La vie s’éteignant,
parole usée en murmure -
La mort poursuivant
Un chercheur de trésor décida de partir en exploration. La rumeur d’une relique le poussa à rejoindre une montagne à l’est. Le voyage était périlleux. Il lui faudrait quitter le littoral, remonter la rivière, traverser quelconque campagne, pour enfin atteindre sa destination. Il dit au revoir à sa femme, sa fille et son fils. En chemin, il croisa une paysanne qui le conseilla pour son aventure. Celle-ci s'écourta malheureusement dès le lendemain dans la montagne.
Les deux enfants eurent écho d'un affrontement dans la montagne. Ni l’un ni l’autre ne supportait l’idée de la disparition de leur père. Ainsi, ils partirent en expédition avec quelques compagnons. Leur petit nombre leur assurait bonne avancée et discrétion. La remontée de la rivière les guida jusqu'aux terres fertiles bordant la montagne. Ils y rencontrèrent une paysanne. Elle leur présenta un chemin emprunté par ceux désirant faire l’ascension du mont. Le petit groupe la remercia et lui souhaita bon courage dans son labeur. Elle déclara espérer faire aussi bonne moisson que l'année précédente, avant de leur souhaiter de retrouver leur père. Aucun ne fit le chemin du retour.
Trois années plus tard, une guerrière eut vent de ces histoires. Elle prit la tête d'une quinzaine de soldats dans le but de parvenir à la même destination. Tous et toutes étaient réputés pour leur rapidité et leur agilité au combat. Ils voyagèrent dans l'intérieur des terres, remontant la rivière, pour enfin atteindre les plaines fertiles, surplombées par la montagne. Les voyageurs firent la rencontre d'une paysanne. Celle-ci leur présenta son domaine où elle les invita à se reposer paisiblement. Ravie de pouvoir apporter son aide, elle leur indiqua le chemin pour gagner les hautes terres de la montagne. Le lendemain, le groupe tomba dans une embuscade au cours de laquelle ils firent face à une vingtaine d'hommes armés. La cheffe menait la bataille faisant tomber avec grâce et rapidité chaque opposant. Ses gestes étaient vifs et précis, mais ses compagnons n'eurent cependant pas le même succès. Et l’aventure s'arrêta pour eux dans la montagne.
Yorn, capitaine, était le plus fort des soldats que comptait la région. Aujourd'hui, il avait à cœur de conquérir la montagne de Chyr. Ce lieu avait mauvaise réputation, mais il n'en fallait pas moins pour motiver cet intrépide.
Le capitaine et son fidèle bataillon entreprirent donc la marche vers Chyr. Il leur fallait traverser la forêt de hêtres, puis remonter la rivière Xist. Ils arrivèrent au bout des plaines dominées par le mont lors de leur quatrième jour de voyage.
Yorn et ses soldats croisèrent alors une paysanne qui fauchait ses champs de blés. La paysanne lut la fatigue sur certains visages de la troupe. Elle proposa au capitaine de lui offrir le gîte. Yorn remercia son hôte pour sa générosité. Les soldats profitèrent d’un peu de confort ce soir-là. La paysanne partagea sa table avec l'officier qui lui fit le récit de ses précédentes missions.
Avant de se coucher, Yorn avait l'habitude de rédiger quelques lignes dans son journal. Il écrivit les faits importants du jour et quelques mots de poésie, décrivant la montagne éclairée par la douce lumière de l'astre nocturne.
Le matin, fascinée par les histoires de Yorn, la paysanne proposa un dernier repas à l'imposant combattant qui accepta.
Après cela, la troupe et leur capitaine firent marche vers la montagne couverte de pins. Atteindre le plateau intéressant Yorn prendrait la journée.
Le capitaine profita de la pause du midi pour rédiger quelques notes. L'après-midi, les chemins rétrécissaient obligeant les soldats à avancer en file indienne. La proximité des arbres rendait les ombres plus sombres et inquiétantes.
Soudain, des silhouettes vêtues de noir sortirent des bois pour se jeter sur l'armée, faucilles à la main. Des soldats tombèrent sans se relever. Les fantassins restants ripostèrent, suivant les instructions de leur capitaine. Les frappes des assaillants étaient fatales, ou déviées. Yorn fit face à des ennemis l’empêchant de mener ses troupes correctement. Les deux armées diminuaient à vue d’œil.
Le capitaine finit seul face à quatre hommes blessés. Deux d’entre eux se lancèrent sur lui. Yorn exécuta une botte qui fit tomber le premier, puis il transperça le deuxième surpris. Les derniers en avaient profité pour se glisser derrière l'épéiste et lui porter un sale coup. Yorn flancha, se releva aussitôt en grognant de rage et, d'un large mouvement d'épée, les trancha tous, hébétés.
