Les couloirs semblaient ne jamais finir, interminables. Ils semblaient se rallonger, se décupler, grandir, avec pour seul but de la perdre. Ils avaient fini par réussir. Elle était perdue.
Des sueurs froides lui glissaient le long de la nuque, du dos, pour finalement venir s’écraser par grosses gouttes sur le sol gris. Elle avait froid. Elle avait chaud. Mais elle continuait de marcher. Elle le devait.
La respiration sifflante, le pas chancelant dû à sa vue brouillée, elle avançait toujours dans ce dédale qui semblait la narguer. Elle avait peur. Peur de s’arrêter pour ne plus repartir, mais aussi peur de Lui.
Il l’observait. Il observait tout le monde, tout le temps, depuis toujours. Et Il avançait, inexorablement, imperturbable, ni trop vite, ni trop lentement. Il finirait sûrement par la rattraper. Il était bien la seule chose incontrôlable par les Hommes. Il échappait à tous, et progressait à travers les siècles, sans prendre une ride, car c’est Lui qui crée et dirige les siècles.
Elle avait peur. Elle était terrifiée même. Elle avait l’impression que son cœur allait imploser dans sa poitrine à tout moment. Ce qui lui permettait de continuer ? L’adrénaline. L’adrénaline courrait dans ses veines, accompagnée par le stress.
Elle fit l’erreur de tourner la tête, pour regarder derrière elle, sentant encore Ses yeux brûlants dans son dos, à travers le tissu de ses vêtements. Elle hoqueta, avant de rediriger son regard droit devant elle. Il lui avait sembler voir Ses prunelles opalescentes, que personne ne distinguait, et qu’elle seule pouvait croiser. Il lui avait sembler apercevoir Son sourire dément, cruel, invisible à la vue de tous, sauf à la sienne. Un sourire qui vous glace le sang et qui vous fait comprendre que cette heure sera la dernière.
A présent, elle tremblait. Elle marchait toujours, mais elle ralentissait. Ses mains se tordaient sur son tailleur sombre, et sa peau blanchissait à vue d’œil.
Soudain, elle s’arrêta, la respiration déjà difficile coupée. Une main glacée, invisible, refermait ses longs doigts gelés sur sa gorge blanche.
Elle n’avait pas la force de se débattre. On ne se débat pas contre Lui. Haletante, elle sentit ses jambes se dérober sous elle, et s’écroula sur la pierre dure, emportant avec elle la vision du visage fou.
Le Temps ne s’arrête pas pour nous. C’est nous qui courons après le Temps. Mais quoi qu’il arrive, Il finit toujours par nous rattraper.
Un texte digne d'une tragédie grecque où le héros, quoi qu'il fasse, ne peut échapper à son destin, qui est de mourir !
A l'époque de l'immédiateté, de la course au jeunisme et j'en passe, ce personnage qui court droit devant lui pour échapper au temps qui passe (mais qui finit par se faire rattraper quand même) me fait beaucoup de peine, surtout que dans ton histoire, le temps est associé à la Faucheuse.
En tant que lectrice, j'aurais bien aimé que le temps soit cruel au point d'arracher brutalement la jeunesse et la beauté de cette femme pressée pour la laisser au bout du couloir vieille et fatiguée d'avoir tant couru...
En tout cas, un texte bien écrit et qui fait réfléchir. Bravo à toi !
J'ai enfin pris le temps de lire cette petite nouvelle. Rien que le titre m'attirait ! Le côté très haletant d'une course contre la montre que tu rends si bien dans ton écriture !!!
Le personnage qui se déchire avec hargne du temps qui l'a rattrape mais qui ne semble pas aller si vite que ça, certain de la rattraper ! Tu as une sacrée gestion du rythme dans ton écriture, ce qui rend le tout super agréable ! Et c'est pas facile de réussir à donner cette sensation de grand huit au lecteur !
J'ai ADORÉ, je n'ai rien à redire 😁
Donc merci à toi ❤️
Je suis heureuse que ça t'ai plu, vraiment !
Tu as pris le temps, ou bien c'est le temps qui t'as laissé prendre une pause ?
Merci à toi, d'avoir jeté un coup d'œil à cette nouvelle !
A bientôt j'espère ! :D
Je suis d'accord avec toi, c'est fascinant le temps qui court devant nous, derrière nous qui nous rattrape et que nous n'attrapons jamais. ce que j'aime aussi c'est la notion d'accélération qui apparait dans la course contre la montre. C'est une course mais en réalité c'est un combat. On le voit bien dans ton personnage traqué, son corps réagit à la pire des angoisses qui lui ait été donné de vivre.
Personnaliser le temps à la manière d'un big brother qui nous observe jusqu'à la dernière heure, cela a en effet de quoi nous glacer le sang. Cette vision n'est pas très éloignée à mon sens de la mort telle qu'elle était représentée au moyen âge, menaçante et munie d'une faux.
Le fait que ce soit le temps qui nous attrape et nous fasse passer de vie à trépas est une idée intéressante. Bien vu.