Firo inspira profondément. Il profita quelques instants encore de la vue imprenable qu’il avait sur Alapos et ses environs, baignés par la lumière du soir. Cela lui avait manqué.
Mais le sentiment de réconfort s’évanouit aussitôt qu’il posa son regard plus loin vers l’horizon, sur la montagne du Temple de Pyros. Cela faisait quatre ans qu’il n’avait pas parcouru ses pentes et pénétré dans ses entrailles. Quatre ans qu’il avait des frissons à la seule vue de cet endroit. Quatre ans qu’il se remémorait perpétuellement ce matin fatidique.
Ce furent les jambes et le cœur lourds que Firo poursuivit son chemin. Les dernières centaines de mètres étaient les plus éprouvantes. Et pourtant, son périple à Caroma, la plus grande ville de Floshrun, lui avait déjà fait parcourir un bon millier de kilomètres. Mais il était plus aisé pour lui de poursuivre une quête, certes peut-être insensée, pendant une vingtaine de jours, que de supporter le reflet de son échec que lui renvoyait sa région natale. Car c’était complètement bredouille qu’il rentrait à la maison.
Firo traîna donc ses pieds jusqu’au seuil de la porte familiale et inspira un grand coup. Il ne l’avait pas remarqué lors de son départ, mais depuis la dernière période de la Fournaise, ses parents n’avaient pas nettoyé les traces de brûlure sur le lourd battant. En baladant une dernière fois son attention autour de lui, il constata, avec une pointe d’effroi suivie par un flegme envahissant et salvateur, que les environs de son foyer se retrouvaient de plus en plus négligés. Les plantes aromatiques qui embaumaient habituellement ses narines n’avaient pas été replantées, et leur parfum avait été remplacé par une odeur acre de terre carbonisée. À l’approche de la Fournaise, aucun des champs entourant la maisonnette n’avaient encore été fauchés. Firo aurait certainement beaucoup de travail à rattraper pour assurer une fin de saison convenable à sa famille.
Il toqua. Des bruits de pas précipités se firent entendre derrière la porte, et celle-ci s’entrouvrit.
« Bonjour, maman, dit simplement Firo. »
Merlane, la mine sombre, le dévisagea quelques instants, avant qu’un faible sourire ne naisse dans le coin de sa bouche. Elle finit de pousser le battant de bois massif qui bloquait l’entrée et écarta les bras pour accueillir son fils.
« Bonjour, mon grand, s’enthousiasma-t-elle en l’embrassant. Tu as fait bon voyage ? Viens, entre, va poser tes affaires et installe-toi. On va bientôt passer à table, tu pourras tout nous raconter pendant le repas.
— Merci, maman, souffla le jeune homme en partageant une courte étreinte avec sa mère. »
Firo se dirigea directement vers sa chambre et y lança son sac de voyage à travers la pièce. Il s’affala sur le matelas du bas, retira mollement ses chaussures et s’allongea en croisant ses mains derrière sa nuque. Tout en fixant les lattes du lit juste au-dessus de lui, il s’autorisa un moment pour laisser se diffuser la seule émotion qui réclamait de sortir de son esprit cloisonné : la frustration.
Rien. Son voyage n’avait servi à rien. Il n’avait absolument rien trouvé de nouveau pendant sa laborieuse et méticuleuse enquête auprès des habitants de Caroma. Ni sur l’enlèvement de Gao, ni sur l’identité de ses ravisseurs, ni même sur la raison du départ précipité ou la destination de Naylinn et sa famille. Son amie et ses parents avaient disparu du jour au lendemain, quelque temps après la venue des mystérieux assaillants de l’espace. Leurs anciens voisins avaient tout de même eu la générosité de léguer toutes leurs parcelles de terrain à Daro et Merlane. Mais en l’absence de nouvelle main d’œuvre et d’une véritable volonté d’entretien de la part de ses parents, la quantité de travail qu’aurait dû abattre Firo devenait ingérable. Les champs restaient donc à l’abandon, dépérissant doucement, tandis que la maison de Naylinn ne servait plus que de débarras. Mais pour lui, la conséquence la plus grave, la seule qui lui importait, était le fait qu’il avait perdu son frère et sa meilleure amie depuis quatre ans.
