Comment les montagnes ont poussé sur la Terre ?
Au commencement, le soleil était seul. Il était là, suspendu dans l’univers, à mille et mille années-lumière des autres étoiles. Il observait autour de lui – car, comme tout le monde le sait, les astres ont des yeux partout – mais il n’y avait rien à voir, en dehors des paillettes jetées çà et là sur le velours noir de la nuit.
Il prit conscience qu’il s’ennuyait terriblement.
D’abord, pour se distraire, il compta les comètes. Il les voyait venir de loin, avec leurs longues chevelures blondes. Elles s’annonçaient, brillantes, tout au fond de l’obscurité. Soleil les regardait grandir, fusant sur fond de Voie Lactée, leurs traînes d’or joliment déployées derrière elles. Une fois à portée de voix, il leur criait « Bonjour, bonjour ! », tout heureux d’avoir de la compagnie. Mais les comètes étaient fort vaniteuses et elles ne répondaient même pas. Soleil les suivait tristement du regard tandis qu’elles poursuivaient leur route vers tant de merveilles qu’il ne verrait jamais.
Déçu par les voyageuses sidérales, Soleil s’essaya au chant. Il fit des vocalises pour chauffer sa voix. Il inventa de belles paroles, et donna le plus magnifique récital de mémoire d’infini. Mais lorsque se tut la toute dernière note, aucun applaudissement, aucun « Bravo ! » ne s’éleva pour saluer sa performance. C’était pourtant tellement beau ! Lui-même avait versé une larme en s’écoutant. Oui mais voilà, sans public, point de « Hourra ! ». Il renonça aussi à la musique.
Son ennui devint tel qu’il perdit de l’éclat. D’étoile blanche, il devint naine rouge…
Un petit sursaut d’orgueil l’encouragea à chercher encore de quoi se changer les idées. « Peut-être y a-t-il quelque chose à faire de ces huit boules inertes qui tournent autour de moi ? » se demanda-t-il. Un astéroïde de passage lui avait un jour raconté que la vie était née sur d’autres de ces sphères, pour peu qu’elles aient été baignées de la juste dose de chaleur. Il poussa donc un peu sur ses rayons, observant si l’une des planètes – c’était le nom des boules – deviendrait le théâtre de quelques distractions.
Or, justement, la troisième donna des signes de changement. Son écorce se partagea en deux milieux distincts : continents et océans, les baptisa Soleil. De petits poils verts poussèrent à sa surface. Arbres, décréta le spectateur. Un souffle irisa l’eau et fit bruisser les feuilles. Il fut nommé vent.
Pendant un temps, Soleil fut satisfait. Tout changement donne à réfléchir et à rêver. Mais lorsqu’on s’habitue, l’ennui revient.
Et il revint.
Encouragé par les résultats précédents, Soleil caressa encore un peu plus le globe du bout de ses bras de lumière.
Ce qui se produisit alors était bien au-delà des espérances de l’astre ! Des milliers, des millions, et même des milliards de cailloux prirent vie. Ils eurent des pattes, des ailes, des poils ou des écailles. Ils se mirent en mouvement sur terre ou bien dans l’eau.
Ils étaient fascinants. Soleil les regardait apprendre, se tromper, recommencer… Une des espèces, dressée sur ses deux pattes arrière, lui plut tout particulièrement. On aurait dit qu’elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour que plus jamais Soleil ne s’ennuie, tant ses inventions étaient nombreuses et ses voyages interminables. Voici les animaux, décida Soleil, ravi.
Pourtant une dernière surprise l’attendait. Quand tous les animaux apparurent, marchant, nageant, effleurant la planète, celle-ci frémit, trembla, bailla pour chasser le sommeil, et fit entendre un grognement qui se transforma en fou rire. « Ça chatouille ! criait-elle en hoquetant. Ça fait des guilis ! » Elle se tortillait tellement que des plis se formèrent sur sa surface, définitivement. « Ce seront les montagnes » dit Soleil, en regardant s’ouvrir les grands yeux de la sphère.
