Chapitre VIII : Préparatifs ratés

Sirius inspira profondément, ouvrit un petit boîtier en bois et en ressortit une fiole remplie d’un liquide transparent. Il en but la moitié et la redéposa à l'intérieur avant de la ranger le tout bien précieusement sous son lit.

La fleur de Cyré était une fleur rare d’un rouge éclatant très difficile à trouver. L’on racontait qu’elle ne poussait qu’à l’endroit où de la cendre était tombée. Si beaucoup de gens aimaient s’en procurer pour sa beauté, peu en revanche savaient que l’écraser et la transformer en poudre permettait de créer un poison violent. Ce poison était inodore, incolore et pris en assez grande quantité, il pouvait tuer un homme en quelques minutes à peine. Elle n’avait presque aucun goût, mais avec le temps, Sirius semblait y déceler une légère nuance citronnée, à peine perceptible au palet.

C’était son père qui lui avait conseillé de s’en procurer et d’en consommer une faible quantité tous les jours dans le but de s’immuniser contre ses effets. C’était bien une idée de Prosper tout craché et Sirius ne pouvait qu’imaginer la quantité de poison que ce vieillard paranoïaque avait dû ingurgiter. C’était peut-être ça qui lui donnait son air si irritable ? Bien qu’il n’était pas vraiment convaincu par cette méthode, il continuait de le faire régulièrement par précaution.

Sirius s’habilla et sortit de ses quartiers. Le jour venait tout juste de se lever, et on l’attendait à l’extérieur de la ville afin de diriger un exercice militaire. Même en temps de paix, il était important d’occuper les troupes et de ne pas les laisser trop se ramollir dans l’oisiveté. Spyr disposait de légions professionnelles et, en cas de conflits, tout homme pouvait être appelé à se battre pour l’empire.

Alors qu’il traversait les couloirs du palais, il tomba nez à nez avec Atrius.

— Bonjour, Sirius. Vous êtes comme toujours bien matinal.

— Bonjour Atrius.

Il avait appris qu’un groupe de garde avait effectué une mission en Brysie et était rentré tard dans la nuit. Il ne savait pas ce qu’ils y avaient fait, mais Dérios ne tarderait sûrement pas à demander des explications. De plus, prendre une telle décision sans en référer au conseil constituait une violation de ses pouvoirs en tant que Flamme.

— J’espère que votre mission à Brys s’est bien passée, demanda calmement Sirius.

— Très bien, nous avons pu retrouver les corps de deux des nôtres ainsi que les responsables de cet acte horrible.

— Vous vous rendez bien compte qu’en agissant de la sorte, vous auriez pu provoquer une crise diplomatique importante avec Dérios, n’est-ce pas ?

— En effet, c’était un risque acceptable au vu des résultats obtenus.

— Quand bien même, cela dépasse le cadre de vos prérogatives et je me dois d’en informer le Sénat à ce sujet.

— J’ai l’impression que cette mission vous contrarie.

— Disons que dernièrement, pour des gardes du Palais, vos gardes sont bien souvent hors du palais.

— N’importe quel soldat aurait souhaité porter secours à deux des siens s’il en avait la possibilité. C’est la notion de camaraderie que vous connaissez fort bien en tant que soldat. Sauf si votre temps, passé à la capitale, ne vous l’aurait fait oublier.

Sirius se retint de l’attraper par le col et de le plaquer contre le mur. Il détestait l’air mesquin qu’Atrius adorait employer à chacune de leurs conversations.

— Quoi qu’il en soit, la prochaine fois que vous auriez une idée pareille, avertissez-en le Conseil au préalable.

— Bien évidemment, je ne cherche nullement à m’attirer les foudres des deux autres Flammes, voyons. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je dois me rendre au temple avant la cérémonie matinale.

Atrius le salua et s’en alla. Sirius se demandait toujours si Pyra lui rendait visite à lui aussi. Parfois, il aimerait bien s’en targuer juste pour voir sa réaction, mais il savait qu’il ne le croirait jamais. Et puis lui-même, ne savant pas ce que la déesse lui voulait, il valait mieux garder cela secret. Il continua donc sa route jusqu’aux écuries où une escorte de soldats l’attendait. Ils sortirent de Spyr et galopèrent dans les immenses champs entourant la ville jusqu’à atteindre le sommet d’une colline. Des généraux avaient dressé une sorte de poste de commandement et donnaient des instructions aux légionnaires qui s’activaient dans tous les sens. Tous s’inclinèrent à son arrivée. En contrebas, plusieurs centaines d’hommes en formation, attendaient de recevoir un ordre. Sirius échangea quelques formalités, puis il s’avança et observa ses troupes avant de déclarer :

— Qu’ils se séparent en deux ailes.

