Chapitre VII

Partout dans le campus, les alarmes résonnaient. Des hurlements stridents, alertant l'esprit de chacun. Il ne s'agissait nullement d'un exercice, cela se voyait dans le regard surpris et inquiet des divers professeurs. Tout le monde se hâtait pour sortir au plus vite des bâtiments, dans la peur et l'incompréhension malgré l'insistance des supérieurs pour que tout se fasse dans le calme. Une fois dehors, les différents groupes tentaient de se reformer, s'assurant que tout le monde allait bien. Les professeurs, essayaient de compter leurs élèves dispersés dans la foule, vérifiant de n'avoir oublié personne à l'intérieur des bâtiments.

Tâche bien difficile à mener tant le brouhaha couvrait leur faible voix serrée par le stress. Et bientôt, par dessus les centaines de voix affolées, on distingua les hurlements, les cris de surprise, d'effroi. Bientôt, foule devint incontrôlable, certain reculaient, d'autre avançaient, d'autre encore tentaient de lutter contre ces vague de foule. Heiv essayait de se faufiler tant bien que mal au milieu des autres élèves devenus fous. Il avait horreur des rassemblements avec trop de gens. Il avait même des tendances agoraphobes, mais cette fois, l'inquiétude le poussait à agir. Quand il aperçu son chaton entouré des deux filles, il soupira de soulagement, il se précipita vers lui et sans se soucier du reste, il se serra fort contre lui.

"- Je suis là cutie pie..! Tout va bien... prononça Zadig en essayant tant bien que mal de se faire entendre.

- Tu n'as rien... j'ai eu tellement peur !

- Tout va bien. Je n'ai rien."

Les deux hommes s'apprêtèrent à échanger un baiser quand le cri de Dayana les interrompit.

"- Qu'est ce qui a Daya ? Demanda Heiv, décelant très bien la panique de la jeune femme.

- Oria !! Elle est là bas !" Hurla-t-elle en pointant du doigts le bâtiment administratif.

Ils ecarquillèrent les yeux. En effet, c'est de ce même bâtiments dont la fumée noir et les flammes s'échappaient. Pour eux, le choix était évident ! Il devait s'y rendre au plus vite. Mais leur élan fut vite freiné par l'amas de gens tout autour d'eux. Ils étaient encerclés et il était impossible de se frayer un passage au milieu de cette nuée. Alors ils regardèrent tout autour d'eux en quête d'un espoir, d'une issue. Et Eleven qui se tenait un peu plus loin leur adressa de grand signe. Il semblait avoir vu leur inquiétude et il avait visiblement trouver un chemin où passer.

***

Le bâtiment administratif était ravagé par les flammes, démesurément grandes. L'accueil et les bureaux Ouest, ainsi que l'infirmerie avait été évacué en urgence dès le départ. Mais, dans l'aile Est, on ne parvenait même plus à voir à l'intérieur, les flammes étaient montées jusqu'au toit et elles ne cessaient de progresser. L'air était de plus en plus irrespirable, le nuage de fumée cachait le ciel bleu, et pour ne rien arranger, le vent commençait à se lever, poussant les flammes à se répandre toujours plus loin. On chercha le plus haut responsable présent pour qu'il prenne des décisions face à cette situation d'urgence. Et la seule qu'on trouva fut Myriam. Mais la pauvre femme n'était pas en mesure d'ordonner quoi que ce soit. Elle avait de très peu échappé au ravage de l'incendie, ne la laissant pas indemne. Jugde, qui était sorti de l'infirmerie bien avant que l'incendie ne prenne de tel proportion, regardait l'issu de secours. Il jurait de tous les noms. Il n'avait pas vu Cryo, et encore moins Oria. Elle était dans le bureau du directeur quand le feu s'était déclaré. Il ne voulait pas croire qu'elle n'avait pas pu être évacuer et qu'elle était encore dedans, pourtant, aucune trace de la belle. Son coeur s'emballait dans sa poitrine, comme cela ne lui était jamais arrivé auparavant. Il avait tenté de s'approcher de la fenêtre donnant sur le bureau du directeur, mais l'air bouillant l'avait brûlé avant de ne pouvoir bien vérifié l'intérieur. Il n'avait rien vu, ni même entendu de cris, ou de murmure au secours. Juste le crépitement des danseuses rouges. Il attendait désespérément de voir des gens sortir. Sa respiration était de plus en plus courte, presque inexistante. Ses pupilles noires regardait partout, les portes et les fenêtres. Mais personne ne semblait s'en approcher. Il s'apprêtait alors à aller dedans, tenter il ne savait quel prouesse suicidaire. Mais il se stoppa net en voyant le corps de Cryo atterrir sur le sol, couvert de suie, au bord de l'étouffement. Il se précipita vers lui, essayant de faire abstraction des nombreuses douleurs dans son corps.

