Chapitre Un // Partie Deux

Notes de l’auteur : CW: Alcool (mention)

Lorsque je me réveille, la première chose qui me frappe, c'est la violence de la douleur que je ressens dans mon cou. J'ai l'impression d'avoir utiliser une énorme pierre très pointue comme oreiller, et ça fait un mal de chien. Il me faut un petit moment, mais je finis par me rappeler ce que je faisais ici. Visiblement, j'ai réussi à finir bourré avec quatre bières. Comment dire que... Je ne tiens pas du tout l'alcool. Loin de là.

Je cherche Ezra du regard, mais je ne trouve personne à mes côtés. Je me lève, les jambes flageolantes, et je remarque quelque chose au sol : une simple serviette, où il est marqué :

« Il est 19h à peu près, je suis parti me changer, je n'arrivais pas à te réveiller.

Rejoins moi dans la salle, je serai le gars tout seul dans son coin qui veut éviter tout le monde :') -Ezra »

Un rapide coup d'œil à ma montre m'apprend qu'il est 19h30, donc ça ne fait pas si longtemps que ça qu'Ezra est parti. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait un peu plaisir de savoir qu'il va tout de même m'attendre dans la salle, alors qu'il pourrait juste dire bonjour puis partir. Maintenant que j'y pense, je ne sais même pas pour qui il est venu : pour mon frère ou pour Denise ? Je ne me suis pas occupé de la liste des invités, ils tenaient à la faire eux mêmes, alors je ne sais absolument pas dire qui est Ezra. Il faudra que je le lui demande lorsque je le rejoindrai dans la salle. Mais avant ça, il faut absolument que je prenne une douche !

Je remonte rapidement à l'auberge, que j'ai louée pour toute la soirée. Comme la majorité des invités boivent et qu'ils n'habitent pas tout près, j'ai préféré éviter tout accident dramatique, et j'ai loué l'entièreté du bâtiment, qui est sur le même terrain que la salle de réception et la salle où on a « rejoué » la cérémonie de ce matin. Disons qu'en une soirée, on a fait explosé les bénéfices du propriétaire. C'est d'ailleurs pour ça qu'il me laisse utiliser son champ pour la surprise que j'ai prévue pour ce soir, sinon, j'aurais dû payer plusieurs centaines d'euros pour une heure seulement. Mais vu ce qu'on paie déjà pour cette soirée... Une petite ristourne ne me fait pas de mal !

En cinq minutes, donc, j'arrive à l'auberge. Le premier étage est réservé à la famille Barbier, la mienne donc, le second est pour la famille de Denise, les Ramirez, et le troisième est pour les amis. Charles et Denise, eux, passeront leur première nuit en tant que mari et femme dans un hôtel à proximité, pour plus d'intimité. Tout en montant au premier étage, je ne peux m'empêcher de me demander si la chambre d'Ezra est au second ou au dernier étage. Lorsque je suis dans ma chambre, je me débarrasse rapidement de mon costume, puis je rentre dans la douche ; en quelques minutes seulement, je ressors, et j'enfile une nouvelle chemise, violette cette fois, avec un nœud-papillon noir et un pantalon de la même couleur. Cette tenue reste malgré tout plus décontractée, plus « fun », que mon costume-cravate de ce matin et cette après-midi.

J'arrive dans la salle de réception peu après 20h30; en général, je mets énormément de temps à me préparer, surtout pour coiffer mes cheveux. Ici, je considère que je suis allé assez vite, surtout que j'ai passé plus de temps à essayer de faire mon nœud correctement qu'à m'apprêter réellement.

La salle est gigantesque, avec un plafond très haut. Les décorations que j'ai acheté, dans les tons de blanc, de rouge, et de rose pâle, donnent une nouvelle dimension à la pièce, qui était très terne lorsque je suis arrivé hier pour tout préparer. De base, les murs étaient beiges, mais ici ils sont couverts par des tentures, ainsi on ne voit plus cette affreuse couleur. Le brouhaha dans la pièce me prouve que tout se passe bien et, pendant que je me dirige vers le fond de la pièce, il me semble avoir entendu dire une ou deux fois que la décoration était « Magnifique ». Oui oui, je vous assure, mes chevilles vont très bien !