L’ordre fut relayé à un soldat qui brandit son étendard. Aussitôt, un clairon raisonna et les troupes se séparèrent en deux ailes magnifiquement exécutées.

— Bien, simulez une attaque de cavalerie sur la droite.

Un nouvel étendard fut levé et l’aile droite du dispositif s’aligna pour former une ligne compacte de plusieurs rangées, lances en avant.

— Dites-leur de revenir à leur position initiale, puis de faire une formation en pointe en avançant.

Les hommes reprirent leur position de départ et formèrent une ligne avec un saillant à l’avant prêt à briser la ligne adverse. Une partie de l’ordre fut mal comprit et les soldats à la pointe du dispositif levèrent leur bouclier pour former une tortue en position défensive.

— Qu’est-ce qu’ils font ? Envoyez un contre-ordre !

Cette fois, la situation devint encore plus chaotique et la ligne arrière avança alors que la pointe restait toujours immobile. Les soldats se rentrèrent les uns dans les autres et des cris d’insultes se firent entendre jusqu’à leur position.

— Ils se sont mieux débrouillés que la dernière fois, fit remarquer un général.

Sirius soupira.

— Bon, faites-les revenir en ligne, l’on va tout recommencer.

Il passa une bonne partie de la journée à entraîner ses troupes et réussit non sans mal à obtenir un résultat satisfaisant. C’était la fin de l’après-midi lorsque Sirius rentra en ville. Il était lessivé et ne fit qu’un léger signe de la main aux habitants qui le saluèrent sur sa route. Après les formations, il avait insisté pour participer aux entraînements physiques. Bien qu’il n’était pas un excellent épéiste, il tenait à conserver quelques restes. Et puis un commandant qui transpire autant que ses troupes est toujours bien vu par ses soldats.

Alors qu’il arrivait aux écuries, un messager vint lui apporter une missive. C’était son père qui venait lui rappeler sa participation au bal de ce soir. Sirius pesta, il aurait échangé un bras afin d’éviter cette vaste farce, d’autant plus qu’il était épuisé. Cependant, le bal était organisé par l’ambassadeur de Dérios et il ne serait pas très bien vu qu’il refuse l’invitation. Et ce, d’autant plus après l’escapade aventureuse que c’était permis à Atrius.

N’ayant pas d’autre choix, Sirius alla dans ses appartements pour se préparer. Il enfila une tunique joliment brodée, se rasa et coiffa ses courts cheveux blonds avec l’idée de leur donner un air plus raffiné. Il était tellement absorbé par ses préparatifs qu’il n’entendit pas Pyra apparaître derrière lui.

— Je vois que l’on se prépare pour une grande occasion, dit-elle avec un ton malicieux dans la voix.

— J’y suis contraint, malheureusement, grommela-t-il.

Il finit d’arranger sa coiffure et se retourna. Il n’était même plus surpris par sa présence désormais.

— Cela ne te ressemble pas du tout, s’exclama Pyra en riant. Mais je dois dire que cela te va plutôt bien.

Sirius se regarda de nouveau dans le miroir. Avec sa tenue soignée et son air propre sur lui, il ressemblait à n’importe quel autre sénateur de Spyr et cela l’horripilait.

— Profitez-en, car cela ne va pas durer, dit-il en rajustant l’une de ses mèches.

— Et quelle est donc la raison de cet accoutrement ?

— L’ambassadeur de Dérios tient un bal ce soir. Tous les représentants de la cité y sont conviés.

— Voilà qui promet d’être intéressant.

Pyra s’était allongée sur un divan et faisait jongler entre ses doigts une pièce de monnaie qu’elle avait trouvée sur la table.

— J’espère qu’il y aura une troupe d'aèdes, ajouta-t-elle. Toute bonne soirée doit être accompagnée d’une bonne musique.

— Pourquoi ? Vous comptez y assister ? Demanda-t-il.

— Pas physiquement, non, mais je compte bien l’observer à ma façon.

— Je ne comprends pas que vous rechignez à ce point à vous montrer aux yeux des mortels.

— Les choses ne sont pas si simples, Sirius. Cela nous demande beaucoup d’énergie d’apparaître sous forme humaine. Au moment où je te parle, des centaines de prêtres entretiennent dans tout Elanor des braseros représentant une partie de mon pouvoir. C’était beaucoup plus simple du temps d’Aurora où tout le continent me vénérait aveuglément. Même les déesses peuvent commettre des erreurs.

Elle prononça cette dernière phrase avec un ton d’amertume et de regret.

— Peut-être qu’une simple apparition sur la place centrale de Spyr devrait suffire à convaincre les plus réticents.

