Chapitre Un.

Nephiliya courait pour échapper aux chiens qui s’étaient lancés à sa poursuite. Quelle idée d’aller voler cet ambroisie, même pour ce jour particulier ! Elle ferma les yeux et se concentra sur ses alentours, huma la terre qui l’entourait et se retourna, les poings serrés l’un contre l’autre. Un des chiens couina de douleur en trébuchant sur une liane sortie du sol, comme par magie. Le deuxième se pétrifia instantanément et Nephiliya sourit. « Bien, se dit-elle, pas de tempête à l’horizon. » Elle reprit son souffle, les mains sur les hanches et s’adressa à la forêt autour d’elle.

« Je sais que tu es là, Narayo, sors de ta cachette.

- Décidément, tes pouvoirs ont bien augmentés ces derniers temps, je suis époustouflé, lui sourit un être avec d’étranges oreilles pointues et des canines acérées.

- L’approche de mes 21 ans, je suppose … répondit la jeune mage, soudainement pensive.

- Neph’, je t’interdis d’être triste aujourd’hui, tu le seras demain si tu le souhaites, dit l’elfe en tendant la main à son amie. Cette dernière lui donna le flacon contenant l’ambroisie et les yeux de la créature s’illuminèrent. Nephiliya du Royaume d’Aserynn, tu es décidément la meilleure des amies. Et une sacrée voleuse, tu pourrais devenir une sacrée Rabenhod, tu sais ?

- Et ensuite quoi, finir ma vie dans les cachots du Palais des Vents ? Tu sais que je ne contrôle pas ma magie … Si jamais je me faisais attraper, que diraient Kurakkek et Leta ? Je ne veux pas infliger cette déception à nos parents.

- Même si tu devenais une Jouënne, ils te pardonneraient. Tu sais qu’ils t’adorent autant que possible depuis qu’ils t’ont trouvée, il y a 20 ans.

- Oui mais …

- Pas de « mais », petite géomancienne », rétorqua Narayo en buvant à même le goulot.

Nephiliya rit et prit à son tour le flacon du liquide divin. Elle observa le soleil se refléter dans la boisson verte claire puis suivit l’éclat dans les yeux émeraude de son ami, qui était bien plus que ça. Son frère d’adoption, celui qui l’avait élevée au rang de géomancienne, après des heures à chercher sa voie. Des heures ? Des années, plutôt. Il soutint son regard, essayant de la sonder mais n’y parvint pas. Nephiliya lança un « Joyeux anniversaire » et des dizaines d’elfes sylvains sortirent de leurs cachettes boisées. Narayo sursauta et prit sa sœur dans ses bras.

« - Tu me revaudras ça, la géomancienne. 

- Avec plaisir, surtout si tu me ramènes de l’ambroisie ! » Ils rirent et continuèrent de festoyer jusqu’aux premières lueurs du crépuscule. La Lune fit son apparition, opalescente et grandiose et Nephiliya fut prise d’une soudaine mélancolie. Elle se demandait ce que faisait son frère, héritier légitime du Royaume et des larmes noircirent son regard ambré. Ils étaient jumeaux, et leur mère, la grande Lormar Stormsorrow était plus tyrannique que réellement une souveraine bienveillante. Elle n’avait pas hésité à abandonner sa propre fille, après avoir tué le père de cette dernière. Narayo apparut soudainement et la prit dans ses bras.

« - Rentrons, avant de se faire prendre dehors après le couvre-feu.

- Et si … ce n’était pas une si mauvaise idée ? Je pourrais accéder au Palais, de cette façon.

- C’est une de tes pires idées, Neph’, vraiment. Rentrons, maintenant. » La jeune femme n’insista pas mais son désir d’aller au Palais la hantait déjà depuis plusieurs jours. Elle s’y rendrait, avec ou sans son compagnon de toujours.