"- Cryo !! Hurla-t-il sur le ténébreux.

- Jugde ! Lança le ténébreux, soulagé de le trouver là malgré sa colère encore présente.

- Il faut qu'on retourne dedans ! Affirma le loup blanc fort dans sa voix ne s'inquiétant pas plus pour l'état de son ami qui s'étouffait.

- Pardon ?! S'exclama Cryo qui n'avait nulle envie de retourner de là où il sortait.

- Oria est à l'intérieur !! Il faut aller la chercher Cryo ! Demanda-t-il suppliant.

- Tu te fous de moi Jugde ?! C'est du suicide de retourner là dedans ! Et quand bien même, si on ne meurt pas brûlé, on va mourir asphyxié ! Et ma glace n'y résisterait pas une seule seconde. Alors c'est hors de question !!

- Elle va mourir !! Hurla le jeune loup blanc inquiet.

- Tu ne va pas là-bas Jugde. Elle est déjà morte. Rien n'a pu survivre là dedans.

- Tu n'es pas un monstre à ce point Cryo !! Bordel mais réagis !! Tu vas la laisser devenir un misérable tas de cendre ?! T'es à ce point un connard ?!"

Cryo n'eut rien le temps de répondre, un fracas et les cris du public horrifié attirèrent leur attention. Les deux hommes se tournèrent en direction du bâtiment incendié. Toute la façade d'entrée venait de s'effondrer sur elle même. La chaleur devenait de plus en plus insoutenable pour le bâtiment, et les flammes ne cessaient de prendre du terrain, fragilisant ainsi toute la structure. Cryo écarquilla les yeux. Il n'était pas prêt à voir cela. Il adressa un vague regard au bureau du directeur, et les flammes sortaient des fenêtres qui ne possédaient même plus de verre. Jugde eut le souffle coupé. Comment Cryo pouvait rester si froid à cette horreur ?! Comment il pouvait volontairement laisser quelqu'un mourir ?! Il y avait la petite poupée dedans !

"- Cryo !! Ta poupée de porcelaine ne résistera pas à telle température !! Tenta-t-il afin de réagir son aîné.

- Ma poupée ?! Tu te fous de ma gueule Jugde ?! T'es inquiet car t'as juste envie de la mettre dans ton lit et t'as envie que j'aille la chercher car tu as pas encore eut cette satisfaction. T'es qu'un gamin prêt à mettre ma vie en danger juste car tu ne sais pas gérer ta frustration. Affirma fermement le jeune ténébreux dont la colère et la jalousie venait troubler son esprit.

- Pardon ?! Tu oses me dire ça à moi ?! Tu l'aurais baisé à la première occasion et tu voulais la manipuler Cryo ! Certifia le loup blanc fou de rage. Tu es jaloux, et tu es prêt à la laisser mourir, car tu préfères qu'aucun de nous deux ne l'est plutôt qu'elle ne fasse un choix ! Tout ça car tu as peur qu'elle me choisisse moi. Lequel de nous deux ne sait pas gérer sa frustration ?!"