— J’ai déjà essayé cette méthode, que crois-tu ? Cela ne dure qu’un temps et les Hommes oublient vite. Non, si je veux récupérer ma gloire passée, cela sera forcément par l’intermédiaire d’un mortel. Quelle ironie !

— C’est donc pour cela que vous comptez sur moi. Pour vous rendre votre pouvoir ?

— Cet exact, mais également parce que je t’apprécie. Tu me rappelles vaguement quelqu’un que j’ai bien connu à une autre époque. À l’exception que lui ne se serait jamais habillé de la sorte.

Pyra se releva et la pièce en argent s’embrasa entre ses doigts.

— Je vais te laisser, très cher Sirius, fais-moi donc voir ton charme en action ce soir.

À peine eut-elle prononcé ces paroles qu’elle se changea en une orbe de feu incandescente qui partit s’écraser dans la cheminée, allumant ainsi le foyer.

Sirius avait toujours du mal à la cerner, mais il commençait à la comprendre un peu mieux. En revanche, il n’avait toujours aucune idée de ce qu’elle attendait de lui.

Il termina ces préparatifs et sortit de ses appartements. Il faisait déjà nuit lorsqu’il se présenta devant l’imposante demeure familiale des Dometor. Prosper l’attendait devant la porte d’un air courroucé.

— Tu es en retard, lui dit-il d’un ton ferme.

— Je sais, j’ai eu quelques contretemps avec les entraînements d’aujourd’hui.

— Et qu’est-ce que c’est que cette tenue ? Tu ressembles à tous ces idiots.

— J’ai pensé que lors d’une soirée chez l’ambassadeur, il était de convenance de s’habiller proprement.

— Cela aurait été le cas si tu en avais la réputation. Tout le monde en ville te connaît comme un général intrépide, pas un sénateur courant après les vins d’honneur.

— Vous auriez souhaité que je vienne en armure, sans doute ?

— Non, tant pis, l’on fera avec ça. Prends un air ferme et assuré lorsque tu parleras à l’ambassadeur, il en va de ma crédibilité comme de la tienne.

— Vous ne m’avez toujours pas expliqué pourquoi vous tenez tant à ce que je vous accompagne.

— Car c’est ton devoir en tant que Flamme pour commencer. Ensuite, Laris sera là également et j’aimerais que tu gardes un œil sur lui durant la soirée.

— C’est bien ce que je pensais, vous m’impliquez encore dans vos magouilles.

— Misère ! Qu’ai-je donc fait pour avoir un fils aussi peu concerné par la politique. Je vais à cette soirée pour toi, pour la famille avant tout. Ne va surtout pas croire que je sers mes propres intérêts. Si je te demande de le surveiller, c’est parce qu’il représente une menace contre nous deux.

L’ambiance était déjà tendue et ils n’avaient pas encore quitté la maison familiale.

— Soit, céda Sirius. Je veillerai à ce qu’il ne fasse rien de louche. En revanche, je ne vous attendrai pas avant de partir si la soirée devient insupportable.

— Je n’en espérais pas tant de toi, ne t’inquiète pas.

Ils se mirent en route vers la villa où se déroulait la soirée.

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Talharr
Posté le 17/07/2025
Hello,
Déjà chapitre qui revient nous montrer la vie de Sirius. La déesse qui lui apparait et qui fait référence à Ignis. intéressant, à voir ce que la fête lui réserve.

Quelques remarques de formes :

"Ce poison était inodore, incolore et pris en assez grande quantité, il pouvait tuer un homme en quelques minutes à peine" -- peut-être mieux sans le "il"

"C’était bien une idée de Prosper tout craché" -- j'ai trouvé un peu bancale. Proposition : "c'était typiquement du Prosper tout craché" ou quelque chose comme ça.

"Il ne savait pas ce qu’ils étaient allés y faire" -- "Il ne savait pas ce qu’ils y étaient allés faire"

"Bien évidemment, je ne cherche nullement à m’attirer les foudres des deux autres Flammes voyons" -- je dirais que le voyons est en trop, on comprend bien sans :)

"Cette fois, la situation devient encore plus chaotique" -- "devint"

"qui transpire autant que ses troupes et toujours bien vu par ses soldats" -- "est"

"Est-ce d’autant plus après l’escapade aventureuse que c’était permis à Atrius" -- "Et ce"

"fait-moi donc voir ton charme en action ce soir" -- "fais-moi"

"À peine eut-elle prononcé ces paroles qu’elle se changea en un orbe de feu incandescent" -- "une orbe de feu incandescente"

"Il termina ces préparatifs et sortit de ces appartements" -- "ses préparatifs et sortit de ses appartements"

Allez je continue :)
Scribilix
Posté le 18/07/2025
Salut et merci pour ton retour. Je n'en reviens pas qu'il y ait toujours autant de fautes quelle plaie...
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