Alors qu’il commençait à s’assoupir, immergé dans ses rêveries cauchemardesques, le garçon entendit sa mère l’appeler pour le repas depuis le haut des escaliers. Le fumet qui lui saisit les narines lorsqu’il gravit les marches lui fit instantanément monter l’eau à la bouche. Néanmoins, son appétit demeurait restreint.
Firo tira une chaise et s’installa de sorte à faire face à ses deux parents, lesquels étaient déjà concentrés sur leurs gamelles. Lorsque son père releva enfin le nez de son assiette, ses yeux fatigués tombèrent sur ceux de Firo. La mine fermée et impassible, il lui demanda après avoir dégluti :
« Alors, Firo, comment vas-tu ?
— Bien, répondit-il en engloutissant une pleine cuillère de sa nourriture.
— Le voyage de retour s’est déroulé sans accroc ? insista Daro pour tenter d’ouvrir un dialogue avec son fils.
— Oui. »
Firo n’avait aucune envie de discuter de son échec et, pour le moment, il se bornait à ne parler que par mots uniques. Ses parents s’observèrent, l’air ahuri, et Daro reprit :
« Bon, tu dois t’en douter, mais tu auras quelques cours à rattraper. La Fournaise passera dans une semaine environ, tu auras donc tout le temps d’étudier pendant ce temps. En revanche, j’aurai besoin de toi pour les derniers travaux de la saison aux champs. J’avoue que j’ai pris du retard sans ton aide, et avec les parcelles héritées de la famille de Naylinn lorsqu’ils ont déménagé…
— Lorsqu’ils nous ont abandonnés, rectifia férocement Firo. C’était un abandon, pas un déménagement.
— Ce n’est pas pour te blesser qu’elle est partie, assura Merlane en se penchant vers son garçon. Elle et ses parents craignaient certainement de rester à Alapos après… les événements d’il y a quatre ans. Ils ne devaient plus se sentir en sécurité ici. C’est compréhensible. Et d’ailleurs, c’est loin d’être la seule famille à avoir quitté le village.
— Si tu le dis, grommela le garçon en poussant ses légumes dans son assiette. Dans ce cas, c’est tout le village qui nous a abandonnés. »
Daro et Merlane n’enchérirent pas. Avec des yeux tristes, ils échangèrent simplement un regard, jusqu’à ce que le père de famille fasse une nouvelle tentative en changeant de sujet :
« Comment ça s’est passé chez mon cousin ? Tu as bien dormi là-bas ? Il paraît qu’il fait souvent la fête…
— C’est le cas, confirma Firo sans se défaire de son air sombre. En fait, je ne l’ai pas beaucoup vu pendant mon séjour. On se croisait seulement lorsque je revenais de mes journées d’enquête, tandis que lui sortait rejoindre ses amis ou je ne sais qui.
— Et comment se sont passées tes recherches, d’ailleurs ? questionna aussitôt Merlane. Il y a eu des avancées ? Tu as trouvé de nouvelles pistes ? »
C’était le moment que Firo avait redouté toute la journée. Et même avant cela, puisque dès qu’il eut pris la décision de quitter Caroma pour revenir chez lui, le trajet fut douloureux de constats d’échecs. Et il ne voulait pas remuer un couteau dans sa propre plaie.
