Tu l’entends.
Il fait du bruit.
Il t’empêche de dormir.
Alors tu l’éteins, et tu refermes tes yeux.
Mince, un deuxième, tu l’avais oublié. Il est là au cas où le premier échoue.
Tu l’entends encore plus.
Il fait encore plus de bruit.
Il t’empêche encore plus de dormir.
Alors tu l’éteins, et tu ouvres tes yeux.
Mince, c’est trop tard, tu ne peux plus te rendormir. Ils ont gagnés. Encore.
Tu te lèves, fatiguée. 6h40. C’est beaucoup trop tôt. Tu voudrais te recoucher, rien qu’une minute. Un petite minute. Mais tu ne peux pas. Elle arrive et allume la lumière. Celle-ci t’agresse les yeux. Tu râles, comme d’habitude. Elle aussi râle, elle te dit d’aller te préparer sinon tu vas encore être en retard. Comme la dernière fois. Et toutes les fois d’avant. Tu soupires et commences à te préparer, comme d’habitude. Petit-déjeuner, brossage de dents et cheveux, habillage et maquillage, comme d’habitude. Ta tenue est la seule chose qui diffère relativement de d’habitude. Tu en as marre de ces habitudes. Tout est morne à cause de ça. Tu veux faire quelque chose d’autre. Mais quoi ?
Ta journée va se passer comme toujours : tu vas arriver au lycée, tu vas dire bonjour à tes quelques amis, tu ne vas pas écouter très attentivement tes cours, à midi tu vas manger à la table la plus proche de la fenêtre avec tes quelques amis, puis tu vas reprendre tes cours aussi peu attentive que la matinée, et enfin à 17h ce sera fini, tu vas rentrer chez toi, en bus comme l’aller. Mais ça ne vas durer que quelques minutes, tu n’habites pas loin du lycée. Il t’attendra, il travaille depuis la maison, et il vérifiera que tu ne sois pas sortie avec tes quelques amis. Tu vas faire tes devoirs. Mais ça va durer une éternité car tu n’auras pas écouté tes cours, comme d’habitude.
Tu aimerais briser ce quotidien, mais comment ? Une idée depuis longtemps enfouie par la flemme te revient alors. Tu n’habites pas loin de ton lycée alors pourquoi ne pas y aller à pieds ? Ce ne parait être pas grand chose, mais c’est déjà beaucoup pour toi. Alors c’est décidé, aujourd’hui tu y vas à pied. Tes amis ne risquent pas de s’inquiéter si tu ne prends pas le bus, comme d’habitude ? Bof, tu es assez grande pour te débrouiller seule, tu n’as plus 3 ans et eux non plus.
Tu n’as pas envie de longer le chemin du bus, tu veux voir un autre passage pour une fois, pour ne pas faire comme d’habitude. Alors tu regardes sur internet et au bout de quelques minutes, tu trouves un chemin. À pied tu en as pour un quart d’heure. C’est bien. Tu retiens le chemin et le transfert à ton téléphone au cas où. On ne sait jamais.
Tu regardes l’heure, et soupires. Tu ne t’es pas encore maquillée, tu vas être en retard. Comme d’habitude… Non, pas cette fois. En plus si tu arrives à l’heure, tes professeurs ne te saouleront pas. Tu décides donc de ne pas te maquiller. Et lorsque tu t’apprêtes à sortir, elle te regarde bizarrement. Et oui, incroyable, tu es à l’heure. Tu lui souris et son regard chargé d’incompréhension s’amplifie encore. Un bisou pour dire au revoir et cette fois-ci, tu l’as totalement perdue. Elle murmure vaguement quelque chose que tu ne comprends pas. À 7h24 tu es sortie.
Il fait froid dehors, ce n’est pas étonnant puisque tu es en plein milieu de l’hiver. Il fait aussi nuit d’ailleurs. Les lampadaires sont toujours allumés. En plus de ça, il fait très moche. Un brouillard dense enserre la ville. Tu ne peux même pas distinguer le soleil qui, à cette heure, devrait commencer à se lever.
Tu regardes un peu dans toutes les directions pour être sûre que tu ne te trompes pas de chemin. Aux yeux des passants, même si tu n’en as vu que deux ou trois, tu dois avoir l’air d’une touriste. Mais quelle touriste se promènerait par un temps aussi triste dans une ville aussi morne ? Tu n’habites ni dans une grande ville ni à la campagne. C’est horrible. Il y a juste assez d’habitants pour que l’ambiance soit la même que dans les centres ville : tout le monde s’ignore et personne ne se connait, mais en même temps, il n’y en a pas assez pour que ce soit réellement un centre ville et qu’il y ait les magasins, aménagements… utiles. Il y a les inconvénients mais pas les avantages. Enfin, tu as l’habitude, ça va bientôt faire 17 ans que tu vis ici.