Depuis ce jour, plus jamais Soleil ne s’est ennuyé. Sa compagne la Terre – c’est ainsi qu’il l’a appelée – est toujours là, à portée de voix. Et l’un comme l’autre, ils ne se lassent jamais de regarder les animaux gravir et descendre les montagnes.
C'est un texte très agréable à lire, mais aussi très original.
J'aime particulièrement le moment où est décrite l'apparition de la vie à la surface de la Terre, car ça montre l'âge du Soleil, qui, lui, voit tout passer bien plus vite...
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
Ah lala, un soleil sans divertissement est un astre plein de misère ~ Blague à part, très jolie petite légende contée avec beaucoup de douceur, mais aussi de poésie et d'humour. Les chatouillis et les guilis à la fin, c'est vraiment trop mignon. J'ai beaucoup aimé <3
Ceci dit, j'ai pas mal de textes courts sur ma page parce que les thèmes imposés des concours ou ateliers d'écriture m'inspirent toujours pas mal. Je participe donc le plus souvent possible et j'ai même gagné (sur PA ou ailleurs) une ou deux fois (avec Le vent de Foehn ou Le grand jardinier, par exemple). Ca fait des récréations très sympas quand on est au milieu de l'écriture d'un roman ou même d'une saga !
Est-ce que tu écris aussi des textes courts ?
Merci beaucoup pour ta visite et tes commentaires, en tout cas.
Ahah décidément j'ai donc déterré deux vieux textes de toi xD Très bien quand même cela dit ! *part ranger sa pelle et épousseter ses manches* Je crois que c'est la couverture et le résumé qui m'ont attirée sur celui-là, mais je passerai donc volontiers découvrir des choses plus récentes de ta plume =D
Alors pour ma part, oui il m'arrive d'écrire des nouvelles et de la poésie, même si là actuellement il n'y a rien de tout cela sur PA - j'y publie pour l'instant le fiction historique / romance H-H que je co-écris avec une amie autour d'un sorcier au XVIIe (autre ambiance xD). Mais peut-être qu'un jour je me déciderai à sortir les poèmes et histoires courtes
Oh ce fut avec plaisir ! Je repasserai sur d'autres de tes textes, ta plume m'a beaucoup plu =D
J'ai beaucoup aimé le style que tu as utilisé et j'ai trouvé le texte très agréable à lire même si j'ai été un peu moins emportée que par les autres textes que j'ai pu lire de toi. Mais ce n'est qu'un question de goût ;)
Encore une fois, merci pour ta lecture et ton retour si boostant !
Cette nouvelle est très différente du concourt d'écriture mais tout aussi bien écrit et autre point commun ; les montagnes arrivent aussi tardivement que la révélation de ta nouvelle précédente. Mais je ne crois pas que ce soit l'effet recherché … ;-)
Toutefois il reste un point d'ombre qui me chiffonne : le soleil s'est-il rapproché de la terre ou bien a-t-il agrandi la longueur de son rayon ?
Mais comme tu l'as surement remarqué, ce "point d'ombre" est minime.
Oui, ce sont les rayons qui vont jusqu'à la Terre, dans ma tête. Mais après tout, c'est un conte : on peut interpréter comme on veut ;)
Merci pour ta lecture et ton gentil commentaire !
Etant donné que je suis à la fois un peu une mamie dans ma tête, mais surtout une enfant, que J'ADOOOORE les petites histoires fort chouettes et la poésie, comment aurais-je pu ne pas aimer ce conte ? <br />Vraiment, c'était formidablement joli et je me suis beaucoup amusée (j'ai fini ma lecture avec un grand sourire niais :D). ! Contrairement au Soleil, tu bénéficies des mes bravos 8D
Clairement, c'est la meilleure explication qu'on puisse donner à l'apparition des montagnes <3
C'est vrai que je m'étais bien éclaté en l'écrivant, pourtant il est loin d'être parfait : les montagnes arrivent un peu tard ;) C'est pourtant bien la VRAIE explication !
Ravie de t'avoir donné le sourire en tout cas ! C'est vrai que c'est léger et le conte est un genre que j'aime bien. J'en ai écrit un autre qui a remporté un prix (le vent de foehn, qui est aussi sur FPA) mais celui-là donne beaucoup, beaucoup moins le sourire !