Plus j'avance vers le fond de la salle, plus la densité de personnes autour de moi augmente. Je ne me demande même pas pourquoi : c'est dans cette direction qu'il y a le bar, et la plus grande partie de la famille Barbier a un léger penchant pour l'alcool. C'est pour ça que je ne suis pas le moins du monde étonné lorsque je croise plusieurs de mes oncles, déjà complètement pleins. Pourtant, la salle n'a été ouverte il y a trois heures seulement, donc ils n'ont vraiment pas attendu longtemps pour commencer l'apéro. Je parle un peu avec certains d'entre eux, ceux que je ne vois pas souvent et que j'aime bien. Je prend de leur nouvelles, ils prennent des miennes, puis je continue mon chemin.

Je repère assez facilement Charlie et son 1m85 au travers de la foule, et je me dirige vers lui. Denise est à ses côtés, plus belle que jamais ; ce matin, dans sa robe de mariée, elle était magnifique. Maintenant, elle porte une robe blanche, lui arrivant un peu au dessus des genoux. Les chaussures qu'elle porte avec complètent parfaitement sa tenue. Si elle ne venait pas de se marier avec mon frère, j'aurais certainement tenté de lui piquer son numéro avec des phrases de dragues les plus nulles les unes que les autres.

Au moins, à elle, tu ne lui sortirais pas « Tout ce que tu veux, beau gosse »...

Cet épisode gênant avec Ezra me revient tout le temps à l'esprit. Je ne sais toujours pas ce qui m'a poussé à sortir ça, certainement l'alcool, mais ça a eut l'air de le faire rire, alors peut-être que tout n'est pas perdu. D'ailleurs, je ne l'ai toujours pas vu depuis que je suis arrivé ici. En même temps, il m'est un peu sorti de la tête.

-Alors Alex, t'étais où ? Je pensais te voir après la seconde cérémonie !, me demande Denise.

Je n'ai pas le temps de répondre que mon frère dit:

-D'ailleurs, merci infiniment. Jamais on aurait pu faire rentrer tout le monde dans la petite salle de la mairie, c'était une idée de génie de tout rejouer dans une salle plus grande juste après. Tu as ma reconnaissance éternelle pour tout ce que tu as fait pour nous...

Il finit sa phrase en me serrant dans ses bras. Il pue le bonheur, c'est dingue ! Je lui rend son étreinte, puis je me tourne vers ma nouvelle belle-soeur :

-En fait, je suis tombé sur un gars dans l'autre salle, on a tout rangé avec l'équipe, puis on a bu des bières. Comme un con, je me suis endormi après environ cinq bouteilles, et je me suis réveillé il y a presque deux heures. Je suis parti me changer, et je suis venu directement ici. Voilà voilà, maintenant vous pouvez vous moquer de moi, je vous en prie !

Les deux tourtereaux se regardent dans les yeux pendant un quart de seconde, comme pour se concerter, puis ils éclatent de rire. Je les laisse faire, après tout, moi aussi je me serrais moqué de Charlie s'il avait fini assez bourré pour s'endormir après « seulement » cinq petites bières. Après plusieurs minutes, ils sont toujours pliés en deux, entrain de se marrer ; c'est drôle, mais pas à ce point là, pas vrai ? Je croise mes bras, et je leur jette un regard noir, mais ça a juste l'air de les faire rire plus. Alors je les laisse seuls, et je me faufile jusqu'au bar, où je tente d'attirer l'attention du barman.