Des tremblements incontrôlés naquirent dans le bas de son dos et se propagèrent lentement au reste de son corps. Ces frémissements étaient ceux de la frustration, de la peine et de la colère que le jeune homme avait contenues jusque-là. Mais cette résurgence de sentiments intenses semblait, pour le moment, imperceptible pour ses parents. Les flammes du foyer de la cheminée et des chandeliers allumés dans la pièce se mirent à danser en rythme avec les vagues d’émotions qui attaquaient Firo. La lumière chaude et ondulante éclairait d’un chatoiement rouge et ombragé les visages érodés par une vieillesse prématurée de sa mère et de son père. Il n’était pas en train de rêver, mais il l’aurait souhaité…
Face à la moue impatiente de Daro et Merlane, leur fils parvint à canaliser, au moins temporairement, l’effervescence de son esprit, et il finit par réagir :
« Non, rien, je n’ai trouvé aucun indice supplémentaire d’aucune sorte, se plaignit-il avec un poids sur la gorge. Partout, dans toutes les villes et tous les villages, c’est le même récit : des étrangers apparaissent à bord d’une machine volante, kidnappent les adolescents et les adultes qui portent une marque sur la poitrine, et s’envolent sans qu’on n’entende plus jamais parler d’eux ou de leurs prisonniers. Enfin, ça, c’est quand il y a encore une histoire à raconter. Les communautés de Floshrun sont si éparses et isolées les unes des autres, et c’est sans compter les Nomades, que ces agresseurs venus du ciel opèrent depuis des années en toute impunité ! »
À mesure que la voix de Firo s’était élevée jusqu’à crier sa dernière phrase, les petits feux dispersés dans la salle avaient eux aussi grandi. La taille de chaque flamme avait doublé, et leur ardeur s’amplifia d’autant. Le couple parental ne semblait toujours pas remarquer ces étranges phénomènes, mais l’ombre d’une angoisse, davantage provoquée par le comportement agressif de leur garçon, obscurcissait leurs traits. Avec une pointe de méfiance, Merlane tenta une énième fois d’aborder un sujet qui, elle l’espérait, générerait moins d’énervement ou de dégoût chez son fils :
« J’imagine que c’est la même chose pour le cas de Naylinn, tu ne sais toujours pas où est partie ton amoureuse…
— Naylinn n’était pas ma petite amie… coupa Firo alors qu’il commençait à se calmer.
— Ne t’en fais pas, beau jeune homme comme tu es, tu trouveras d’autres petites copines…
— Naylinn n’était pas ma petite amie, répéta-t-il sur un ton plus dur. Et de toute façon, les relations amoureuses ne m’intéressent pas, je n’ai pas le cœur à ça…
— Moi je pense qu’au contraire, ça te ferait du bien au moral, persista Merlane.
— Tu sais, à ton âge, s’il n’y avait pas eu ta mère, j’aurais pu séduire toutes les filles qui m’intéressaient ! plaisanta alors son père avec un rire gras. Et il y en avait beaucoup qui m’avaient tapé dans l’œil, je peux te l’assurer ! Je suis sûr que tu aurais autant de succès !
— J’ai dit non ! Je n’ai rien à faire de toutes vos futilités ! se mit à hurler Firo, avant de se tourner vers sa mère. Et c’est stupide de croire que j’étais amoureux de Naylinn !
— Ça suffit, Firo ! se leva Daro en frappant du plat de la main sur la table. Tu parles mieux que ça à ta mère ! Personne ici n’a à subir ton humeur exécrable, c’est compris ?! »
Le message était clair, et Firo, bien conscient d’être allé trop loin, se tut. Une larme roula sur sa joue. Il n’en voulait aucunement à ses parents, qu’il savait compréhensifs, et il regrettait d’avoir laissé exploser sa frustration sur eux. À leurs expressions désarmées, ces derniers semblaient d’ailleurs ne ressentir aucune rancune envers leur enfant. Ils étaient juste inquiets et, surtout, profondément bouleversés de voir leur fils aussi souffrant. Lui qui était l’aventure, l’insouciance et la joie de vivre incarnées à leurs yeux, d’aucuns ne reconnaîtraient plus le jeune homme que Firo était devenu.
Tout aussi ému que le garçon qu’il venait de gronder, Daro reprit d’une voix douce mais fébrile :
« Je suis désolé, je n’aurais pas dû te crier dessus comme ça. Je sais que tu as très envie de retrouver Gao, ou tout du moins de savoir qui l’a enlevé et ce qui lui est arrivé depuis quatre ans. C’est ce que nous souhaitons tous les trois. Mais je constate aussi que les échecs répétés pèsent toujours plus sur ton moral et font remonter à chaque fois d’horribles souvenirs. Tu poursuis une quête noble, et Merlane et moi te laissons évidemment faire tout ce que tu jugeras nécessaire pour la mener à bien. Nous te soutiendrons et t’aiderons même, dans la mesure de nos moyens. Cependant, nous craignons sincèrement que tu ne te perdes en chemin… »
Le ballet infernal des flammes s’estompa, laissant place à une lourde et sinistre pénombre. Les mots de son père avaient touché Firo, et sa fureur se métamorphosa en mélancolie. Oui, il était certainement obnubilé par cette pensée, celle de retrouver Gao un jour, qui le poussait à chercher toujours plus loin, plus profondément, plus méthodiquement. C’était cet objectif unique, ce rêve, qui régissait tous les autres et manipulait ses émotions. Et même s’il fournissait des efforts conscients pour la dénier, il comprenait et partageait l’angoisse de ses parents concernant cette situation. En agissant comme il le faisait, il risquait de supprimer son propre avenir, alors même qu’il essayait de rendre à son jeune frère celui qu’on lui avait dérobé.
