a-t-il en tête qui pourrait mener la belle dans ces recherches ?
A bientôt
Aedor est un territoire très particulier qu'a visité Marco lors d'une précédente mission. J'avais l'intention de raconter ça dans un autre livre.
C'est un territoire montagneux constamment recouvert de brume qui n'est accessible que par le train des nuages et qui regorgent de ressources attrayantes pour les Guildes. Une sorte de nouveau monde, d'El Dorado où l'on vient chercher la fortune ou recommencer sa vie...
L'atmosphère saturée d'humidité du hammam a donc rappelé à notre danseur son aventure ancienne dans ce monde perdu.
Pour Gaelyn, d'une certaine manière il honore sa volonté d'aller de l'avant. Elle a décidé de le suivre dans cette affaire et de faire confiance à Ancenata, alors lui ne compte pas l'abandonner à son sort.
Bonne journée !
Gaelyn a le don de se fourrer la où on ne l'attend pas...
Bonne fin de journée
Chouette chapitre qui donne chaud (a cause du hammam, hein XD), bien décrit et les dialogues sont bien amenés aussi ^^
C'est moi ou Marco regrette un peu de pas avoir pu emmener Gaelyn au hammam ?
Par contre c'est quoi cette improvisation à la fin, Marco ? Tu n'as pas honte ? Tu sais que quand tu improvises trop, ça tourne mal, et qu'est-ce que tu fais ? Envoyer Gaelyn droit dans les ennuis ! J'ai honte pour toi !
A noter qu'elle a vraiment failli venir. Plus que la pudeur, c'est la peur de faire capoter la rencontre qui l'a retenue.
Il ne peut pas s'en empêcher... Je lui dis pourtant, arrête de faire le mariolo à tout bout de champ, crois tu qu'il m'écouterait?
Pour Gaelyn, puisque c'est son choix, il ne voit aucune raison de refuser sa participation. Ce n'est pas vraiment un gentil garçon, même s'il ne prévoit pas de l'abandonner à son sort...