Je ne le vois que de dos, mais pour moi c'est suffisant ; il est musclé comme il faut, là où il faut. Ce n'est pas mon genre de mater comme un affamé, loin de là, mais des fois, surtout quand j'ai bu, je ne sais pas résister. Je vais me sentir mal après, je le sais, je déteste être comme ça. J'ai l'impression d'être un prédateur. Je fixe la nuque de l'homme pendant quelques minutes, jusqu'à ce qu'il se retourne finalement pour me servir. Et là, je suis à peu près sûr que ma mâchoire est tombée au sol...

C'est Ezra.

Ses yeux bruns me regardent avec étonnement pendant un court instant, puis un sourire narquois pris place sur ses lèvres. Il vient s'accouder sur la partie de bar juste en face de moi, ce qui fait que nos visages sont assez proches.

-Tiens, tiens... Ne serait-ce pas là ce cher petit Alexandre ? Alors t'as fini ta petite sieste ? Je n'arrivais vraiment pas à te réveiller, tu sais !

Ses yeux moqueurs restent fixés dans les miens. Il veut me perturber. Et il y arrive, ce con, mais je ne compte pas le laisser faire comme ça. Je me penche vers lui, dans une tentative de l'intimider moi aussi, et je lui susurre :

-Je vis dans un conte de fées, seul un baiser peut me réveiller.

Il ne s'attendait visiblement pas à ce que je lui réponde ça ; la stupeur a figé son visage dans une expression particulièrement drôle, à mon goût. On aurait dit qu'il avait été pétrifié sur place par ma réplique. Mais ça ne dure pas longtemps : après quelques secondes seulement, il éclate de rire, se foutant clairement de moi. Maintenant, c'est moi qui fait une tête bizarre. Il reprend sa respiration difficilement, puis, les yeux pétillants, il me dit :

-Je ne m'attendais tellement pas à ça ! Le regard que tu m'as lancé, je vais le revoir pendant longtemps ! Tu as refait ma vie, Alex, merci infiniment ! Sinon, tant que je suis ici derrière, tu veux que je te serve quelque chose ?

-Attends... T'es pas le barman ? Qu'est-ce que tu fais là alors ?

Il ne me répond pas directement, mais il s'empare d'un shaker derrière lui, et y met plusieurs liquides dedans, avant de remuer le tout.

-Nope, je ne suis pas barman. Mais j'en avais marre d'attendre que quelqu'un me serve à boire, alors je suis passé derrière le comptoir. Et puis, je m'ennuie carrément à cette soirée, alors ça m'occupe !

Sa dernière remarque, je ne peux m'empêcher de mal la prendre. C'est moi qui ai tout organisé, alors apprendre que quelqu'un s'ennuie... J'ai l'impression d'avoir foiré à un moment donné. Ezra pose un verre devant moi, qui contient certainement le mélange qu'il vient de finir. Au vu de l'aspect, je dirais que c'est un mojito. Mais lorsque je commence à le siroter, le goût n'est pas le même que ceux que j'ai pu boire par le passé. Le brun doit voir sur mon visage qu'il y a quelque chose qui ne va pas, puisqu'il me dit :

-C'est du sans alcool. Si tu t'es endormi après cinq pauvres bières, je ne tiens pas à ce que tu te retrouves à l'hôpital après avoir bu quelque chose d'un peu plus fort !

Encore ce sourire narquois et son regard moqueur. Il se paie de ma tête, encore une fois ; mais je ne vais rien faire. Si j'essaie de répondre quelque chose, il va juste rétorquer, se moquer un peu plus de moi, alors ça ne sert pas à grand-chose. Et puis, il n'a pas tort, je ne tiens pas du tout l'alcool. Peut-être que, pour ce soir, je vais m'en tenir à ce mojito sans alcool, du jus d'orange, et du soda. Comme si j'étais à la table des enfants, super !

Donc, je me contente d'ignorer Ezra, et de boire ma boisson, lorsqu'une main vient se poser sur mon épaule. Elle appartient à une jeune femme, certainement l'une des amies de Denise. D'une voix particulièrement aiguë, elle me demanda :

-Excusez-moi... On m'a dit que vous êtes l'homme qui a organisé toute cette soirée, est-ce vrai ?