« Papa, maman, je sais, tout ça, déclara-t-il après une inspiration triste. Mais j’ai fait une promesse. Et je ferai tout pour la tenir. Je retrouverai Gao. »
Il leva ensuite des yeux rouges de larmes vers ses parents, dont les regards étaient tout aussi embués. Ce qu’il s’apprêtait à leur dire allait leur faire du mal ; mais il n’avait plus la force de contenir ce ressenti.
« Vous nous aimiez tous les deux autant l’un que l’autre, pas vrai ? Alors pourquoi vous me donnez l’impression de ne rien faire pour sauver Gao ?
— Je t’interdis… commença à grogner son père entre ses dents serrées.
— Firo, ce n’est pas ça le véritable problème, l’interrompit Merlane en sanglotant. Tu ne sembles pas comprendre… Comme tu l’as dit, nous vous aimons tous les deux. Mais je ne sais pas ce que nous deviendrions… comment je pourrais survivre… si je perdais un autre enfant… »
De petits ruisseaux s’écoulèrent sur ses joues et tombèrent en deux fines cascades dans les restes de son plat, à présent froids. Chacun de ses mots avait eu l’effet d’un poignard dans sa gorge. Lui aussi ébranlé, Daro tenta de réconforter son épouse d’une main aimante en lui caressant le dos. Tout en la massant ainsi, il se tourna vers son fils :
« Firo, puisque tu as l’air de vouloir qu’on se parle franchement, j’ai un conseil à te donner : essaie un peu de passer à autre chose. Je ne te dis pas de tout oublier : ça, jamais. Mais cesse d’y penser jour et nuit. Cela fait déjà quatre ans, et ce qui est arrivé est arrivé. Tu ne pourras pas changer les choses du passé, peu importe pourquoi elles se sont déroulées ainsi, ou le fait que ce soit à cause…
— À cause de moi ? lança froidement Firo. »
Quatre petits mots qui firent définitivement craquer Merlane. Sans un son, mais en déversant des torrents de gouttelettes salées, elle se leva et quitta la table. Elle se dirigea, le visage dans ses paumes et tout en étant secouée de soubresauts, vers les escaliers qui menaient à sa chambre. Son mari n’eut pas le temps de la retenir, et il l’observa s’éloigner, hagard et silencieux.
Daro baissa finalement la tête après plusieurs secondes d’égarement. Sans lui adresser le moindre regard, il s’approcha de son fils recroquevillé sur sa chaise et posa une main pesante sur son épaule.
« Tu sais pourquoi ce que tu viens de dire l’a rendue si triste ? Ce n’est pas parce que c’est ta faute si Gao a été enlevé. Ça ne l’a jamais été. Tu es le seul à te considérer coupable et à te blâmer pour cela. Et Merlane, tout comme moi, nous savons très bien ce que peut faire subir ce sentiment de culpabilité… »
Firo leva les yeux et croisa enfin ceux de son père, dans lesquels il décela une tristesse inédite. Dans un geste tendre, Daro se pencha vers le front de son garçon et y déposa un baiser. Puis, il lui murmura :
« Je vais aller m’occuper de ta maman. Tu peux finir de manger si tu veux, je ne pense pas que nous reviendrons à table. »
Mais tout comme ses parents, Firo n’avait plus faim. Ainsi, lorsqu’il entendit son père fermer la porte de la chambre parentale, il se contenta de débarrasser les assiettes encore pleines, et il s’installa face au petit brasier de la cheminée. Alors, il observa.