Tu marches, marches et marches encore. Mais c’est bien, ça te change de d’habitude. Non, ça change tout court. Tu ralentis un peu, pour profiter, qu’importe qu’il fasse froid et que quelques gouttes se fassent ressentir. Tu regardes ton téléphone de temps en temps, au cas où. Tu aimes bien ça, cette sensation d’être seule au monde, sans lumière avec juste un manteau pour te protéger de la morsure du vent…
Les lampadaires viennent de s’éteindre. Pourquoi ? On ne voit vraiment plus rien. Tu ne vois vraiment plus rien. Alors tu allumes la lampe de ton téléphone, c’est toujours mieux que rien. Tu tournes dans une rue puis une autre, tu as du mal à reconnaitre ta ville. Il fait sombre, le vent s’intensifie encore, la pluie continue de tomber légèrement ; le sol défile sous tes pieds pendant que l’atmosphère se refroidit, que l’ambiance devient cynique.
Un frisson te parcourt. L’excitation. Tu jettes un coup d’œil à gauche, puis à droite. Le frisson se renouvèle, de la pointe des pieds jusqu’en haut du dos cette fois-ci. L’excitation ? Non. Tes coups d’œil ont disparu, désormais tu tournes entièrement la tête. À gauche, à droite, derrière… Un bruit. Tu rejettes vivement la tête sur le côté pour en identifier sa source. C’est bon, ce ne sont que des feuilles. Un craquement sous tes pieds, tu recules sans demander ton reste. C’est bon, ce n’est qu’une petite branche…
Qu’est ce qu’il t’arrive ? Tu rigoles devant ta bêtise. C’est nerveux. Mais que pourrait-il bien se passer ici ? Il n’y a pourtant rien qui t’effraie. Tu es seule dans de petites rues que tu ne connais pas, il y a du brouillard et de la pluie, tu distingues à peine deux mètres autour de toi… Nouveau rire nerveux. Oui que peut-il bien t’arriver ? Rien. Voilà, rien du tout. Et pourtant…
Un raclement de griffes dans les arbres et tu fais un bond pour te plaquer contre le mur. Ce n’est rien, ça doit juste être un écureuil. Tu continue tout de même de longer le mur des fois que… De petites pattes te frôlent, nouveau bond vers le milieu de la route cette fois. Ce n’est rien, ça doit juste être une araignée ou quelque chose dans le genre. Tu n’en a pas spécialement peur d’ordinaire pourtant tu préfères garder encore un peu tes distances avec la pierre. Tu te sens vraiment ridicule.
Soudain ta gorge se noue et tu te figes. Comme arrêtée par une force inconnue. Sauf que là tu sais très bien pourquoi tu t’es stoppée. C’est l’angoisse. Face à toi se trouve une camionnette immobile, fars et moteur allumés. À force de paniquer, tu ne l’avais même pas remarquée. Il y a quelque chose à l’intérieur ? Tu n’arrives pas à distinguer mais il te semble bien percevoir une forme… Qu’est ce que c’est ? Qui est ce que c’est ?
Tu te forces à faire quelques pas. Il faut vraiment que tu arrêtes de t’imaginer toutes sortes d’histoires horribles. Tu te répètes continuellement qu’il n’y a rien de terrifiant dans cette rue. Mais entre deux pensées, une idée effrayante se glisse dans ton esprit corrompu par ton imaginaire. Ta raison n’a plus de contrôle, elle ne fait que se dire en boucle que ce n’est rien sans que tu n’y crois.
Tes mains commencent à devenir moites. Tu avances lentement en évitant soigneusement les feuilles au sol pour ne pas faire de bruit. Tu essaies au maximum de fixer le véhicule tout en prenant bien garde de rester à distance. Lorsque tu arrives à sa hauteur tu regardes timidement à l’intérieur. Ce qui se trouvent dedans n’est pas vivant. A part les sièges, la camionnette est.
Vide. …? Tu pousses un grand soupir de soulagement.
‹‹ Je te l’avais bien dit ›› Déclare ta raison.
Oh misère ! Ça y est, tu deviens folle. Tu détales en vitesse, il ne faudrait pas que la personne qui utilise la camionnette arrive et te voit. Tu continues ton chemin plus sereine mais toujours raide. Le moindre mouvement attire encore ton attention. Mais ça va, il te reste moins de la moitié à parcourir. Tu es bientôt sortie de l’enfer de ton imagination bien trop débordante.
À moins que ton imagination n’y soit pour rien et que…
Stop ! Devant toi se trouve encore une forme. Bien plus humaine mais toujours immobile. Et celle là tu ne l’as pas inventée. Tu es comme paralysée. Elle te fixe. Tu ne peux pas l’éviter. Elle ne bouge pas le moins du monde. Tu as l’impression que ton cœur s’arrête de battre. Elle est toujours là en plein milieu de petit chemin. Tu t’arrêtes de respirer. Elle sourit, moqueuse. Tu essayes de réfléchir. Elle efface son sourire, les yeux meurtriers.
