Un sursaut plus violent que les autres me réveille. On dit que j'ai le sommeil agité. Parfois mon camarade de trou de souris se prend un de mes talons puis me tire des songes par un coup de poing agacé. Ça leur tape sur le système, à tous. Ceux qui ont partagé une planque avec moi ont fait ma réputation dans la section.
C'est parce que j'ai les nerfs en miettes que mon corps s'échauffe et s'anime quand j'ai les yeux fermés. Y'en qu'un qui l'a compris et qui arrive à le supporter. « Tu fais chier ! » d'ailleurs, qu'il me gueule.
Je crois qu'il a eu peur plus qu'il n'a eu mal. Il serre ses bras contre lui pour pas que le froid pénètre son uniforme. La moitié des gars ne sentent plus leurs pieds depuis longtemps. En ce qui concerne nos mains, c'est un combat constant pour ne pas en perdre l'usage. On les planque où on peut. Nos poches, nos fesses ou nos chaussettes quand on à la chance d'en avoir emporté deux paires. On évite de toucher les fusils que le gel fait fusionner avec les doigts et on résiste mal à l'idée d'allumer un feu.
— Ça va, là-dedans ?
Un sergent vient de passer la tête sous un pan de la toile tendue au dessus de notre trou. Il nous observe chacun notre tour pendant que je reprends mollement conscience. Peut-être que je délire mais j'ai toujours l'impression qu'il me regarde d'un air désolé.
Finalement, puisque personne ne répond, il tape le sol avec sa main avant de repartir dans un bond. Le souvenir du sergent ressemble à un mirage, mais le froid horrible qui s'est enfilé dans le trou, par contre, n'est pas une hallucination.
Je jure, me ratatine ; et l'autre me fixe comme si les morsures du gel pouvaient venger les coups que je lui donne quand mes paupières tombent. Je me sens soudain oppressé dans la pénombre, collé à un con qui aimerait bien m'avoir un peu moins sur son dos. Je rampe à l'extérieur et attend de m'habituer à la luminosité. Le soir arrive sur la forêt où notre compagnie tient position. La neige recouvre la terre éventrée par les obus et les arbres mutilés par les explosions. Mais le sang, pas complètement.
J'ai rejoint depuis quelques temps trois types qui jouent aux dominos avec des écorces quand un chuintement perce les chuchotis. Une fusée éclairante monte vers le ciel ; sa lueur s'immisce entre les épicéas éclatés. On sait ce qu'il va se passer.
— À couvert !
Mes yeux piquent, les larmes y sont montées trop vite. C'est là que l'adrénaline agit, que les gars tracent jusqu'à leur trou et qu'on se maudit de pas avoir pissé plus tôt. On entend l'obus chuter, mais on ne connaîtra sa cible qu'au moment de le subir. Alors un tronc explose, et puis d'autres suivent. Le cœur s'arrête à chaque impact. Les oreilles sifflent. Les écorces nous sautent à la face et je mange de la terre. Je ne suis pas encore dans mon trou. J’entends crier mon nom.
On m'agrippe par le pantalon. La nuit commence.
Non mais a-ton idée de trauté ses personnages ainsi...en fait oui ^^
Bravo Beul pour une nouvelle plongée dans tes écrits, elle est plutôt sympathique.
Pourquoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii un texte pareil... c'est une conspiration hein, z'avez décidé de m'aider à me pendre aujourd'hui ou quoi?
Bon comme pour les autres c'est un super texte, mais toujours aussi déprimant ma foi.
* File rejoindre la Grenouille sur son île déserte pleine d'eau de sable et de soleil.
A peluche
Sushi ^^
PS: un ti relevé de coquilles pour la route ^^
souri >> pour l'animal on met un S ma Beulette ^^
Bon >> bond
impacte >> impact
C'est quand même un sujet assez fascinant, cette guerre, et puis les gens concernés devaient envisager ça comme un vraie fin du monde. Et nous on s'amuse à se faire peur avec 2012 et ces niasieries ...
En tout cas je sais pas pourquoi, j'avais imaginé que le personnage était une femme dans son lit chez elle bien tranquille, au début. Rapport aux talons sûrement. Eh ben j'en ai pris un petit coup quand même ^^
Bravo Beul pour ce texte très "vivant".
Nascana
Voilà des allures de fin du monde qui ne datent pas d'hier. C'est brut, poignant, explosif et super sombre. Tu retraces ici ce que tout le monde voudrait oublier. Et tu as eu raison d'associer cette guerre des tranchées à la fin du monde. Si on devait lister les évènements qui nous font courir à notre perte, celui-là serait champion toutes catégories. Il fallait oser ! Bravo, tu n'as pas eu froid aux yeux. J'ai de la peine pour ton soldat. Les sujets de guerre me font tous cet effet là ç___ç
C'est super bien écrit en attendant. Heureusement que c'est court, sinon je n'aurai peut-être pas tenue jusqu'au bout. Félicitation Beulette ! Je ne te savais pas aussi à l'aise avec ces thèmes !
Enjoy !
Spilou
Je vais arrêter de me poser autant de question x).
Merci beaucoup Spilou ♥ !
C'est Apocalypse Now, Full Metal Jacket et Platoon réunis. J'exagère un chouillat, mais bon, là, on est sous les bombes qui pleuvent et dans des tranchées. Bravo pour l'ambiance, c'est très réussi. On sent très bien la fin du monde, là.
Biz Vef'
Je savais bien que t'étais un auteur sadique bien caché. Te voilà découverte, bwohoho.
En tout cas, brrr, ça m'a donné froid. Et envie de me cacher sous ma couette avec des chansons tristes.
Beau texte, Triton *o*
Je suis sincèrement impressionnée, Beulette (même si ce n'est pas très gai).
Respect.
Merci ! ♥
Ben ça a pas loupé. Chais pas, y'a vraiment un truc dans ton style, dans ta façon de raconter. Tout est tellement facile à imaginer, et donc tellement horrible...
*Retourne à ses mouchoirs*. Vile Beulette. Vile. Vile.
Merci pour ta participation ! =')
Merci à toi tu veux dire xD. Moi ça m'a fait plaisir de taper un petit quelque chose en commun avec d'autres membres de PA !<br />Zoubilove. (h) ♥