Le jeune loup blanc avait visé juste. On devinait sa respiration douloureuse à travers ses vêtements. Sa mâchoire était contractée et dans ses yeux se lisait le mépris pour son aîné. Il ne l'avait que rarement provoqué, presque jamais contredit, il était toujours allé dans son sens, mais cette fois-ci, c'était hors de question. Il voulait retrouver son petit soleil, peu importe si celle-ci était ravagée par les flammes, il refusait de la laisser devenir de simples cendres. Et il ne laisserait pas Cryo prendre la décision pour lui. Il le dévisagea une fois encore.

"- On doit aller la chercher Cryo.

- Non." Répondit sèchement l'homme de glace tournant le dos à son cadet et au bâtiment.

Jugde eut la sensation de se prendre un coup de massue sur la tête suite à ce refus catégorique. Il fut un très court instant déstabilisé. Si Cryo ne voulait pas l'aider, il irait seul. Même si il ne comprenait pas bien lui même les raisons qui le poussaient à agir, il ne pouvait lutter contre elles. Il sentait le besoin d'aller chercher cette fille. Il se dirigea alors vers le bâtiment. Cryo essaya de le retenir mais le loup blanc se dégagea violement de son emprise. Cryo le regarda désemparé, il ne comprenait plus et ne reconnaissait plus le garçon qu'il connaissait. À quel moment Jugde était-il prêt à risquer sa vie pour quelqu'un d'autre ?

"- Cryo !!" Appela une voix féminine qui se dirigeait vers lui.

Il se retourna dans cette direction et il vit Avelyne arrivée hors d'haleine.

"- Jugde est rentré ! Il est fou !! Qu'est ce qu'il fait ?! Interrogea-t-elle ayant seulement vu le jeune concerné disparaître dans l'épaisse fumée.

- Il va chercher Oria... soupira Cryo.

- Quoi ?! Elle est dedans ?! S'horrifia la jolie blonde en se figeant sur place.

- Ouais.... souffla Cryo qui réalisait sans difficulté l'erreur qu'il avait faite en laissant Jugde partir, refusant de l'aider.

- Mais gèles tout Cryo ! Il va mourir là ! Soit par les flammes, soit intoxiqué !! Tu contrôles la glace et il y a des flammes !! Réveille toi bordel ! Cria-t-elle rongée par la panique.

- Si je gèle tout Avelyne, tout va s'effondrer à cause du changement trop brutal de température !! Le bâtiment va leur tomber sur la tête !! Vous comprenez ça ?!"

Avelyne eut un frisson. Elle n'avait pas pensé à ça. Elle regarda Cryo désolée de l'avoir énervé, bien consciente qu'elle était en tort, puis elle se tourna vers le bâtiment. Elle plaça ses deux mains en direction de ce dernier, et concentra toute son énergie dans la paume de ses mains. Il ne fallu que peu de temps avant qu'une énorme pression d'eau ne se dégage de sa peau clair, visant tant bien que mal, les flammes. Cryo la regarda de travers, à quoi jouait-elle ? Son eau s'évaporait avant même d'avoir atteint une dans danseuses rouges. Elle sentit ce regard de pitié posé sur elle, et cela l'agaça profondément. Elle au moins, elle agissait, du moins elle essayait. Elle fit alors redoubler la puissance de son pouvoir. Cryo secoua la tête, et regarda le bâtiment où il résidait. Il n'y avait plus rien, plus d'appartement, toutes ses recherches étaient foutues en l'air, parties en fumée, il ne restait désormais plus que des pauvres cendres noires. De toute façon, il avait sûrement perdu la clé de toute cette histoire. Plus de dix ans de sa vie ruiné en un accident. Il avait tout perdu, et alors qu'il allait partir, laissant derrière lui cette scène macabre, il réalisa qu'il allait aussi perdre celui qui avait toujours été comme son frère. Il se crispa en y pensant. La vie de Jugde valait bien plus qu'une crise de jalousie. Il devait au moins essayer de faire quelque chose. Bien qu'il se doutait qu'il serait soit rongé par le regret ou le remord. Ainsi, il se plaça au côté de Avelyne, proche d'elle, presque de sorte à avoir un contact. Ses yeux de jade devinrent violet éclatant en un battement de cil.

