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Touai
J'te mot-dit vil monstre des marais ! Pourquoi ? Pourquoi ! Qu'est-ce que cette mot-dite rat-mât-si de pou-riz-ture de mer-deux a-t-elle de plus que moai ? J'suis pourtant jolie ! Mon corps est parfait pour accueillir ton veau-rien de futur bâtard ! T'avais dit que tu quitterais ta couronne pour mouai ! Que t'm'aiderais à sortir le fumier…
Mais tu préfères te veau-trait dedans en compagnie de cette salle-été de princesse aux jambes trop écartées. En plus elle est moche, elle sent mauvais le printemps et ses cheveux sont gras. Oui, j'sais car je vous ai vus tous les deux ! J'vous ai vus vous embrasser alors que tu battais des ailes comme mon bon vieux coq ! T'aimais ça ? T'as aimé ça ? Eh bien, tu peux continuer !
C'est fini ! Terminé ! J'veux plus te voir prince de mer-deux ! Va brûler en enfer là où ça-temps t'attend pour te piquer avec sa faux ! Meurs, meurs, meurs meurs ! Tu m'as trahie ! Plus jamais j'aimerai un homme. Plus jamais, j'me roulerai dans la paille à tes côtés.
Plus Jamais ! MEURS !
Mouai
Ma mie,
Voyons, ce n'est pas ce que tu crois ! Bien sûr que je veux te marier et bien sûr que le purin, si c'est à tes côtés, m'enchante à récurer ! Dis-moi que tu n'es pas sérieuse. Si tu savais quelle pression je subis ! C'est cette princesse ! Cette vile princesse ! Figure-toi que j'ai rencontré une de ses connaissances il y a peu, et...
Oh mon amour, je ne sais comment t'en faire part. Te connaissant tu as dû te ronger les sangs en voyant que le temps passait sans réponse, n'est-ce pas ? Il est arrivé quelque chose de terrible. Sûrement auras-tu du mal à déchiffrer ce que mes braves pattes essayent désespérément de t'écrire : l'alliée de cette tricheuse de princesse est une marraine fée ! Celle-là même qui officie à la cour de mon voisin de royaume, oui ! Et elle n'a pas trouvé plus amusant que de me changer en batracien pour me punir de mes écarts. Si tu savais comme je suis malheureux. Je n'ose en parler à personne.
Je t'en supplie, ne sois pas fâchée. Ne le sois plus. Je t'aime, bien entendu que tu es et sera toujours la plus belle. Je suis tombé dans un piège, tu me crois ? Tu me manques atrocement.
Réponds-moi. Glisse la lettre sous une pierre, où tu sais. Mais pas trop lourde... Je ne pourrai peut-être pas la soulever.
Ton adoré
Mon pain,
C'est décidé ! J'vais t'venger. J'vais la tas-bas-sait cette salle-thé de mare-reine la bonne fée de mes fesses ! J'la découperai à la hache en plusieurs mort-seaux que j'ferai bouillir pour les donner aux cochons ! Ou aux rats ! Oh oui les rats seau-ronds la dévorer toutes crues ! Elle le mais-rite ! On ne touche pas à mon prince à moai !
Mais… J'suis bête… Mais qu'est-ce qu'un bas-trace… un bas-trace-chien ? C'est atroce ? C'est moche ? T'as des pattes ? Ou des sabots ? Une tête de cochon ? De vache ? Ou de bas ? Mon prince, rassure moai ! Même si j't'en ai voulu, j't'aime trop ! Peu importe ton visage, j't'aime comme une vache aime un taureau, qu'une poule court après son coq et qu'un mouton se colle à sa chèvre !
J'veux te revoir ! J'veux des nouvelles ! J'vais courir te porter cette lettre ! J'la mets sous une petite pierre. Tu pourras la soulever ! Crains rien ! J't'aime toujours ! Bas-trace-chien ou prince ou pauvre ! J'n'aime que toai !
Mouai
Ma mie,
Comme me voilà rassuré ! Tu as toujours été si bonne avec moi, je ne te mérite pas. Ce retour me comble tant, tu ne saurais l'imaginer ! J'ai prié si fort. Je suis perdu, sans toi, tu le sais.
Cependant ma chérie, attention, j'admire cette force qui te distingue et ce caractère de feu qui fait vibrer nos escapades pendant que les chiens chassent à courre sans moi, mais ne vas pas te frotter à cette affreuse bonne femme. Reste loin de son regard, surtout. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive malheur, et à vrai dire elle m'a déjà parlé d'une solution à notre problème ! N'est-ce pas merveilleux ? Il suffirait d'un tout petit baiser. Un ridicule bisou échangé avec une princesse. Oh ! Je SAIS ce que tu dois te dire mais je n'y peux rien pour la coïncidence ! Ce complot n'en finira jamais ! Néanmoins, ne serait-ce pas plus sûr que de découper une magicienne ?
