J'ai toujours été persuadé d'être contagieux. Enfin, il y eut des moments de doutes. Des moments fugaces où la compagnie d'autrui ne me semblait nullement mise en péril par ma présence. Du moins voulais-je m'en convaincre. Oublier les faits pour un instant. Ces cortèges funèbres qui dévoraient mes pas, quelques lieux en amont, lorsque je descendais aux arènes, semblaient parfois s'évanouir dans la brume. Je voulais tant prendre leurs chants désolés, hymnes aux abîmes, pour l'écho de quelques rêves fébriles.
Mais, ces corps inertes, enfouis sous chacune des empreintes digitales, que je déposais négligemment à l'envi, hurlaient d'autres mélodies. J'en reconnaissais chaque mouvement, chaque harmonie, chaque accord comme ourdis des entrailles de ma patrie en ruine. Nul autre que moi ne les avait plaqués. Dans cet ordre absurde, cette volonté pathétique, ces flottements, ces hasards malheureux pris pour de l'art. Une seule de mes mains atterrissant sur une épaule trop offerte les condamnaient, aussi indiscutablement que le plus anodin des baisers siciliens.
Je mettais alors tous les ressorts rationnels en branle, quitte à vivre un quotidien de décharge numérique, pour mettre un terme à cette logique morbide. Je laissais venir. Les sourires comme les désirs. Dans l'espoir d'une germination inespérée. Je baissais les niveaux d'alerte, quittais mon blockhaus. Enfilais le costume de saison, fondais mes heures dans l'oubli. Crachais mes humeurs acides sur mes rétroviseurs, sales suceurs d'expériences horodatées.
Toi qui un temps tenta l'aventure, bien mal t'en prit. Ta confiance érodée grippait une à une tes dents volontaires, lorsque ta bouche affamée fatiguait de guetter le moindre de mes restes. L'odeur de graisses rances, que j'avais pris pour un reste de tabac froid, ornait l'écume de ma nature première. Les molécules faisaient leur office en silence, minuscules, comme peuvent l'être les annonce des drames à venir. Les larmes sur la braises n'ont que le visages de nos antiques colères. Il aurait fallu s'en tenir à l'ivresse et s'écraser dans l'espace ténu tendu entre nos âmes.
As-tu joui avant l'agonie annoncée ? Ta joie étouffait, muette en coquette éperdue sous nos couettes. Je devais au moins sourire. La nuit gagnait du terrain, grincement, insinuation, délire. On accusait l'animal, un félin enroué à la chair évidement pourrie. Ça aurait été terriblement prétentieux d'y voir ma patte et pourtant... J'étais bien le patient zéro, jamais mis à l'index. Le rôdeur annihilateur. Trop d'indices menaient à moi. L'erreur impossible, inhumaine.
Le docteur haussa les épaules, posologie déficiente, doses à revoir, paperasse et ses adieux à l'odeur de bruyère des ballades solitaires. Vous auriez dit quoi, vous, si la source du complot, enfin révélée, ce ne fut nul autre que... vous ? Exactement ! Vous auriez trouvé mille excuses, en douce avalanche de cotonnade, ouate, chimie de confort. Admiré ses dégradés au couché du soleil, qui n'étaient nul autre que les teintes passées d'un reste de pus empêtré de dénis. Et la mémoire aurait choisi la plus belle de ses pelle, sa vieille chemise du dimanche, ses lunettes noires d'usage et son habile sourire de fossoyeur.
Mais c'était bien moi, le spectateur du théâtre des coupables. Au premier rang, même, les mains en sang, la voix gelée, ne sachant plus comment ériger les parpaings du plaisir en autels. La contagion de l'inutile, matériau premier, graines de trous noirs, jalouse et avide, lorgnait salement sur le vivant. Sera-t-il encore longtemps capable du moindre battement, lorsque le corps fou œuvre en dansant, le cœur ?
Oui, quelle bouche ne glisse pas ? Elle qui sait sa vocation première de n'être que pente et salive. Elle prend de l'air pur mais nul ne sait ce qu'elle en fait. Et finalement, elle ne rend qu'une fumée de bactéries corrosives, encore actives sur les échappés, insoumise à la métrique des invectives, des directives, ni aux dernières mesures thermodynamiques des facultés autorisées.
Alors on met la main à la pâte.
La lecture de ce chapitre m'a d'abord laissé perplexe... Alors je l'ai relu ! J'aime beaucoup l'idée que le personnage principal soit, visiblement, lui-même la cause de sa chute, si je puis dire. Mais ça m'interroge beaucoup sur la suite; est-ce qu'on va savoir ce qui s'est passé ? Ou ce qui va se passer ?
Concernant une critique, j'ai eu un peu de mal sur les paragraphes où tu enchaîne la première personne et la seconde personne du singulier. Est-ce une manière de parler au lecteur ? C'est l'impression que cela me laisse en tout cas. J'aime particulièrement tes deux premiers paragraphes que je trouve très poétiques, enfin ton écriture en général sur ce chapitre laisse cette sensation.
Je suis désolée pour ce commentaire un peu en dents de scie, je t'avoue que ton écriture me laisse extrêmement curieuse et j'ai vraiment envie d'en savoir plus !
J'avoue que tu me laisses aussi perplexe : relire un texte d'une plume obscure, je ne sais pas si j'aurais eu la patience !
Pour le passage du je au tu, je pense qu'il cause à son ex ?
Mais il faudrait que je lui demande. Tu sais, quand les personnages n'en font qu'à leur tête...
Quand à dire les responsabilités de chacun dans cette histoire... Il doute et redoute. S'écoute beaucoup sans être sûr.
J'aimerais bien moi aussi que cette histoire continue et surtout qu'elle s'éclaircisse. Je me demande comment réagirait le patient zéro de notre pandémie s'il était au courant de son implication ? Je crois qu'il serait complètement désespéré. C'est un peu ce sentiment que j'ai voulu faire passer.
Mais j'écris sans savoir où je vais, sans technique, ni plan.
Je crois que c'est pour ça que le style change entre les paragraphes car ils n'ont pas été écrit le même jour. Mon humeur avait changé.
Désolé si je casse le mystère, j'ai bien peur qu'il n'y en ai pas...
^^