Le grand guerrier contempla le triste champ de bataille. Sur sa tunique, son sang chaud s'écoulait, et le temps qu'il lui restait également. Il n'était plus capitaine, et bientôt plus de ce monde. Pour ces derniers instants, il prit son journal. Sa main écrivit du mieux qu'elle put quelques lignes relatant le sort funeste qui s'était abattu. La dernière goutte tomba et l’ultime récit du capitaine Yorn s'acheva.
Les éléments témoignant de cet affrontement s'éparpillèrent avec le temps, et la montagne ne garda nulle trace de l'évènement.
Gotar réussit brillamment ses cinq examens pour devenir commandant. Ses techniques et ses tactiques, il les avait trouvées dans le vieux journal d’un ancien capitaine. Ce dernier y faisait le récit de ses missions, jusqu’à la dernière, sanglante et inachevée : la conquête de la montagne de Chyr.
Avec son armée, le commandant entreprit le même voyage, suivant le Xist jusqu’aux terres fertiles. Gotar y fit la rencontre d’une femme nommée Shirenne portant une impériale couronne de chrysanthèmes dorés. Il reconnut la paysanne décrite dans le journal. Elle proposa à Gotar et son armée la même hospitalité.
Ainsi, les militaires purent profiter d’un dîner agréable dans une grange décorée de chrysanthèmes blancs. La paysanne tenta au cours du repas de converser avec Gotar. Mais ce dernier préférait les mots de Yorn et préparer son expédition en mangeant son bol de riz. Sa cuillère, guidée par ses réflexions, orchestrait les grains : cinq blancs avancés ici, quatre autres noirs poussés là.
Le lendemain, le bataillon entama l’ascension de la montagne de bon matin. La brume, comme les pages tâchées de sang, recommandait la vigilance.
Lorsque leur chemin croisa une rivière, une idée jaillit. Si embuscade il devait y avoir, les assaillants avaient sans doute établi leur camp non loin de l'eau ! Gotar décida de s’écarter du chemin prévu pour remonter le cours d’eau. Une autre voie fut découverte après quelques pas dans la forêt. Elle les mena jusqu’à une clairière où se trouvaient des cabanes gardées par une tour. De celle-ci, un archer sonna le tocsin quatre fois à la vue des nouveaux arrivants. Alors, des habitants se lancèrent à l’assaut. La diplomatie sera pour une autre fois !
Revenus en hâte, ceux qui les attendaient en embuscade étaient là aussi. Habillés de noir, portant le brouillard dans leur course, ils semblaient enveloppés de mystère. Gotar organisa les rangs pour gérer les deux fronts. Ce premier échange tourna en leur faveur grâce aux lanciers. Un avantage que le commandant compta approfondir pour conduire une stratégie victorieuse. La prise de la tour par des fantassins constitua son deuxième mouvement. D’ici, quelques archers tirèrent des flèches enflammées permettant d’apporter de la visibilité au champ de bataille plongé jusque là dans une purée de pois.
A ce moment, dans un excès de rage ou de désespoir, les tuniques noires chargèrent en une horde déchaînée, dispersant l’armée. Gotar fondit sur ses adversaires. Les épéistes avec lui vinrent compléter sa tactique. Charge, feinte et botte engendrèrent faucilles bloquées, poitrails percés. Puis, aidant les autres troupes, l'armée ne fit rapidement qu'une à nouveau.
A présent, le commandant dominait le plateau. Les ennemis n’étaient plus de taille. Son armée était remplie d’espoir. Ce cinquième échange acheva la bataille, apportant au commandant la victoire.
Suite à ce triomphe, ce lieu devint la base pour un bastion, puis d'autres constructions marqueurs de la naissance d'une civilisation. Ce n'était pas quelconque furtivité, rapidité ou force qui lui avait permis de monter si haut, mais bien les connaissances d'une précédente génération. Poésie, histoire et stratégie. Contenu d'un livre traversant le temps, qu'il prendra soin de préserver et compléter, pour enfin le transmettre aux suivants.
Des savoirs transmis,
un maillon d'éternité -
Leçon pour autrui
Tu as vraiment l'écriture parfaite pour une nouvelle. Synthétique, riche, évocatrice, le rythme est parfait et une fois ma lecture commencée je n'ai pas pu m'arrêter.
Le récit de cette boucle perpétuelle, de la civilisation naissant dans l'erreur, la répétition, la persévérance et l'héritage des précédentes générations est très bon. Il y a à chaque un suspens bien géré à se dire comment chaque expédition successive va finir écrasée. Ce peuple aux tuniques noires, malgré (ou peut-être grâce à) leur manque de caractérisation a vraiment un côté menaçant. Les affrontements, bien que très rapides, sont vraiment bien écrits, et tu donnes un ambiance folle à cette montagne bien dangereuse ma foi.
Et ces petits haïkus sont en plus vraiment pas mal. Que demande le peuple.
Voili voilou