Ne m'en veux pas mais... Il faudrait que tu m'aides à organiser un rendez-vous avec une héritière. Celle que tu voudras ? Je t'aime, je te revaudrai ça !
Ps : Je suis une grenouille, amour. Une grenouille. Et j'ai tellement honte de ce goitre qui gonfle et des moustiques que j'y engouffre sans me contrôler ! Tiens-tu absolument à me rencontrer sous cette forme diminuée ?
Ton aimé
Mon pain,
Une grenouille ? Que c'est eau-riz-blé ! Mon pauvre prince… mon pauvre amour...
Sais-tu que j'sais faire de dix-vin-euh cuisses de grenouille ? Le père, il adore ça. La mère aussi. Tu veux que j'te montre ? J'peux, si tu veux…
Ou si t'vas bécoter une princesse ! Tu le feras pas ! Non, non et non ! Si tu le fais, j'veux plus jamais te revoir ! Sinon, j'te prépare en civet ! J'te cuis, j'te mange et tu seras à mouai ! Rien qu'à mouai !
Et j'suis pas un feu ! Et c'est quoi cas-rat-terre ? Tu m'insultes ? Non tu ne ferais pas ça en plus de bécoter une autre ? Tu ne le ferais pas ! J'te l'un-terre-dit ! Jamais !
M'en vais tuer la mare-reine la bonne fée ! J'vais te régler le problème à ma façon ! Tu vas voir, j'vais te la découper bien vite… et le rats seront heureux !
Ne fais rien ! J'vais te seau-vais ! Fais mouai confiance !
Sois sage ! Bécote pas ! Je reviens vite !
Mouai
Ma chérie,
Enfin, ne soyons pas aussi extrêmes ! Tu ne le pensais pas lorsque tu parlais de me manger ? Voyons, amour, il s'agirait d'un petit baiser de rien du tout ! Et je te reviendrai entier, beau comme jamais – et surtout assez grand pour ne pas rentrer dans une marmite. Je me sens si vulnérable depuis que j'ai vue sur les semelles des pêcheurs et des paysans de passage, il ne me manquait plus que des menaces de mort ! J'ai tout perdu : mon royaume, ma famille, mes dents si parfaites, et s'il fallait également que je te dise adieu parce que tu comptes te frotter à une fée sans scrupule, je ne saurai y survivre.
Je pars. Je le fais pour nous. Pour nous ! Je te promets que ce sera la dernière fois !
Si je me fais écraser par les roues d'une chariote sans atteindre mon but, il faut que tu saches que je brûlerais éternellement pour toi, au paradis des rois. Mais ne me parle plus de civet, pitié.
Je te reviendrai vite.
Ton dévoué
Ma mie,
J'ai failli.
L'épuisement me gagne et toujours aucune nouvelle de toi. Tu as décidé de me rayer définitivement de ta vie, c'est ça ? Réponds-moi. Ne me laisse pas ainsi. Pas de princesse à l'horizon et pas de rédemption non plus. Ma dernière chance est de retrouver cette folle de marraine et sa protégée. Elle est de sang royal, après tout. Dans son sommeil, je pourrais peut-être lui voler la clef de ma libération.
Ne m'aimes-tu plus ? Où es-tu ? … Puis-je revenir ?
Ton pain
Mon pain,
Je suis désolée. J'ai failli aussi…
Oublier était trop dur. Alors j'ai vu mare-reine la bonne fée. Ma hache était prête. Un peu lourde. J'y suis allée, je lui ai dit de te libérer.
Elle a ri. Sa baguette s'est levée. J'ai levé ma hache… Et je l'ai lâchée. Maintenant… Euh, je n'ose pas te le dire. Tu m'aimeras toujours ? Comme moi, je t'aime ? Comme un taureau aime sa vache ? Promis ?
Je suis une mouche. Une mouche. Un plume est dure à tenir… alors j'ai demandé l'aide d'un frelon. Des fois, il veut corriger des trucs, je ne vois pas pourquoi. Il paraît qu'il est savant, mais je n'y crois pas !
Mais toi je te crois. Marraine la bonne fée voulait te voir épouser sa princesse. Donc tu devais devenir grenouille pour t'y forcer. Donc je devais devenir mouche pour pas gêner…
Et maintenant elle a disparu. Dans un éclat de rire effrayant.
