C’est vraiment dingue comme je peux si souvent me retrouver avec un verre à moitié rempli dans une main, dans l’autre un téléphone avec Spotify d’ouvert et le Bluetooth qui cherche une enceinte pas encore allumée, tandis que j’entame le pliage d’un t-shirt sur mon lit à demi fait, réfléchissant à la fois à la deuxième strophe d’un poème et au repas que je compte préparer.
Y’a pas un seul retour de voyage où je ne me retrouve pas un pied dans une valise pour partie vidée, un bras dans le placard à cookies, l’autre pied cherchant à se déchausser tout en ramenant un chausson à lui, et l’autre main tapant un texto, « Bien arrivé, presque installé ! » Et pourtant, je vous jure que je suis monotâche.
Parce qu’il n’y a que peu de mes t-shirts qui se retrouvent dans l’armoire parfaitement bien pliés. Je ne sais mes morceaux de musique que sur le bout de deux doigts. Lorsque je rends un devoir, c’est sur mon temps passé le nez en l’air que je suis évalué. À la fin de la journée, 30 applications sont ouvertes en même temps sur mon smartphone – et je râle parce qu’il rame. Je ne me rappelle de la fin de presque aucun des livres que je crois avoir lus. Mes repas sont froids lorsque je les finis.
Ce n’est pourtant pas faute d’être organisé ! Moi, tous les matins, c’est pipi / petit déj’ / vaisselle / quelques pompes / douche / faire mon lit / aller en cours. Le seul souci, c’est que tout se chevauche. Arrivé au petit déjeuner, j’ai chaque fois le pipi qui revient. Donc direction la pipiroom, et tant qu’à faire, je me brosse les dents et me défringue pour prendre ma douche. Mais je me souviens alors qu’il faut que je fasse des pompes avant ça ! Je sors de la salle de bain, mais après les huit premières il est temps de faire trente secondes de pause, durant lesquelles je commence à faire mon lit, tandis que mon estomac me rappelle que j’avais simplement versé les céréales dans le bol, tout à l’heure, et qu’elles n’ont toujours pas été avalées. Voyant l’heure qui tourne, je gobe une grande cuillerée en enfilant mes sous-vêtements. Mais il me reste deux séries de pompes à faire ! J’en fais une demi. Puis finir le lit. Bon, la couette est mal foutue mais qui est-ce que ça intéresse ? Oh mais pourquoi j’enfile une chemise, j’ai pas pris ma douche ! Allez, une douche. Mais qu’est-ce que je fous là à me shampooiner ?! J’ai pas fini mes pompes ! Bon bah tant pis. Quelle heure il est, maintenant que je suis sec et que la salle de bain est parfaitement propre ? Tiens j’allais oublier la vaisselle. Mais attends… bordel, ces fichus céréales ! Allez, on finit ça ! Pourquoi j’ai allumé mon téléphone déjà ? La vaisselle. Voilà, ça séchera tout seul. Ah oui, j’avais allumé mon smart pour regarder l’heure. QUOI ? DÉJÀ ?! Mais qu’est-ce que je fous à moitié à poil avec une brosse à dents et un torchon dans les mains ? Allez, le sac et on y va. Pas en chaussons, non. *ré-ouvre et referme la porte* Raaah ! et avec ma carte de bus, peut-être…
Et une fois en cours, je n’avais bien entendu pas pris ma trousse ni mon carnet.
Le temps me manque. C’est en tout cas un sentiment bien installé dans chacun de mes gestes. Il leur faut prendre de l’avance sur tout : chaque centimètre cube de temps passé à attendre l’eau qui bout, l’ordi qui s’allume, ou l’encre qui sèche, doit être comblé. Mon attention s’habitue à perdre de vue tout objectif initial, et je deviens expert en œuvres inachevées.
Je vous écris ça il est 10h50, mais ça fait depuis 8h que je suis levé – le temps de faire plein de petits bouts de trucs. En voici au moins un que j’achève, après des mois à l’oublier puis à y revenir. Allez, une gorgée de thé – peuh ! il est tiède –, et on s'habille.
Merci tellement de partager tes textes. Je me reconnais dans beaucoup d'entre eux et toi, avec ta plume et ton pseudo - qui ressemble beaucoup au nom d'un de mes potes - tu réussi enfin à poser des mots sur... ça. Et tu expliques... ça d'une autre façon - le sentiment de manque de temps - que juste dire que... ça résulte d'un manque d'organisation/anticipation et que oulala il faut remédier à cela.
Alors encore une fois, Merci.