La notion du temps se transforma bien vite en un concept abstrait dans l’esprit de Firo. Il était désormais seul avec ce feu qui le fascinait. Les pensées sombres et chaotiques s’évanouirent pour laisser de la place à une réflexion plus organisée et sereine. Il approcha lentement sa main des flammes, jusqu’à ce que son bras entier se retrouve dans la cheminée. Ensuite, il commença à toucher le feu lui-même. Il laissa filer ces lueurs sauvages et volatiles entre ses doigts et apprécia leur caresse contre sa paume. La rancœur et le chagrin disparaissaient temporairement, chassés par ce remède de chaleur et de lumière, tandis qu’un apaisement s’installait et détendait ses muscles.
Firo ne craignait nullement de se brûler alors qu’il faisait tournoyer le bout de ses doigts à travers les flammes. Cela faisait plusieurs années qu’il s’était découvert d’étranges capacités ; depuis les événements au Temple de Pyros, en réalité. Car même si Naylinn et lui avaient, à l’époque, privilégié une explication qu’ils supposaient rationnelle, une part de son esprit, qu’il n’avait jamais su faire taire, avait demeuré convaincue que c’était son instinct qui avait magiquement embrasé la branche. Par la suite, ce ne fut que la multiplication d’incidents du même genre qui permit à Firo de se rendre à l’évidence et de confirmer cette théorie : il possédait bel et bien des pouvoirs surnaturels.
Plus précisément, à force d’essais, d’expériences et d’entraînements qui suivirent cette prise de conscience, il se découvrit le don de manipuler le feu, de le générer à sa guise, et d’être insensible à ses potentiels ravages. Avec le temps, il avait même appris à cerner certaines subtilités dans le fonctionnement de cette magie. Notamment, il s’était aperçu que des émotions fortes, comme la peur ou la colère, avaient tendance à activer son pouvoir sans qu’il n’en ait réellement la volonté ; dans ces moments, cela rendait la maîtrise de son don bien plus difficile que d’ordinaire.
Ainsi, la danse de feu qui avait eu lieu quelque temps plus tôt dans le dos de ses parents était une démonstration flagrante de cette perte de contrôle. Daro et Merlane ne semblaient pas s’en être rendu compte, mais le visage fermé de Firo camouflait en réalité ses efforts de concentration pour reprendre le dessus sur ses propres pouvoirs. De toute façon, cela était devenu une habitude : ses parents ne voyaient pas grand-chose de ce qui arrivait à leur fils.
En outre, ses capacités ne se manifestaient que lorsqu’il se trouvait dans la région d’Alapos. Ses multiples voyages dans d’autres villes et villages de Floshrun, toujours dans le même but de retrouver Gao, lui avaient permis de prendre conscience de cet élément. Plus il se rapprochait du Temple de Pyros, plus il lui était aisé d’engendrer ses flammes sans se fatiguer. Et plus la part instinctive de ses sortilèges réémergeait. Cet éveil fut si violent et incontrôlable dans l’esprit de Firo lors de ses rares passages aux abords de la montagne qu’il s’était juré de ne plus retourner dans ce lieu. Il n’avait désormais plus aucun accès d’imprudence. Tout ce qui lui importait était de ne pas déclencher une nouvelle catastrophe sur son village. Mais aussi, même s’il ne se l’avouait pas vraiment, il était terrorisé à l’idée d’entendre à nouveau cette voix qui l’avait appelé.
Les détails de ce traumatisme, il n’en avait pas non plus parlé à ses parents. Tout comme la naissance de ses pouvoirs : ces informations sur son être et son histoire n’avaient jamais dépassé la limite de son intimité.
Alors qu’il récupérait une petite flamme dans sa main et qu’il la laissait doucement s’éteindre, un nouveau sentiment de honte et de culpabilité naquit dans son cœur déjà lourd. Il se leva calmement, se guida jusqu’à l’escalier grâce à la lueur du brasier mourant et s’arrêta devant la porte de sa chambre. Si sa mère et son père ne parvenaient pas à comprendre et aider leur fils, c’était uniquement de son fait. Il le savait. Il l’assumait. Il considérait même qu’il leur épargnait davantage de charge mentale en leur cachant certains de ses tourments. Il poussa la porte et se glissa dans son lit. Il n’avait aucunement l’intention de leur avouer ses secrets.