VII
Jeanne est pomponnée et de sortie. Elle est accompagnée d’une femme d’une cinquantaine d’années qui pousse son fauteuil. Ce ne peut être que sa fille, la ressemblance est frappante.
- Noëlie. Comment s’est passée ta première nuit au Domaine ? me demande-t-elle.
- J’ai dormi comme un loir, mens-je. Je repars en ville pour débuter un de mes ateliers.
- C’est bien, ma puce. Je te présente Géraldine, ma fille.
Bingo !
- Nous allons rendre visite à mon andouille de mari, précise-t-elle.
- Maman, s’insurge Géraldine. Ne parle pas comme ça de papa, voyons.
- Dis donc, ma fille. J’en parle comme je l’entends ! Il a été mauvais tout au long de notre mariage. Je suis heureuse d’être enfin séparée de lui, mais il faut quand même qu’on m’oblige à lui rendre visite.
- Maman, ce n’est pas facile pour lui dans sa maison de retraite, tu sais bien. Tu lui manques. Il te réclame souvent nous ont confié les soignants.
- Les mêmes soignants qu’il traite de putes ou de connards à chaque fois qu’ils lui adressent la parole ? Ironise la dame âgée. Les pauvres, je sais ce que c’est !
- Fais un effort, maman.…
Jeanne lève exagérément les yeux au ciel en y joignant les mains. Elle est exaspérée par les mots de Géraldine.
- Ecoute-moi ça, Noëlie. C’est un comble ! Il a fallu attendre plus de soixante ans de mariage pour qu’il daigne être gentil avec moi. Bien triste, tout cela.
Je ne sais plus où me montre. Si le contraste entre le comportement de Jeanne et les propos qu’elle tient me font rire, sa fille bouillonne de l’intérieur.
- Je te souhaite d’apprécier ta journée quand même Jeanne, lui dis-je pour conclure cette conversation.
- Apprécier ma journée entourée de vieux légumes qui me renvoient ma future déchéance. Quel bonheur !
- Maman, on y va maintenant. Il faut que je te dépose et que j’aille faire des courses avant de te ramener.
- A tiens ! Moi, il faut que je supporte ton père, mais toi tu trouves le prétexte de t’échapper ?
Ça suffit, cette fois je rejoins poliment ma voiture. Je préfère éviter d’être prise à partie dans une situation familiale dont je ne maitrise pas les enjeux.
***
- Bonjour, dis-je un peu perdu à l’esthéticienne qui arbore son beau faciès professionnel. Il me semble que c’est ici que j’ai rendez-vous pour une séance de .. euh…
Je jette un œil sur mon programme.
- Lumito..no..thér… Luminothérapie !
Je ne me suis pas trompée d’endroit. Ma séance se déroule bien ici, dans un institut de beauté. Original pour une thérapie ! Après tout, pourquoi pas.
L’esthéticienne me conduit dans une pièce aussi spacieuse qu’un cagibi, si ce n’est qu’elle est bien plus agréable : couleurs propices à la relaxation, fauteuil confortable et diffuseur d’huile essentiel. Tout est conçu pour émoustiller les sens.
Installée dans le sofa chauffant, elle m’indique que le grand rectangle blanc opaque, qui est à une vingtaine de centimètres de mon visage, n’est autre que la lampe de luminothérapie.
- Je viens vous chercher dans trente minutes. Bonne séance.
D’après Madame Grandin, la luminothérapie permet au corps de se réguler sur l’horloge biologique. Pour l’instant, à part m’éblouir, je ne ressens pas grand changement.
Enfin terminé ! La demi-heure la plus longue de ma vie.
Ouais, c’est ça ! A la semaine prochaine ! Pensé-je ironiquement en ressortant de l’institut.
Une horreur cette séance ! Trente minutes, passive et seule face à moi-même ! Rien de bénéfique, au contraire ma charge mentale s’est activée. Super ! Merci, la lumito..no..to…RAAAAHH !
je ne sais pas si c'est une tournure de phrase originale, ou si il y a une petite coquille à " je ne sais plus où me montre"
cette phrase m'a laissée songeuse