"- Dépêche toi Jugde... tu as pas beaucoup de temps..." murmura-t-il de façon inaudible.

Il regarda sa cible. Cette immense bâtisse dévastée par le feu, là où il avait toujours vécu. Malgré les nombreux souvenirs qu'il mettait de côté, cette endroit était tout ce qu'il possédait, son seul repère dans ce vaste monde. Son corps entier se crispa, parcouru par une force surnaturelle, son aura dégagea une puissance rarement mise à nue de la sorte, et d'un battements de paupière, ses pupilles virent les flammes piégées dans des cages de glace. Le temps sembla soudainement figé et tout le monde fut stupéfait. On riva les regards sur lui et tout bas, il pouvait entendre les murmures d'admiration. Avelyne porta également son regard sur lui.

"- Merci Cryo..." lui dit-elle dans un chuchotement délicat.

Jugde, qui se trouvait à l'intérieur, ne voyait rien, mourrait de chaud et peinait de plus en plus respirer. Il se trouva soulagé quand il réalisa que Cryo s'était finalement décidé à agir. Il s'accorda quelques secondes de répit pour tenter de reprendre son souffle, mais d'inquiétants craquements requièrent sont attention. Il leva les yeux et d'énormes fissures se formèrent dans les murs noircit. Il comprit que son temps était compté. Alors il se redressa et prit des jambes à son cou, jusqu'au bureau du directeur. Il se forçait à faire abstraction de tout le désordre autour de lui, se focalisant uniquement sur ce qu'il était venu trouver. Les craquement dans les murs étaient de plus de plus forts et fréquents quand il arriva enfin devant le bureau. Plus aucun meuble, plus de bureau, plus de siège, même la féraille qui le composait avait eu le temps de fondre. Les cadres avaient eux aussi fondu. Mais par dessus tout, il n'y avait plus de directeur. Jugde n'en eut que faire ! Il trouva Oria, allongée au sol, recouverte par les cendres. Son coeur se serra mais il n'eut pas le temps de prêter attention à ses émotions, il s'empressa de retirer les poussières sur le corps du soleil apeuré de la trouver morte. Il la vit d'abord dévêtue et brûlée. Ses lèvres sèches et pâles, son teint de porcelaine semblait avoir été plus épargné que ce qu'il craignait, bien qu'elle n'avait pas été épargné. Il fixa son visage et approcha doucement sa main de celui-ci, il avait peur de lui faire mal. Mais l'envie était trop forte, il déposa sa main sur sa joue. Surpris, il la retira vivement dans la seconde qui suivit. Elle l'avait brûlé, elle était bouillante. Il n'eut pas le temps de réfléchir un instant de plus que tous les murs et le sol se mirent à trembler.

"- Accroche toi petit soleil...!"

Murmura le loup blanc en prenant doucement le corps brûlant de la jeune femme contre lui. Il étouffa sa propre douleur et il ne perdit pas une seconde de plus, il s'empressa de sortir du bâtiments. Il ne voyait plus que le visage de sa belle, tentant de percevoir une respiration, même infime, un quelconque signe de vie. Quand il retrouva la lumière du jour, il fut acclamer de joie par tous les élèves, qui le regardaient en héros. Mais Jugde n'eut aucune réaction. Les sons autour de lui ne parvenait pas à son esprit. Il adressa un regard reconnaissant à Cryo. Cryo le regarda grandement soulagé. Ils étaient tous les deux là. Il les savait tous les deux hors de ce brasier, mais malgré son envie de les rejoindre, il s'occupa de retirer de la façon la plus douce possible la glace qui figeait le bâtiment. Mais malheureusement, il n'eut pas le temps de tout enlever que le bâtiment tout entier s'écroula sur lui même. Le bruit fut assourdissant, comme si une bombe avait explosé à l'intérieur. Seul les flammes reprirent de plus belle, s'élevant vers le ciel, perçant l'épaisse fumée, montant toujours plus haut, comme un guide...

