Je déambulais dans le salon joliment décoré. Le sapin, les guirlandes, la crèche annonçaient les fêtes de Noël. Cette ambiance chaleureuse me réjouit et me donna envie de faire des bonhommes de neige – j’en façonnai des après-midis entiers en compagnie de ma chienne Mina.
Ma fidèle compagne adorait se rouler dans l’herbe verglacée. Un jour, elle s’était mise à courir autour de moi en s’ébrouant. Son pelage blanc parsemé de tâches beiges s’accordait parfaitement à la pureté des flocons. Je lui avais lancé des boules de neige. Quelle surprise pour Mina lorsque mon projectile avait fondu au contact de ses babines !
Ma mère remarqua que j’avais maigri. Nous y remédiâmes en préparant de délicieux pains d’épices. J’avais besoin de m’activer, de me focaliser sur autre chose pour me sentir mieux. Le conservatoire étant fermé pendant les vacances, pas de cours pour me changer les idées. Je pouvais au moins jouer du piano et danser dans le salon, au milieu des guirlandes lumineuses.
Mon père rentra d’une cession de concerts. Il passa du temps avec moi à écrire des chansons, les mettre en musique au piano. Ma mère chantait avec nous, la guitare à la main, au coin de la cheminée. Mes parents faisaient tout leur possible pour m’aider.
Créer de nouvelles compositions devint un passe-temps efficace pour surmonter cet événement. Toute ma colère et ma frustration passaient dans la musique.
Les arts sont décidément propices à l’acceptation des choses et au dépassement de soi dans les épreuves, songeai-je, philosophe.
J’étais retournée plusieurs fois au chêne pour essayer d’entendre à nouveau cette voix, et vérifier l’apparition de ces curieuses étincelles – en vain. La fée n’était pas revenue non plus depuis le cours de danse.
Ce soir-là, en allant me coucher, les révélations de mes parents me taraudèrent l’esprit. Je m’endormis enfin grâce au ronronnement de mon chat roux, roulé en boule à mes pieds. Il partageait mes nuits en hiver, mais découchait au printemps et en été pour chasser les souris – souvent des musaraignes, en fait.
Je rêvai qu’un oiseau gigantesque, provenant du chêne, m’attirait vers lui. Une voix lointaine m’appelait : « Nêryah… Nêryah ! Viens à moi… je t’attends. »
Je me réveillai en sursaut, le front en sueur, le cœur battant la mesure à un tempo allegrissimo.
Trois heures du matin. Je décidai de me lever, non sans trembler en m’habillant d’un gros pull. Mon chat s’étira et miaula, l’air de dire : « Tu m’as réveillé ! Et où vas-tu, comme ça ? ». Je lui répondis par quelques caresses. Il ronronna, posant son adorable petite tête sur ses pattes.
Je descendis les escaliers discrètement, ouvris la porte d’entrée. Ma chienne se leva d’un bond, galopa jusqu’à moi.
– Parfait, on va se promener ma belle, lui chuchotai-je.
Elle dressa les oreilles et battit de la queue, tout enjouée.
Une sorte de pulsion me poussait à sortir au beau milieu de la nuit.
Encore somnolente, je marchai en direction du chêne, prenant garde à ne pas glisser sur le verglas. Tout avait commencé ici.
Mina cavalait devant la mare, ravie de cette promenade nocturne. Elle revint vers moi. Ses yeux semblaient me remercier. Je lui adressai un sourire tendre.
Je trottinai autour du point d’eau pour me réchauffer : j’avais oublié de prendre mon manteau – encore une fois. Je ne tombais certes jamais malade, mais je ressentais le froid !
La neige recommençait à tomber. Mina jouait avec les flocons.
Soudain, une étincelle jaillit de l’arbre. J’observai le phénomène, incapable de bouger, la bouche entrouverte. Elle disparut l’instant d’après. Je relâchai un long souffle. La lueur émanant du chêne se manifesta à nouveau. Un vent violent rugit dans le silence de la nuit et provoqua des chutes de neige. Mina se plaça instinctivement à mes côtés. Elle retroussa son museau pour montrer ses crocs, grognant devant un ennemi invisible.
Mauvais signe.
La lumière m’aveuglait. Le paysage se brouilla brusquement. Entourée de néant, je voulais rentrer ma chienne à la maison, la protéger. Impossible. Une puissante rafale m’obligea à me recroqueviller sur mes jambes.
Je recouvrai la vue et découvris avec horreur un rayon lumineux se diriger droit sur moi. Mina aboyait. Pétrifiée de peur, la respiration haletante, je restai bloquée là, tremblante, à fixer ce rayon qui me faisait atrocement mal aux yeux. Une voix provenant de l’arbre prononça mon nom à plusieurs reprises, comme dans mon rêve.
Incapable de courir, j’aperçus une ombre imposante. Elle se rapprochait inexorablement. Un sentiment de terreur m’envahit au point de m’empêcher de fuir. Je voulais hurler, mais n’y parvins pas. Mon cœur cognait bien trop fort dans ma poitrine. Mon corps figé bascula en arrière. La neige amortit ma chute. Je me retrouvai allongée sur le dos, paralysée par ma propre angoisse.
Arrivée à mon niveau, l’ombre se pencha pour saisir mes bras. Elle me traîna jusqu’au chêne. Impossible de m’échapper, mes réflexes de sportive semblaient avoir disparu. Mina glapit bruyamment. Elle planta sa mâchoire dans le bas de mon pantalon, essayant vainement de me tirer en arrière pour me sauver de mon agresseur.
Maman ! Papa ! criai-je désespérément dans ma tête.
Aucun son ne sortait de ma bouche.
Tétanisée, je fus prise de vertiges.