Retrouvons-nous, s'il te plaît. Oublions cette histoire. Vivons d'amour et d'eau fraîche ! S'il te plaît. (Monsieur le frelon, arrêtez de commenter s'il vous plaît ! Ecrivez donc ! Bref, reprenons.)
Je t'aime mon pain. Réponds vite !
Mouai
Mon aimée,
Si je t'aime toujours ? Ma femme, ma belle, mais qu'es-tu allé faire ! Et pour qui ? Pour ce prince que tu voulais découper tout comme notre ennemie ?
Si tu veux la vérité, la vraie, je crois que je t'aime un peu plus chaque jour que j'ai été transformé. Je suis tellement désolé de lire ce qui t'arrive ! Cette marraine la fée, quelle diablesse ! Tout ça pour un trône ! Pour le mien... C'est encore pire que ce que je croyais. L'épuisement m'a fait retarder mon départ, heureusement ! Quelle bêtise aurais-je fait sans ta lettre coincée sous cette petite coquille.
Ma chérie, comme tu dois être triste, déboussolée ! Est-ce que tu pleures ? Je n'espère pas. Mettons tout ça de côté, oui. Retrouvons-nous. Consolons-nous. Les mouches sont un délice mais, pour toi, je pourrai bien résister ! Je sais que ce corps m'obéit de plus en plus, et mes drôles d'instincts également. Même mes colocataires grenouilles, pourtant très insistantes, ne peuvent plus rien contre ma volonté. (D'ailleurs, dis-moi, qui est ce frelon ?)
Donnons-nous rendez-vous. Sous les saules où nous pouvions facilement nous cacher, fut un temps ? Fut une autre vie. Tout n'est pas fini ma mie, j'ai déjà vu des magiciens défiler à la cour et des sorcières se terrer dans les forêts. Il y aura bien quelqu'un, quelque part, qui saura nous aider.
À très vite, à maintenant !
Ton bat-trace-chien
Mon petit pain,
Je suis si désolée. Nous étions si heureux… J'en pleure encore mon petit pain. Tu as été d'un courage exceptionnalisation (Comment ça, ça ne se dit pas ? Mais je m'en moque monsieur le frelon, écrivez au lieu de m'ennuyer avec votre avis à deux sous !)
Donc, je disais que tu as été courageux mon prince. Tu m'as sauvé de cette vile araignée. Ta langue était plus rapide que l'éclair (Vous êtes sûre que ça dit ? Bon d'accord, admettons monsieur le frelon savant !) Tu étais la plus fine langue de la région ! Sans toi, je serais morte dévorée…
Mais si j'avais su que cela te coûterais la vie ! J'aurais… voulu mourir à ta place. Je hais cette énorme araignée. Je la hais. Je la hais et le frelon t'a vengé. Il l'a piqué partout, puis nous lui avons ouvert l'estomac…
Et tu étais en morceaux... Je me souviens encore de tes petites cuisses… C'était si… Jamais je ne pourrais m'en remettre. Je ne vivais que pour toi, juste pour toi. D'ailleurs, je m'en vais me faire écraser par la queue du cheval !
A tout de suite, mon pain !
Moai
Eh bien, en cherchant un texte humoristique pour le Bingo de cette année 2023, je tombe sur cet ancien texte - qui m'a l'air d'avoir été écrit pour un évènement particulier - peut-être avez-vous un intérêt limité à recevoir un commentaire tardif, mais je souhaite quand même vous partager mon enthousiasme. Très beau détournement de la vieille rengaine du prince-grenouille qui doit se faire embrasser.
J'étais tellement sûr-e que la mouche allait finir dévorée par la grenouille ! Vue que la mie avait menacé de manger les cuisses de la grenouille, j'aurais vu ça comme un juste retour des choses. D'ailleurs, je ne suis pas certain-e d'avoir compris comment meurt la grenouille... Elle donne un coup de langue à l'araignée, qui la déstabilise, mais l'araignée se venge en mangeant la grenouille ?? Quelle horreur ! C'est un véritable carnage à l'échelle microscopique.
Quel amusement, que ce couple improbable. Aider à sortir le fumier semble dans la circonstance une preuve d'amour irréfutable.
Je repère des coquilles, je ne sais pas si vous aurez envie d'y retoucher après tout ce temps, mais bon, à tout hasard :
- « M’en vais tuer la mare-reine la bonne fée […]… le rats seront heureux » → les rats ? Je sais que l’autrice n’est pas amie de l’orthographe, mais là, ça me donne l’impression d’être plutôt une coquille… Je me trompe peut-être.