***

On se relayait aussi souvent que possible au chevet de la belle au cheveux d'argent. Le groupe d'amis avait fait en sorte qu'elle ne soit jamais seule. Même Eleven prenait part à leur initiative. On lui parlait, de tout et de rien, on lui donnait les nouvelles, bien que celles-ci ne soient pas bonnes. On lui parlait de Cryo, qui venait prendre de ses nouvelles de temps en temps, et de Jugde qui l'avait sauvé en héros, mais qui n'était pourtant jamais venu à ses côtés, ni même n'était venu demander dans quel état elle était. On trouva ça un peu déplacé, mais personne n'osa rien dire. Et tout compte fait, cela convenait à tout le monde que ce prétentieux reste loin d'elle. Même si elle était là grâce à lui, il restait l'homme désagréable. Oria, quand à elle, était plongée dans un profond sommeil. Ses poumons, malgré les soins intensifs auxquels elle était reliée, étaient plein de fumée, elle ne respirait plus sans aide. Sa peau était encore fortement marquée par le ravage des danseuses rouges, mais sa vie avait miraculeusement était épargné. Seulement, l'infirmier craignait qu'elle ne garde de très lourdes séquelles. Elle entendait à peine ses nouvelles qui venaient à ses oreilles, elle ne sentait plus dans le même monde qu'eux. Ses amis, qui le sentaient bien, étaient de plus en plus persuadé qu'Oria les quittait petit à petit, doucement, à petit feu.

***

On toqua à la porte de la chambre, et sans attendre de réponse, l'homme de noir vêtu entra. Il observa la chambre qu'il n'avait pas vu depuis bien longtemps. Un mur avec une tapisserie style pierres apparentes blanches et grises, et l'harmonisation de la décoration tournait autour du gris, noir et rouille. Il n'avait jamais bien compris cette décoration, et quand il avait aidé son partenaire à la faire, il était très sceptique. Au final, ce n'était pas si terrible, même si il n'adhérait pas plus que ça. Il alla s'installer sur le bureau et pointa son regard vers le lit. C'est de là dont provenait la respiration sifflante et fatiguée de celui qu'il venait sortir de sa tanière.

"- Jugde !" Interpella-t-il.

Il resta sans réponse. Alors il insista à mainte reprise.

"- La ferme Cryo ! Répliqua le loup blanc qui n'avait nulle envie d'être dérangé.

- Jugde ... soupira le ténébreux, qu'est ce qui te prends ? Ça fait trois jours que tu ne sors pas, tu n'as rien mangé et c'est à peine si tu as bu. Affirma-t-il en regardant le verre sur la table de nuit à moitié plein.

- Tu me poses réellement la question ?" Il daigna relever la tête et il déporta son regard sur son aîné. Ses yeux était rouges tant les veines ressortaient. Il était terriblement cerné, ses cheveux n'étaient plus coiffés et ils avaient perdus leur éclats. On pouvait déjà constater que ses joues s'étaient creusées. Il avait cependant cette voix assassine, presque accusatrice, chargée d'une pointe d'arrogance.

- Oui je te pose réellement la question Jugde ! Qu'est ce qui te prends ?! Tu n'as jamais été comme ça ! Tu n'as rien perdu toi dans cet incendie !" Accusa le grand ténébreux avec violence.

Jugde, de nature peu patient, n'en avait aucune aujourd'hui. Il ne voulait pas débattre de quelconque sujet avec Cryo, et peu importe la relation qu'ils avaient, il n'était pas d'accord avec lui, il jugeait que cette fois-ci, il allait trop loin.

