Coupée du monde

Par Poison
Notes de l’auteur : Cette nouvelle est coupée en trois parties qui se suivent, voici la première :

Les bois sont emplis d’une chaleur douce, d’un silence feutré, brisé de temps à autres par le pépiement des oiseaux et le bruissement des lézards qui filent dans l’herbe à l’approche d’une fillette, une toute petite fille qui sautille de fleur en fleur, cueillant tour à tour pâquerettes, pissenlits et trèfles. Elle sourit à chaque brin d’herbe, chaque cailloux qu’elle croise, heureuse d’avoir pu se soustraire à la surveillance de ses parents qui lui refusaient le droit d’aller dans la forêt. Leur vigilance l’étouffe, alors qu’ici elle se sent libre, accueillie par le regard bienveillant des arbres qui la surplombent. Son ombre se promène sur leur écorce moussue, elle gazouille de ravissement comme un oisillon, zigzaguant dans les flaques de lumière qui filtrent à travers les feuilles des chênes et des hêtres. Elle approche de son endroit préféré, un champ d'anémones dissimulé dans une petite clairière, assez éloignée de l’orée de la forêt pour paraître coupée du monde. Là, elle s’accroupit et observe le champ blanc bourdonnant d’abeilles sauvages. Elle reste un moment à compter les papillons et à s’enivrer de l'odeur réconfortante de la terre.

Bercée par le bal des insectes, elle pose sa tête dans ses mains, les yeux mi-clos, résistant à l’envie de s’endormir au milieu des fleurs. Soudain elle redresse la tête. Elle a cru voir quelque chose dans les fougères qui bordent la clairière. Elle frissonne : et si c’était un sanglier ? Ou pire, un ours ! Ses parents ont beau lui avoir déjà dit qu’il n’y a pas d’ours ici, elle sait que les adultes ont parfois tort… Elle plisse les yeux, se concentre pour s’assurer que l’ours est parti. Elle les écarquille brusquement : l’ombre, là ! Elle l’a revue, mais cette fois elle ressemblait plus à un homme qu’à un ours ; et elle a bien moins peur des gens que des ours. Elle se met à quatre pattes et se glisse dans les herbes sauvages, pour ne pas être vue. L’ombre part, hésite, semble perdue. Elle voudrait savoir qui d’autre vient ici, dans ce lieu hors du monde qu’elle pensait être seule à connaître.

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