- « il faut que tu saches que je brûlerais » → brûlerai, non ? Futur simple, plutôt que conditionnel ?
- « Ma femme, ma belle, mais qu’es-tu allé » → allée
- « Si j’avais su que cela te coûterais » → coûterait
Merci donc pour cette co-écriture. Au plaisir de vous relire sur d'autres textes
Et sinon, j'ai adoré de bout en bout <3 Les jeux de mots sont magnifiquement bien trouvés et les échanges s'enchainent joliment <3
Les pauvres, ils ont quand même pas été gâtés par le sort. Mais bon, finir en grenouille, c'est pas non plus le pire sort qui soit. J'vous assure :P
Défi joliment réussi <3
On le sait pourtant qu'il faut se méfier des fées... Dire que tout aurait pu s'arranger (bon, si la grenouille avait effectivement résisté à l'envier de gober sa dulcinée). Plein d'humour dans cet échange musclé (lol, "ma mie" "mon pain", j'ai adoré).
Je leur souhaite de vivre leur amour éternellement dans l'au-delà, et merci au frelon d'avoir prêté patte forte pour pourfendre l'affreuse araignée !
Un grand bravo à toutes les deux, c'était super ♥
Franchement, entre les jeux de mots dans les lettres de la paysanne, la façon de s'exprimer du prince, toutes les différences ente les deux, le coup de la transformation en mouche, le suicide à la queue de cheval, et les commentaires du frelon... Je n'en pouvais plus xD
le "ma mie" et "mon pain" est juste absolument parfait ♥
Encore bravo!
Tant d'humour sur une histoire aussi tragique, le mélange est beau à voir !
J'espère aussi que la grenouille et la mouche seront heureux dans la mort.
Deux plumes qui se mélangent très bien, qui plus est ! Bravo à vous, Aresya et Beul !! ;)
Vous avez vraiment donné corps à ces deux personnages, on s'attache, et puis... vous les tuez ? Roh. J'ai beaucoup aimé, notamment le ton de la paysanne et ses jeux de mots involontaires, et le style beaucoup plus ampoulé du prince-grenouille.
(Oh, et puis ça devait être une araignée sacrément balèze pour manger une grenouille... brrrr O.o)
Vous êtes terrible toutes les deux. Je ne sais s'il faut rire ou bien pleurer, alors comme Jam je fais les deux.
C'était une bien belle histoire, pleine de tristesse et de beauté.
Elle dit les choses aussi mal qu'il les raconte bien :)
Quelle belle histoire pleine de romantisme :p
Le vocabulaire de la paysanne... Corrigé par le frelon xD
La transformation en crapaud, puis en mouche... C'est déboussolant. Et cette fin, c'est triste quand même...
Nan, c'est juste tellement délirant ! xD
Qu'est-ce que ça peut être triiiiiste comme fin, je m'y attendais pas ! Enfin, pour une fois que les contes de fée finissent d'une façon plus réaliste ^^
J'ai beaucoup aimé, vous vous être super bien accordées pour nous livrer un texte vivant et rempli d'humour : bravo ! <3
Non plus sérieusement, ce texte est une petite pépite à l'état pur. Entre les jeux de mots, le style, les indignations de la paysanne, les péripéties et l'amour sincère qui les lie tous les deux... Il y a une vraie originalité (où allez-vous chercher tout ça ?!) qui en fait un texte unique en son genre et qui justement marque durablement (pas prête de l'oublier, ça non !). J'ai navigué tout le long entre un sourire béat et des éclats de rire :)
Pour moi c'est une très belle réussite <3 bravo les filles !
J'ai autant adoré ce prince patient et malchanceux (qui s'habitue à sa condition de batracien) que cette paysanne qui envoie du pâté xD Leur histoire a tout du conte de fée qui berce l'enfance (sisi) et je me remet pas de cette fin. C'est triste mais, en même temps, tellement drôle !
On ne saura jamais si une mouche et une grenouille peuvent s'aimer des années durant sans que l'une ne mange la seconde, alors 8D
C'était génial les filles ! Bravo !!
Franchement, chapeau bas les filles. Vous êtes très fortes. C'est superbe!
Bravo à vous deux =)
Non, vraiment, j'ai adoré votre délire, et l'entente de vos plumes.
Super bravo !
Une histoire d'amour entre une grenouille et une mouche. Etrange mais pourquoi pas.
L'araignée doit être énorme (j'en ai des frissons).
J'aurais bien vu la mouche épouser le frelon, quand même. En tout cas, c'est bien trouvé.
Nascana
En tout cas, bravo pour cette collaboration délirante !