"- Tu oses venir me faire la morale ? Toi, Cryo Hangar, fils du directeur, directeur qui est mort, tu oses venir me faire la morale, me prétextant que je n'ai rien perdu ?!" Le loup blanc envoya ses cheveux en arrière dans un mouvement de main en quittant son lit. "Certes Cryo, tu as perdu ton père dans cet incident, mais tu me l'as toujours dis toi-même, cet homme n'avait rien d'un père. Tu le méprisais, voir même tu le haïssais. Je suis là depuis que tu as neuf ans, il n'a jamais été présent un seul instant, alors tu n'as pas perdu de proche." Jugde, bien que plus petit que le ténébreux, faisait soudainement plus impressionnant que ce dernier. Son regard en disait long sur toute la rancoeur qu'il s'apprêtait à sortir, il s'approcha de son aîné, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus être plus proche. "- Tu as sûrement perdu des dizaines de livres Cryo, des livres qui expliquent une prophétie qui ne nous a jamais donné de preuve de son existence, de sa vérité. Tout ça ne sont que de vieilles écriture qu'on a mis des nuits et des nuits à traduire pour TE satisfaire. Tu es plus triste d'avoir perdu des tas de papiers inutiles plutôt qu'un père, et c'est écœurant. Tellement de gens rêveraient d'avoir un père ! Oria a failli mourir dans un brasier, et tu étais sur le point de me laisser crever avec elle. Pourquoi ? Par jalousie ! Pour TON égo Cryo. En fait, tu as un sérieux problème. Je dirais même que tu deviens comme ton père. Tu surnommes Oria petite poupée simplement car tu la penses facile à manipuler, et tu veux te servir d'elle. Elle ne savait même pas quel était son pouvoir. Elle est perdue ! C'est une enfant Cryo elle a seize ans !!

- Tu... tenta d'entamer le jeune ténébreux qui voulait mettre fin à cette pluie de reproches.

- Tu me laisses finir. Ordonna fermement le jeune loup avant de reprendre. Alors en fait Cryo, si tu réfléchissais, ne serait-ce que deux minutes, tu saurais pourquoi, et tu ne me poserais pas cette question. Mais dès que cela sort de ton putains d'intérêt personnel, tu t'en fous. Tu es tellement pire que moi. Alors sors immédiatement de ma chambre et va te faire voir." Le regarde de Jugde fusilla Cryo, et sans attendre une quelconque réponse, le loup blanc disparu dans la salle de bain, claquant la porte derrière lui.

Cryo se trouva ridicule, et seul. Il avait essayé de suivre chaque accusation de son cadet, mais il y en avait eu tellement. Il se rendit compte de la façon dont il avait abusé de la patience de ce dernier. Il s'ecœura lui-même. Il connaissait pourtant bien Jugde, depuis tant d'années, comment avait-il pu se montrer si idiot ? Il entendit l'eau de la douche couler, alors il quitta la pièce, comprenant qu'il n'était pas le bienvenue et que son frère ennemi ne se montrerait plus tant qu'il était là.

***

Athena traînait difficilement la jambe dans les couloirs de son école. Elle avait rendez-vous avec ces deux nouveaux acolytes. Dans les escaliers, son visage se crispa à chaque marche, tendu par la douleur. Quand elle poussa la porte de sa chambre, les deux frères étaient déjà là, assis sur son lit. Leur épais cheveux noir masquaient leurs yeux. Elle les trouvait beaux autant qu'elle était troublée par leur ressemblance. Elle décida de prendre place sur la chaise de son bureau, s'installant face à eux, le dossier de la chaise contre sa poitrine.

"- Alors ? Demanda-t-elle impatiente d'avoir des nouvelles.

- Ça a marché encore mieux que prévu. Commença l'un des deux hommes dénommé Arkan.

- Comment ça, encore mieux ?