-Hum... Oui, en effet, c'est bien moi. Pourquoi cette question ?

-Et bien, en fait, ma meilleure amie va fêter ses trente ans dans quelques mois, et j'aimerais bien organiser une super soirée pour elle. Et lorsque je vois tout ce qui a été fait ici, je me dis que vous êtes certainement l'un des meilleurs organisateurs que j'aurais pu trouver. Du coup, je me demandais, est-ce que vous auriez un numéro auquel je pourrais vous appeler pendant la semaine ?

Et bien, ça c'est nouveau. Jamais personne ne m'a contacté comme ça pour organiser quelque chose. Je trouve un papier, sur lequel je note rapidement le nom et le numéro de ma boîte, puis elle repart vers l'endroit dont elle venait, tandis que je me reconcentre sur ma boisson. Ça me fait plaisir de savoir que cette femme aime assez mon travail que pour vouloir que je travaille avec elle. Peut-être que, d'ici la semaine prochaine, j'aurai un nouveau contrat, de nouveaux clients, et tout ce qui va avec ! C'est la voix d'Ezra qui me sort de mes rêves de grandeurs :

-Tu sais quoi ? C'est un énorme travail que tu as fait ici. Je viens seulement de comprendre que c'est toi qui a fait tout ça, et c'est con mais... Je regrette d'avoir dit que je m'ennuyais tout à l'heure. C'est mal sorti, je le reconnais. Je voulais juste te dire que, sans toi, c'était chiant comme soirée. Alors, je suis désolé pour cette énorme gaffe,et pour ne pas avoir réalisé plus tôt que tout ça, c'était ton œuvre. Ah, et pour les mauvaises blagues aussi, je m'excuse. Et si jamais je foire encore ce soir, je m'excuse à l'avance. Voilà.

Pendant tout son discours, je l'ai fixé en continuant de boire mon verre. Ce qui est marrant, c'est que j'ai l'impression de l'avoir déstabilisé en faisant ça, alors que je trouve juste sa boisson excellente. J'ai l'impression de lui devoir des excuses, moi aussi, alors je lui souffle :

-J'accepte toutes tes excuses, mais à une condition : tu me pardonnes et tu oublies que je me suis endormi dans l'autre salle. Deal ?

Il sourit à pleines dents, avant de me tendre sa main et de me répondre sur le même ton :

-Deal. Enfin, je promets de ne plus faire allusion au fait que tu t'es endormi comme un bébé, mais il est hors de question que j'oublie ça. C'est beaucoup trop drôle, et je me réserve le droit de me marrer tout seul comme un con, dans mon appartement. Et c'est non négociable !

Au moins, il est honnête, c'est déjà ça. Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix, alors je lui serre la main, avec un sourire aussi grand que le sien. Lorsque je veux recommencer à boire mon mojito, je me rend compte qu'il est entièrement vide, à ma grande déception. Sans que je ne dise quoi que ce soit, Ezra me reprend mon verre, et le remplit à nouveau de sa délicieuse boisson. En fait, ce n'est pas une mauvaise chose que ce soit sans alcool : je vais certainement boire ça pendant toute la soirée, mais je ne finirai pas à l'hôpital !

Le temps passe assez rapidement, pendant que je suis au bar. Ezra est resté là pendant tout ce temps, à me parler de choses et d'autres, de son roman, de ses amis. Alors qu'il me racontait la fois où il avait renversé du café sur son ordinateur, il s'interrompt soudain, avec un air effrayé. Il me murmure :

-Alex, ne pose pas de question. Viens te cacher derrière le bar. Maintenant !

 

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drawmeamoon
Posté le 30/05/2021
Toujours aussi fan du toupet d'Alex ! « Je vis dans un conte de fée, seul un baiser peut me réveiller » j'aime trop trop trop !
Et j'avais oublié a quel point leur dynamisme est adorable ! J'aime trop T-T <3
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