Il était une fois, il y a bien longtemps, dans une contrée lointaine, une famille qui vivait dans un beau royaume situé le long d’une belle rivière. Le royaume s’appelait le royaume de Malakoff et la rivière avait pour nom le Périf.
La petite famille se composait d’un papa, Julien, d’une maman, Sarah, et d’une charmante petite fille, Scarlett. Scarlett avait cinq ans.
Tous les jours, Scarlett se rendait à l’école des enfants sages où elle apprenait plein de choses utiles. Pendant ce temps-là, sa maman et son papa partaient travailler. La maman descendait dans un gros tunnel sous la terre qu’elle appelait le métro. Scarlett pensait que c’était là qu’elle travaillait. En tout cas, quand la maman revenait le soir, elle était toujours souriante. Pas comme le papa. Lui aussi allait au travail. Il partait sur une planche sous laquelle il avait attaché des roues, mais il tombait souvent. C’était certainement pour cela, pensait Scarlett, qu’il rentrait souvent énervé le soir, avec le pantalon déchiré. Heureusement, Sarah était bonne couturière : elle recousait les déchirures.
Un beau jour, la famille s’agrandit par la naissance d’un petit garçon. Cet événement remplit de joie la maman, le papa et la grande sœur.
Scarlett était très heureuse d’avoir un petit frère. Elle promit de le protéger toute sa vie.
*
Le soir, la famille était assise autour du berceau : elle réfléchissait au prénom qu’on allait donner au nouveau-né.
Julien s’est levé, il a fait quelques pas, s’est retourné et a dit :
– Je propose que nous l’appelions Ouen, puisque c’est le bruit qu’il fait actuellement : c’est un signe ! C’est le prénom qu’il veut.
– Ah non ! a dit Scarlett. C’est moche ! Pourquoi pas Prout tant qu’on y est, puisque c’est le bruit qu’il faisait il y a cinq minutes ?
La maman roulait de grands yeux. Elle n’en croyait pas ses oreilles : comment son mari avait-il pu penser à un prénom pareil ? Elle prit la parole.
– Je trouve, dit-elle, qu’il faudrait lui donner un prénom qui le prédisposerait à réaliser un beau voyage quand il sera grand : Ulysse serait bien. Non ?
Scarlett et son papa furent tout de suite d’accord et la famille alla se coucher.
*
Le lendemain, le roi, la reine et le petit prince de Malakoff vinrent à la maison de la petite famille pour écrire le nom du bébé dans le grand livre des habitants du royaume. Une fois entré, le roi prit la parole.
– Bonjour Sarah, bonjour Julien, bonjour Scarlett. Quel prénom souhaitez-vous donner à ce mignon petit garçon ?
– Nous l’avons appelé Ulysse, dit la maman.
– Ah non ! répliqua le roi. Veto ! (ce qui veut dire « je ne suis pas d’accord » dans la langue savante des souverains) Il y a déjà beaucoup trop d’Ulysse dans mon royaume. Il y a Ulysse-le-Prof, Ulysse-le-Grincheux, Ulysse-le-Simplet, Ulysse-Atchoum, Ulysse-le-Timide, Ulysse-le-Dormeur et Ulysse-le-Joyeux. À la fin, je vais tous les confondre…
Scarlett coupa la parole au roi (ce qui n’est pas très poli).
– Mais non, votre majesté, un de plus, ce n’est pas beaucoup. Comme ça, il y aura dans votre royaume Ulysse-le-Valeureux. Franchement, ça manque.
– Non, non, non ! répondit le roi. Dans mon royaume, c’est moi qui décide. Trop d’Ulysse, c’est trop d’Ulysse. Il s’appellera Cornichon. J’aime bien les cornichons.
La maman se mit à pleurer et le papa devint tout pâle.
– Ah non ! dit Scarlett, Cornichon, c’est grotesque. Vous ne pourriez pas faire une exception, majesté ?
– Ah ! Ah ! petite Scarlett, dit le roi, tu défies mon autorité. Eh bien soit ! j’aime ça, que mes sujets aient du caractère. Tu as dit qu’il serait valeureux, ce petit garçon. Eh bien ! qu’il le prouve ! Ce bébé va se rendre dans les six royaumes bordant le Périf qui sont dirigés par des reines. Elles ont beaucoup d’imagination, tu peux me croire. Chaque reine soumettra Cornichon à une épreuve. S’il les réussit toutes, Cornichon pourra porter le prénom d’Ulysse.
– Mais enfin, votre majesté, dit Scarlett, Ulysse est trop petit. Il n’y arrivera pas tout seul. Autorisez-moi au moins à l’accompagner.
– D’accord, répondit le roi. Une personne peut monter sur le bateau avec Cornichon.
*
Le roi parlait du bateau avec lequel Ulysse et Scarlett allaient accomplir leur tour du Périf.
Le Périf est une rivière circulaire, c’est-à-dire qu’elle tourne en rond autour d’une île.
Sur cette île vivent des gens qui courent dans tous les sens toute la journée : c’est le peuple des Exitos. Ce peuple est dominé par une sorcière qui s’appelle Anni-Dingo. Mais une autre sorcière, Rachi-Tatati, tente de prendre sa place. Pour cela, Rachi-Tatati essaie de toujours défaire ce qu’a fait Anni-Dingo.
Alors, ces deux sorcières vont-elles laisser Ulysse et Scarlett tranquilles ? On le saura plus tard.
*
Le lendemain de la visite royale, la petite famille sortit de la maison pour descendre au port de Malakoff.
Dans la rue, les habitants du quartier les attendaient pour les accompagner. C’est ainsi qu’ils partirent cinq cents, mais par un prompt renfort, ils se virent trois mille en arrivant au port. Cela faisait beaucoup de monde. En fait, tous les habitants du royaume voulaient saluer le départ de Scarlett-l’intrépide et d’Ulysse-le-valeureux.
Dans le port, deux vaisseaux étaient amarrés : le Fluctuat et le Mergitur. Scarlett devait en choisir un. Elle décida de tirer au sort avec une pièce en chocolat et elle dit :
– Si c’est face, ce sera le Fluctuat.
Elle lança la pièce en l’air et celle-ci retomba avec le côté pile au-dessus.
Ulysse et Scarlett embarquèrent donc sur le Mergitur. On largua les amarres et le navire gagna le milieu de la rivière. À peine y était-il arrivé qu’on entendit un grand craquement et que le bateau se coupa en deux et commença à couler.
À ce moment-là, on entendit un ricanement horrible, comme le grincement d’une porte en fer rouillée : c’était le rire d'Anni-Dingo qui s’amusait de ce qui venait d’arriver.
Heureusement, Scarlett savait nager. Elle prit son frère sous un bras et elle parvint à atteindre la rive.
Après s’être séchés et changés, les enfants montèrent donc sur le navire restant, le Fluctuat.
Et ils partirent pour leur périple sous les applaudissements de la foule.