- Oria, elle a l'insigne sur sa peau, et elle a mis feu au bâtiment. Leur directeur est mort, ils ont perdu tous ce qui concerne la prophétie. Compléta le deuxième, appelé Aksaï.

- Vous êtes sérieux ?!" S'exclama-t-elle, un sourire jusqu'aux oreilles.

Les deux hommes lui répondirent par un sourire rempli de vices. Athena leur adressa un regard plein d'envie, ses yeux verrons, noir et jaune, qui marquait maintenant et à jamais sa différence et le camps qu'elle avait choisit de protéger.

"- Et tu vas enfin pouvoir rentrer en jeu ma jolie lady. Lui avoua Aksaï.

- Ah ça y est ?! C'est pas trop tôt !" S'enthousiasma Athena, prête à montrer de quoi elle est capable. Et par dessus tout, si elle pouvait enfin prendre place dans ce grand jeu, elle pourrait utiliser ses nouveaux pouvoirs, on le lui avait interdit pour le moment, mais maintenant, on allait lui donner le feu vert.

"- On va commencer ton entraînement dès à présent. Toi, contre nous, ça te vas ?"

La femme aux cheveux flamboyant eut un court moment d'hésitation. Elle, seule, contre ces deux monstres ? Une once d'appréhension tenta de la ramener à la raison, mais très vite, ce sentiment se dissipa. Les deux hommes, satisfaits de voir les progrès de la belle lady dans sa résistance mental, la sentaient prête à affronter la douleur physique. Elle devait être irréprochable, pour la suite du plan qui arriverait sans doute plus vite que prévu. Ils avaient très bien saisis l'opportunité qui se présentait à eux. L'école ennemi était considérablement affaiblit, il ne possédait plus qu'un seul des deux enfants apte à se défendre, leur dirigeant avait été tué, ils n'avaient plus aucune informations sur la prophétie, sur la manière d'agir et de contrer ce qui allait s'abattre sur eux. Les jumeaux se préparaient à cet événement depuis tant d'années, ils n'avaient jamais eu une telle occasion. Alors pas question de la laisser passer. Ils pousseraient Athena jusqu'au bout d'elle même, et ils agiraient tous les trois avant la fin du mois.

L'appréhension que la jeune femme avait ressenti à l'annonce de l'entraînement se confirma une fois sur le terrain. Elle ne maîtrisait absolument pas cette nouvelle force qui grondait en elle comme une tempête, et les deux hommes qui l'accompagnaient était loin d'être tendre ou indulgent. Elle encaissa de son mieux chaque coup, chaque attaque, et les voix toniques de ses entraîneurs la forçaient toujours à se relever. Elle se contraignait, se formatait à faire abstraction de toute douleur, elle repoussait sans cesse ses limites, des heures durant, ignorant ses besoins vitaux, n'écoutant plus que ces deux voix et cette force en elle grandissante, comme hypnotisée, comme si sa raison avait quitté son corps.

