La caserne, 1792
Ma très chère sœur,
C’est le cœur lourd que j’ai lu ta dernière lettre. Je n’ose imaginer ta détresse d’alors, ta colère aussi, ta frustration : c’est toi qui as dû fuir les flammes au beau milieu de la nuit, tirer du lit les domestiques, réveiller nos parents — et pour ton courage, tu auras toujours toute ma gratitude —, c’est toi qui, pieds nus, a été contrainte de considérer les ruines du manoir, de cette maison au sein de laquelle nous avions grandi et où nous avions été si heureuses.
Je sais combien tu tiens à nos gens, au domaine, et j’ai conscience de toute l’énergie que tu as déployée au fil des ans : tu as toujours été la digne héritière des terres de notre père, et tu sais combien j’admire ton dévouement, ta persévérance. Je me souviens encore de l’assiduité avec laquelle tu étudiais, derrière le carreau, au milieu des livres et des précepteurs – et moi de jouer au milieu de la cour intérieure, de défier les garçons d’écurie, de m’entraîner au maniement des armes. Nous avons toujours fait ce qui était attendu de nous – et toi davantage encore. Et nous l’avons fait le cœur léger, conscientes que notre devoir nous obligeait.
Aussi n’aie crainte de me parler franchement. Et par pitié, ne me fais pas l’affront de te justifier avec tant de précautions. Ma sœur, tu as toute ma confiance – et bien davantage. N’avons-nous d’ailleurs pas, toi et moi, les mêmes parents, et n’avons-nous pas grandi l’une et l’autre serinée jour et nuit par d’innombrables discours sur l’honneur de notre famille ? Nous en riions, enfants, mais ces paroles ont fait de nous ce que nous sommes. Tu ne serais pas la fille de notre mère si tu t’abaissais à esquiver tes responsabilités, si tu reprochais à d’autres tes propres manquements.
Pour tout te dire, je comprends tes soupçons, et ce ne serait pas un abus de langage que d’avouer que je les partage. Si cet incendie est bien le fruit d’une conspiration, je le découvrirai ; je ferai éclater la vérité au sujet de cette affaire et conduirai moi-même les coupables, que dis-je, les criminels, devant ce nouveau tribunal dont nos concitoyens sont si fiers.
Tu sauras lire, je le sais, la colère qui transparaît derrière mes paroles. Je ne te la cache pas : je suis furieuse, outragée qu’on m’ait pris, non pas un bien, mais qu’on ait subtilisé, et ce sans le moindre remords, les empreintes de notre enfance, les souvenirs de notre famille, leur héritage. Depuis que j’ai appris la nouvelle, je me sens comme déracinée, arrachée à une terre qui m’avait jusque-là portée, où je me sentais chez moi et en sécurité. Il est étrange de se dire que désormais, je n’ai nul endroit où rentrer… Je me console en me répétant qu’au moins ce terrible incendie n’aura fait aucune victime.
Prends soin de nos parents, de tous ceux que nous pouvons encore appeler « les nôtres » ; c’est tout ce qu’il nous reste, et nous devons le chérir. Quant à moi, je nous défendrai sur d’autres fronts. J’ai voué mon épée au peuple, il y a cinq années de cela, et je ne trahirai pas mes vœux, mais l’esprit de ma lame n’est pas encore éteint, et il va à ma famille.
En espérant bientôt te revoir,
Avec toute mon affection.
Ta sœur, Josèphe
Petite suggestion : la colère de Josèphe, qui affleure dans certaines tournures, pourrait peut-être gagner en ambiguïté par moments - glisser des failles dans la rhétorique de l'honneur, faire sentir à quel point cette loyauté coûte, ou vacille.
Mais déjà, c'est un très beau début, fort, élégant, intriguant. Bravo !
Je te remercie pour ta lecture et ton retour !
Je note ta suggestion pour la réécriture ! Ce serait intéressant, en effet, et donnerait soudain beaucoup plus de corps au personnage. En tout cas, tous tes compliments me touchent beaucoup. Je reviens après une petit pause avec l'écriture de ce projet ; un commentaire comme celui-ci me motive tout particulièrement !
A bientôt, peut-être !
je suis contente de retrouver ta plume si précise et agréable.
Voici un nouveau projet bien différent du précédent !
J'ai beaucoup aimé ce premier chapitre qui pose l'air de rien tous les éléments nécessaire à une introduction de l'intrigue, ouah, bravo pour cette maîtrise.
Je suis curieuse de cet univers dans lequel les femmes ont le droit de porter l'épée : )
Je pars lire la suite pour en savoir plus !