Merci pour ta lecture et ton retour ;)
ça me fait penser au semeurs de montagnes de yves garric (une pièce de théâtre pour enfants)
Je ne m'étais jamais essayée à la personnalisation des éléments avant, mais c'est ce qui m'est venu. C'est une des difficultés des ateliers d'écriture : il faut trouver rapidement son sujet. Parfois on a un éclair de génie ou tout au moins une bonne idée, parfois beaucoup moins !
A+
C'est très poétique et ça coule tout seul. Je suis vraiment impressioné que tu aies écrit ce texte en une heure seulement. On a l'impression que ça a été peaufiné ce qui rajoute à mon admiration.
Bravo!
Merci pour tes compliments, en tout cas. J'ai mis d'autres textes écrits en atelier d'écriture sur FPA, et c'est vrai que je fonctionne pas trop mal dans l'urgence et avec un sujet imposé. Mais faut pas croire : d'autres étaient moins satisfaisants, et je ne les ai pas postés :) Et j'avoue que j'ai quand même corrigé les fautes (surtout grâce au commentaire de Fannie qui est notre wonder-correctrice.)
Je ne sais pas si tu as déjà essayé, mais en cas de blocage ou de ras-le-bol dans tes gros projets, c'est parfois sympa de se faire une petite récréation en répondant à un appel à texte (ils sont listés et actualisés sur le forum) ou en essayant d'écrire complètement autre chose.
Merci pour ta lecture et ton commentaire
Quelle charmante interprétation de la genèse de notre système solaire ! C’est beau, c’est poétique, c’est un bijou.<br /> Écrire un tel récit en une heure est une performance. Les quelques coquilles confirment juste que tu n’es pas surhumaine… ;-)
Coquilles et remarques :
Comment les montagnes ont poussé sur la Terre ? [J’enlèverais le point d’interrogation ou je mettrais « ont-elles ».]
sur le velour noir [velours]
Mais les comètes étaient fort vaniteuses, et elles ne répondaient même pas [Exemple de virgule avant « et » que tu pourrais enlever : les deux verbes sont conjugués au même temps et ont le même sujet (je veux dire que « elles » est mis pour « les comètes ».]
Il inventa de belles paroles, et donna le plus magnifique récital [Là, j’imagine qu’il y a une pause ; donc la virgule avant « et » peut se justifier.]
ses huit boules inertes qui tournent autour de moi [ces]
l’une des planètes – c’était le nom des boules – deviendraient [deviendrait]
et fit bruissait les feuilles [bruisser]
Et l’un et l’autre ne se lassent jamais [Cette tournure m’a fait tiquer : je trouve étrange l’association de la conjonction « et » et de la négation. J’écrirais plutôt quelque chose comme : « Et, l’un comme l’autre, ils ne se lassent jamais »]
De mon côté, je trouve qu'il y a un petit problème de cohérence entre la question posée et l'histoire : car finalement, les montagnes y sont assez accessoires. Mais bon, le principal, c'est que ça soit distrayant...
Quant à mes coquilles... grrr ! Ca m'énerve : j'en laisse partout en ce moment ! J'ai honte ! Merci pour tes corrections (j'ai déjà appliqué au texte d'ailleurs).
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
Dis-moi, je peux me tromper, mais dans tes phrases, il y a quelques fois des rimes au sein même de la phrase.
Est-ce une lubie ou bien le fais-tu exprès?
Continue! Continue!
Il faudrait que je me relise pour trouver les rimes en question, mais en tout cas, s'il y en a, elles sont fortuites ! Ceci dit, j'aime bien essayer de donner une espèce de musicalité à mes phrases quand j'écris, alors peut-être que parfois, ça se traduit par des rimes, va savoir...
Pour le "Continue! Continue!", tu me fais rougir mais après tout, il faudrait peut-être que j'insiste un peu sur l'écriture de contes, apparemment, ça me réussit. J'ai gagné un concours avec Le vent de Foehn qui est aussi sur FPA (mais qui n'est pas du tout pour enfants).
Merci pour ta lecture et ton commentaire !