Un ombre attire ton regard derrière toi. Un chat noir est passé en courant et a disparu derrière une maison. Enfin peut être qu’il n’était pas noir, mais c’est allé tellement vite… de toutes façons ça revient au même. Tu as quitté la forme des yeux pendant quelques secondes.
Grave erreur.
Lorsque tu retournes la tête vers la forme, elle a disparu. C’est comme un coup dans ta cage thoracique. Un choc sourd qui te fait réaliser bien des choses. Tu promènes des prunelles folles tout autour de toi. À gauche, à droite, derrière, devant, en haut, en bas… Mais tu ne la trouves pas. Elle est partie, envolée, prête à te tomber dessus à tout moment. À moins que… À moins qu’elle n’ait jamais été là…? Mais pourtant celle-là tu ne l’as pas inventée. N’est ce pas ?
Tu ne sais plus quoi faire. Tu ne sais plus quoi penser. Tu ne sais plus quoi croire. Qu’est ce qu’il va t’arriver ? Tout. Rien. Mal. Bien. Tu soupires, respires profondément et avances. Dix mètres en ligne droite puis il y a un mur. Là où se trouvait la silhouette. Puis tu auras 2 options : à gauche ou à droite. C’est simple il faut que tu ailles à droite. Tout droit puis à droite. Tout droit puis à droite…
Tu as les yeux fixer sur le sol, tu retiens ta respiration. Plus qu’un mètre avant le mur. Tu tournes. Tu lèves la tête pour voir s’il y a quelque chose – ou quelqu’un – devant toi. Rien. Tant mieux. Tu n’oses même pas regarder derrière pour être sûre que la forme n’était pas un arbre ou… Enfin de toutes façons c’est trop tard. Tu suis ton chemin, regardes ton téléphone tout en continuant d’avancer. Tu arrives, bientôt. Tu ne t’arrêtes que lorsque tu te trouves face à un mur – une grille en l’occurrence –.
Qu’est ce que… ? La porte est fermée à clé, tu es pourtant sûre que c’est par là qu’il faut que tu passes. Tu serres les poings. Pourquoi ? Qu’est ce que tu as fais pour que cette journée soit si pourrie ?! Ça t’énerve. Tu regardes l’heure : 7h41. Il te reste encore un peu de temps mais de chemin aussi, enfin pas beaucoup normalement. Tant pis ! Tu escalades. Après être passée de l’autre côté de cette foutue grille, tu peux voir ton lycée un peu plus loin. Enfin !
Soudain, tu te rends compte qu’il pleut. Depuis quand ? Tu as froid, tu es toute mouillée. Quelle idée stupide de vouloir y aller à pied ! Tu souris, et rigoles intérieurement. Que tu es stupide. Toute cette histoire pour…pour rien. Tu avais vraiment tout inventé. Tu espères du moins.
Tu ne pensais pas avoir peur de rien mais là tu avais peur d’UN rien. Heureusement que personne ne pouvait te voir, quelle honte ! Même si finalement, en y repensant c’était plutôt drôle. Enfin… sur le moment tu n’en menais pas large. Ce qui est sûr, c’est que jamais tu n’en parleras à qui que ce soit. Tu as envie de pleurer et de rire en même temps. Quelle sensation étrange…
Tu t’en souviendras sans doute pendant longtemps. Ça te fais froid dans le dos. À moins que ce soit le froid tout court ? Et si jamais tu n’avais rien imaginé du tout ? En tous cas, plus jamais tu n’auras à repasser par ces chemins.
Enfin ça c’est ce que tu espères. Parce que demain, il y a grève des bus, non ?
J'ai trouvé cette histoire très rafraichissante par son originalité. L'utilisation de "tu" pour l'ensemble du texte est quelque chose qu'on ne voit jamais et pourtant tu montres avec ce texte qu'il y a moyen de réussir de jolis écrits.
L'utilisation de la deuxième personne permet de nous concerner une sorte de tension dont ton histoire profite.
Une lecture vraiment très sympa ! On s'attend à voir le fantastique débarquer à chaque coin de rue.
La description des réveils m'a paru très parlante, surtout cette année où je dois me lever à 6h30 xD
Quelques coquilles :
"tu vas arrivée au lycée," -> arriver
"alors pourquoi ne pas y aller à pieds ?" -> pied
"mais en même il n’y en a pas assez" -> en même temps
"Tes coups d’œil ont disparus," -> disparu
"n’est pas vivants." -> vivant
Un plaisir,
A bientôt !
Ahah oui le réveil est surement parlant pour beaucoup de monde car c’est tiré d’histoire vraie malheureusement xp
oulala les vilaines coquilles je corrigerais ça vite !
Merci de ta lecture :D
Au plaisir (=