***

Cryo, qui était encore chamboulé par la discussion avec son cadet se rendit sur les lieux de l'accident. Quelque chose leur échappait, et il lui fallait mettre la main dessus avant que d'autres événements similaires à celui-ci ne puissent se produire. Il marcha sur les décombres encore fumants du bâtiments, évitant les braises, cherchant un quelconque indice. Il s'attardait essentiellement sur la partie Est, puisque c'est de la dont c'était déclaré l'incendie. Il ne comprenait pas comment c'était possible, il n'y avait rien qui puisse déclencher un feu à ce point incontrôlable. Il n'avait jamais vu des flammes si grandes, si chaudes. Quand il y pensa, ses sourcils se froncèrent. Il repensa à la température dégagé par cet accident. Il ferma les yeux et imagina à nouveau la scène dans son esprit. Personne n'avait pu avancer trop près, tout étais bloqué à plusieurs mètres du foyer de l'incendie car la chaleur brûlait les vêtements et la peau même à une telle distance. Seul Jugde était parvenu à le faire, mais il avait été sans doute un peu fou, et aveuglé par son désir de retrouver la petite poupée. Mais sur son corps, il était impossible de manquer les nombreuses brûlures, encore bien présentes plusieurs jours plus tard. Dans l'arène, il avait plusieurs fois affronté quelqu'un maîtrisant le feu. Sa glace avait toujours été plus forte, elle avait toujours pris le dessus sur la chaleur, sauf cette fois ci. Alors même si jusqu'à présent, il avait voulu exclure cette hypothèse, il ne pouvait pas fermé les yeux dessus plus longtemps. Oria était la cause de se désastre. Il ne comprit pas pourquoi elle avait fait ça, et encore moins comment son pouvoir pouvait être si puissant alors qu'elle n'avait jamais reçu d'entraînement. Alors il marchait dans ce qui devait être les couloirs Est, cherchant une explication rationnelle, quand une voix plus mûre l'apostropha. Il se tourna dans sa direction, et il vit Myriam qui le regardait inquiète, se tenant sur une béquille.

"- Que fais-tu là mon grand ? Sors d'ici ! C'est dangeureux...

- Ça va Myriam. Tout va bien. Toi en revanche, vu ton état, tu devrais te reposer, et non me surveiller. Rétorqua Cryo en approchant de la jeune femme.

- Mais j'ai visiblement de meilleure raison de te surveiller.

- Je t'assure que non... je ne faisais que réfléchir. Avoua-t-il.

- À quel sujet mon grand ? Demanda-t-elle en se mettant en route, s'éloignant des ruines.

- Je pense que Oria est la responsable de l'incendie, je pense que c'est de elle que tout est parti. Soupira le ténébreux en suivant sa supérieure.

- Elle n'aurait pas fais ça sans raison Cryo.

- Je n'en sais rien... Oui, vu l'ampleur que ça a prit, son pouvoir a du lui échapper.

- En fait, en toute honnêteté, je pense même que ton père n'y est pas pour rien si son pouvoir lui a échappé, elle n'aurait jamais fais ça volontairement.

- Mon père ? Qu'est ce qu'il vient faire là dedans ? interrogea Cryo.

- Une nuit, il a eu une discussion avec un homme il me semble, il parlait de toi, Jugde et Oria. Il a autorisé le fait que l'on sacrifie Jugde, pour mieux se servir de toi et de Oria, je crois que vos pouvoirs étaient justement au coeur de la discussion. J'ai beaucoup parlé avec Jugde ...Cryo... la nuit où tu les a trouvé côte à côte, Oria était venue te trouver toi, mais le coeur de Jugde s'est arrêté et elle l'a senti. Il était mort Cryo, ton frère n'était plus de ce monde, et c'est elle qui l'a ramené, son pouvoir a pris le dessus et l'a sauvé. Je suis sur que cela a un lien avec cette discussion ! Il avait autorisé à cette personne de tuer Jugde et étrangement il est mort la nuit d'après. Et ton père avait convoqué Oria, elle est parti dans son bureau une quinzaine de minutes avant le début de l'incendie, alors je suis presque persuadée que ton père et cet homme avec qui ils parlaient n'y sont pas pour rien."

Cryo dévisagea Myriam. Il l'avait toujours porté dans son cœur, et il la savait douée pour les énigmes, mais là, il était bluffé. Lui qui pensait en savoir beaucoup, réalisa n'être au courant de rien. Il admira Myriam, cette femme cachait bien son jeu, et il fut fier de celle qui avait été comme une maman pour lui et Jugde. Mais à côté de ça, son esprit ne cessait de réfléchir, et il comprit. Il comprit que la menace qu'il aurait tant voulu éviter était déjà là, déjà ancré. Il prit conscience de la gravité de la situation, et seul, il n'arriverait à rien, il ne pouvait plus se voiler la face. Il allait devoir faire du bruit...

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