C'est également un plaisir de te recroiser sur cette histoire. Un grand merci pour ce retour si positif. C'est toujours encourageant, surtout lorsqu'on est toujours en train d'écrire le premier jet.
J'espère que la suite te plaira également !
J'aime beaucoup le format de ce premier chapitre. C'est original et bien écrit. Le langage soutenu change également de ce qu'on peut lire et donne une certaine emprunte particulière au personnage, à l'histoire. La possibilité d'un complot concernant une maison familiale brûlée suscite l'attention du lecteur et lui donne envie de lire. En tout cas, la suite m'intrigue !
Après une petite pause vacances, c'est un plaisir de revenir et de voir tes petits messages ! Merci, d'avoir pris le temps de découvrir cette histoire et de me laisser des retours ! Je suis curieux de voir ce que tu en as pensé ; je file les lire !
En tout cas, ravi que ce début t'intrigue ! J'espère que le système narratif continuera à te plaire dans la suite !
Ce premier chapitre pose une situation très intéressante, avec la perte d’une maison familiale, l’esquisse de deux sœurs aux caractères différents qui sont attachées l’une à l’autre. C’est mystérieux, car on ignore les circonstances de l’affaire, mais cela s’appuie sur des émotions humaines identifiables et l’empathie nous attache déjà un peu aux personnages.
L’idée d’une lettre pour commencer, une lettre qui ne s’adresse pas directement aux lecteurs, est originale (il me semble) et c’est joliment écrit. Bravo pour ce début, il m’inspire et me donne envie de lire la suite !
J’ajoute que j’aime beaucoup le choix du titre, autant du roman que du chapitre. Pour le coup, ce dernier nous fait craindre que les personnages évoqués par la lettre ne soient plus…
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire ce début d'histoire ! J'ai toujours trouvé ça difficile, d'écrire des débuts. Il faut doser les informations, attraper l'attention du lecteur... Et je ne sais jamais si j'y arrive ou non. Les retours sont donc d'autant plus précieux (et motivant !). Merci, donc, de m'en avoir fait un !
J'espère que la suite sera à la hauteur... Et qui sait, peut-être à bientôt !
J'ai cru comprendre que chaque chapitre est un courrier. Hâte de voir comment ça s'organise, s'il y a un fil conducteur etc.
Donc suite au prochain épisode !
Un grand merci, déjà, d'être passé par ici. Je suis ravi d'apprendre que cette histoire t'a accroché. J'espère que la suite sera à la hauteur de tes attentes...
Tous les chapitres ne sont pas des courriers ; il y aura aussi, mais tu as du le remarquer, des extraits de journaux. Mais effectivement, on aura toujours un récit avec des narrateurs première personne, et donc une alternance entre différents points de vue et temporalité. Je fais de mon mieux pour que tout soit bien construit.
A bientôt !
Je trouve original de commencer ce projet par une lettre. On apprend beaucoup de choses sur les deux personnages, dans le contenu, mais aussi dans le style de langage qu'adopte Josèphe, très soutenu. Elle emploie aussi de belles images, comme ces "empreintes de souvenirs" qui me plaisent beaucoup.
En tout cas je suis contente d'entamer un de tes nouveaux romans, hâte de lire la suite !
- N’avons d’ailleurs pas, toi et moi, les mêmes parents, et n’avons-nous pas grandi l’une et l’autre serinée jour et nuit par d’innombrables discours sur l’honneur de notre famille ? => il manque un "nous" au début de la phrase.
A bientôt,
Claire
Qu'est-ce que ça faisait longtemps ! Je suis touché de te recroiser sur une de mes histoires ! (et ravi d'apprendre que le début semble te plaire).
J'essaie en effet de faire en sorte que mes différents personnages aient un peu leur propre façon d'écrire. Ce n'est pas facile car ils sont assez nombreux... Mais je fais au mieux !
Merci pour la coquille ! Je corrige ça tout de suite !
A bientôt !
Oz
Je n'ai remarqué qu'une erreur/faute de français: "Nous avons toujours fait ce qu'il était attendu"=> "ce qui était attendu" (n'y vois pas de la pédanterie de ma part; personnellement j'apprécie qu'on me fasse remarquer les coquilles dans mes textes; c'est très difficile de les repérer quand on a lu et corrigé déjà dix fois ^^")
Et merci aussi pour la correction. Aucune pédanterie perçue, au contraire ! Comme tu le dis, c’est toujours compliqué de repérer ses propres coquilles. D'autant que j'en suis encore au premier jet. Je vais corriger ça tout de suite !
A bientôt, qui sait !